Chapitre 11
Au bout du chemin où se trouvait la hutte, Harak sauta de son cheval avant qui ait atteint celle-ci et marcha rapidement vers l'entrée qu'il poussa violemment sans prendre la peine de s'annoncer.
- Qu'as-tu fait sorcière !
Inga ne semblait pas surprise de le voir ici et si tard dans la nuit. Au contraire elle donnait l'étrange sensation qu'elle l'attendait depuis un moment.
- Je me suis demandée quand aurais-je le plaisir de ta visite, lui dit-elle en repoussant son assiette vide. Comment se porte ton esclave ? Je suppose que mes herbes l'ont guéri ?
Harak serra le poing en s'avançant dangereusement.
- Je te soupçonne de les utiliser pour autres que les maladies, répondit-il sur un ton menaçant. Tu sembles différente des autres guérisseurs que j'ai rencontré au cours de ma traversée et il se murmure beaucoup de rumeurs sur toi.
- Quelles rumeurs ? Je serais curieuse de les connaître, lança Inga en se levant lentement.
- Ne fais pas comme si tu les ignorais ! S'emporta-t-il.
- Je ne les ignore pas guerrier, je voulais seulement les entendre de ta bouche.
Harak desserra son poing pour mieux le refermer. De toute évidence la guérisseuse voulait garder une part volontaire de mystère.
- Pour quelle raison es-tu revenu ? Si tard dans cette nuit noire et sans lune ? Tu désires me parler de ton esclave ?
- Il semblerait que tu sois dotée d'un don, dis-moi ce que tu as vu à propos d'elle, exigea-t-il d'une voix pressante.
Inga le toisa de la tête aux pieds.
- Demande-moi plutôt ce que j'ai vu sur toi viking, rectifia-t-elle en s'installant sur son fauteuil.
- Sur moi ? Répéta Harak l'air soupçonneux. Alors tu n'as rien vu sur la fille ?
Pendant un instant, Harak en fut presque déçu. S'il avait fait tout ce chemin ce n'est pas pour parler de lui ou bien de son destin. S'il devait mourir l'épée en main alors il se savait prêt à rejoindre l'autre monde.
- Dès lors que toi et ton armée vous avez touché le sol de l'Irlande j'ai senti que tu viendrais à moi, commença-t-elle en prenant une voix plus sérieuse. J'ai senti ta puissance et ta rage. J'ai décelé l'odeur du sang qui te poursuit sans cesse tout comme cette envie de vengeance.
Jusqu'ici rien de ce qu'elle lui narrait était une surprise pour lui, mais il décida de garder le silence.
- J'ai ressenti cette violence en toi grandir puis ensuite j'ai vu de l'apaisement ainsi qu'une solitude guérir de gré. Tu peux le nier guerrier mais ton esclave peut tout aussi bien t'apaiser que faire grandir cette rage qui est en toi. Sa présence te fait du bien, tu es resté trop longtemps seul et aveuglé par la vengeance. Je sens que bientôt tu ne seras plus aveuglé, et cela te donnera encore plus de force.
- Alors si elle me fait autant de bien, pour quelle raison voulais-tu me la prendre ? S'enquit Harak en se méfiant de ses paroles.
- Peut-être parce que tu ne mérites pas de l'avoir, après tout ne l'as-tu pas accusé à tort d'être la femme de ton ennemi ?
Harak serra les mâchoires en la fixant froidement.
- Et je lui ai sauvé la vie en retour, précisa Harak sans lâcher son regard.
- Certes, dit-elle d'un geste de la main, mais est-ce suffisant pour la garder auprès de toi ?
- Je la traite mieux qu'elle devrait l'être ! Gronda Harak en perdant patience.
- Je n'en doute pas puisque tu tiens à elle, cela se voit dans tes yeux. Reste à savoir quelle décision tu prendras dans l'avenir qui j'espère sera proche.
La guérisseuse se leva en esquissa un sourire modeste.
- Je dois me reposer désormais, annonça-t-elle l'air soudainement harassée.
- Si tes allusions consistent à me pousser à la rendre à son village sache que ça n'arrivera jamais.
- Je ne parlais aucunement de cela guerrier, glissa-t-elle avant de pousser la porte en bois derrière elle.
En aucun cas Harak était satisfait de cette visite et il quitta la hutte mécontent.
