25. La révolte

  — Qu'est-ce qui te prend ?

  Noise était encore plus dérangé que ce que 712 imaginait.

  — Qui sait s'il y a encore des filles là dehors. Je ne vois pas pourquoi vous seriez les seuls à en profiter.

  Orage ne put réprimer une grimace de dégoût. 712 fit un pas en avant. Il se sentait plus en colère que jamais.

  — Lâche-la.

  Noise leva les yeux au ciel.

  — Pourquoi ? Tout ce qui t'intéresses, c'est de partir d'ici, pas vrai ? Je te livre la liberté sur un plateau avec la petite armée d'imbéciles que j'ai levée. Alors, quel est le problème ? Tu étais même prêt à sacrifier ton bouffon d'ami pour ça.

  Orage leva les yeux vers 712. Ce dernier sentit la culpabilité lui nouer l'estomac.

  — Ça n'a rien avoir, s'écria-t-il en reprenant ses esprits. Je pensais qu'il serait capable de te bat-

  Soudain, Noise poussa un cri aigu. Cendre venait de mordre la main tenant le couteau.

  — Pauvre folle !

  Il voulut l'étrangler mais elle esquiva son attaque et envoya un coup de pied dans son entre-jambe. Tandis que le garçon se pliait en deux, elle attrapa le couteau qu'il avait lâché et le planta dans son pied, faisant hurler Noise plus fort encore.

  Les deux autres étaient médusés. Sans un regard et le couteau à la main, Cendre les dépassa pour s'arrêter devant une autre cellule.

  — Il faut toujours tout faire soi-même avec vous, lança-t-elle derrière son épaule.

  Elle sortit une carte de sa poche et la passa devant un scanneur.

  — Où tu as eu ça ?

  — C'est Noise qui l'a pris au surveillant.

  Orage jeta un coup d'oeil au garçon qui gémissait.

  La cellule s'ouvrit et Cendre sourit.

  — Silence ? Tu peux sortir.

  712 s'approcha et se sentit obligé de s'excuser auprès du Déséquilibré qui avait accepté de les aider à cacher l'adolescente.

  — Ne t'inquiète pas pour ça. Ç'aurait pu être pire.

*

  — Ça ne pourrait pas être pire.

  Devant la porte du quartier des Examinateurs, Cendre commenta la scène avec horreur. Des tâches pourpres coloraient à présent le sol carrelé blanc où gisaient les victimes de la révolte ; Déséquilibrés et Examinateurs confondus.

  La bataille n'étaient pas terminés, et des jets bleus traversaient ponctuellement la pièce, accompagnés de cris et parfois même de pleurs. Les deux camps s'opposaient, tous deux en possession d'armes, avec des bureaux pour tout remparts.

  — Ne restez pas là, leur cria-t-on dans le camp des Déséquilibrés.

  S'accroupissant pour éviter les tirs, les quatre adolescents s'empressèrent de le rejoindre. 712 fut accueilli par un Joker couvert de sueur. Il avait l'air terrifié, mais également soulagé de les revoir.

  — Ç'a été pour la libérer ?

  — On a eu un petit contre-temps, dit 712.

  — Ces deux abrutis ont juste servi à compliquer les choses.

  Les garçons firent la moue et Joker sourit faiblement.

  — Vous... Vous avez vu Exa ?

  — Non, pourquoi, il n'est pas là ? S'enquit 712.

  Joker détourna le regard, ignorant sa question.

  — On a réussi à détruire les commandes des colliers électroniques. Ça veut dire qu'on va pouvoir fuir sans se faire géolocaliser.

  — Tant mieux...

  — Les Examinateurs ne sont plus très nombreux. On a l'avantage. Mais il nous en faut un conscient pour ouvrir la porte blindée. On pense que la sortie est derrière, et ça doit être vrai vu comment ils la protègent.

  Trois Examinateurs armés faisaient murailles devant la porte contre une dizaine de Déséquilibrés. Une dizaine... ?

