57. Intervention
« Pourquoi les autonomes avaient-ils lancé cette opération ? Comment l'avaient-ils organisée ? »
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Abi Pommel, le directeur général du BIS, écoutait. Il exultait. Mais il ne le montrait pas. Son secrétaire général Nov Lattag, visage neutre semblable au masque mortuaire d'un pharaon, semblait passablement contrit.
Cela tenait à leurs visions respectives des autonomes : Lattag ne les considérait pas comme des ennemis, mais comme des victimes des apprentis sorciers biologistes ; tandis qu'Abi Pommel, comme une grande partie des Élus, rêvait d'une occasion pour en découdre et pour serrer la vis sur Biodynamics.
« Aujourd'hui, à six heures du matin, des autonomes insurgés ont pris le contrôle d'un centre de vente à Londres. Nous avons peu d'informations sur le sujet. Le BIS va intervenir en collaboration avec la police locale.
— Monsieur le directeur, dit quelqu'un en lâchant son oreillette, ils ont abattu les deux drones de la police.
— Eh bien, ils n'ont qu'à frapper plus fort. Combien y a-t-il d'humains dans ce centre ?
— Aux dernières nouvelles il y en avait deux cent, dit Nov Lattag. Comme c'était à six heures du matin, le public n'a pas eu le temps de rentrer. On pense qu'ils ont prévu le coup pour ne pas s'encombrer d'un trop grand nombre d'otages.
— Et combien d'autonomes ?
— Cinq mille.
— C'est un grand complexe que nous avons là, dit le directeur en regardant les images 3D+ affichées au centre de la salle. Il y a 5000 autonomes, au total ?
— En fait... c'est 5000 uniquement pour le bâtiment des ventes. Les insurgés sont retranchés dans ce bâtiment. Il semblerait que le service de sécurité de Biodynamics les ait empêché d'accéder au centre de formation et au centre de production à côté.
— Bon.
Le directeur croisa les mains.
— Je veux qu'il y ait une opération du BIS avant même que la police n'ait le temps de bouger le petit doigt. Tout sera coordonné par notre antenne locale. Nov, rendez vous sur place pour surveiller la situation. J'ai plusieurs réunions aujourd'hui mais je garde contact avec vous. Je veux que nos meilleurs agents soient sur le coup. Nous tenons l'occasion de redorer un peu notre blason.
— J'ai déjà pris contact avec le centre local des opérations », dit Nov Lattag en affectant le détachement.
Pourquoi les autonomes avaient-ils lancé cette attaque ? Comment l'avaient-ils organisée ? Et surtout, quelle organisation tirait les ficelles ?
***
« Salut, les gars.
— Salut, Carlsson.
L'agent – considéré par ses pairs comme le meilleur élément opérationnel du BIS – remit correctement son implant auriculaire et vérifia que son casque à VA fonctionnait correctement.
— On a quoi ? »
Ils s'étaient installés dans la gare du métro située à cinq cent mètres de l'entrée principale du centre.
L'officier commandant fit apparaître le plan sur la VA et les vingt chefs d'équipe du BIS commencèrent à écouter ce qu'il disait tout en manipulant les éléments virtuels.
« À six heures du matin, les autonomes ont pris possession du centre des ventes. Il y avait deux cent humains à six heures. Les caméras ont été coupées dans une partie du centre et pour le moment, aucune reco automatique sur celles qui fonctionnent n'a montré un signe de vie. Je reviens tout de suite sur les éléments. D'abord le bâtiment.
Le complexe de Biodynamics a six entrées. L'entrée principale pour le public du centre des ventes est ici. Juste avant le grand hall, avec les circuits d'identification et les scans. Il y a deux entrées-sorties pour l'usine de production d'AF, deux entrées-sorties pour le centre de formation et une entrée-sortie pour le centre de production.
