Chapitre 43


Jamesina fut tirée du sommeil par la fraîcheur de l'air ambiant. Le feu n'était plus qu'un amas de braises rougeoyantes qui se mouraient doucement. Cailean ne pesait plus sur elle, il avait basculé contre son flanc et la tenait dans ses bras. Elle ignorait depuis combien de temps, ils reposaient ainsi, enlacés sur la fourrure devant la cheminée. Les séquelles de sa blessure et de la fièvre qu'elle avait engendrée combinées aux effets des événements tragiques qui avaient précédé le mariage l'avaient affaiblie et elle n'avait pas eu conscience de s'endormir. Elle bougea légèrement pour se blottir un peu plus contre le corps chaud de Cailean. La joue posée contre son torse, elle laissa le souvenir de leurs retrouvailles envahir son esprit.

Leur mariage avait scellé la paix entre leurs clans. Ils étaient de nouveau ensemble. Réunis. Leur fils allait pouvoir grandir, entouré de ses deux parents. Il n'était plus un bâtard, mais un enfant légitime, reconnu comme tel par les MacLean et les MacDonald. La tache infamante de sa naissance hors union ne pesait plus sur son avenir.

Subitement, l'émotion la submergea et elle ne put retenir des larmes silencieuses. Alerté par l'humidité qu'il sentait sur sa peau, Cailean ouvrit les yeux.

— Pourquoi pleures-tu, mo chridhe ?

— Parce que je suis heureuse.

Comme Cailean ne disait rien et se contentait de dessiner paresseusement des arabesques sur son dos, elle précisa :

— Heureuse que nous soyons de nouveau ensemble, que nous formions une famille avec Alasdair.

Les doigts de son mari s'immobilisèrent brusquement et il se dégagea lentement de son étreinte pour se redresser. Sans un mot, il se leva et s'accroupit devant l'âtre pour tisonner le feu et remettre une bûche.

— Cailean ?

Comme il ne répondait pas et semblait absorbé par la vision des flammes qui tentaient de renaître, Jamesina sentit sa gorge s'étrécir. Se doutant des pensées sombres qu'il devait ruminer, elle demanda avec appréhension :

— Tu m'en veux beaucoup ?

Après un long silence seulement rompu par les crépitements des flammes et le craquement du bois, il finit par demander :

— De quoi parles-tu précisément ?

— De... de ma fuite.

Reposant le tisonnier, Cailean se retourna lentement vers elle. Sans un mot, il se dirigea vers le coffre et saisit son féileadh mor pour le draper autour de son corps. Le voyant se couvrir, Jamesina en fit autant avec le breacan sous lequel elle était encore blottie. Un plaid que son mari avait vraisemblablement tiré sur eux pendant qu'elle dormait.

Debout devant elle, il semblait encore plus imposant, mais aussi plus distant. Jamesina frissonna d'appréhension en détaillant ses traits figés. Elle se leva aussitôt pour s'approcher de lui, espérant ainsi combler la distance qu'elle sentait s'installer entre eux.

— Jusqu'à ce que je discute avec ton frère, j'ignorais que tu t'étais enfuie. Quand on m'a dit que tu avais disparu, j'ai pensé que tu avais été enlevée, que tes ravisseurs avaient retrouvé ta trace. J'ai cru devenir fou en imaginant tout ce qu'ils étaient susceptibles de te faire subir.

— Cailean...

— Nay, laisse-moi finir ! Je t'imaginais terrorisée, malmenée, violentée, blessée, peut-être même déjà morte.

— Je suis désolée, je...

Sans l'écouter, Cailean continua d'une voix atone, les yeux dans le vide, comme s'il plongeait dans ses souvenirs :

— J'ai essayé de retrouver ta piste avec mes hommes. Nous t'avons cherchée partout. Plus le temps passait et plus je craignais pour ta vie. Après avoir suivi toutes les pistes dont nous disposions, j'ai essayé de retrouver ta famille, espérant qu'ils pourraient me donner des indices sur leurs ennemis susceptibles de t'avoir enlevée.

— Tu ne devais pas te lancer à ma pour...

