Chapitre 18
Freya demeura un instant interdite après qu'ils aient passés les portes de la salle. Toutes ces paires d'yeux posées sur elle la rendaient nerveuse et elle ignorait si plusieurs d'entre eux avaient été informé de la visite d'Arkin.
Freya ne voulait pas devenir une ennemie et elle savait que ce peuple de barbares n'aimait pas se sentir menacer par quiconque.
- Ta femme a l'air nerveuse Harak, lança Einar en lui jetant un regard amusé.
- Qui ne le serait pas, répondit Harak en s'installant sous le dais en l'invitant à s'asseoir sur ses genoux.
Cette position la fit rougir, mais pas seulement. Elle se sentait vulnérable parce que le Jarl se comportait d'une façon si différente qu'elle ne savait plus s'il s'agissait d'un piège ou une part de sincérité.
- En effet ! Qui ne le serait pas ! Mais je propose que nous buvions à notre mariage, proposa Einar gaiement.
Freya n'avait jamais bu de sa vie et lorsque le viking lui plaqua un gobelet dans la main, elle le regarda avec hésitation.
- Allons n'aie pas peur, lui dit-il en approchant son imposant visage près du sien. Tu n'es pas obligé de le boire.
- Qu'est-ce que c'est ?
- De l'hydromel, c'est un breuvage qui est servi uniquement pour les grandes occasions. Il y a du miel dedans.
Freya trempa ses lèvres dedans et fut surprise par le goût sucré. Elle pencha le verre pour boire une gorgée puis une autre avant d'être arrêtée.
- Doucement femme, il n'y a pas que du miel dedans.
Elle avala le reste du liquide en le regardant droit dans les yeux. Parfois elle le trouvait tendre et ce simple détail suffit à la déstabiliser alors qu'elle savait que son âme était morte depuis bien longtemps.
- Êtes-vous sincère avec moi ?
Il se rembrunit soudain, mais elle décida de passer outre son visage de pierre.
- Tu penses que je ne suis pas sincère ?
- Je pense que vous êtes un viking et vous êtes doué pour tromper l'ennemi.
- Es-tu mon ennemi ? S'enquit-il en dardant sur elle un regard qui une fois de plus la fit frémir.
- Je l'étais, lui rappela-t-elle la bouche sèche.
- Oui en effet, tu l'étais, mais c'était avant de comprendre que tu n'étais pas sa femme.
- Est-ce que vous avez fait de moi votre femme par pur esprit de conquête ?
Contre toute attente le viking ne se mit pas en colère, mais esquissa un sourire énigmatique.
- Je serais intéressé que tu développes ton raisonnement.
Freya se pinça les lèvres en hésitant un instant.
- Calister me voulait pour femme, il a envoyé son commandant pour me ramener à lui, vous m'avez sauvée puis ensuite fait de moi votre femme. C'est comme si vous voulez lui prendre ce qu'il désire vous reprendre et que vous lui avez pris en premier.
Malgré la furtive colère qui venait de passer dans son regard, le Jarl ne montra rien quant aux pensées qu'il pouvait ressentir à cet instant.
- Suis-je un jouet ? Termina-t-elle en craignant la réponse.
- Ainsi tu penses que j'ai fait de toi ma femme pour agacer Calister ?
- Je me pose simplement la question, répondit-elle dans un murmure.
- Alors la réponse est non, fit-il tomber l'air grave. Je n'ai pas fait de toi ma femme par pur besoin de prendre à mon ennemi ce qu'il voulait. Si j'avais voulu faire ça, je l'aurai fait le premier jour de ta captivité, mais comme tu as pu le remarquer, ce n'était pas ma motivation première. Je voulais te faire payer, je voulais...
Le reste de sa phrase resta scellé.
Bien qu'elle tremblait, Freya accepta les paroles du Jarl et voulut le croire.
- Calister n'a eu aucun rapport direct dans ma décision de faire de toi mon épouse, conclut-il d'une voix assez agacée. Es-tu rassurée désormais ?
- Oui, admit-elle même si une part d'elle aurait voulu qu'il lui exprime les véritables raisons qui l'avaient poussé à se marier avec elle.
