Chapitre 19



L'odeur de sang parcourait le champs de bataille emporté par les vents qui s'étaient soudainement levés.

La terre humide et boueuse n'avait aucune impact sur sa marche parfois lente et rapide tandis qu'il progressait vers sa cible. Plusieurs hommes venaient de tomber et Harak balaya chacun de ses guerriers et guerrières pour relever ceux qui étaient blessés et ceux qui étaient peut-être morts.

Il reporta son attention sur Oslac qui par son épée battait l'air en faible position et plus il usait de son énergie, plus celle-ci l'épuisait et le viking ne put s'empêcher d'en rire diaboliquement.

Aujourd'hui plus que n'importe quel jour, il voulait savourer sa vengeance et mettait tout en œuvre pour qu'elle perdure le plus longtemps possible.

Harak esquiva sans grand mal une attaque par l'arrière et frappa sa hache de guerre dans le cou du soldat qui tomba à terre. Quelque chose de puissant coulait dans ses veines et il ne s'était jamais senti aussi vivant. Lorsqu'il atteignit Oslac son regard qui était déjà obscurci par le sang qui coulait de son front devint si sombre qu'il eut peine à se reconnaître.

- Barbare ! Jeta Oslac en pointant son épée vers lui.

Harak lâcha un rire puissant en inclinant la tête en guise de remerciement.

- Approche soldat je vais te montrer la mort de si près que tu me supplieras de te laisser en vie.

Oslac creusa sa bouche d'un rictus de rage pour masquer l'humiliation et se mit à tourner autour de lui.

- Tu es venu pour venger l'honneur de cette fille n'est-ce pas ?

Harak enferma son visage dans la pierre tout en suivant son ennemi des yeux. Évoquer Freya sur ce champs de bataille lui provoqua une irrésistible envie de l'ouvrir en deux alors qu'il se rappelait de son corps inerte creusant l'eau gelé et qui aurait pu s'enfoncer dans la noirceur des mers.

- Je suis venu pour poursuivre ma vengeance, et tu es le prochain sur ma liste.

- Garde cette fille si tu le souhaites barbare, elle est trop vertueuse pour moi, lâcha Oslac avec un sourire libidineux. À moins que tu veuilles bien la partager.

Un éclair de rage couvrit son regard et le Jarl n'attendit pas plus longtemps pour foncer sur lui en écartant son épée. Il usa d'abord de ses poings, le frappant au visage tout en savourant le bruit du tonnerre qui l'accompagnait. Oslac asséna son épée sur son épaule, mais Harak ne ressentit rien car cela faisait bien longtemps que la douleur ne l'atteignait plus.

Harak attrapa sa hache et la lui planta dans le torse puis dans la jambe. Les cris d'agonies d'Oslac lui provoquèrent une puissante satisfaction et l'exprima en poussant un cri victorieux avant de se pencher vers lui.

Il voulait qui puisse voir dans ses yeux que la mort était à mi-chemin et lorsqu'il écarquilla son regard Harak donna un coup de hache sur son visage puis un autre jusqu'à ce qu'il ne soit plus reconnaissable.

La pluie se mit à tomber, achevant de noircir la grandeur de cette victoire. Les râles d'agonies des soldats cessèrent soudain parce qu'il n'y en avait plus à tuer.

Le combat était fini et il se releva en cherchant son frère au milieu des cadavres.

Celui-ci arriva de bonne humeur en évitant soigneusement d'essuyer son visage sur lequel reposaient sang et symboles.

- Tout compte fait, j'aime bien cette tactique, lança Einar à l'autre bout du terrain. Partir plusieurs jours pour traquer l'ennemi et revenir vers les siens plus fort et plus victorieux.

- Combien avons-nous de mort et de blesser ? Demanda Harak soucieux.

- Une trentaine de blessés mais aucun mort cette fois-ci.

À l'intérieur Harak se réjouissait de cette nouvelle, mais en tant que chef, il ne pouvait pas laisser trop longtemps ses émotions triompher.

- Il faut rejoindre nos navires et reprendre la mer au plus vite afin de les soigner, déclara-t-il en regardant le cadavre d'Oslac qui gisait à terre et dont le visage n'était plus qu'un morceau de chair et de sang.

Aujourd'hui il avait encore gagné, mais étrangement il avait le sentiment qu'il lui manquait un fragment pour être parfaitement heureux.