Les insurgés se sont installés uniquement dans le centre de vente. Le service de sécurité de Biodynamics n'a vu qu'ils étaient là que quand ils ont coupé les caméras et fermé la plupart des accès. La police est arrivée aussitôt sur les lieux et ils ont confirmé que BD avait encore le contrôle sur le reste du complexe, même s'il est en état d'alerte et que tout est bouclé.
— Ils ne peuvent pas simplement faire sauter ces portes d'accès ? dit Lory Maxwell, une des chefs d'équipe.
— Les autonomes gardent vraisemblablement les humains en otage. C'est un risque que nous ne pouvons prendre qu'après nous être assurés qu'il n'y a pas de solution. »
Carlsson examina le bâtiment en tournant autour de la maquette virtuelle.
Le centre des ventes s'étalait sur des kilomètres carrés ; il avait dix étages. L'entrée public, le grand hall, le grand balcon, ensuite les rayons sur sept étages, une immense cour intérieure carrée avec un jardin, et des accès à des parcs de chaque côté. Le plafond du grand hall était vitré, ainsi que celui de la cour carrée ; qui d'après les images satellite, était vide.
« C'est grand... murmura-t-il.
Les trois étages inférieurs, sous la surface du sol, étaient réservés à l'entretien, au service de sécurité qui y avait des quartiers, au restaurant du personnel, au centre de contrôle des robots de maintenance.
— Par où sont-ils rentrés ? »
L'officier de commande fit pivoter le bâtiment et indiqua une entrée qui le faisait communiquer avec le reste du centre. C'était un hangar de déchargement, dernier arrêt d'une ligne de train électrique réservée aux marchandises et aux produits de Biodynamics.
« Ils ont pris le train de quatre heures du matin, d'après les caméras de surveillance.
— Des opérateurs les ont forcément vu descendre.
— Bien sûr qu'ils sont descendus. Ce sont des manutentionnaires.
L'officier afficha une image d'un autonome poussant un carton sur un chariot.
— Celui-ci semble être le meneur.
Il afficha une autre image, prise lorsqu'il était au balcon.
— Où a-t-il eu son MK ? dit Lory Maxwell.
— Bonne question. Il devait être caché dans la marchandise. Comme toutes leurs armes.
— Ils en ont beaucoup ?
— Nous ne savons pas bien combien ils sont. Au vu du nombre d'autonomes entrés entre quatre heures et cinq heures, avant que l'accès au hangar ne soit bouclé... maximum deux cent.
— Deux cent, c'est énorme.
— Ils sont cinq mille au total dans le bâtiment, je vous ai dit. Les autonomes à la vente de la matinée. Et ce sont tous des ennemis potentiels.
— Comment le service de sécurité de Biodynamics a-t-il laissé passer ça ? s'exclama Carlsson.
— Ce sont des autonomes. Personne ne fait jamais attention à eux.
— Il est temps de ne pas faire la même erreur.
— Ils ont des revendications ? demanda Maxwell.
— Ils nous ont fait passer un message sur l'intranet du complexe. Ils sont en train de le décortiquer avec les psychologues de BD.
L'officier regarda brusquement Carlsson.
— J'ai besoin que vous aillez voir ces gars-là et que vous écoutiez ce qu'ils ont à vous dire. On va préparer l'intervention et vous serez en première ligne. »
Pourquoi moi ? Se dit l'agent.
Il eut soudain peur qu'ils soient au courant de sa maladie et de sa progressive diminution physique. Il se sentait très mal ce matin. Il avait encore avalé une boîte entière de cachets contre la douleur, et s'il essayait de faire bonne figure, il sentait tous ses muscles et ses os souffrir et le menacer de lâcher.
Carlsson attendait avec appréhension le moment où le BIS, dont il évitait les visites médicales depuis deux mois, allait se rendre compte que son état avait empiré et qu'il ne pouvait pas laisser un mort-vivant chef d'équipe d'intervention.
— Oui, commandant », dit-il d'un air martial.
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Là où il y a une menace, il y a Carlsson. Vous pouvez compter sur lui !
Enfin, on va voir.
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