Chapitre 3. La mort du régent

8 Avril 622, palais d'Ikaruga , 20km au nord d'Asuka


Le palais du prince Umayado, d'habitude occupé, semblait vide en ce matin d'avril. Une brise fraîche de printemps traversait les corridors. Mais celle-ci, au lieu de porter les échos des éclats de rire de la domesticité ou les salutations des visiteurs, portait les sanglots et les appréhensions d'un peuple. La veille, Kashiwade no Hokikimi no Iratsume, une des épouses du prince s'était en allé d'un mal mystérieux. Maintenant, le deuil s'alourdissait. En effet, le maître des lieux, le prince Umayado, qui 29 ans auparavant avait été proclamé régent et prince héritier par sa tante la reine Suiko , et qui d'habitude avait une santé de fer, était mourant. Ce qui n'avait commencé que par une simple fièvre, il y a quelques jours, était sur le point de l'envoyer vers la "Terre Pure" selon les propres dires du régent.

Celui-ci n'était même pas effrayé par le fait de s'éteindre.

— Je me meurs, mais c'est pour uniquement briller de mille feux dans l'au-delà, disait le prince Umayado.

Sa tante, la reine de Yamato, lui avait envoyé des moines bouddhistes et des apothicaires venant de Baekje, tous spécialistes de médecine chinoise. Le prince, ces derniers jours, les avait accueillis, les remerciant de s'être déplacés jusqu'à lui, mais les avertissait que rien ne changerait son état. Son temps sur cette Terre était révolu, il en était convaincu.

Ce matin du 8 avril, le régent ,qui était couché par terre sur son lit, entouré de draps de soie blancs suspendus verticalement de façon à former une cloison autour de lui, se ranima et prononça quelques mots qui paraissaient incompréhensibles. Cela alerta la famille du prince héritier et les quelques moines qui veillaient depuis déjà plusieurs nuits.

— Doux époux , vous sentez vous bien ?, demanda doucement Soga no Tojiko, l'épouse favorite du prince Umayado.

— Ma mie, répondit le régent, "Ma vie touche définitivement à sa fin aujourd'hui. Mon souffle s'épuise plus rapidement que hier......faites venir nos enfants."

Tojiko, d'un geste, intima à la nombreuse progéniture de son époux de sa rapprocher de leur père. Tous, filles et garçons serrèrent leurs gorges pour étouffer leurs sanglots, car bien qu'ils soient encore jeunes, tous savaient c'était la dernière fois que leur père leur parlerait et tous voulaient une dernière fois entendre les propos du paternel.

— Mes enfants, il ne me reste plus beaucoup de temps. Mais, il est de mon devoir de vous prodiguer mes derniers conseils, car bientôt je ne serai plus là pour vous épauler......Tojiko aide moi à me redresser.

L'épouse favorite glissa sa main gauche derrière le dos de son époux et aida Umayado à se tenir droit. Le régent demanda que la pièce soit illuminé par la lumière de l'aube et deux servants se levèrent aussitôt pour enlever quelques larges rideaux de soie. Un jeune homme qui était juste à côté du régent protesta:

— Mais, père, cela vous exposera aux brises matinales qui étant fraîches pourraient vous affaiblir!

Ce jeune homme, c'était le prince Yamashiro, fils du prince Umayado et de Soga no Tojiko et l'aîné des enfants du régent. Il était âgé de 18 ans et pétillait de la sagacité héritée de son père.

Jamais Yamashiro n'avait vu son père aussi  calme dans si triste occasion. Il avait déjà vu son père réprimander des fonctionnaires de la cour royale et pleurer à chaude larmes, malgré la fièvre, la disparition de sa concubine Kashiwade no Hokikimi. Mais son regard restait fixe et sa carrure était pleine de prestance, même dans la mort.

— Merci mon fils, mais cela importe peu dans les circonstances d'aujourd'hui.

Le prince Umayado ferma les yeux un moment, puis les ouvrit et prit une grande inspiration tout en contemplant les visages si familiers qui l'entouraient.

— Mes enfants, ma vie , malheureusement, touche à sa fin. Ne pleurez point, car là où je serai , je saurai guider les êtres vivants vers leur illumination depuis la Terre de la Parfaite Béatitude. Mais avant que cela arrive, voilà ....mes derniers conseils. Souvenez vous chers enfants, que vous êtes de la lignée des souverains de Yamato. Maintenez toujours vos rangs et dignités et servez loyalement le reine de Yamato et ses successeurs. Révérez les Trois Joyaux, retenez les Quatre Noble Vérités,...... mais n'oubliez jamais les kamis de ce pays......après tout vous....nous sommes les descendants de la déesse du Soleil, Amaterasu, celle qui a accordé à notre maison le mandat de gouverner ces terres.

Le régent se tourna ensuite vers son fils aîné, le prince Yamashiro :

— Yamashiro, mon fils aîné et.......héritier.

Plus le prince Umayado parlait, plus sa condition empirait car ses propos étaient interrompus par des quintes de toux.

— Désormais ce palais , que j'ai fait construire........ pour qu'il serve de nid de savoir et de dévotion face à la corruption de la cour, sera à toi. Fais-y régner aussi l'ordre..... et la bienséance. Il se peut que ma tante, la reine, t'appelle après mon départ..... pour que tu l'appuies dans les affaires du gouvernement. Promets-moi que quoi qu'il advienne, tu l'aideras dans son règne ....et veilleras sur tes frères et sœurs, mes épouses...........et en......particulier ta mère Tojiko, que je n'ai jamais cessé d'aimer.

Les yeux de Tojiko laissèrent tomber de généreuses larmes, tandis que Yamashiro se saisissait de la main de son père.

— Je vais rejoindre Hokikimi, ......priez pour moi", dit Umayado

Il s'étendit sur son lit, dégagea sa main droite de l'emprise de Yamashiro et la joignit à celle de gauche en prière. Ses lèvres se mirent à bouger doucement, récitant des invocations bouddhistes. Le clan du régent retint son souffle et puis finalement du plus naturellement du monde, le corps du régent  se figea telle une statue.

Le prince héritier était mort.


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