IV. Devinum*

NdA: Voici le chapitre 4 ! N'hésitez pas à me signaler les fautes d'orthographe !

La complice de Lycaon se réfugia derrière un étal en bois décoré d'une grossière nappe en coton, sur laquelle étaient entreposés des figues, des dattes, des prunes, des pommes, des amandes et autres fruits secs. Elle reprenait son souffle et, son cœur tambourinait dans sa poitrine. Elle redressa sa tête pour s'assurer que le riche romain, à la tunique immaculée, ne l'avait pas suivie jusqu'ici.

Elle soupira bruyamment, ravie. Il n'y avait plus aucunes traces de lui. La complice de Lycaon avait bien cru que cette fois-ci, le subterfuge qu'elle avait élaboré avec le vieux tragédien allait mal tourner. Elle se réjouit d'avoir pu semer cet idiot de patricien qui - elle devait bien l'avouer - avait été pugnace pour la poursuivre jusqu'ici. Elle en aurait probablement fait autant pour cinq mille sesterces.

Une véritable fortune ! pensa-t-elle en nouant sa tunique au niveau des épaules avec une ébauche de sourire satisfait.

La jeune femme posa sa tête contre la poutre de l'étale en mordillant sa lèvre. Elle s'imagina toutes les choses qu'elle pouvait enfin payer et s'offrir. Elle ne put réprimer un rire en visualisant la tête de la mégère gardienne de l'insula lorsqu'elle payerait le loyer de ce vétuste appartement. Elle ne risquerait pas d'être à la rue cette fois-ci. Et, elle ne s'inquiéterait plus pour payer les frais de ludi magister* de son frère.

Les rayons chauds du Soleil de mois de Mars chauffait délicieusement sa peau. Elle en aurai bien profité plus longtemps mais elle devait se hâter pour accueillir son frère. Elle s'essuya ses bleus avec le bas de sa tunique, torsada ses cheveux et les ramena sur le côté.

Elle eut à peine fini que le marchand l'aperçut et la chassa rapidement sous des cris de menaces et insultes.

L'intrépide jeune femme ravala son juron et s'engouffra dans les dédales d'échoppes à la recherche de Lycaon.

Elle se faufila dans ce lieu plein de couleurs et de senteurs qu'était le marché de Rome qui fourmillait et trépignait. On y vendait toute sorte de marchandises : des sacs de céréales, des amphores pleines d'huile ou de vin, des potions et des onguents aux vertus discutables, des parfums, des tapis, des étoffes, des sandales, des bijoux et autres amulettes à l'effigie des Dieux protecteurs de Rome.

Les matrones se précipitaient sur le perron des échoppes où les marchands criaient pour attirer l'attention des clients. Les artisans s'activaient dans leurs ateliers ouverts sur le forum. Les chiens égarés déchiquetaient des sacs abandonnés en contre-bas, rapidement chassés par des enfants.

Elle passa par toutes les boutiques d'amphores du Forum mais en vain. Le connaissant, Lycaon devait se soûler à la taverne, ses joues rondes aussi rouge que celles de Bacchus. Elle espéra qu'il ne dilapiderait pas tout l'argent dans les jeux de dés. Elle traversa l'artère sans s'apercevoir le porteur de litière hurler avec des grands gestes pour ne pas gêner son passage.

Les passants regardèrent médusés la litière froncer à toute allure mais la complice de Lycaon, elle, l'évita de justesse. Le quatrième porteur, celui de derrière, la bouscula et écrasa le bas de sa tunique déjà bien mal menée.

Dans la surprise, elle tomba dans la nuée de poussière qu'avait provoqué la litière. Elle cria en direction de la litière bien loin dans l'artère :

« Et pardon ? ... »

Elle toussota puis se releva sous les chuchotements de quelques passants qui lui jetaient un mauvais regard. Elle se dépoussiéra en maugréant :

« C'est pour les chiens, je suppose .... »

La jeune femme constata avec dépit que sa tunique était déchirée jusqu'à son genou. Elle arracha alors le long de la robe et attacha la chute autour de sa taille, la marquant.

Elle se dirigea vers les boutiques cachées sous les voûtes près de la basilique Æmilia dont une partie portait encore les stigmates de l'incendie. La complice de Lycaon scruta quelques tuniques à côté de deux romaines de son âge qui bavardaient devant des bijoux. Elle jeta un rapide coup d'œil vers elles.

Des filles de riches sénateurs, jugea-t-elle pleine de dédain.

L'une était vêtue d'une magnifique robe d'un vert vif satiné avec sa palla drapée où retombait des cheveux aussi noirs que le plumage d'un corbeau. De profil, son nez était long avec une légère bosse. Coquette, elle leva la main dont les ongles étaient vernis comme agacée par ce qui se trouvait devant elle. La seconde, plus naturelle, avait une tresse d'une blondeur semblable à un épi de blé, habillé d'un serre-tête. Son bras bronzé par le soleil était drapée d'une robe bleu azuré brochée par une jolie scarabée dorée. Celle-ci était obnubilée par un collier en laiton assortir d'une pierre d'un bleu nuit aux reflets violets dans les mains.