- Je voulais me marier parce que ma position ne me permet plus d'être seul, et je me surprend à vouloir connaitre le mariage, même si j'en conviens, je suis une brute barbare, reprit-il à son plus grand étonnement.
Une femme les interrompit pour apporter des bols de viandes et de légumes.
- Tu n'es pas ici par choix, mais parce que je t'y ai forcé, reprit-il quand la femme fut partie. Peut-être qu'avec le temps tu apprendras à apprécier être ma femme et l'une d'entre nous.
Freya abaissa son regard sur ses mâchoires serrées et lut en elles qu'il se mettait à mal pour refouler le sauvage qui brûlait d'intervenir.
- J'aimerai connaître tes pensées.
- Je pense à ce mariage, je pense à mon avenir qui est encore incertain et je m'efforce de croire que ce soir vous n'êtes pas en train de prendre sur vous pour me cacher ce que j'ai déjà vu.
- J'applique les conseils qui m'ont été donné, admit-il en se passant une main dans la barbe. Ce n'est pas ce que tu veux ? Tu me préfères en colère ?
- Non, s'empressa-t-elle de lui dire en se levant de ses genoux.
Aussi vif qu'un prédateur il lui attrapa le poignet.
- Où vas-tu ?
- Je ne vais nulle part, mes jambes souffrent un peu. J'ai besoin de marcher.
- Tu dois manger, contrat-il en la tirant vers lui. Nous irons marche après.
- Je me demandais bien quand vous alliez réapparaître.
- Maintenant et si tu continues à te montrer si sarcastique, je serais tenté de rester ainsi jusqu'à ce que nos deux corps se rejoignent au fond des mers.
Son cœur se mit à battre plus fort que de raison car sa réplique laissait penser qu'il la voulait auprès de lui pour le reste de sa vie.
Était-il possible qu'un homme tel change en si peu de temps ?
Freya se refusait d'y croire.
Peut-être essayait-il de la charmer pour qu'elle lui offre la nuit de noce qu'il espérait...
À cette pensée elle avala son morceau de légume avec difficulté en se rappelant des mots assez durs de son protecteur Arkin.
Une profonde déception la submergea et elle eut peine à la dissimuler.
Ainsi donc toute cette tendresse avait pour but de la détendre avant qu'ils rejoignent sa maison ?
- Est-ce que tu voudras danser ? Demanda Helga en se penchant à son oreille l'air en joie de fêter ses noces.
Freya força un sourire qui n'était pas sincère et refusa poliment.
- Tu ne sais pas danser ? Lança celui qui était au centre de ses tourments.
- Si je sais, mais je n'ai pas envie.
Harak n'essaya pas de la forcer parce qu'il n'avait pas la moindre envie qu'elle s'expose autour de ses hommes qui depuis le premier jour, n'avait jamais caché leur attirance pour elle.
Un élan de jalousie le poussa à renforcer sa prise sur sa taille qu'il craignait de briser.
Si Harak avait épargné Arkin c'était uniquement pour elle, car s'il s'était montré très bref pour lui résumer leur entretien, il n'en demeurait pas moins marqué par les mots du villageois qui l'avait traité de monstre sans cœur.
Bien qu'il s'agissait d'une vérité, Harak n'avait pas aimé l'entendre de la bouche de cet homme qui avait élevé la jeune femme.
Laissant sa paume de main reposer sur la taille de la jeune femme, Harak observa la foule qui s'amusait avec un goût amer dans la bouche qu'il soulagea avec une gorgée d'hydromel.
Jusqu'à maintenant Harak avait suivi les conseils de son frère et de son ami, mais à quoi bon faire semblant d'être un homme qu'il n'était pas...
Ce n'est pas comme ça qu'il saurait si ce mariage allait fonctionner ou pas, songea-t-il en terminant le breuvage.
Il trouva Cadel sans la salle et faillit rouler des yeux en le voyant en compagnie de deux femmes.
Il secoua de la tête puis se passa le pouce sur les lèvres.
- Que se passe-t-il ?
Il détache son regard de son frère pour l'arrimer dans le sien, mais celui-ci était tourné vers la foule.
- Votre frère a l'air différent de vous.
Surpris qu'elle ait deviné la personne qui était dans ses pensées, il continua de se passer le pouce sur les lèvres en la dévisageant en silence.
- Tu trouves ? Finit-il par lui demander.