  — Où sont les autres ? s'enquit 712.

  — Les Examinateurs en ont emmenés beaucoup... Les autres sont...

  Il regarda les corps au sol. 712 déglutit bruyamment.

  — Ils sont morts ?

  La voix d'Orage n'était qu'un murmure. Joker secoua la tête.

  — Inconscients... Si le liquide atteint la tête, il fait perdre connaissance.

  Et ceux qu'ils ont emmenés ? Où sont-ils allés ?

  — Les gars, fit un garçon aux cheveux blonds et au nez proéminent, on a deux armes et deux Examinateurs à mettre K.O., mais il ne faut pas qu'on rate les tirs. Qui pense pouvoir le faire ?

  Quatre se portèrent volontaires, dont Joker.

  — On a besoin de deux tireurs seulement...

  — Laissez-moi faire, intima le roux.

  Il prit l'arme que tenait un Déséquilibré et visa la tête d'un Examinateur. Un autre fit pareil avec le deuxième garde. Le blond reprit :

  — Prêts ?

  Joker hocha la tête.

  — Trois, deux, un... Feux !

  Les bruits assourdissant des échanges de tirs retentirent dans toute la pièce. Lorsqu'ils cessèrent, 712 passa prudemment sa tête de derrière le bureau pour observer la scène. Les deux Examinateurs visés étaient inconscients.

  — Ça suffit, hurla le dernier.

  Il montra ce qu'il tenait en main. C'était une petite boite avec un bouton rouge.

  — Encore un geste et je nous fais tous exploser !

  Il a pété les plombs.

  — Ne l'écoutez pas, dit une voix familière.

  Sur le pas de la porte, Exa toisait l'Examinateur, les bras croisés. Il était entouré des autres Agents Spéciaux.

  — Il bluffe.

  L'Examinateur eut un rire mauvais.

  — Tu es bien téméraire, 542.

  Les yeux du jeune homme s'assombrirent.

  — Je ne suis pas un numéro. Mon nom est Exa.

  Il fit signe aux garçons derrière lui et tous pointèrent leurs armes sur l'Examinateur. Ce dernier recula d'un pas.

  — Vous faites erreurs. Qu'est-ce que vous croyez ? Que vous allez sortir là, dehors, et que l'on vous accueillera à bras ouvert ? On ne quitte pas le Programme comme ça, bande de dégénérés. Jamais la Société ne voudra de vous.

  — C'est parfait, parce qu'on ne veut pas non plus d'une société qui lave le cerveau des enfants pour les enfermer dans un endroit comme celui-ci.

  L'Examinateur pâli à vue d'oeil. Des murmures s'élevèrent parmi les Déséquilibrés.

  — Qui... Qui t'as parlé du rôle des Capsules ?

  Exa parut choqué.

  — Vous. À l'instant.

  Il n'avait fait qu'énoncer sa théorie, mais l'homme venait de la confirmer.

  Alors qu'ils discutaient, des Déséquilibrés s'étaient approchés de l'Examinateur et lui saisirent les bras. L'un d'eux pris la boite qu'il tenait et la donna à Exa.

  — C'est terminé, maintenant. Ouvrez la porte.

  — Sinon quoi ? Vous allez me tuer ?

  Un rictus moqueur s'étendit sur les lèvres de l'homme.

  — Et pourquoi pas ?

  Exa avait pris un ton capable de glacer le sang de 712. Une étincelle de cruauté brillait dans ses yeux. Le sourire de l'Examinateur s'effaça.

  Orage se leva de derrière le bureau, et alla inspecter la porte.

  — Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit 712 en le rejoignant.

  — Je pense qu'elle s'ouvre avec empreinte.

  Il désigna la main de l'Examinateur.

  — Mais il faut aussi un code, remarqua Joker.

  Exa fit la moue.

  — Alors, vous allez parler ?

  Comme il ne répondait pas, Exa le menaça avec une de ces armes au liquide étrange.

