10. La mission "S"
Les rayons du soleil filtraient à travers les fenêtres de la classe réservée aux cours de « bonnes manières ». Orage se pencha vers le pupitre à sa droite, où s'était affalé 712, et chuchota :
— Exa te fait confiance, alors que moi, il me déteste. C'est toi qui devrais mener la mission « S ».
— La mission « S » ?
— La mission « Séparation ».
— Le jeune homme, dans le fond ! fit le professeur Cause en désignant 712 du menton. Redressez-vous, je vous prie. Quel est votre numéro ?
— 712.
— 712... Qu'est-ce que c'est que cette tenue ?
Mr. Cause s'avança, une règle à la main. 712 ferma les yeux, convaincu que l'homme allait le frapper avec l'objet métallique, mais au lieu de cela, il le plaça dans le dos de son élève.
— Recule jusqu'au dossier de la chaise, dos contre la règle. Voilà. Elle ne doit pas glisser. Comme, cela, tu es bien droit.
C'est vraiment n'importe quoi.
Le prof retourna au tableau et poursuivit sa leçon.
— Pssst, fit Orage, interpellant à nouveau son voisin.
Il lui montra son carnet. Il l'avait ouvert à une page et y avait écrit « Tu te charges d'Exa, je prends Joker ! ». 712 secoua la tête en signe de protestation. Quelque chose le dérangeait chez Exa, et il n'avait pas envie de se frotter à lui. Ignorant les appels d'Orage, il se remit à écouter le professeur. Enfin, du moins, à regarder dans sa direction.
Quelques secondes plus tard, il reçut une boulette de papier en pleine tête. Cela provoqua chez lui un mouvement de recul et la règle tomba sur le sol dans un grand fracas.
— Déjà ?! s'exclama Mr. Cause.
712 jeta un regard noir à Orage, l'auteur du lancer, qui articula un « désolé ».
*
Exa et Joker se trouvaient au milieu de la cour de récréation, entourés de quelques-uns de leurs camarades de classe. 712 les observait de loin.
— Toi et la discrétion ça fait deux, dit-il à Orage.
Ils s'étaient réunis dans un coin pour peaufiner la mission « S ».
— Quoi ? s'indigna l'autre.
— Le prof aurait pu voir le papier que tu m'as envoyé.
— Je n'avais rien écrit dessus, de toute façon. Je voulais juste attirer ton attention.
— Enfin bref, coupa 712. Je ne comprends pas trop ta logique. Pourquoi est-ce que tu veux t'occuper de Joker ? Il te déteste au moins autant qu'Exa... Sans vouloir te vexer.
— Peut-être, mais ce n'est pas compliqué de le distraire. Il suffit que je le provoque. Exa, par contre, ne s'emporte pas facilement. Il va falloir mettre son rôle d'Agent Spécial en jeu pour qu'il morde à l'hameçon. Ça implique un mensonge bien maîtrisé et je ne pense pas qu'il ait suffisamment confiance en moi pour me croire. Toi, en revanche...
712 fit une petite moue.
— Bon, d'accord.
Ils discutèrent encore un peu de leur « mission », puis passèrent à l'action.
— Non, mes défauts ne sont plus très hauts, disait Exa à un surnommé Nuit.
— Ce n'est pas comme Joker, le bourré de nullité, siffla Orage en passant à côté d'eux.
L'intéressé démarra au quart de tour. Il l'attrapa par le col de son manteau et le souleva de terre.
— Joker, arrête ! s'écria Exa.
— Répète un peu ?
Orage le fixait sans ciller, immobile. Joker eut un sourire mauvais.
— Ah, mais c'est vrai, tu ne peux plus te battre, hein ?
712 appela :
— Exa ! Il y a une grosse bagarre dans le dortoir. Les Examinateurs ont besoin d'aide. Je me suis dit que je devais t'avertir.
— Sérieusement ? Merci, Éveil. Viens, Joker.
— Ouais...
Il lâcha Orage à contrecœur.
— C'est ça, suis ta maman, persifla ce dernier d'une voix chevrotante.
— Tu vas trop loin, tête brûlée, s'énerva le roux de plus belle.
— Laisse-tomber, Joker. Il faut y aller, insista Exa.
