La journée n'était pas encore achevée et la seule obsession de Freya c'était de savoir où elle dormirait ce soir. Elle n'avait pas quitté la demeure du Jarl depuis son réveil. Pas parce qu'elle ne le voulait pas, mais parce que le viking l'avait enfermé à l'intérieur et n'était pas revenu depuis. Bien que faible, Freya se sentait plus éveillée et capable de maîtriser ses pensées qui ces dernières heures, divaguaient comme un drakkar sur une mer agitée.
Le cœur lourd, elle fixait la porte en se demandant sans cesse quand celle-ci allait s'ouvrir sur lui.
Condamnée, elle se sentait néanmoins plus en sécurité ici qu'à l'extérieur. Elle ressentait l'hostilité portée à son égard et même venant des esclaves déjà présentes sur ces terres étrangement calmes.
Freya se leva du lit et décida de le refaire afin qu'il soit présentable. La simple pensée d'avoir dormi dans le lit de son maître la déstabilisa.
Elle ferma les yeux en exhalant un soupir tremblant tout en se rappelant avec soulagement que Arkin et sa femme étaient encore en vie. Cependant elle se trouvait loin d'eux et sur les terres ennemies. Le ventre noué elle essayait toujours de comprendre les raisons qui poussaient le Jarl à la garder prisonnière. Cette question hantait son esprit et elle cherchait à mettre un sens sur cet avenir qui l'attendait. C'est avec le cœur lourd qu'elle alla jusqu'à la pièce aménagée pour le soupé et prit un couteau posé sur le tabouret pour s'occuper du dîner. Après tout son rôle ne consistait pas à le servir ?
Alors c'est avec une main tremblante qu'elle commença à éplucher les carottes sauvages et quelques navets. Elle les plongea dans l'eau bouillante et resta devant la préparation, une larme solitaire roulant sur sa joue encore froide.
La porte se déverrouilla et au lieu de sursauter, Freya resta ancrée dans le sol, paralysée et terrifiée à l'idée de l'affronter une nouvelle fois.
Ses bottes de guerrier rendaient ses pas effrayants et lourds.
Freya ferma les yeux et priant intérieurement.
- Je t'avais ordonné de te reposer.
Sa voix au timbre rocailleux lui glaça le sang, mais elle décida de ne pas fléchir maintenant.
- Je me sens mieux, lui dit-elle d'une voix mal assurée.
- C'est à moi d'en juger, dit-il en s'approchant.
Freya se figea, crispée, les mains agrippées sur la cuillère en bois.
- Je dois commencer mes tâches, c'est mon...devoir, fit-elle valoir en espérant que ce soit suffisant pour le faire reculer.
- Ton devoir c'est d'obéir à mes ordres, répliqua le viking en agrippant son poignet pour la forcer à se retourner.
Elle lâcha la cuillère pour lui faire face sans jamais lever les yeux dans les siens. Le regard rivé sur son torse, elle éprouva le besoin important d'inspirer profondément alors qu'elle se sentait prise au piège par sa carrure.
- Je vous assure que je vais mieux, osa-t-elle dire en fixant son torse qui se soulevait dangereusement.
Elle se pinça les lèvres en s'accrochant à une seule pensée.
Il ne l'avait pas laissé mourir, mais elle ignorait les raisons qui l'avait poussé à la garder en vie.
Il serrait son poignet si fort qu'elle craignait qu'il le brise dans sa paume de main, puis soudain il pressa son pouce et son index sur son menton pour incliner sa tête en arrière.
- Je veux que tu me regardes, exigea-t-il de sa voix grave.
Freya s'exécuta et leva son regard dans le sien. Enveloppé de puissance, ses yeux transperçaient les siens comme une flèche menaçante et imprévisible.
- Je t'épargne cette fois-ci, mais ne recommence plus jamais, articula-t-il froidement. Je suis ton maître, ne l'oublie jamais.
- Oui, murmura-t-elle d'une voix à peine perceptible.
