Chapitre 4




À travers la petite fenêtre Freya observait le chemin très sombre qui la séparait de la vie très animée des enfants présents sur ces terres. Elle pouvait distinguer leur rire et cela lui donnait l'impression qu'elle n'était pas dans les mains de barbares. La nuit allait bientôt tomber et pour une raison très obscure elle n'avait plus peur de celle-ci.

Elle n'avait plus peur de la nuit car quelque chose de plus effrayant encore la tenait captive.

En dépit de sa condition inexplicable, Freya se surprit encore à rêver d'être sauvée et rendue à son foyer. Quelque part en elle, tout n'était pas perdu. Seulement dès lors que son maître entrait dans sa demeure, cet espoir disparaissait.

Ce soir-là, il pénétra à l'intérieur, le visage grimé de sang et de suie. Son cœur se mit à battre à toute vitesse tandis qu'elle craignait chacun de ses pas qui progressait vers elle.

Bien que spacieuse, la demeure de son maître donnait l'impression de rétrécir chaque fois qu'il s'y tenait, avec cette grandeur implacable.

Les jambes tremblantes elle détourna le regard avant qu'il découvre qu'elle venait de désobéir et versa de l'eau chaude dans une bassine.

De là où elle se tenait, Freya pouvait entendre sa respiration presque animale venir jusqu'à elle pour la faire frissonner et glacer son échine.

Soudain ses pas se mirent à s'avancer plus lentement et plus précisément dans sa direction. Freya regarda ses mains trembler à mesure qu'il progressait vers elle. Ensuite une ombre se projeta sur le mur et comprit qu'elle serait bientôt confronté à son maître.

D'un geste vif, il agrippa son poignet et elle dut résister pour ne pas s'effondrer en larmes.

- Sers-moi une pinte d'ale, ordonna-t-il d'une voix très grave.

Sans le regarder elle acquiesça et attendit de récupérer son poignet pour s'exécuter.

Son premier geste fut de le masser pour effacer l'empreinte féroce du viking.

Freya attendit qu'il se soit installer dans son fauteuil pour lui ramener un gobelet de cet ale si précieux pour les barbares.

Au moment où elle s'apprêta à partir il lui reprit le poignet pour la faire choir sur le sol, juste au pied du fauteuil.

- Ne bouge plus.

Freya cessa de respirer en restant assise devant le fauteuil, fixant ses bottes de guerrier abîmées.

Les vikings étaient connus pour ne jamais renoncer à la guerre sans jamais l'avoir définitivement terminée. Il semblerait que le Jarl refuse de céder la moindre parcelle de terrain à ses ennemis.

L'odeur du sang qui découlait de son corps en était la preuve.

Soudain elle en entendit sa botte griffer le sol pour se rapprocher de son corps. Freya cessa de respirer en craignant la mort qui pouvait arriver à tout instant.

Harak but une gorgée d'ale en écoutant le doux murmure de la pluie qui se mêlait aux respirations erratiques de son esclave. En dépit du fait qu'il s'agissait d'une ennemie, Harak se surprit à aimer cette présence féminine à ses pieds. Les mâchoires férocement serrées il abaissa le regard sur cette tête blonde qui obéissait un peu trop bien.

Lui qui avait pensé qu'elle contesterait sa position d'esclave était étonné de la voir se plier de cette façon à son nouveau rôle.

- As-tu lavé mon linges ? Je voudrais me changer, lui avait-il demandé sur un ton sec.

Elle voulut se lever, mais Harak ramena sa jambe pour la bloquer.

- Femme je t'ai posé une question, je ne t'ai pas dit de bouger.

- Je voulais simplement vous le donner, osa-t-elle se justifier.

Harak venait de la pousser à la faute et de manière intentionnelle.

Il se pencha en avant et lui agrippa le menton d'une seule main pour l'obliger à tourner son visage face au sien.

Ses grands yeux s'écarquillèrent de peur et c'est avec un rictus menaçant qu'il fit tomber son regard sur ses lèvres.

- Je te trouve un peu trop à l'aise dans ce rôle jeune fille, commença-t-il en lui tenant le menton avec force. Est-ce là une stratégie de ta part ? Essayes-tu de m'ensorceler pour mieux me défier ?

