III- Fuga*

Précédemment dans L'Esclave de Rome : En route vers le Capitole, la litière des héritiers de Rome, Julius et Lucius, se retrouvent coincée dans un embouteillage. Le téméraire Julius décide, alors, de s'engager à pied dans les dédales du forum afin de gagner au plus vite le siège des Sénateurs. Il fit alors la rencontre d'une mystérieuse esclave poursuivie par son contre-maître.

*** ***

« L'avez-vous vue, Dominus ? Une esclave à la peau tannée , insista l'homme en se voûtant légèrement.

— Non. Je n'ai vu personne, ici. »

Les mots étaient sortis si promptement de la bouche de Julius que,même lui en fut fort surpris. L'estomac noué, le romain passa une main dans ses cheveux châtains et lança un coup d'œil en coin vers le muret végétal .

L'étrange contre-maître, voûté, grattait son crâne luisant,incrédule en marmonnant : 

«J'aurais pourtant juré.... »

Julius ne lui prêta aucune attention. Le majestueux héritier de Rome constata avec un grand soulagement que la tunique grise avait, maintenant, disparu ainsi que sa jolie propriétaire.

Une pointe de déception piqua toute de même le cœur du bellâtre romain en repensant à la chevelure et au visage de la jolie femme qui avait pris la fuite. Il n'avait posé ses yeux sur elle que quelques secondes, bien suffit pour éveiller une attirance aussi violente que brutale.

Julius se tourna vers l'homme qui gesticulait dans tous les sens et autour de lui, aussi ennuyeux qu'une mouche. Il détailla dédaigneusement le sommet du crâne du vendeur d'esclaves puis passa en revue les bras gras et lâches, le ventre bedonnant abusant du vin et les mains poisseuses... S'imaginer que cet homme avait posé rien qu'un doigt sur elle l'agitait et le rendait fou de rage. L'avait-il frappée, maltraitée ? Son mâchoire se contracta compulsivement et les yeux bruns du romain s'assombrirent à l'idée que cet homme ait osé lever la main sur elle.

Pourquoi, lui, héritier de Rome, se préoccupait-il tant du sort d'une inconnue, d'une simple esclave au point de mentir à un vulgaire contremaître grassouillet ?

Le vendeur d'esclaves croisa le regard noir du romain. Il s'approcha avec prudence du romain qui lui parut bien plus impressionnant avec sa barbe de quelques jours et, dans sa toge qui faisait ressortir ses bras dorés et musclés. D'un ton qui se montrait peu assuré, le contremaître insista :

« Dominus, en êtes-vous sûr ? Elle.... »

— Oses-tu remettre ma parole en doute ? »

Le ton de Julius était aussi sec et autoritaire qu'un coup de fouet ce qui fit grincer des dents le contre-maître.Ce dernier pesta dans son for intérieur contre ce patricien si condescendant.

Ces riches patriciens! Tous les mêmes, remarqua-t-il avec un certain mépris. Mais tu ne perds rien pour attendre, mon grand.

Discrètement, il passa sa tête par dessus de la large épaule du romain de Julius en quête de sa complice, mais il n'y avait que des marchands ambulants rejoindre le forum.

Par Dionysos, où pouvait-elle ?

La main calleuse de Julius était toujours suspendue dans les airs, d'une manière bien suffisante comme si le romain attendait des excuses ce que le vendeur d'esclaves s'empressa de faire.

D'un haussement de sourcil,  Julius secoua sa main et interrompit le flot d'excuses du vendeur d'esclaves qui tombèrent comme une sorte de bafouillement incompréhensible

« Me crois-tu intéressé par le sort d'une vulgaire esclave alors que je pourrais en avoir des dizaines ? s'enquit plein de dédain le patricien romain. »

L'homme entre deux âges s'épongea le front d'un bout de sa toge, visiblement inquiet d'avoir courroucé ce patricien d'une riche famille. Ce dernier fit une courbette maladroite. Ses orteils étaient boudinés dans les sandales montantes aux lanières usées et son habillement simple avec quelques tâches de vin faites plus tôt dans une taverne sordide .

« Lycaon, répondit-il en pointant son nez droit fièrement, Dominus.

— Lycaon, dis-tu ? Quel drôle de nom pour un vendeur d'esclaves !

En relevant son menton, le vendeur croisa le regard déterminée de la jeune femme lui faisant un signe discret. C'était le moment de montrer son talent. 

« Là où tu ne vois qu'un vieillard décharné d'autre peut y voir un Dieu, s'y cachait, s'amusa le dénommé Lycaon. Les apparences peuvent être bien trompeuses. »

— Un vendeur d'esclaves capable de citer Ovide, ceci est bien rare, s'étonna Julius avec un rire. Surprenant !

— Plus un objet est rare et plus il a de prix, et plus longtemps aussi nous en sommes épris », murmura Lycaon entre ses dents avec un petit sourire carnassier.