Tout en regardant son drakkar fendre la mer agitée, il réalisa que son esprit n'avait de cesse de penser à sa jeune épouse. Il se demandait si elle s'était débrouillée sans lui pendant ces trois long jours ou pire encore...

Est-ce qu'elle s'était enfuie ?

Il serra les dents à cette pensée et fixa les rocheuses au loin qui annonçaient leur arrivée imminente.

Il brûlait d'envie de finir le reste du voyage à la nage afin de la rejoindre plus vite, mais il se savait chargé de responsabilités à commencé par celle de ramener ces hommes jusqu'au village pour les soigner.

Alors Harak tenta de la chasser de son esprit mais fut heurté par la force de son esprit à le combattre.

Il voulait voir son visage et essentiellement l'expression malheureuse et mystérieuse qu'elle lui avait offert en cadeau le jour de son départ.

- Nous approchons mon frère, lança Cadel en le sortant de sa torpeur. J'ai hâte de rentrer.

- Moi aussi j'ai hâte, confia-t-il en fixant les terres se rapprocher de lui.

Cadel resta à ses côtés jusqu'à ce que le premier drakkar effleure les côtes.

Le voyage n'était pas encore terminé. Désormais il fallait rejoindre le village en transportant les blessés avec une grande prudence. Pourtant, Harak brûlait d'accélérer le pas, et il fixait l'horizon avec la crainte de voir apparaître l'un de ses hommes pour l'avertir que la jeune femme s'était enfuie. Pourtant quand ils touchèrent enfin le village aucun d'entre eux se précipita pour lui dire quoi que ce soit. Ils se contentèrent de l'accueillir avec joie pour le féliciter de ce combat gagné. Harak ignora la foule et tourna son cheval en direction de sa demeure. Tout semblait si calme, trop calme.

Comme si personne n'y vivait...

Harak sauta du cheval et entraîna la foule à s'écarter à son passage.

- Où est-elle ? Lança-t-il à Helga.

- Avec les autres femmes, elle se prépare à soigner les blessés, répondit Helga en fronçant des sourcils. Tout va bien Harak, elle ne s'est pas enfuie. Essaye de savourer ta victoire.

Il n'en avait pas la moindre envie et il voulait la retrouver maintenant !

Il gagna l'entrée du château et fonça en direction de la salle qui abritait les blessés. Il n'eut aucun mal à la trouver parmi les autres femmes car la blondeur de ses cheveux se démarquait sans mal.

Le viking ne put alors décrire le sentiment qui était en train de l'envahir. Elle prenait soin de préparer les herbes médicinales pour les tendre à la femme de Einar alors que les blessés étaient en train d'être transportés sur le sol.

Freya n'osait pas lever les yeux en direction des nombreux vikings qui entraient tour à tour dans la grande salle. Son cœur battait trop vite alors qu'elle savait que le Jarl avant gagné son combat contre les troupes de Calister. Cela faisait trois long jours qu'elle attendait son retour autant qu'elle le redoutait.

Un sursaut la poussa à relever les yeux et bien sûr le Jarl surnommé le géant se détachait de la foule d'hommes sans difficulté.

Il était là, au centre de la salle, le visage effrayant tant par le sang que par la noirceur qui barrait son regard aiguisé. Un regard posé sur elle et qu'elle ne put ignorer. La jeune femme réprima un hoquet et baissa la tête pour fuir son puissant regard.

- Puis-je faire autre chose ? Demanda-t-elle en préparant d'autres bandages.

- Non, je pense que ça ira. Ils ne sont pas gravement blessés. Merci pour ton aide Freya.

Déçue ou plutôt inquiète de devoir le retrouver, Freya tourna sur elle-même pour trouver une sortie qu'elle pourrait emprunter sans qu'il s'en rende compte. Avec précaution elle souleva le regard dans sa direction et en profita qu'il ait le dos tourné pour s'enfuir.

C'était stupide ! Ridicule ! Car elle ne pourrait pas le fuir éternellement.

Après tout ne voulait-elle pas savoir ?

N'avait-elle pas attendu son retour uniquement pour comprendre sa brusque froideur ?

Désemparée elle rejoignit la maison et poussa la porte.

Avait-elle vraiment pensé qu'elle pourrait le fuir aussi facilement ?

À peine la porte poussée qu'elle s'ouvrit sur le viking couvert de sang. La respiration erratique, elle s'efforça de maintenir son regard dans le sien, même si ce dernier paraissait en colère.