— J'ai rendu visite à presque toutes les branches Stewart, mais à chaque fois on me répondait qu'aucune femme du clan n'avait disparu. Et pour cause ! Je ne risquais pas de te trouver, puisque tu avais donné un faux nom ! cracha-t-il, acerbe.

— Ma tante est une Stewart et...

— Ta tante par alliance, l'épouse de ton oncle maternel ! Vous ne portez pas le même nom.

— Je n'ai jamais dit que je m'appelais Stewart ! contra Jamesina.

— Certes, pas à moi ni à l'un des miens, mais les hommes qui te cherchaient étaient des Stewart et Roddy s'est souvenu que tu avais mentionné une cousine portant ce nom pendant votre captivité...

Cailean commença à marcher de long en large dans la chambre tout en ruminant.

— Mets-toi à ma place, Jamesina ! Je te croyais en danger, blessée ou peut-être même morte. Chaque jour sans nouvelle de toi, était une torture.

— Je te demande pardon, Cailean. Je ne pensais pas que tu t'inquiéterais ainsi.

— Et que pensais-tu ? Tu croyais que je ne me préoccuperais pas de la femme que j'avais l'intention de proclamer comme mienne devant mon clan ? Tu croyais que je me désintéresserais de la femme que j'avais déflorée ?

— Nay ! Jamais je n'ai pensé cela de toi, Cailean !

— Tu t'attendais à quoi alors en disparaissant en mon absence, juste après notre nuit ?

— Je pensais que tu comprendrais que je m'étais enfuie, que tu serais furieux contre moi et...

— Furieux ? rugit-il. J'étais fou d'angoisse !

— Je... je pensais que tu finirais par m'oublier. Je n'aurais jamais dû emporter ton médaillon. Si je l'avais laissé à Ardtoe, tu l'aurais interprété comme un rejet et...

— Ce qui était le cas, l'interrompit Cailean avec un rictus désabusé.

— Nay ! Ce n'est pas... ce n'est pas toi que j'ai rejeté. Du moins, pas l'homme que tu es. J'ai juste fui ton clan.

— Je ne comprends pas. Pourquoi t'es-tu offerte à moi si tu projetais de t'enfuir ?

— Parce que je savais qu'une fois rentrée dans mon clan, on me marierait sans me demander mon avis et...

— Et quoi ?

— Je ne voulais pas que ma première fois soit une abomination. Je ne voulais pas revivre ce que j'avais enduré la nuit de mes fiançailles.

— Tes fiançailles ? lança Cailean, interloqué.

En quelques phrases, Jamesina lui raconta ce qu'il s'était passé avec Findlay MacNab. Quand elle termina son récit, les traits de Cailean se durcirent un peu plus.

— Je comprends, tu ne voulais pas te faire déflorer par un vieil homme qui te répugnait, tu as préféré choisir un homme plus jeune et plus vigoureux. Je dois m'estimer flatté que tu n'aies pas jeté ton dévolu sur l'un de mes guerriers ou sur Duncan alors, conclut-il sur un ton plein d'amertume.

— Nay ! Jamais je ne me serais offerte à ton cousin ou l'un de tes guerriers ! C'était toi ou personne d'autre.

— Pourquoi ? Parce que ta fierté exigeait rien moins qu'un tanist pour faire la besogne et te débarrasser de ta virginité, c'est ça ? cracha-t-il, acerbe.

— Arrête, Cailean ! Si tu avais été un simple guerrier ou paysan, ça aurait été la même chose. Je ne voulais qu'une chose, me créer des souvenirs à chérir pour le restant de mes jours. Si je ne pouvais pas choisir mon époux, l'homme avec qui passer le reste de ma vie, je voulais pouvoir choisir librement l'homme à qui je me donnerais. Je voulais pouvoir m'offrir à... à l'homme qui détenait mon cœur.

La signification des paroles de la jeune femme mit un certain temps à se frayer un passage dans l'esprit de Cailean. Son regard se fit incertain tandis qu'il la dévisageait, comme s'il ne parvenait pas à croire ce qu'elle venait d'avouer.