— Réponds-tu toujours avec des énigmes ? » l'interrogea Julius.

Le vendeur haussa simplement les épaules à moitié amusé. Ce fut à ce moment que deux enfants couraient dans la ruelle avec insouciance avec leurs tablettes rappelant à Julius son devoir. 

« Regarde par toi-même, Lycaon. La rue est déserte, hormis ces deux enfants qui jouent. Il n'y a personne. Ton esclave a dû prendre l'autre artère. Je te souhaite de ne pas recroiser ma route à l'avenir. »

Julius s'écarta du passage et s'avança d'un pas assuré le pavé régulier vers la Via Sacra où la foule serpentait.

Derrière lui, le tribun romain entendit la voix sourde et grondante de Lycaon.

« Ah ! Je t'ai chopé, petite putain. Croyais-tu pouvoir m'échapper ? Relève-toi ! Tu étais plus farouche avant !  »

Violemment, Lycaon prit les bras la jeune femme pour la relever qui grimaça de douleur, et il leva l'autre main vers le ciel, prêt à lui donner une leçon. Effrayée, l'esclave se tétanisa en poussant un petit cri, et de ses mains salies par la terre, l'esclave eut le réflexe de protéger son visage au teint halé.

Julius attrapa fermement le bras levé prêt à frapper la jolie inconnue de Lycaon, qui semblait aussi apeurées, aussi délicates mais aussi dignes que les biches qu'ils aimaient traquer lors de ses innombrables parties de chasse.

« Je t'en donne 2 000 sesterces », lui dit-il Julius en ne quittant pas des yeux la jeune femme.

L'inconnue écarta avec prudence les mains de son visage, plongeant ses yeux bruns dans ceux de l'héritier de Rome. Lycaon baissa son bras et étudia la proposition en faisant les allers-retours entre les deux.

« Je ne suis pas à vendre », protesta la jeune femme dans un grec le plus pur.

Le jeune romain arqua un sourcil, pris au dépourvu par sa répartie. Elle n'avait pas sa langue dans sa poche et tenta de se débattre avec une étincelle belliqueuse dans les yeux noirs.

«  Tu l'entends ? Elle n'est pas à vendre, se mit à rire catoniquement Lycaon. Tes deux mille sesterces ne sont apparemment pas assez pour cette jolie princesse, Dominus.»

Le vendeur enfonça ses doigts dans la chair mate d'esclave marquant ainsi sa peau, que Julius aurait aimé tant goûter. D'un regard noir, la mâchoire se contracta au fur que la colère montait. Il renchérit son offre sous les protestations de la jolie esclave qui se voyait mise à pris comme une marchandise. 

« Tais-toi, veux-tu ! Tu m'empêches de réfléchir, répliqua Lycaon en la secouant dénuant son épaule .

—  Si tu avais quelque chose prévu à cet effet, constata l'esclave arrachant un sourire à Julius.

— Crois-tu que je la vendrais à ce prix là ? demanda le vendeur en plantant ses ongles longs dans le bras de l'esclave. L'as-tu bien regardée, Dominus ?»

Lycaon empoigna les joues de la jeune femme qui détourna son regard.

« Ce visage presque parfait à part ce grain de beauté près de son nez ? Ses lèvres sont à croquer et tu l'as entendue parler, non, Dominus ? Cette voix si mélodieuse qu'on sonne comme du miel à vos oreilles ....»

Il énuméra ainsi toutes les qualités avec un sourire satisfait sachant qu'il avait conclu la vente à en juger le regard fou de désir que jetait Julius à son esclave .

«.... N'est-elle pas charmante ? Elle parle et écrit le grec, ce qui peut être très utile. Sais-tu sa vertu principale ? Elle est aussi vierge que la déesse Diane. Et ça, vois-tu, c'est son atout principale. Sais-tu combien je pourrais en tirer chez un grand patricien ? Le double voire le triple, surtout si je la présente à ce Caius Julius Vespianus. »

Avec un air plein de malice, le contre-maître glissa en se tapotant le ventre :

« Tu sais ce que l'on dit de lui, Dominus ?

— Non, renseigne-moi, Lycaon.

— D'après les rumeurs , il aime s'encanailler comme l'illustre Caesar et ne se prive de rien ce coquin. Son point faible, les femmes, clairon à Lycaon ravi. Surtout celles qui viennent d'ailleurs. Tout Rome le sait. Et s'il me la refuse, ce fou, d'autres me la prendront. Les célibataires qui veulent réchauffer leur lits ne manquent pas à Rome. »

Conquérant, le vulgaire contremaître pinça les fesses de la jeune femme qui la fit sursauter. A ce geste, les poings de l'héritier de Rome se contracta et se décontracta de manière compulsive. Impatient, Lycaon tira l'esclave au plus près de lui et avec un voix perchée, il dit :

« Alors ? N'est-elle pas ma jolie ?  »

Elle cracha sur ses pieds crasseux et, le vendeur la gifla violemment ce qui fit bondir Julius. Les larmes aux yeux, elle s'essuya la pointe de sang qui se dessinait sur ses lèvres parfaites. Lycaon se tourna vers le patricien qui avait les poings serrés, prêt à le cogner :

« Alors combien tu m'en donnes ?  »

Sans un mot, Julius tendit sa lourde bourse qui contenait une jolie somme puis lança un regard à l'esclave meurtrie . La puissante rage qu'il ressentit s'envola aussitôt pour laisser place à la compassion.

