Lettre à l'angoisse


« Une lettre ? » pensait-elle. L'amour ne s'offre pas sur le seuil de la haine. Un cœur ne se taillade pas pour le plaisir de souffrir. Se livrer à l'ennemie n'allait pas la vaincre. Elle la tenait déjà entre ses doigts, la pressant de sa raison. Elle en avait fait son otage, hôtesse contrainte d'héberger la nuisible. Le futur incertain pesait lourd sur sa poitrine.

Son mal-être savamment fardé de sourires, elle montait sur scène, poupée immaculée. Elle entrainait son monde dans un spectacle poudré d'un nuage de paillettes. Diseuse de contes, ses performances plus authentiques au fil des ans. De l'aube au crépuscule, elle fanfaronnait du bout de ses chaines. La foule se réjouissait, ingénue et aveugle à la marionnettiste tapissée dans les cintres du théâtre, réelle instigatrice de cette comédie.

Couché de soleil. Tombé de rideau. Un soupir.

Les projecteurs éteints, elle redevenait silhouette. Les contours d'un soi. Le fantôme d'une enfant.
Ni morte ni vivante. Une morte-vivante. Vide de vie et d'envies. Les soirs laissant place aux années en une ronde intemporelle.
Malheur, supplice silencieux. Peur, mémoire terrifiante. Hantée de corps meurtris, d'esprits manipulés et de sentiments atrophiés.

Nuits gardiennes, fuyant les ruses du jour. Un soupir.

Dans ces ténèbres sans repos, les cauchemars veillaient. Irréels, illusoires, imaginaires et si présents. Présent phobique de demain sénescent. La sueur roulait sur sa peau échauffée. Les rires moqueurs éclataient ses tympans. Son pouls bondissait le long de son cou. L'aimé appartenait à ses remèdes. Contre ses cuisses, ses bras trémulaient. Sang chéri dépérissait, orphelin. Sa tête pulsait en accord avec sa détresse. Scélérats puérils dépourvus de restrictions. Elle suffoquait.

Blottis dans un coin, les mains sur le corsage, elle berçait son tourment comme on berce un nourrisson. Lentement, en lui fredonnant une chanson: « Vois sur ton chemin, gamins oubliés, égarés, donne-leur la main pour les mener vers d'autres lendemains. ... » Les voix s'éloignaient, masquées par la chorale enfantine d'une autre époque. 

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