Chapitre 17



Le soleil entamait une longue descente sur le village lorsque Freya décida de sortir de la salle des bains. La robe qu'elle portait était blanche avec de beaux rubans violet et Helga lui avait tissé une couronne de fleurs sur la tête. Avec hésitation elle fit en sorte qu'il sente sa présence, mais avant cela, la jeune femme se laissa tenter par l'envie de le contempler alors qu'il portait une tunique noire qui épousait sa carrure impressionnante.

Pendant une seconde elle eut l'impression que son souffle s'était coupé et qu'elle ne pourrait jamais le retrouver.

" Tu dois le détester ! "

" Tu as le devoir de le détester après ce qu'il t'a fait ! "

Cette petite voix dans sa tête la frappait constamment, mais une autre venait sans cesse la défier.

Elle se racla la gorge pour lui signaler sa présence et il se retourna instantanément.

Son regard très dur accéléra son cœur et elle espérait que derrière ce masque impénétrable il ne soit pas insensible à son apparence.

Elle vit sa large gorge déglutir et ce simple détail suffit à la rassurer.

- Si vous n'aimez pas...

- Tu es parfaite, déclara-t-il d'une voix rauque.

Elle inspira profondément et décida de le rejoindre sans se poser des questions inutiles. Si cette fête en leur honneur devait mal se finir alors elle ne pourrait rien y faire. Seulement accepter.

- Je tiens à vous informer que je suis nerveuse.

Il donnait l'air de s'en désintéresser, mais dans le fond, Freya était persuadée qu'il s'agissait d'une façade.

- Tu ne risques rien, dit-il assez brutalement en lui prenant la main.

Le cœur battant à la chamade elle le suivit jusqu'au château et entendait déjà la musique qui se faufilait généreusement dans les couloirs.

- Est-ce nous allons devoir danser ?

- Je déteste danser, marmonna-t-il dans sa longue barbe.

- Est-ce qu'il y a une chose que vous ne détestez pas ?

Il la fit tournoyer de façon à la plaquer doucement contre le mur puis plaça sa main au-dessus de sa tête.

- Oui madame, confirma-t-il avec un sourire entendu.

Freya se pinça les lèvres en exhalant un soupir.

- Harak !

Freya sursauta alors que le Jarl s'était retourné sur l'instant pour aviser l'homme qui avançait vers eux d'un pas rapide.

- Que se passe-t-il Einar ?

L'air grave, le viking déclara.

- Nous avons un léger problème qui vous concerne tous les deux, annonça-t-il sur un ton qui ne laissait rien présager de bon.

Le Jarl se redressa lentement, l'air grave tandis qu'elle les regardait tour à tour. Elle fut conduite par le bras en direction du problème qui semblait la concerner également.

De quoi pouvait-il bien s'agir ?

Freya eut sa réponse quand Einar ouvrit une porte et qu'elle rentra dans la pièce éclairée par une grande cheminée embrasée.

- Arkin ! Qu'est-ce que...

- Espèce de monstre ! Éloigne-toi d'elle ! Gronda le villageois en essayant d'avancer malgré les deux vikings qui le tenaient prisonnier.

- Arkin ! S'écria Freya en écarquillant les yeux. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je suis venu te ramener !

Il essaya de se débattre en pointant le Jarl du doigt.

- Je vous interdit de la toucher barbare !

Freya leva la tête en direction de l'accusé et fut inquiète de constater qu'il ne bougeait pas et que son regard paraissait sans vie.

Au moment où il s'apprêtait à s'avancer vers Arkin, elle se mit devant lui et posa ses mains sur son torse.

- Je vous en supplie ! Épargnez-le !

Les yeux suppliant, elle désespérait qu'il baisse son regard impassible dans le sien.

- Il m'a pratiquement élevé, il tient à moi, il ne sait pas ce qu'il dit ! Je vous en supplie, insista-t-elle.

Rictus terrifiant aux lèvres, le viking consentit enfin à baisser les yeux sur elle. Bien que son regard paraissait froid, une lueur d'espoir la gagna parce qu'elle pensait au tréfonds de son être qu'il ne se montrait pas aussi cruel qu'il le laissait croire en cet instant.

- Je vous prie de la faire sortir, ordonna-t-il aux hommes qui tenaient Arkin.