— Je me suis offerte à toi parce que je t'aimais et si je ne pouvais rester à tes côtés, je voulais faire l'amour avec toi pour avoir au moins ce souvenir à chérir, reprit Jamesina.

À cette confession murmurée, les traits de Cailean s'altérèrent brièvement avant qu'il ne se jette sur elle et la renverse sur le lit tout proche.

— Si tu m'aimais, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Le cœur de Jamesina se serra un peu plus en percevant la douleur et le doute dans la voix de son époux.

— Parce que je le devais. C'était mon devoir. Tu allais recueillir des informations sur moi auprès de ton ami Gilroy. Même s'il ne possédait pas d'informations précises sur mon identité, ton père était sur le chemin du retour et le risque était trop grand qu'il me reconnaisse. Même si j'ai beaucoup changé depuis la dernière fois qu'il est venu à Duart, ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne décèle ma ressemblance avec ma mère. Je ne pouvais pas prendre le risque qu'il fasse le rapprochement entre moi et la fille de son ennemi.

— Comment as-tu pu penser que nous te ferions du mal en découvrant ton identité, alors que tu avais sauvé Roddy ? Comment as-tu pu penser que nous serions aussi ingrats ? s'exclama Cailean en secouant la tête avec incrédulité.

— Pas toi ! Je savais que tu ne me ferais pas de mal, mais...

— Vas-y continue !

— Je ne connaissais pas ton père, je n'avais pas de souvenir précis de lui.

— Mais comment...

— Laisse-moi finir, je t'en prie !

Cailean consentit à l'écouter tout en rongeant son frein.

— Je me doutais que vous ne vous vengeriez pas sur moi de ce que vous pensiez être les exactions de mon clan, mais je sais aussi qu'en tant que ceann-cinnidh, ton père doit faire passer les intérêts de son clan avant tout. Et la situation entre nos clans étant ce qu'elle était, surtout après le meurtre de ton cousin Conrad, je craignais que vous ne m'utilisiez pour nuire aux miens, pour faire pression sur eux.

— Jamais mon père n'utiliserait une innocente et...

— Peut-être pas lui, mais qu'en est-il de vos Seanairean ? Tout comme le mien, ton père n'est pas totalement libre, il doit faire appliquer les décisions de votre Conseil.

Cailean médita quelques instants les paroles de la jeune femme avant de la libérer et de s'asseoir sur le lit :

— Je ne te mentirai point, Jamesina. Aye, je t'en veux. Je t'en veux de m'avoir fui sans un mot, sans une explication. De m'avoir laissé dans l'ignorance, de m'avoir laissé m'inquiéter de ton sort et craindre pour ta vie. Mais plus que tout, je t'en veux de ne pas m'avoir fait confiance et de m'avoir caché la naissance de mon fils.

Les larmes aux yeux, Jamesina murmura une nouvelle fois :

— Je suis désolée. Je te demande pardon.

— S'il n'y avait pas eu ce rassemblement ordonné par le roi, si je n'avais pas découvert ton identité à cette occasion, est-ce que tu m'aurais révélé l'existence d'Alasdair ou est-ce que tu aurais continué de me dissimuler ma paternité ?

Jamesina se redressa à son tour et quitta le lit pour faire quelques pas tout en cherchant comment formuler une réponse. Comme elle baissait les yeux et se tordait les mains sans répondre, Cailean insista :

— Réponds-moi honnêtement.

— Je... j'espérais pouvoir te le dire une fois que nos clans ne seraient plus ennemis.

— Pourquoi attendre ?

— J'avais peur que tu veuilles me prendre Alasdair puisqu'il est ton héritier présomptif.

— Jamais je ne séparerais un enfant de sa mère ! s'exclama Cailean, outré.

— Mais tu n'aurais pas accepté de rester loin de lui, contra Jamesina.

Après un court instant de réflexion, le Highlander acquiesça :

— Aye, tu as raison.

— Je craignais qu'il devienne un nouveau motif de discorde entre nos clans et que son existence déclenche un bain de sang. 

— J'aurais trouvé une solution pour nous réunir !