La jeune femme toute tremblant pensait qu'il allait la relâcher mais il n'en fit rien. Ses doigts chauds restèrent posés sur son menton et son regard d'acier continua de percer le sien. Malgré la peur, Freya tint bon et affronta son regard parce qu'elle espérait y voir une once de culpabilité ou bien de pitié.
Rien.
Cet homme était aussi froid que la glace, mais Freya essayait en vain de comprendre ce qui avait pu rendre cet homme si vide d'émotions. Arkin lui avait si souvent narré des histoires sur les vikings qu'elle aurait du abandonnée de comprendre son maître et se dire tout simplement qu'il était sanguinaire et sans cœur. Hélas Freya était fait d'amour et de compassion.
Il relâcha son poignet et s'éloigna très lentement comme s'il voulait savourer l'emprise qu'il avait sur elle.
Freya resta immobile tout cherchant à maîtriser les battements de son cœur et le regarda partir derrière la porte qui menait vers le bain.
C'est avec les mains moites qu'elle reprit la cuillère en bois et mélangea les légumes bientôt cuits.
Tout en gardant une oreille tendue, elle resta près du feu et l'alimenta plusieurs fois. Un moment plus tard le viking apparut changé et les cheveux mouillés. Freya osa à peine respirer quand il passa à ses côtés en essuyant son visage.
- Avez-vous faim ? Demanda-t-elle si bas qu'elle craignait qu'il ne l'ait pas entendu.
- Oui, répondit-il sur un ton bourru.
Freya attrapa un bol propre et y déposa la viande et les légumes. Elle savait préparer le soupé, mais elle ignorait si cela plairait au Jarl.
Elle s'approcha avec hésitation et déposa le bol sur la grande table.
- Tu dois manger toi aussi, lança-t-il sur le même ton en s'installant à la table.
Harak suivit des yeux la fille et attendit qu'elle se serve un bol pour goûter au sien. Timidement son esclave s'installa sur le sol, plus précisément près de lui et il fut secrètement étonné qu'elle connaisse si bien comment se comporte une esclave.
Harak avait énormément de mal à se concentrer et à jouir de cette solitude qu'il aimait tant. Il n'était plus seul dans sa demeure, et bien qu'il aurait pu la renvoyer dans une autre pièce, Harak préférait l'avoir près de lui.
- Quel âge as-tu ? Lui demanda-t-il en scrutant son dos fin et à moitié nu car sa robe ne la tenait presque plus.
- Vingt-et-un ans, murmura-t-elle en glissant timidement un morceau de viande dans sa bouche.
Harak scruta son visage rose, puis fit tomber son regard sur son épaule pâle et qu'il savait douce.
- Le chef du village n'est pas ton père ?
- Non, mon père est mort il y a peu.
- Ta mère ?
- En me mettant au monde.
Quel beau sacrifice, songea Harak en étudiant son visage qui était magnifique.
Parce qu'elle l'était.
Magnifique.
Le nier serait mentir et se mentir à lui-même.
N'avait-elle pas mis les femmes de ses terres ivres de jalousie ?
Harak passa sa jambes de l'autre côté du banc et tendit son bras pour saisir le sien. Il la fit glisser sur le sol pour la rapprocher de lui. Bien sûr elle trembla de peur et le bol se mit à vaciller dans sa main.
Savoir qu'Edmund Calister avait été jusqu'à songer de la pendre pour son refus de l'épouser le rendait d'avantage fier de l'avoir pris et qu'elle soit désormais à lui.
Il inspira profondément en humant cette odeur naturelle qui se propageait partout autour de lui et qui dominait même l'odeur de la nourriture.
Les images d'elle sur la selle de ce cheval en train de l'emporter le hantait à présent car c'est cet instant qui l'avait induit en erreur.
Harak ne savait pas comment s'y prendre avec elle car il n'était pas habitué à garder une femme auprès de lui. Il les avait rejeté les une après les autre et encore maintenant il rejetait Holga parce que à ses yeux elle n'était rien d'autre qu'une tentatrice incapable de lui apporter ce qu'il voulait au plus profond de lui.