La respiration arrachée par la peur, Freya se laissa conduire à l'extérieur en craignant pour la vie de cet homme qui comptait pour elle.

Une larme solitaire roula sur sa joue et une terrible émotion lui comprima la poitrine lorsqu'elle fut emmenée dans une salle à l'opposé de celle qu'elle venait de quitter de force.

Si Arkin avait fait ça pour lui témoigner son affection, Freya le voyait comme la fin de sa vie qui était sans doute en train de périr dans les mains du Jarl. La peur se mêla à de la colère parce qu'elle ignorait si ses supplications avaient atteins le cœur froid du viking.

Elle se mit à arpenter la pièce sombre en songea à la pauvre Ragna qui devait déjà pleurer son mari.

Imprévisible, le viking ne lui laissait aucune chance de penser qu'il l'avait épargné et plus le temps s'écoulait, plus elle craignait que le pire ce soit passé.

Les larmes aux yeux elle voulait arracher la couronne de ses cheveux mais le bruit de la porte qui s'ouvrait sur quelqu'un l'en empêcha.

L'ombre du guerrier se projeta sur la pierre froide derrière elle et au moment où elle croisa son regard dans la pénombre son visage se glaça.

- Que lui avez-vous fait ? S'enquit-elle en s'approchant. Dites-moi ce que vous lui avait fait !

Comme il ne répondait pas et que son regard inspirait plus la mort que la vie, Freya se jeta sur lui les larmes aux yeux. Avec l'énergie de son âme elle le frappa mais il resta insensible à son désarroi et sa tristesse.

- Vous l'avez tué, murmura-t-elle comme si l'évidence était en train de la marquer au fer rouge.

Elle se laissa tomber à ses pieds en n'ayant plus la force de lutter.

- Alors tuez-moi je vous en supplie, ajouta-t-elle après avoir imaginé Ragna seule et sans époux.

- Votre fidélité à votre village m'impressionne, lança-t-il soudain.

Déjà sans vie, Freya balada son regard humide dans la pièce et trouva ce qui lui manquait pour en finir.

Elle bondit alors jusqu'à la lampe à huile et la brisa. Le viking bondit à son tour pour éteindre le feu et elle en profita pour atteindre son poignard.

Rapide et vif, elle sentit la lame effleurer seulement la peau de son cou pour y laisser une faible marque.

Ses poignets furent saisis et très vite elle sentit son corps partir à la renverse.

Le viking l'écrasa de tout son poids. Elle croisa son regard et en fut bouleversée parce qu'il paraissait choqué par son geste inattendu.

- Arkin n'est pas mort petite sotte ! Siffla le viking entre ses dents. Si tu m'avais laissé terminé tu le saurais déjà !

- Je ne vous crois pas !

- Et pourtant il va falloir me croire ! Gronda-t-il en approchant son visage du sien.

La respiration irrégulière, Freya se jeta à corps perdu dans ce combat sans craindre les représailles. Il lui était difficile d'entendre car son cœur frappait si fort qu'elle avait l'impression qu'il résonnait dans tout son corps.

Rictus aux lèvres, il tira sur ses poignets pour la relever de force.

- Arkin est un homme déterminé mais pas aussi déterminé que je le suis, reprit-il sans la lâcher du regard. Nous avons discuté, nous avons échangé des mots assez durs mais je ne l'ai pas tué.

Il lui prit le bras assez violemment pour la conduire jusqu'à la fenêtre ouverte et qui donnait sur l'entrée du village.

- Regarde par toi-même ! Ordonna-t-il en pointant quelque chose plus bas.

Freya baissa les yeux sur la cible que le viking pointait du doigt et vit Arkin sur la selle d'un cheval, prêt à reprendre son chemin.

Les larmes aux yeux elle exhala un profond soupir de soulagement et posa sa main sur sa bouche.

- Je lui ai volontiers offert un cheval pour regagner son village, ajouta-t-il froidement. Alors femme t'ai-je menti ?

Elle attendit d'être sûre qu'il quitte le chemin boisé sans risque avant de se retourner, un éclair de colère et de soulagement mêlés.

- T'ai-je menti ? Répéta-t-il les lèvres frémissantes de colère.