— Laquelle ? Il n'y en avait aucune ! Crois-moi, j'y ai réfléchi pendant des semaines.

— Nous aurions pu nous marier pour ramener la paix entre nos clans, exactement comme nous venons de le faire ! Tu n'ignorais pas mes sentiments à ton égard, il te suffisait de me dire la vérité et j'aurais trouvé un moyen d'apaiser les relations avec ton clan.

— J'ai essayé, mais je n'ai pas pu.

Cailean se leva brusquement et l'attrapa aux épaules pour la forcer à le regarder.

— Tu n'as pas pu ou tu n'as pas voulu ?

— Te souviens-tu de ce que tu m'as dit lorsque j'ai eu des réminiscences de l'attaque de mon escorte et que tu essayais de m'apaiser ?

Comme Cailean secouait la tête, elle poursuivit :

— Tu m'as dit que tu ne ferais jamais de mal à une femme. À ce moment-là j'étais prête à tout t' avouer.

— Pourtant tu ne l'as pas fait, murmura-t-il en la relâchant.

— Nay, parce que je t'ai demandé si c'était valable quelles que soient les circonstances et tu m'as répondu que la seule raison qui pourrait te pousser à t'en prendre à une femme serait qu'elle se comporte comme une ennemie de ton clan ou qu'elle représente un danger pour les tiens. Comment pouvais-je te dire après ça que j'étais la fille du ceann-cinnidh d'un clan ennemi ? 

— Si tu m'avais fait savoir que tu étais grosse, je serai venu te chercher, continua-t-il, buté.

— Et tu aurais dû te battre contre mon clan pour pouvoir m'emmener. Nos clans étaient ennemis, Cailean ! Les miens vous pensaient responsables des attaques que nous subissions depuis des mois. Et vous, vous aviez trop soif de vengeance concernant Conrad et les autres massacres pour croire en l'innocence de mon clan. Il n'y avait aucune solution possible sans provoquer un carnage. MacGregor et ses sbires avaient trop brouillé les pistes. 

À la mention de son ancien allié, le Highlander serra les poings avec force. Il ressentait le besoin de déverser sa rage sur quelque chose, de frapper. Il aurait voulu qu'il soit encore vivant pour pouvoir le tuer de ses mains.

— Et si tu t'étais battu contre mon père ou mon frère et que tu avais tué l'un d'eux, je n'aurais jamais pu te le pardonner. 

Jamesina posa sa main sur le torse de son mari avant d'ajouter d'une voix étranglée par les larmes qu'elle ne pouvait plus retenir :

— Tout comme je n'aurais pas pu leur pardonner s'ils t'avaient fait du mal. Je ne voulais pas vous voir vous affronter. Je ne voulais pas voir les hommes que j'aime s'entretuer.

— Alors tu es partie.

— Aye, j'ai fait ce que me dictaient mon devoir de fille de ceann-cinnidh et ma raison. Je suis partie pour trouver un moyen de révéler le complot et faire éclater la vérité en espérant ainsi réconcilier nos clans.

Cailean observa un long moment de silence, tentant de retracer la chronologie des événements et de se mettre à la place de la jeune femme. 

— Je te jure que je ne t'aurais jamais caché ma grossesse ni la naissance d'Alasdair si nos clans n'avaient pas été ennemis. 

L'affliction qu'il décelait dans le regard de son épouse apaisa un peu le ressentiment du Highlander. Il ne pouvait douter de sa bonne foi. Elle avait cru agir pour le mieux et la séparation avait aussi été déchirante pour elle.

— Imagines-tu ce que j'ai ressenti quand j'ai appris que tu avais disparu ? Même si je n'avais aucune information sur ton identité, je prévoyais de te revendiquer devant les miens. J'ai parlé de toi à mon père sur le chemin du retour. Je lui ai annoncé que je voulais m'unir à toi selon l'ancienne coutume du handfasting. Mais quand je suis arrivé à Tioram, tu n'y étais plus et personne ne savait ce qu'il t'était arrivé.