Elle tenta de secouer de la tête en guise de réponse mais il lui tenait le visage si fort que ça lui était impossible.

- Non, je vous assure que non, murmura-t-elle sans le regarder. Je fais seulement...mon travail.

Sa voix tremblante paraissait sincère, mais Harak n'était pas stupide au point de se laisser prendre dans ce piège que cette jeune fille inspirait.

Il relâcha son visage et lui fit un geste de la main pour qu'elle se lève.

- Va rejoindre les autres, ordonna-t-il d'une voix sévère pour la faire partir au plus vite afin qu'il puisse évacuer cette frustration qui le rendait dangereusement en colère.

Elle prit la fuite sans se retourner et quitta la demeure sous la pluie. Pensant être enfin seul, le viking se leva pour arpenter la salle avec une rage contenue mais la porte s'ouvrit sur Evander.

- Allons ! Parle ! Je ne suis pas d'humeur !

- Tu n'es jamais d'humeur, rétorqua son ami en refermant la porte. Je suis venu partager une pinte d'ale avec mon ami et c'est ainsi qu'il me reçoit ?

Le Jarl grogna entre ses dents serrées, les yeux rivés sur la fenêtre. La fille courrait sans destination et tomba dans la boue sous les regards moqueurs des autres femmes.

Harak se retint d'y aller et la laissa affronter seule l'humiliation.

Après tout, c'est tout ce qu'elle méritait, songea-t-il en grognant dans sa barbe.

- J'ai comme l'impression que ton esclave te rend colérique autant qu'elle retient ton attention.

Harak tourna son visage ensanglanté vers Evander, les yeux noirs.

- Et moi j'ai comme l'impression que tu t'autorises des droits que je ne t'ai pas offert, répliqua Harak l'air menaçant.

- Avant ce combat, avant ce raid, tu étais diabolique et plus amusant, reprit son ami sans faire attention à la menace qui voguait au-dessus de lui. Maintenant tu es maussade et en rage. Tu sais que ce n'est pas bon pour toi. Alors si c'est cette fille et son lien avec Calister qui te rend si fou de rage le mieux serait de se débarrasser d'elle.

Harak considéra Evander d'un mauvais œil.

- Serais-tu en train de me suggérez de la tuer ?

- Tu pourrais aussi la vendre, proposa Evander en secouant des épaules avec nonchalance.

Bien sûr Harak était bien trop intelligent pour se laisser berner aussi facilement.

- Je n'ai pas l'intention de me débarrasser d'elle pour l'instant et je n'ai pas l'intention de la vendre Evander, répondit le Jarl sur un ton catégorique.

- Alors que comptes-tu faire d'elle ? La regarder avec ce désir de la tuer qui embrase tes yeux chaque fois que tu poses tes yeux sur elle ou attendre qu'une femme le fasse à ta place ?

Harak plissa le front.

- Où veux-tu en venir ? S'enquit-il en lui montrant son impatience.

- Aucune femme du village lui parle, commença Evander en s'approchant de la fenêtre pour regarder la fille. Pas même les esclaves.

- Elles savent probablement grâce à toi ou mon frère qu'elle est l'épouse de Calister.

- Pour ma part je n'ai rien dit et je crois plutôt qu'elle attire la jalousie des femmes du village, avança le viking aux cheveux bruns. Il faut dire qu'elle est d'une beauté assez énigmatique et incroyable.

Harak serra les poings et sentit son instinct animal se réveiller.

- Si elle était mon esclave, je lui ordonnerai de rester nue toute la journée, ajouta-t-il avec un sourire de concupiscence qui rembrunit le Jarl.

- Mais elle n'est pas ton esclave, précisa Harak avec fermeté. Tu as déjà des esclaves Evander et une femme.

- Je te les échangerais bien volontiers.

Avec humeur le viking plongea sa main dans la bassine d'eau pour se nettoyer le visage puis affronta son ami avec plus de dureté.

- Il est temps de prendre congé mon ami, j'ai des tâches à lui donner et je voudrai me reposer.

Avec un sourire amical, il se pencha pour exécuter une révérence et quitta sa demeure pour regagner le château. Une fois seul, le Jarl envoya sa main dans la bassine qui s'écrasa contre le mur. C'était la seule façon qu'il avait trouvé pour faire retomber sa colère contre la fille.