- Son tempérament à l'air plus tendre ou dirais-je plus enjoué.
Harak réprima une pointe de jalousie et se redressa sur le trône.
- Cadel est différent de moi en tout point. Il tient de ma mère et moi de mon père.
Il préféra en rester là pour ne pas laisser des souvenirs douloureux l'envahir. La dernière chose qu'il souhaitait c'est que cette soirée se termine aussi mal qu'elle avait commencé.
- J'aurai apprécié avoir des frères ou des sœurs, lui confia-t-elle sans le regarder.
Harak s'efforça de ne pas lui répondre uniquement pour son bien et jeta un regard à son bol presque vide.
- Si tu as fini, je propose que l'on rentre, décréta-t-il en se levant si brusquement qu'il dut la retenir pour qu'elle ne tombe pas de ses genoux.
- Maintenant ?
À sa voix il comprit qu'elle n'était pas prête à se retrouver seule avec lui.
- Oui, dit-il simplement en ne laissant rien laisser paraître.
Il lui prit la main pour l'entraîner à travers la foule qui s'était arrêté de danser pour s'incliner à leur passage.
Freya le suivit en ayant la sensation que son visage se glaçait à mesure qu'elle avançait en direction de la maison.
Elle avait autant redouté ce moment qu'elle l'avait attendu parce que la curiosité la mordait dangereusement. Son cœur palpitait à l'inverse de ses veines qui étaient glacées.
Quand il referma la porte elle céda silencieusement à la panique. Les pieds ancrés dans le sol elle se mit à jouer avec ses doigts en le suivant du regard alors qu'il ôtait sa tunique.
- Que fais-tu encore devant la porte ? Te devrais aller te changer.
Sa voix n'avait pris aucun timbre froid ou agacé. Éberluée, elle garda les lèvres scellées et se dirigea dans l'autre pièce pour se changer à la hâte.
D'une main tremblante elle retira la couronne de ses cheveux et les tressa sur le côté.
Au moment de retrouver le viking elle ne s'attendait pas à le découvrir allonger les yeux fermés. Déstabilisée elle se dirigea vers la couche et s'allongea à son tour.
Il ne bougea pas malgré l'intense proximité et son comportement la plongea dans une incertitude et une incompréhension la plus totale.
Freya resta sans bouger pendant un long moment et fut saisie d'un trouble qu'elle n'aurait jamais pensé connaître.
Que lui arrivait-il ?
Pourquoi ne jouissait-il pas de ses noces comme n'importe quel homme ?
Au lieu d'être soulagée d'avoir été épargnée elle en fut bouleversée parce qu'elle avait l'impression d'être repoussée et peu désirable.
Après tout cet homme au visage ciselé attirait n'importe quelle femme sans effort car sa beauté sauvage le rendait à la fois dangereux et sécurisant. Elle-même s'était surprise à éprouver le sentiment d'être protégé dans ses bras forts qui à tout instant pouvait la briser.
- Je vous souhaite une bonne nuit, lança-t-elle en espérant secrètement une réponse qui ne lui donnerait pas l'impression d'être indésirable dans son lit.
- Bonne nuit à vous ma tendre femme.
Bien qu'encore une fois sa voix n'avait pas paru froide, elle éprouva une seconde déception et préféra fermer les yeux en écoutant le doux murmure de sa conscience lui dire que c'était mieux ainsi.
Hélas, intérieurement, Freya brûlait de comprendre pourquoi il n'avait pas fait d'elle totalement sa femme.
Deux jours passèrent et cette question demeura le centre de ses préoccupations car elle craignait que son premier raisonnement soit le bon.
Peut-être qu'il avait fait d'elle sa femme pour mieux la piéger dans un avenir proche.
La plupart des personnes présentes dans le village pensaient qu'elle portait déjà son enfant et des murmures indiscrets se demandaient comment elle avait survécu sous la bête imprévisible.
Rouge d'embrasa car elle était la seule à savoir qu'il ne s'était rien passé, elle courut dans la maison pour se cacher des rumeurs qu'elle devait affronter seule car le viking avait pris la mer tôt ce matin sans lui préciser le jour de son retour.
Un retour qu'elle espérait proche pour le confronter afin de mettre fin à ses tourments...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top