— Je suis profondément désolée. Je m'en veux d'avoir gardé ton médaillon. Quand Lady Catriona m'a appris que c'était celui de ta mère, j'ai voulu le lui rendre avant de partir, mais elle m'a exhortée à le garder en disant que...

— Ma mère ? Ma mère t'a dit de garder mon médaillon ?

— Je... Aye, Lady Catriona.— Ma mère t'a aidée à t'enfuir ? s'exclama le Highlander. 

— Aye.

— Mais pourquoi, par Saint Inian ! Comment a-t-elle pu faire une chose pareille ?! Pourquoi ne m'a-t-elle rien dit ?

— Parce qu'elle pensait aussi que c'était le seul moyen pour éviter un bain de sang entre nos clans. Elle savait qui j'étais. 

— De... quoi ? Imp... impossible !

Devant la stupéfaction manifeste de son mari, Jamesina expliqua :

— Elle était amie avec ma mère, elles s'étaient rencontrées à la cour quand elles étaient jeunes. Elle m'a dit que je lui ressemblais beaucoup. 

— Voilà pourquoi elle insistait tant pour que nous rencontrions ton père et ton frère, marmonna Cailean. 

— Elle savait pour MacGregor et MacKinnon. Avant de partir, je lui ai dit de se méfier de vos alliés et elle m'a promis de faire de son mieux pour vous aiguiller sur la traîtrise de vos alliés sans pour autant trahir mon identité.

— Effectivement, ma mère n'a pas arrêté d'émettre des doutes sur l'implication de ton clan dans les attaques que nous avons subies. Tout comme elle m'a aidé à contrer les projets d'union que nos Seanairean avaient pour moi en émettant des réserves sur ce renforcement des alliances.

— Tout comme moi, elle ne pouvait rien révéler sans trahir mon identité avec toutes les conséquences que cela aurait pu avoir. Elle ne pouvait que vous mettre sur la piste de ces traîtres.

Cailean fit quelques allées et venues devant le lit tout en méditant et Jamesina respecta son silence. Elle savait qu'il avait besoin de réfléchir calmement à toutes ces révélations pour surmonter sa colère. Le cœur battant et les mains moites, elle attendit. Elle adressa une brève prière au Ciel pour que son mari comprenne son dilemme et lui pardonne sa fuite. Sa gorge s'étrécit un peu plus quand elle le vit s'accroupir de nouveau devant l'âtre pour tisonner le feu. Quand il se releva enfin et se retourna, Jamesina sentit le poids qui pesait sur sa poitrine s'envoler. Le regard de Cailean ne pouvait la tromper : il tenait à elle, malgré sa trahison.

— Pardonne-moi, Cailean. Si j'avais pu te révéler mon identité, je l'aurais fait. Et je ne me serais pas enfuie. 

— Et tu ne m'aurais pas caché la naissance d'Alasdair. J'aurais pu t'épouser avant la naissance. Tu n'aurais pas été exilée et notre fils n'aurait pas été traité comme un bâtard par ton clan.

— Alasdair n'a jamais été traité comme tel ! Il a reçu beaucoup d'amour de ma famille et...

— Mais il n'a pas été présenté au clan, l'interrompit Cailean.

— Nay, admit Jamesina.

— Il ne l'a été que lorsque je l'ai reconnu comme mien et légitimé.

La jeune femme acquiesça lentement, avec une réticence visible. Voyant la tristesse qui ternissait son regard, Cailean combla la distance qui les séparait pour la prendre dans ses bras.

— Je suis désolé, m'aingeal. Je sais que ton père n'était pas seul à décider, mais je n'arrive pas à accepter qu'il t'ait éloignée de Duart parce que tu portais mon enfant. 

— Le conseil ne m'a éloignée que lorsqu'ils ont compris que le bébé n'était pas la conséquence d'un viol. Avant que Gregor MacNab ne m'accuse d'avoir volontairement pris un amant, tout le monde me ménageait. Même trop. J'avais honte de leur cacher la vérité et de les laisser croire le pire.

— C'était pour te protéger. Pour vous protéger tous les deux.

— Aye. Et puis, cela m'arrangeait qu'on me laisse tranquille ; je vivais mal la situation avec le complot, notre séparation et la perspective d'un avenir incertain pour mon bébé.