  — J'ai dit : est-ce que vous allez parler ?

  — Ces armes ne peuvent pas tuer, Exa.

  — Ça dépend la manière dont on les tient.

  Il leva la sienne comme s'il s'agissait d'une batte de baseball. La panique se traduisit dans les yeux de l'Examinateur.

  — C'est une chose d'immobiliser et de rendre inconscient des gens, comme vous l'avez tous fait durant la dernière heure. C'en est une autre de prendre une vie humaine.

  — Mais vous n'êtes pas humain, pour moi. Êtes-vous passé par le Programme ? Où est votre certificat d'Équilibre ?

  — 542...

  Il leva l'arme plus haut.

  — Donnez-nous le code ! Tout de suite !

  — D-Dix, quatorze, vingt-six.

  Orage encoda les numéros.

  — Il faut une empreinte maintenant.

  Les Déséquilibrés poussèrent l'Examinateur jusqu'à la porte et pressèrent sa main sur le lecteur d'empreinte. Dans un bruit strident, la porte se mit à coulisser.

  — Vous aller regrett-

  Mais il ne termina pas sa phrase, car Exa tira dans sa tête.

  Ce qui se trouvait derrière la porte déçu 712. Il s'attendait à voir la ville qu'il avait vue dans sa vision. Au lieu de quoi, la lumière du crépuscule ne révéla qu'une plaine sur laquelle était garée une sorte de petite voiture et un camion. L'arrière de ce dernier était ouvert et un homme déchargeait des cartons, ignorant visiblement que les Déséquilibrés avaient mis le Programme sens dessus-dessous.

  Exa leva son arme vers lui et d'autres l'imitèrent.

  — Vous ! Mains en l'air !

  L'homme sursauta et s'exécuta. En voyant les Déséquilibrés le menacer ainsi, ses yeux s'écarquillèrent d'horreur.

  — Où sont les Examinateurs ? Comment êtes-vous sortis d'ici ?

  — J'ai une idée, murmura Cendre à Exa.

  Elle s'avança en pointant son couteau dans le dos le livreur.

  — Montez dans le camion. Tout de suite.

  L'homme voulut aller à l'arrière, avec le reste des cartons, mais la jeune fille secoua la tête.

  — À l'avant.

  Elle tendit le couteau à Exa.

  — Dis-lui de nous emmener à Paris. Moi et les autres allons monter à l'arrière.

  Exa la regarda, perplexe. Paris. Ce mot disait quelque chose à 712.

  — Fais-lui confiance, intervint ce dernier.

  Le jeune homme soupira.

  — On ne peut pas tous partir. On n'a qu'à y aller toi, moi, Cendre, Orage et Joker.

  — Pourquoi vous ? s'exclama un Déséquilibré.

  — Parce que c'est nous qui avons tout découvert, c'est nous qui avons lancé la révolte, et c'est nous qui reviendrons vous libérer.

  — En fait, je pense plutôt que c'est Noise qui a déclenché tout ça. Où il est d'ailleurs ?

  Orage et Cendre échangèrent un regard.

  — Il doit être dans le coin, répondit la jeune fille.

  Plusieurs garçons la dévisagèrent.

  — Il nous a parlé de toi. Il a dit qu'il irait te sortir de l'Isolement.

  — Ecoutez, on n'a pas le temps pour ça.

  712 tira Cendre par la manche et la fit monter à l'arrière du camion. Les autres grimpèrent aussi. Exa donna la boite au bouton rouge à Silence.

  — Si vous perdez le contrôle sur les Examinateurs, fuyez et faites exploser l'endroit. En attendant, attachez-les et tenez-les tranquille. Et soignez les blessés parmi vous.

  Il alla au camion, tenant toujours couteau dans le dos de l'homme.

  — Eh ! s'écria un autre Déséquilibré en signe de protestation.

  — Faites-nous confiance ! cria Exa avant de claquer la portière.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top