— Attends un peu. Ce petit a besoin qu'on le remette à sa place.
— Je ne suis pas petit !
Exa hésita encore un instant puis s'élança vers le bâtiment principal.
— T'es mort, Orage, poursuivait Joker.
— C'est bon, arrête, je disais juste ça pour...
Mais il se tut en voyant Joker s'écrouler devant lui. Il était secoué de spasmes, les mains agrippées à son collier électronique.
— Qu'est-ce qui lui arrive ? demanda 712, horrifié.
Les Déséquilibrés vinrent des quatre coins de la cours assister à la scène. Des Examinateurs arrivèrent en courant. L'un d'eux fit scanner son empreinte par le collier de Joker et celui-ci cessa de se tortiller.
— Ramenez-moi vers Exa, bande d'idiots, marmonna-t-il entre ses dents.
*
Un silence de mort régnait dans la chambre 82. Les garçons, assis deux par deux sur les couchettes supérieures des lits, se jetaient des petits coups d'œil. 712 et Orage se sentaient vraiment mal, bien qu'ils ne comprissent pas beaucoup ce qu'il venait de se passer dans la cour.
— Vous êtes vraiment stupides, finit par dire Joker.
— Peut-être que si vous nous aviez dit la vérité dès le départ... commença Orage.
— C'était pas tes oignons.
— Bon, ça suffit, dit Exa posément. J'imagine que tout le monde n'est pas capable de respecter la vie privée des autres. Vous êtes des Déséquilibrés, après tout.
— Toi aussi, j'te signale, releva Joker.
Exa fit mine de ne pas avoir entendu cette remarque :
— Les méthodes des Examinateurs et des profs du Programme sont parfois étranges, je le reconnais...
Il marqua un temps, comme s'il se remémorait de nébuleux souvenirs, puis repris :
— Il y a quelques mois, ils ont voulu voir si mon influence sur un Déséquilibré particulièrement turbulent pouvait l'assagir. Pour ce faire, ils ont lié mon collier à celui de Joker, nous forçant ainsi à rester ensembles. Si nous sommes séparés de plus de six mètres, Joker reçoit des décharges électriques dans le cou.
— Pourtant, remarqua 712, je me souviens d'une fois, quand je venais d'arriver, où Joker s'est retrouvé seul avec moi.
— Cette malédiction dure de 8 à 20 heures, précisa le roux.
— « Malédiction », tu ne crois pas que tu exagères un peu ? se vexa Exa.
— Mais en général, même après 20 heures vous restez ensemble, continua Orage.
— Au cas où t'aurais pas r'marqué, les Examinateurs nous ont casés dans la même foutue chambre.
712 se souvint alors de sa discussion avec Exa dans la salle de jeu.
— Quand je t'ai parlé du fait que vous trainiez ensembles, l'autre jour, tu m'as répondu « tu ne sais pas tout de cet endroit ». Qu'est-ce que tu voulais dire ?
— Je voulais seulement dire que tu n'es pas au courant de tout ce que les Examinateurs mettent en place. Comme ce système de liaison de collier, par exemple.
Hum. Aucun lien avec les visions, donc.
Exa se leva :
— Bon, maintenant que votre curiosité malsaine a été rassasiée, je vais aller faire un tour. J'ai vraiment besoin d'air.
Il quitta la chambre, Joker sur les talons.
*
Un grognement s'éleva dans la pièce.
— Joker, réveille-toi, chuchotait 712 en secouant l'épaule du rouquin.
— Mmmh... Il est quelle heure ?
Il jeta un coup d'œil à son réveil.
— 3 heures du mat' ?! T'es sérieux ? s'exclama-t-il.
— Chuut... Tu vas réveiller Exa.
Orage se tenait près de la porte. L'oreille contre le battant, il guettait les bruits du couloir. Il portait un drap de lit, qui le couvrait de la tête aux pieds et cachait son visage.
— Qu'est-ce qu'i's'passe ? s'enquit Joker, complètement perdu et ensommeillé.
— On voulait t'en parler plus tôt, mais Exa était toujours dans les parages... Enfin, on a déjà trop attendu. On veut la vérité. Tu me suis toujours ?
— Euh... Ouais...
— Bon, alors, cache toi sous le lit. Cette nuit, on doit disparaître.
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