« Regarde ce magnifique collier ! Ne serait-il pas parfait pour la fête religieuse ? Il s'accordera à merveille avec ma stola rose poudré, non ? »

Elle le porta à son cou faisant resortir ses yeux verts d'eau.

« Vulgaire et banale, balaya la brune d'un revers de la main manquant de gifler la complice de Lycaon. Depuis que l'Impératrice est apparue avec son collier d'améthyste, toutes les autres romaines en portent. Tu veux vraiment lui ressembler ? »

D'une œillade, elle pointa son menton en forme de cœur vers une matrone romaine, fardée d'un bleu dur faisant ressortir la paupière tombante qui ondulait des hanches.

« Je ne vois pas ce que tu as lui reproché, Helena. Cela lui va très bien ...

― Très bien ? s'offusqua sa cousine. Et bien commençons par sa robe qui ne s'accorde pas du tout à son teint ni à son fard, et cette ceinture .... Une horreur à mes yeux. Que les Grâces lui viennent en aide. Fais-moi confiance Aurore, continua-t-elle en reportant son attention sur sa cousine. Tu n'auras pas ce que tu désires ainsi. Heureusement que je suis là pour te rappeler la mode à Rome et t'éviter une humiliation certaine. »

Exaspérée, la complice de Lycaon haussa les yeux vers le ciel et soupira devant tant de superficialité. Elle renâcla si fort que la dénommée Helena lui lança un regard réprobateur en avisant la tenue relevant les jambes fines. Elle souleva son bras où des bracelets d'ors miroitaient les lumières du soleil aveuglant la complice de Lycaon.

« Je n'arrive pas à croire que nous avons semé notre nounou pour ça, Aurore ? Moi qui pensais que nous allions voir de beaux gladiateurs !

― Nous irons les voir plus tard, Helena ! Grand-père m'a promis qu'il organiserait une réception où tes beaux gladiateurs seront conviés, lui sourit-elle complice en creusant sa fossette droite. Ces topazes t'iront à ravir pour cette occasion. »

En reposant le collier sagement, Aurore donna les boucles au commerçant alors qu'Helena se mit à sautiller sur place, surexcitée. Des gladiateurs, voila comment se divertissaient les jeunes romaines.

« Je voulais juste choisir quelque chose par moi-même pour la fête, sans se faire interrompre.

― Ma chère, je te signale que nous avons des esclaves pour faire nos emplettes pour nous. Sinon à quoi cela nous servirait-il ? Joli choix, dit sa cousine en observant la bague masculin où un rubis rouge comme le sang y était incrusté qu'avait Aurore.

La jeune romaine n'écoutait pas sa cousine. Son regard ne se détachait pas de cette bague. Peut-être que cela lui plaira ? Il désirait tellement en avoir une lorsqu'il était jeune. Se souvient-il seulement d'elle ? Depuis son retour à Rome, elle n'avait qu'une envie c'était de le revoir.

« Est-ce pour un ami ? glissa malicieusement Helena.

― Peut-être bien. Enfin, s'il se souvient de moi. »

Aurore glissa quelques pièces dans la paume du marchand. Elle rangea ses emplettes dans une bourse tandis que la brune plaça son bras sous celui de la blonde intriguée. Elle ramena une mèche qui dépassait de sa tresse et elles avancèrent.

« Comment aurait-il pu d'oublier la belle Aurore ? Tu ne manques pas de prétendants à ta porte depuis ton retour ! Titus était si drôle l'autre jour avec ce bouquet ... »

Derrière elles, la complice de Lycaon, excédée, mima les manières de la brune. Elle profita pour subtiliser habilement le voile blanc de la blonde, occupée à contredire sa cousine. Elle tourna à gauche où un vendeur de faisans peignaient délicatement.

Elle continua son chemin en couvrant ses épaules nues concertée par les ambitions des jeunes romaines. Un vent de senteurs lui caressa le visage délicat et le frais parfum de l'or bleu lui chatouilla les narines, lui évoquant les immenses champs de lavande d'Avenio* où elle avait l'habitude de gambader au soleil coucher.

Ce sentiment de sécurité, d'insouciance, ses visages qui lui souriaient, et les rires ....

Un frison la transperça. Elle secoua sa tête pour chasser toutes ses pensées, oubliant le passé pendant que la commerçante lui tendit un épi de l'or bleu avec compassion.

Elle refusa, d'abord, cependant la bien en chaire commerçante insista et plaça l'épi dans ses cheveux châtains, avec un doux sourire comme celui d'Ar-....

Non elle ne repenserait pas à là-bas et à eux. Elle bafouilla rapidement des remerciements, déstabilisée, et s'éclipsa au moment où une esclave chétive indiqua la présence de sa maîtresse, confortablement installée dans la litière.

Une foule qui s'agglutinait attira son attention. Elle s'y faufila et tomba sur un grand homme un peu maigrelet qui le front rouge comme si Vulcain l'avait frappé avec sa forge. Elle le considéra avec un cynisme apparent.