- Ainsi c'est comme ça que je suis accueilli par ma femme après trois jours d'absence, lança-t-il en refermant la porte.

Malgré la sévérité qui découlait dans le timbre de sa voix, Freya décela une pointe de déception.

- Vous voulez que je vous prépare un bain ?

- Ce que je veux c'est savoir pour quelle raison tu sembles me fuir ?

- Je ne vous fui pas, mentit-elle si mal qu'il laissa échapper un grognement mécontent.

Elle se pinça les lèvres et elle s'arma intérieurement pour survivre à la suite, mais contre toute attente il marcha jusqu'à la salle des bains et poussa la porte.

Freya lâcha tout l'air bloqué dans sa poitrine en se tenant aux rebords de la table.

Bien sûr elle savait que ce moment de répit allait tôt ou tard prendre fin. Il voulait simplement se débarrasser de tout ce sang et de cette terre boueuse.

Pour tromper sa nervosité elle décida de préparer un peu de nourriture et resta près du feu jusqu'au moment fatidique. Il émergea de la salle des bains en laissant derrière lui un nuage de vapeur.

Le ventre serré, elle se releva en lui présentant un bol qu'elle déposa sur la table.

- Vous avez sans doute faim.

- Je n'ai pas faim ! Je veux comprendre de quel mal souffre ma femme !

Freya l'affronta sans flancher, mais regrettait déjà ce qu'elle s'apprêtait à lui dire...

Alors elle serra les dents et se mit à réfléchir un instant et avec prudence...

Peut-être valait-il mieux garder le silence et attendre ?

Impatient, le viking fit un pas en avant et en retour, Freya en fit deux en arrière.

- Je ne souffre pas, je ne suis pas malade.

- Et pourtant j'ai l'impression qu'il se passe quelque chose et c'est en train de me mettre furieusement en colère.

Cette fois-ci Freya ne se laissa pas faire.

- Est-ce que ça vous arrive d'agir avec un peu plus de douceur ? Êtes-vous obligé de vous comporter comme un...rustre !

Il n'eut aucun mal à combler l'espace qui les séparait et se planta devant elle.

- Je déteste quand je ne comprends pas ! Est-ce que je t'ai offensé ?

- J'ai l'impression que vous êtes en train de me piéger ! Seulement je ne sais pas pour quelle raison ! Lâcha-t-elle avant de ne plus pouvoir le dire.

Il fronça des sourcils en la toisant avec incrédulité.

- Je serais curieux de savoir ce qui a motivé ce raisonnement absurde, rétorqua-t-il avec froideur. N'ai-je pas été assez clair sur les motivations qui m'ont poussé à faire de toi ma femme ?

- De toute évidence non, répondit-elle en soutenant son regard. J'ai l'impression que...

Elle posa ses doigts sur sa bouche en fermant brièvement les yeux.

- Quelle impression as-tu ? Ta vie de jeune épouse ne ta satisfait pas ? Que dois-je faire pour te satisfaire ? Tu manges à ta faim, tu peux te réchauffer, de laver, je te laisse libre de déambuler à ta guise dans le village, que veux-tu de plus ?

Freya ôta sa main de sa bouche en aspirant un filet d'air.

- Ainsi c'est moi le problème ? Demanda-t-elle en le regrettant aussitôt. Je ne suis pas...vous, vous êtes marié uniquement pour avoir une femme ? Je ne suis pas...

Elle s'interrompit en ayant tellement honte qu'elle voulait être effacée de la surface de la terre.

- Tu n'es pas quoi ? S'enquit-il en en ayant l'air aussi perdu qu'elle l'était.

- Je ne suis pas à votre goût c'est ça ?

Le viking laissa le choc s'emparer de ses traits ciselés puis il se mit à la dévisager avec une telle intensité qu'elle voulut disparaître.

- Non...s'il vous plaît, oubliez ce que je viens de dire, balbutia-t-elle en tournant sur elle-même pour trouver la sortie.

Elle se précipita vers celle-ci, mais avant qu'elle ait eu le temps d'ouvrir la porte, le viking l'avait bloqué avec sa main pour l'empêcher de fuir.

- Cette discussion est terminée, glissa-t-elle sans le regarder.

- Oh non au contraire, je crois qu'elle vient tout juste de commencer, répliqua le Jarl d'une voix indescriptible...

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