Les poings serrées, il ouvrit la porte et siffla sous la pluie battante.

L'esclave trouva son regard involontairement puis baissa les yeux.

Cette fraction de seconde lui avait suffit pour lire une grande détresse dans ses yeux.

Elle manqua de tomber à plusieurs reprises et en passant à côté de lui, il trouva que sa respiration était anormalement rapide.

Avant qu'il n'est eu le temps d'aboyer sur elle, la jeune femme tomba à terre, les mains à plat sur le sol, les épaules tremblantes.

Harak comprit alors que cette respiration sifflante était un mauvais présage.

Une partie de lui, peut-être pas la plus monstrueuse eut pitié de la fille qui toussait, l'air harassée et frigorifiée.

- Es-tu fiévreuse esclave ? Lui demanda-t-il en scrutant son dos fin qui se soulevait déraisonnablement.

- No...non...balbutia-t-elle en essayant de se redresser.

Elle toussa à nouveau.

Le viking prit son bras pour l'aider à se lever et l'obligea à le regarder dans les yeux.

- Regarde-moi femme ! Immédiatement !

Au prix d'un effort surhumain, elle souleva les paupières et le regarda dans les yeux.

Le cercle d'or qui entourait ses iris était brillant, et la couleur bleue de ses yeux avait l'air terne.

En tombant dans la boue, elle avait non seulement sali sa robe, mais aussi son visage de porcelaine qui lui apparaissait si fragile.

- Es-tu malade ?

- Non, murmura-t-elle d'une voix affaiblie.

Elle mentait et ce mensonge le rembrunit davantage.

Ainsi voulait-elle mourir ?

Était-ce le destin qu'elle avait choisi ?

Harak grogna doucement en la soulevant pour la mettre sur l'une des couches la plus proche.

Il posa sa main sur son front et put constater qu'il était brûlant.

Une partie de lui songea alors à sa sœur bien aimée Bertha, et il eut envie de la laisser mourir.

Une autre lui murmurait qu'il serait dommage de perdre son esclave si vite.

Il quitta la demeure pour rejoindre la salle commune et ordonna à Ydil de le suivre.

C'était la jeune guérisseuse du village et il espérait que ses dons soient suffisant pour lui dire de quel mal souffrait son esclave.

Le temps qu'il aille la chercher, l'état de la jeune femme s'était dégradé.

Ydil l'examina en silence et son regard fermé eut bon de l'agacer.

- Allons parle ! S'emporta Harak.

Elle baissa les yeux par soumission et ne les releva pas tout de suite.

- Elle est très fiévreuse, je dirais que cela remonte à hier soir.

- Est-ce que tu connais son mal ?

- Elle a attrapé froid, elle respire très mal et je crains que son état empire.

- Peux-tu la guérir ?

Ydil se leva et osa l'affronter non sans le craindre.

- Je crains que non, et si je peux me permettre, il vaut mieux pour elle que la mort l'emporte.

Harak s'obscurcit, avisant la guérisseuse avec un air menaçant.

- Qui es-tu pour décider de la mort qui emportera mon esclave !

- Personne, s'empressa-t-elle de dire en baissant la tête. Beaucoup de femmes dans le village conspirent pour la voir mourir. Je préférerais que la fièvre l'emporte.

Harak sentit son être se tordre de colère et ordonna à la guérisseuse de partir.

Elle ne pouvait rien faire pour elle et ne le voulait pas vraiment.

Est-ce un élan de compassion de sa part de vouloir qu'elle meurt de la fièvre ?

Harak baissa les yeux sur sa jeune esclave qui tremblait violemment.

Elle souleva les paupières pour le regarder ou du moins pour trouver son regard et il crut déceler dans les lueurs de ses yeux des suppliques, mais pas celles qu'il attendait.

Elle ne le suppliait pas de la guérir, mais de tenir sa promesse en laissant la mort l'emporter.

Harak éprouva une émotion indescriptible et il la chassa en quittant sa demeure, car avant de faire son choix, Harak éprouvait le besoin de se rendre quelque part.

Dans un endroit qui pourrait peut-être répondre à cette question qui le taraudait...

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