Du retour au village il constata que tout autour de lui était très silencieux et au lieu d'y trouver de l'apaisement il aurait voulu faire sonner la corne pour annoncer qu'ils partaient tous en guerre afin d'apaiser sa colère.
Il ramena son cheval à l'abris du froid et rejoignit sa demeure en sachant que la jeune femme s'y trouvait.
D'abord il fut agacé que la pièce principale soit si sombre et vrilla son regard en direction du feu qui n'avait pas été ravivé. Il s'en chargea et attendit que les braises s'intensifient pour pivoter les talons vers sa couche.
La jeune femme ne s'y trouvait pas, mais avant de laisser la colère s'emparer de lui il balaya le sol et la trouva allongée tout près de celle-ci. Endormie, une main sur la joue, elle donnait l'impression d'avoir lutté des heures durant lesquelles il avait parcouru la forêt à la recherche de réponses.
Harak se pencha pour la soulever et la plaça dans le lit avec une délicatesse qui le surprit lui-même.
La jeune femme trembla tout en remuant dans son sommeil avant d'ouvrir les yeux brusquement. Désorientée, elle le dévisagea comme s'il était un inconnu avant que la peur s'empare de ses yeux.
Bien sûr Harak savait ce qu'elle craignait. La dernière fois qu'ils s'étaient vu, il lui avait ordonné de rentrer sur un ton menaçant et elle pensait sans doute qu'il s'apprêtait à la punir.
- Je ne voulais pas m'enfuir, lui dit-elle en gardant les yeux baissés. Je vous le promets.
Oh ça il la croyait même si les dieux le tentaient à douter.
- Tu n'aurais pas dû sortir dehors, pas sans mon autorisation, se contenta-t-il de dire en se redressant pour allait se servir de l'ale.
- Je voulais sortir le linge pour m'en occuper demain, se justifia-t-elle.
Harak se retourna, vivement intrigué par le fait qu'elle ose lui répondre sans trémolos dans la voix.
- Il semblerait que je pose problème à cette femme, poursuivit-elle sans jamais le regarder.
Un feu sourd se propagea en lui et aucune gorgée d'ale suffit à l'éteindre à tel point qu'il fut tenté de sortir dehors pour que le vent glacial lui morde le visage.
- Si je dois me montrer honnête tu poses problème à l'ensemble des femmes du village.
Elle leva la tête et se risqua à le regarder, les yeux brillants. Elle ne semblait pas saisir le cœur du problème et Harak aurait voulu l'accuser de feindre de ne pas savoir, mais les lueurs dans ses yeux trop sincère pour le tromper eurent raison de lui.
- Je suis le Jarl, lâcha-t-il en se laissant tomber sur la chaise sans la quitter des yeux.
- Rien ne vous empêche d'en épouser une, murmura-t-elle si bas qu'il dut tendre l'oreille.
- Tu as raison esclave, rien ne m'empêche d'en épouser une, commença-t-il d'une voix de gorge qui la terrifia. Cependant je ne le veux pas.
Ce n'était pas la seule raison qui mettaient les femmes dans un tel était état de jalousie et encore une fois, la jeune villageoise ne semblait pas s'en rendre compte, comme si elle n'avait jamais été confronté à son propre reflet.
Il se mit à jouer avec les cordelettes de sa robe de nuit les yeux baissés, l'expression à la fois triste et craintive.
- Je ne sortirai plus sans votre autorisation, dit-elle d'une voix très douce qui le déstabilisa.
- Allonge-toi femme, tu dois te reposer, lui dit-il dans l'espoir que cette vision divine presque conçu par les dieux disparaisse.
Elle souleva les draps en laine et se rallongea sans jamais le regarder, mais lui en revanche...n'avait de cesse de la regarder.
Le viking inspira violemment et termina de boire comme si cette dernière gorgée allait suffire pour apaiser le désir qui grondait en lui.
De plus Inga ne l'avait en rien aidé à résoudre son problème, et l'avait peut-être même aggravé.
Avec humeur il se coucha à côté d'elle et comme la nuit dernière, son parfum se mit à graviter autour de son visage jusqu'à envahir ses narines. Au lieu de s'en agacé et de la maudire pour ça, il se laissa happer par cette sensation agréable que ce parfum lui apportait.
Il finit par s'endormir avec ces effluves qui voguaient autour de lui comme les écumes salés qu'il aimait tant humer près de la proue de son drakkar.