— Peu importe les raisons, ils t'ont exilée à un moment où tu étais extrêmement vulnérable. Tu aurais pu être blessée ou tuée lors de l'attaque de Fionnphort. D'après ce que m'a raconté Gavin, tu es allée au bout de tes forces pour donner l'alarme et mettre en sécurité les enfants. Cela aurait pu vous coûter la vie à toi et au bébé. 

— Tout cela est loin derrière nous maintenant, Cailean.

— Tu as raison. 

— Est-ce... est-ce que tu me pardonnes de m'être enfuie ? demanda Jamesina d'une voix si basse qu'elle était presque inaudible.

— Je comprends ce qui t'a poussée à agir ainsi, même si je ne peux pas approuver tes décisions, car le temps perdu avec toi et Alasdair ne pourra jamais être rattrapé. 

Sentant la jeune femme se raidir d'appréhension dans ses bras, il l'étreignit et posa son front contre le sien.

— Mais sois rassurée, même si je persiste à penser qu'on aurait pu trouver ensemble une autre solution, je t'ai déjà pardonné. Tu as réussi à révéler au grand jour le complot de ces traîtres et à réconcilier nos deux clans et tu m'as donné un héritier.

Soulagée, Jamesina se blottit aussitôt contre son torse, mais Cailean, l'éloigna légèrement de lui et lui souleva le menton pour attirer son attention.

— D'ailleurs, je ne t'ai pas remerciée pour ce magnifique cadeau. 

Il pencha la tête et effleura ses lèvres des siennes en murmurant contre sa bouche :

— Merci pour Alasdair. C'est un beau petit garçon, bien vigoureux. 

Du dos de la main, il lui caressa la joue en poursuivant :

— Je sais à quel point tu as été à la peine pour le mettre au monde. Ton frère m'a raconté que tu avais failli mourir. 

— C'est le risque que courent toutes les femmes en enfantant, précisa Jamesina en haussant les épaules avec fatalisme.

— Je veux d'autres enfants, mais pas au détriment de ta santé, ou pire, de ta vie. J'espère que tu souffriras moins pour nos prochains enfants et surtout que tout se passera bien.

— Nous n'en sommes pas encore là, rétorqua Jamesina avec un sourire espiègle. Avant de les mettre au monde, il faut d'abord les concevoir !

— Voilà qui est bien parlé !

Sans prévenir, Cailean tira vivement sur le plaid dont Jamesina s'était enveloppée pour le jeter à terre, arrachant un petit cri de surprise à la jeune femme. Il la souleva aussitôt dans ses bras et fondit sur sa bouche pour un baiser ravageur. Jamesina s'accrocha à son cou et noua instinctivement ses jambes autour de sa taille. Elle poussa un petit hoquet de surprise en sentant la pierre froide s'incruster brièvement dans son dos avant que la main de son mari ne vienne s'interposer entre sa peau et le mur. Elle oublia la fraîcheur de la pièce, tout ce qui les avait séparés peu de temps auparavant, les reproches, les angoisses et la douleur de la séparation. Elle oublia tout ce qui n'était pas eux. Seuls perduraient la fusion de leurs bouches, la pression du corps de son mari contre le sien, les frottements de leurs peaux l'une contre l'autre et le feu du désir qui flambait entre eux. Il la jeta plus qu'il ne la déposa sur le lit et s'empressa de se débarrasser de son féileadh mor avant de s'abattre sur elle. Il n'eut pas besoin de demander ou de se faire une place, Jamesina ouvrit spontanément les jambes pour lui et l'attira à elle en murmurant :

— Viens, mo ghràdh .

Cailean ne se fit pas prier et se glissa en elle avec un grognement de contentement. Il déposa une pluie de baisers sur le visage de sa femme avant de se mettre en mouvement et de les entraîner vague après vague vers la déferlante finale.


**********

Voilà le chapitre des explications, mais j'hésite à le laisser comme ça. J'ai peur qu'il soit trop long. Qu'est ce qui pourrait être coupé d'après vous ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top