8.
— Comment pouvez-vous affirmer avec autant de dédain n'être aucunement responsable de leur mort ?
L'enquêteur, furieux, écrasa une nouvelle fois de son poing le volumineux dossier devant lui. Trois cadavres sur les bras, une disparue déclarée morte par le seul survivant-témoin et aucun suspect hormis ledit témoin, ce gars imbuvable assis devant lui, de l'autre côté de la table de la salle d'interrogatoire.
— Je vous répète que je n'ai aucune putain d'idée de qui est derrière tout ça ! Mais c'est cette personne qui les a tués. Tous. Même Elie. Je l'ai vu.
— Et vous n'avez aidé aucune de ces personnes à s'en sortir, d'après ce que je lis dans votre déclaration, monsieur Hardel, persifla l'inspecteur en toussant tel un vieux fumeur.
— C'était eux ou moi. Vous connaissez le film, non ?! commençait à s'énerver David. Je vous ai tout raconté je ne sais même plus combien de fois. Je n'ai plus rien à vous dire parce que je ne sais rien de plus. Mais je vous répète qu'Elie avait l'air d'être sûre de savoir qui c'était. Vous devriez donc chercher dans son entourage.
Le quarantenaire à l'embonpoint prononcé observa son suspect en se grattant le menton.
— Mais dans son entourage, nous vous trouvons vous, monsieur Hardel. L'amant d'Elie Bousquet et de Lisa Joubert. Pourtant ami et collègue du conjoint de cette dernière. Avouez que ça laisse perplexe, non ?
L'air dégoutté avec lequel l'enquêteur prononça sa tirade mit David hors de lui. Mais sachant qu'il se trouvait dans une position délicate, il préféra contenir sa rage afin de ne pas aggraver son cas.
— Je ne sais pas quoi vous dire, marmonna-t-il.
Et David recouvra sa liberté après des heures d'interrogatoire qui n'aboutissaient à rien.
Le jeune homme rejoignit son appartement, un air de lassitude sur le visage. Lorsqu'enfin confortablement installé sur son canapé-lit, il relâcha la pression accumulée, David se prit la tête dans les mains. Il ne souhaitait plus que faire le vide dans son esprit, oublier, tout oublier. Mais l'image d'un petit parchemin tournait inlassablement devant ses paupières closes.
« David te placera devant le polaroïd 163 pour que tu rencontres la mort. Compte jusqu'à trois et baisse-toi. Je te rends ta liberté en échange de sa vie. »
Il avait découvert le parchemin d'Elie dans la poche de son jean alors qu'il fuyait sans remords le bâtiment qui l'avait maintenu prisonnier pendant des heures. Son ancienne amante avait dû le lui glisser lorsqu'il l'avait prise dans ses bras.
Elle savait. Et elle avait accepté son destin. Elle lui avait donné sa vie. Après lui avoir offert son âme et son corps.
David se massa les tempes, un pincement au cœur. Certes, il n'était pas tombé amoureux d'Elie. Mais cette histoire lui avait prouvé qu'elle avait compté pour lui. Des larmes perlèrent sur ses joues amaigries, il ne les retint pas. En soupirant, il essuya ses yeux et pensa malgré lui :
« Pourquoi s'est-elle laissé faire ? »
*
Quelques jours après le drame, alors que la presse surnommait David « Le survivant » en gros titres dans tous les tabloïds, le jeune homme à la chevelure brune reçut un coup de téléphone de la police. En fin d'après-midi, la veille, dans une pièce dissimulée du sinistre lieu des crimes, le corps d'un homme de vingt-neuf ans avait été retrouvé, égorgé et éviscéré. L'enquêteur demanda à David de se présenter au commissariat pour une identification.
L'individu se nommait Pierre-Louis Legellec, et d'après les éléments relevés autour de son corps, il s'agissait de l'auteur présumé du jeu morbide dans lequel s'étaient retrouvés David et les quatre amis.
Pierre-Louis, dit Pilou, était une connaissance commune d'Elie et David. Devenu incontrôlable après que la jeune femme eut refusé ses avances au profit de celles de David, le presque trentenaire aurait imaginé cet escape game mortel en s'inspirant de divers films et jeux d'horreurs célèbres. Et l'organisation minutieuse et chronométrée de ce jeu infernal relevait, aux dires de l'inspecteur, du grand art pour l'amateur éclairé qu'il était, jusqu'à ce que le tueur se fasse assassiner à son tour, bien évidemment.
Mais comment s'y était-pris pour poser tous ces pièges ? Avec l'aide de quelle complice, puisque l'identification de la jeune femme de l'accueil fut un échec ?
De nombreuses questions restent encore aujourd'hui en suspens pour les enquêteurs chargés de l'affaire, mais également pour David. Le responsable de l'assassinat de Pierre-Louis Legellec n'a pas été identifié et le corps d'Elie demeure introuvable. Le mystère reste à ce jour entier.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.
Merci de tout cœur d'être allé jusqu'au bout de mon histoire. J'espère que tu l'as appréciée ;)
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