Au petit matin Harak fut extirpé de son sommeil par des gémissements qui ressemblaient à des plaintes douloureuses.
Il ouvrit brutalement les yeux en pensant d'abord que quelqu'un s'était introduit dans sa demeure pour attaquer la jeune femme, mais décela très vite que les bruits provenaient de la jeune femme elle-même.
Il embrassa son visage endormi avec cette sensation très intense chaque fois qu'il se rappelait qu'elle était à lui.
Sa main fine s'était inconsciemment posée sur son bras et elle tentait désespérément de le maintenir.
Harak exhala un soupir tremblant de désir et toucha une mèche de ses cheveux qui s'était déposée sur son avant-bras. Il n'avait jamais touché quelque chose d'aussi soyeux. Il avait beau tenté de l'ignorer, de feindre d'ignorer l'obsession qu'elle avait bâti en lui par un simple regard, Harak éprouvait des difficultés à résister à la tentation de la toucher tout en se rappelant de son corps nu contre le sien.
Rictus aux lèvres, il lâcha la mèche et se leva du lit brusquement...si brusquement qu'elle sursauta.
Freya se redressa avec hâte et fut soulagée d'avoir été extirpé de ce cauchemar qui lui glaçait encore le sang.
Son maître se leva, lui exposant non seulement sa hauteur vertigineuse mais aussi son torse nu et saillant.
Les muscles dans son dos se jouaient diaboliquement de ses mouvements et Freya resta un long moment à les observer en ne se souvenant pas d'en avoir vu d'aussi redoutables.
Elle se leva du lit en se souvenant des tâches qu'elle avait laissé à l'abandon et désirait maintenant les exécuter pour fuir les rougeurs qui dévoraient ses joues.
- Où vas-tu d'un pas aussi pressé ?
- M'occuper des tâches et de celles que je dois partager avec les autres femmes.
- Il n'en est pas question, décréta-t-il en enfilant sa tunique noire.
Elle se risqua à le regarder d'un air interrogateur.
- Tu n'as aucunement besoin d'exécuter les tâches communes, tout ceci n'est qu'un mensonge qui avait pour but de te rendre malade et pire encore.
Il s'approcha d'elle, avec ce regard orageux qui allait de paire avec la ciselure impitoyable de ses traits.
- Je suis le seul à qui tu dois obéir, reprit-il sur un ton plus amène. As-tu compris ?
- J'ai compris, lui dit-elle en baissant les yeux. Allez-vous cependant me condamner ici à jamais ? Je n'ai pas le droit de quitter la maison ?
Il se rembrunit.
- Je vous demande pardon, s'empressa-t-elle de dire en se détournant pour fuir.
Une main puissante lui retint le bras et elle fut attirée contre son torse impitoyable.
- Je n'ai pas suffisamment confiance en toi pour te laisser déambuler dans le village toute seule et tu n'es pas en sécurité auprès des autres femmes.
Freya réprima sa déception en fixant son torse.
- Alors je resterai ici selon votre bon vouloir.
- Heureux de l'entendre.
Il la relâcha mais ne s'éloigna pas pour autant.
- Tu es autorisé à me regarder dans les yeux à partir de maintenant.
Masquant faiblement sa surprise, Freya rejeta la tête en arrière jusqu'à s'en faire mal au cou..
- Si je dois jouir d'un plaisir alors autant que ce soit celle-ci, ajouta-t-il en plongeant son regard dans le sien.
Tout son être se figea et elle eut peine à respirer.
Il agrippa ses joues pour incliner sa tête un peu plus en arrière.
- Ne bouge pas d'ici pendant mon absence, je serais de retour dans très peu de temps.
- Oui.
Il tomba le regard sur sa bouche et elle vit ses mâchoires tressauter avant de la lâcher.
Freya posa la naissance de ses doigts sur ses joues en le regardant se baisser pour passer l'encadrement de la porte d'entrée et reprit son souffle seulement quand il la referma derrière lui.
La douleur sur ses joues demeuraient faible comparé à cette sensation étrange qu'il venait d'y laisser avec ses empreintes.
Alors se surprit à penser qu'être l'esclave de ce guerrier sanguinaire n'était peut-être pas une aussi mauvaise chose, mais peut-être le commencement de ce qu'elle avait toujours souhaité en secret...
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