3. Vision

  712 se trouvait à présent dans une pièce lumineuse. De nombreuses fenêtres étaient ouvertes et donnaient sur une cour. Il faisait chaud. Un parfum fleuri, celui du printemps, vint chatouiller les narines du garçon. Où suis-je ? Il regarda autour de lui. Il y avait des bancs, des chaises et, au fond, un tableau interactif. 712 eut comme une impression de déjà-vu.

  Il était seul, assis devant l'un des pupitres. Il voulut se lever mais en fut incapable. Il lui était impossible de contrôler ses mouvements. Qu'est-ce que... ?

  Tout d'un coup, la porte s'ouvrit sur deux personnes dont les visages lui apparaissaient flous.

  — Ah, tu es là ! s'exclama une voix familière.

  712 s'entendit répondre :

  — Ben oui... C'est vous qui êtes en retard, je vous signale.

  — Désolé, on avait un truc à régler.

  712 se leva alors qu'il n'en avait aucunement l'intention. Mais qu'est-ce qui m'arrive ? On dirait...On dirait que je suis prisonnier de mon corps.

  — Bon alors, quel est le plan ? demanda une autre voix, plus enfantine.

  — C'est risqué, très risqué. Vous êtes sûrs de vouloir le faire ? demanda 712.

  Faire quoi ? Sa vue se brouilla et son mal de tête repris. Non, attendez ! Faire quoi ? Mais il ne voyait plus rien.

*

 712 sentit quelqu'un lui secouer l'épaule et il ouvrit péniblement les yeux.

  — Faire quoi... marmonna-t-il.

  — Euh, ça va, mec ? demanda Joker, accroupi devant lui.

  712 était assis, le dos contre un mur. Qu'est-ce que c'était ? se demanda-t-il. Les maux de tête, ça le connaissait pourtant... Je délire...

  — Il faudrait peut-être le conduire à l'infirmerie, suggéra Exa.

  — Non ! cria 712.

  Ses camarades le dévisagèrent, surpris.

  — Désolé... C'est juste que... Je vais bien.

  — Tu es sûr ? s'enquit Exa en l'aidant à se relever.

  — Oui.

  Si le Dr. Bleye apprenait que ses maux de tête étaient de retour, 712 craignait d'être retiré du Programme. Et puis... Il y a... Non, c'est impossible, pensa 712.

  Joker et Exa l'observaient avec curiosité.

  — T'as des migraines ou une merde dans le genre ? demanda le roux.

  — On peut dire ça, oui...

  L'air pensif, Exa semblait réfléchir à la meilleure décision à prendre.

  — Je crois que j'ai tout simplement besoin de dormir un peu.

  — Dans ce cas, retournons au dortoir.

  Lorsqu'ils arrivèrent devant la porte de leur chambre, il était déjà 20 heures. Le toit de verre offrait une vue plutôt impressionnante du ciel étoilé. Exa déclara :

  — Je vous laisse, je dois aller rendre mon rapport. Avec tout ça, je ne l'ai pas encore fait.

  — Ton rapport ?

  — Je te l'ai dit, Exa est l'un des chiens des Examinateurs, persifla Joker.

  — Ne l'écoute pas. Je suis un Agent Spécial. Il y en un pour chaque dortoir. Nous sommes un relais entre les Déséquilibrés et les Examinateurs.

  "Déséquilibrés". Plus 712 l'entendait, plus ce mot l'agaçait.

  — Ne leur dis pas pour mon mal de tête. Ce n'est rien de grave.

  Exa fit la moue.

  — Je n'aime pas mentir.

  Joker leva les yeux au ciel.

  — Mais ce n'est pas un mensonge, protesta 712. Ce n'est simplement pas nécessaire de le dire. Je vais bien. Je n'ai pas envie d'attirer l'attention sur moi. Tu comprends, je viens à peine d'arriver...

  — Bon, d'accord, finit par dire Exa. Mais si ça se reproduit, je veux que tu ailles à l'infirmerie.

  712 hocha la tête.

  — Ne faites pas trop de bruit en entrant, il se peut qu'Orage dorme déjà.

  — Ouais maman, fit Joker, agacé.

  Exa tourna les talons et disparu dans les escaliers. 712 s'apprêtait à entrer dans la chambre mais Joker le retint par le bras.

  — Maintenant que l'autre relou s'est barré, tu vas me dire la vérité. J'déteste quand des p'tits malades veulent jouer les durs à cuire.

  — J'ai dit la v...

  — La ferme. Ne me prends pas pour un c*n. D'abord, tu mens comme un pied. Je suis même étonné qu'Exa ait tout gobé. Et puis, t'as dit quelque chose en reprenant connaissance. On aurait dit que tu parlais tout seul.

  712 se dégagea de son étreinte et lui lança un regard noir, abandonnant son masque d'innocence.

  — Ce ne sont pas tes affaires, lâcha-t-il sèchement.

  — Si tu le prends comme ça... Je vais de ce pas aller prévenir Exa de ce que j'ai entendu.

  Il fit mine de s'en aller et, cette fois, ce fut au tour de 712 de le retenir.

  — Attends !

  Il hésita. Joker arbora un rictus de satisfaction.

  — Si je te le dis, tu me jures de garder ça pour toi ?

  — Quoi, tu doutes de ma fiabilité ? demanda-t-il sur un ton sarcastique.

  Bah oui, je ne te connais pas ! 712 s'assura que personne ne les écoutait. En cette fin de soirée, il restait encore quelques Déséquilibrés qui flânaient dans les couloirs ou revenaient au dortoir. Après tout, peut-être que Joker a déjà vu ça... Cette pensée le convainquit. Il devait en parler à quelqu'un, histoire de savoir ce qui lui arrivait. Espérons qu'il n'est pas du genre à cafter.

  — J'ai eu... Quelque chose... Une sorte de vision...

  — Une vision ?

  — En fait, ça ressemblait à un souvenir.

  L'autre le dévisagea en silence.

  — C'est impossible, n'est-ce pas ? souffla 712.

  — Surtout dans ton cas. Quel souvenir tu pourrais bien avoir ? Ta Capsule t'a à peine libéré. Tu viens de "naître", mon vieux. Enfin mon jeune, du coup, plaisanta-t-il.

  Mais 712 ne riait pas. Son cerveau tournait à plein régime.

  — Ecoute, avant d'intégrer le Programme, les Examinateurs m'ont gardé en observation parce que je souffrais de maux de tête. Ensuite, mon psy m'a demandé si je n'avais rien remarqué d'anormal.

  — Et ?

  — Et si c'était de ça dont il parlait en disant "quelque chose d'anormal" ?

  — T'as peut-être des hallucinations... Ça doit être un effet secondaire de la Capsule.

  — Tu crois ?

  — Ouais... T'es sûr que tu n'veux pas aller à l'infirmerie ?

  — Certain. Il faut que je fasse le Programme, sinon je peux dire adieu à la Société. Garde tout ça pour toi, s'il te plait.

  — Ok...

  Tout d'un coup, quelque chose bougea dans le couloir et les deux adolescents retinrent leur respiration.

  — Il y a quelqu'un ! s'exclama Joker à mi-voix.

  712 sentit son cœur s'emballer. Qui donc avait entendu leur conversation ?



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