- Pou...pourquoi vous ne m'avez pas laissé rester si vous ne l'avez pas tué ? S'enquit-elle sur un ton faiblement accusateur.

- Il s'agissait d'une conversation privée et qui ne nécessitait pas votre présence !

La lune pleine posait sur son visage aux traits durement tirés une pâleur effroyable.

- Que lui avez-vous dit ?

- Je lui ai dit tout ce qu'un homme qui s'octroi un rôle paternel ce qu'il veut entendre pour être rassuré. Il peut me maudire tant qu'il veut, mais il a cédé à ma détermination parce qu'il n'avait guère le choix.

Harak préféra se reculer pour éviter de faire un regrettable geste. Il brûlait de la prendre par les épaules pour la secouer afin de lui faire réaliser sa folie d'avoir voulu mettre fin à sa vie.

- Je lui ai promis en retour que je te protégerai comme je l'ai fait depuis que tu es à moi. N'est-ce pas la vérité ?

Elle hocha rapidement de la tête en essuyant d'un revers de main les larmes sur ses joues.

- Tu étais prête à mettre fin à ta vie pour cet homme, ajouta-t-il l'air en rage qu'elle ait pu l'envisager.

- Ce n'est pas n'importe quel homme, répondit-t-elle avec vigueur. Cet homme m'a élevé à la mort de mon père, sa femme Ragna m'a tout appris. Si Arkin n'avait pas été là, je ne sais pas ce que je serais devenue. Il compte beaucoup pour moi. Je n'ai pas hésité à envisager d'accepter ce mariage avec Edmund pour qu'il ait la vie sauve, alors ne soyez pas surpris par mon geste désespéré quand j'ai pensé que...que...

- Je l'avais tué, termina le viking à sa place.

Les traits sévères sur son visage se mirent à s'adoucir légèrement. Freya baissa les yeux en se maudissant pour ce geste désespéré car on ne pouvait jouer avec la mort de cette façon. Elle ferma les yeux en posant sa main sur son ventre tordu par une douleur insupportable.

- Je suis désolée, murmura-t-elle d'une voix à peine audible, la naissance de ses doigts sur sa bouche.

- Veux-tu mourir ?

Freya releva précipitamment la tête, une angoisse assez forte pour lui nouer la gorge.

- Être mariée à un viking te répugne à ce point ?

- Mon geste n'avez aucun rapport avec vous, s'empressa-t-elle de dire en peinant à déglutir car elle avait peur qu'il veuille désormais la tuer. Je vous le promets.

Il combla l'espace qui les séparait et lui prit le menton mais cette fois-ci sa prise fut douce.

- Es-tu sûre ?

- Oui, souffla-t-elle le cœur battant à tout rompre.

Il darda sur elle un regard qui la fit frissonner.

Freya se savait en mauvaise position car elle l'avait accusé à tort d'avoir tué Arkin. De plus le jour de la fête en leur en honneur.

Dire qu'elle était répugnée d'être sa femme serait faux et même son cœur ne parvenait à lui mentir.

- Tu m'avais caché ce caractère si...fougueux, glissa-t-il en posant son regard sur sa bouche.

Et pourtant Freya ne l'avait jamais été jusqu'à ce jour.

- Je crois que c'est vous qui me rendez ainsi, osa-t-elle dire en soutenant son regard.

Son dire lui fit dresser un sourcil.

- Alors j'ai hâte de voir ce que ce mariage va encore me révéler au sujet de ma femme.

Elle aussi ! Songea-t-elle le cœur battant à la chamade.

Il relâcha son menton et lui prit la main avec empressement.

- Il est temps de nous rendre à la fête maintenant que ce petit contretemps est enfin réglé.

En sortant elle se savait dans un sale état et essaya d'arranger ses cheveux à la hâte.

- As-tu autre chose à déclarer avant d'entrer ?

Freya plongea ses yeux dans les siens en prenant une profonde respiration.

- Si vous m'avez menti à propos d'Arkin, je n'hésiterai pas à me venger.

Le viking partit dans un rire de gorge qui la fit frémir puis il déclara une lueur énigmatique dans le fond de son regard.

- Je tiens toujours ma parole, commença-t-il d'une voix de gorge. Cependant je suis dangereusement tenté de voir jusqu'où peut aller ta fougue...

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