« Prends-la avant que je change d'avis et que je t'en colle une ! »  s'exclama Julius.

Le vieil homme lâcha le bras de la femme qui tomba au sol, et arracha la bourse des mains du jeune homme.

« Elle est à toi ! s'exclama Lycaon tout sourire, les yeux brillants où des centaines de pièces dansaient. Ce fut un plaisir de faire affaire avec toi, Dominus ! »

Julius s'agenouilla pour venir en secours de l'objet de sa fascination

« Je te préviens, Dominus, s'écria Lycaon au bout de la rue. Elle est très rusée, bien plus que Métis. »

Sans prendre garde à l'avertissement , Julius tendit la main vers la belle inconnue qui la rejeta .

« Tu n'as plus rien à craindre, maintenant, affirma avec douceur le romain.

— Je n'avais pas besoin de ton aide ! lui répondit-elle en grec en reculant.

— Curieuse façon de remercier ton maître. Il t'aurait trouvé, de toute manière ! Est-ce, donc ainsi, que tu parles à ton maître ?  », s'enquit Julius debout, les bras croisés et avec un sourire béat sur les lèvres.

Avec un regard de biais, la femme se releva et, avec des yeux  qui s'allumaient de rage sous des sourcils vigoureusement tracés, elle lança:

« Je ne suis pas à ton esclave ! Tu aurais du te méfier, comme t'avait prévenu Lycaon. Subure n'est pas un endroit pour des jeunes patriciens dans ton genre. »

Sa chevelure dansait sur ses épaules au rythme de ses pas. D'une démarche altière et sensuelle contrastant avec sa tenue en lambeaux, elle s'approcha plus près de lui, sans une once de peur. Le romain à la constitution athlétique, fut impressionné par le courage de la frêle créature qui pouvait briser en deux sous ses fortes mains. Il pouvait sentir son souffle chaud qui le fit chavirer, et il porta sa main pour caresser sa joue.

Elle était magnifique, belle et fascinante à en faire pâlir les déesses, surtout Vénus. Julius aurait pu passé des heures à contempler la délicatesse de ses traits, à explorer le moindre recoin de son corps pour mieux la connaitre, si un enfant ne l'avait pas effleurer le ramenant à la réalité .

« Quel est ton nom, esclave ? », réussit-il à artciuler .

Ses lèvres corail s'étirèrent sur son visage où ses dents éclataient comme des perles, déstabilisant Julius, envoûté. Elle prit sa tunique grise dans les mains et se mit à courir jusqu'à la Via Sacra.

Pris au dépourvu, Julius la poursuivit mais à son grand désarroi, elle était rapide et agile et la foule était dense.

« Attends, dis moi au moins ton nom ! », s'époumona le bellâtre.

Le cœur cognant dans le torse musclé de Julius, il parcourut autour de lui, bousculé par quelques hommes qui s'indignaient. Il ne croisa que les regards intrigués de jeunes femmes collées au mur, rieuses, ou les marchands qui le sollicitaient.

Il était trop tard, soupira-t-il en frappant un caillou .

Puis, un souffle d'espoir regagna l'héritier de Rome à la vue d'une chevelure brune qui flottait près d'un marchand de fruits et légumes. Lorsque celle-ci se retourna , il constata avec dépit que ce n'était pas elle. Il avait tellement de questions à lui poser lui demander, qui était-elle, d'où elle venait, qu'adviendra-t-il d'elle ?

Mais, voici que le malin Éros se jouait à présent de lui, comme ce dernier se jouait des femmes.

La puissante main aux poils dorés claqua son épaule. Julius se retourna prêt à se défendre lorsqu' il s'aperçut que ce n'était qu'Angelus. L'héritier de Rome baissa son poing tandis que son esclave le réprimanda.

« Ton illustre grand-père, Octave Auguste, n'aime pas attendre, Dominus. »

En passant une main dans ses cheveux, Julius acquiesça à contre-cœur. Il reprit sa route, en jetant un regard derrière lui, se jurant qu'il remettrait la main sur l'insaisissable inconnue, qui était devenue, à présent, son esclave.

Fin du Chapitre 3

Qu'en avez-vous pensé ?
Qui est donc cette inconnue et Lycaon ?  
Julius va-t-il retrouver  son esclave ?

Merci d'avoir lu ❤️
N'hésitez pas me signaler des éventuelles erreurs ~

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