Il était cruel, froid et plus encore insensible à la mort quand il l'a donné. Cependant, avec son esclave, il réagissait différemment sans en connaître les raisons.
- Tu dormiras dans ma couche cette nuit, annonça Harak en guettant sa réaction.
Elle cligna des yeux rapidement en glissant faiblement de la nourriture dans sa bouche.
- Une esclave dort sur le sol.
Sa voix tremblante était le signe évident qu'elle craignait son ordre. La jeune femme devait craindre qu'il l'utilise pour assouvir ses pulsions sexuelles, mais Harak ne voulait pas d'elle dans ce sens. Même si tout son être palpitait d'un désir pour elle très diabolique.
- Pas dans ma demeure.
- Pourtant la première nuit j'ai dormi par terre, glissa-t-elle d'une toute petite voix.
- J'en ai décidé autrement, à présent si tu as fini de te sustenter, je te demanderai de changer de robe. Tu en trouveras derrière les tentures.
Elle se leva sans le contredire et disparut derrière les épaisses tentures. Harak se leva en prenant une profonde respiration et décida de rester en retrait même s'il brûlait de la rejoindre ne serait-ce que pour admirer ce qui lui appartenait désormais.
Il ne l'avait pas fait dans la hutte de la guérisseuse alors il ne le ferait pas maintenant.
Il attendit patiemment son retour et darda sur elle un regard qu'il savait noir et ardent. Elle avait attaché ses cheveux sur le côté et portait une robe en coton immaculé dont le corset léger soulignait sa poitrine.
- Allonge-toi, ordonna-t-il en regrettant la voix sévère qu'il venait de prendre.
Il pouvait deviner l'allure de son rythme cardiaque et la peur qui se traduisait déjà dans les lueurs de ses yeux.
Harak aurait voulu la regarder plus longuement mais il sentit une présence derrière la lourde porte et dut s'absenter pour accueillir son visiteur.
- Que veux-tu mon frère ? S'enquit-il en refermant la porte.
- Je ne t'ai pas vu ce soir dans la salle commune. Ce n'est pas dans tes habitudes.
- Je vais bien, je n'ai pas le cœur à m'amuser ce soir.
Cadel essaya de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule.
- Comment se porte la fille ?
- Mieux, dit-il avec humeur. Mon esclave n'est pas un divertissement. Tout le monde semble parler d'elle tout en la méprisant. C'est une étrange façon d'accueillir le cadeau que je me suis fait à moi-même.
- Sans doute parce que tu as maudit toutes les femmes ici ainsi que les esclaves que je t'ai apporté, répondit son frère en levant un sourcil intrigué. Celle-ci semble te plaire.
- En effet, elle me plait, et il me plait surtout de la déchiffrer. Sois sûr que je vais la garder et si tu le veux bien mon frère, j'aimerai reprendre des forces.
- Comme il vous plaira mon seigneur, dit-il en s'inclinant l'air amusé.
Impassible, le Jarl entra dans la demeure et planta son regard en direction de la couche qui se trouvait au fond de la pièce.
Allongée sur le côté, son esclave ne bougeait plus, sans doute pétrifiée du sort qui l'attendait. Harak était si fort et grand que le lit craqua sous le poids de son corps lorsqu'il s'allongea. Instinctivement il chercha son poignet pour enrouler ses doigts abîmés autour de celui-ci et le plaqua sur le lit. Il passa son autre main sous sa nuque et resta ainsi, en étant sûr qu'elle n'allait pas se sauver.
Il la maintenait près de lui, le poignet fermement scellé dans sa grande main. Il tourna la tête dans sa direction et fixa son dos laiteux et visible tout en résistant à la tentation de le toucher.
Au lieu de ça, il resserra sa prise sur son poignet pour lui faire comprendre qu'elle était enchaînée à lui, et à cette pensée, le Jarl éprouva une sensation jusqu'alors méconnue et d'une puissance telle qu'il dut la réprimer au risque d'effrayer à jamais la jeune femme dont il refusait désormais de se séparer...
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