« Venez mes amis ! Approchez-vous ! Ne désirez-vous pas connaître ce que les Dieux vous réservent ? La fortune dans vos affaires, un mariage certain pour toi ma jolie .... »

Elle esclaffa devant le numéro que jouait ce piètre astrologue qui s'arrêta au son du rire méprisant.

« Toi, là-bas ! montra-t-il la jeune femme d'une main. Oui toi, là bas ! Tu oses te moquer de Manilius ? Voyons ce que les Dieux ont décidé pour toi ! »

Il lui demanda de s'approcher d'elle devant la foule ébahie et excitée. La complice de Lycaon fit une moue puis s'avança vers l'astrologue à la toge de mauvaise qualité.

« Allons, cesse cette mascarade. Tu n'es pas plus astrologue que je suis reine. », lui chuchota-t-elle amusée.

Elle lui fit un clin d'œil discret. Cependant Manilius ne l'entendait pas ainsi. Il fit voler sa cape d'un geste, piqué au vif. Il ne lui dit rien et la fusilla simplement du regard, ce qui la mit mal-à-l'aise.

« Donne-moi ta main, Théa. Est-ce bien ton nom ? »

Elle tourna la tête d'un air suspicieux tandis que la foule l'acclama, subjuguée.

« Tu ne me connais pas, répliqua-t-il avec un air satisfait, comme s'il avait lu dans les pensées de la jeune femme. Les Astres m'ont prédit ta venue. »

Ce fut à son tour de sourire à moitié, de ses lèvres fines corrigeant ainsi l'insolente femme, certes ravissante mais insolente. À vrai dire, Manilius l'avait croisée plus tôt avec un homme court, transpirant de sueur qui s'offusquer en criant son nom. L'astrologue avait un talent, autre que divinatoire; celui de se souvenir des visages et des prénoms.

Il lui prit, donc, la main rugueuse et pleines de cors de Théa et détailla sa tunique grise déchirée, le voile de soie blanche qui couvrait ses épaules. Celui-ci devait provenir d'un riche patricien.

La voyance était une question de détails, de vendre du miel aux oreilles des clients. Il râcla sa gorge puis se concentra sur les lignes sur la paume de sa main.

Et là, subitement le temps se suspendit. Le tonnerre tonna et un éclair déchira le ciel. La foule disparut pour laisser place à un incendie provoqué par Hadès d'une épaisse fumée.

Un aigle royal, majestueux glatit et porta dans ses griffes acérées une couronne. Il fronça droit sur Théa vêtue d'une toge blanche avec une ceinture en or. Il glatit à nouveau puis se plana autour de la jeune femme pour y déposer une couronne de laurier sur ses cheveux châtains.

L'aigle se sentit soudainement menacé et s'éloigna. Le sifflement perça les oreilles de l'Astrologue. Apparurent deux serpents ondulèrent autour de Théa, tels les serpents de la Dordogne. La jeune femme avait dans les mains deux spectres dorés qui ne put distinguer correctement. Un des serpents rampa le long du bras et s'enroula autour de la main de Théa .

Manilius cligna les yeux.

Un danger court, Manilius, lui dit une chouette.

Alors, le serpent menaçant brandit sa mâchoire et était sur le point de planter ses crocs menaçants.

Manilius, bouleversé, se retint de lâcher sa main.

« Alors qu'as-tu vu ? » s'enquit une matrone empêchant son fils de s'avancer plus.

Malgré la chaleur du soleil de Rome, des doigts glacials parcoururent la nuque de l'astrologue et un souffle froid le parvint à ses oreilles. Sa gorge se noua. Devenait-il fou ou bien avait-il trop bu ? Les Dieux se moquaient-ils de lui ? Avec prudence, il scruta les yeux aux reflets noisette qui le fixaient avec intérêt.

« Alors un mariage dans l'année ? demanda-t-elle avec effronterie. J'aimerais bien récupérer ma main, si cela ne te dé-... »

Une romaine la poussa d'un coup de hanche. Elle reconnut la prétentieuse romaine qu'elle avait croisée plus tôt sur l'étale de bois et l'assassina du regard.

« Lis plutôt mon avenir ! Nous n'avons que faire de l'avenir d'une courtisane des bas quartiers », dit-elle plein de dédain.

Manilius bafouilla en observant le voile blanc s'éloigner, au gré du vent. Il ne se doutait pas mais Manilius avait eu une vision de l'avenir. Il ne se doutait pas où cela le mènerait.

« Alors ? » s'impatienta Helena en plissant son nez.

Fin du chapitre 4

Nous découvrons un peu l'univers de la jeune Théa.

Avez-vous trouvé tous les signes ? Je crois que les Dieux romains se sont cachés dans ce chapitre ;)

En média: la belle Diane Kruger dans le rôle de Aurore :)

Merci d'avoir lu ce chapitre et je vous souhaite une bonne semaine ❤️
À très vite pour le chapitre suivant

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