Le lumignon d'un cœur

La nuit demeurait noire de désespoir.

Son regard intemporel la contemplait. Les jours s'écoulaient sans qu'elle n'y prêtât attention. Au-dehors, le monde vivait, les Hommes en battaient le rythme, tous en chœur. Il ne résonnait plus dans sa poitrine. Son corps recroquevillé quémandait sa chaleur. Toute son attention se concentrait sur l'objet de sa déchéance.
Assise sur une tablette en vis-à-vis, Até caressait son visage de son souffle chaud. Il éprenait l'air de fumée exhalant le roussi. Elle ne se consumait pas. Elle se tenait sournoise et arrogante tel un cierge sacré égaré. Installée sur un napperon de dentelle, tissé de baies et de feuilles de vigne, elle se nourrissait des fruits sacrifiés sur l'autel de la mortelle. La flamme indomptable de sa vénérée Déesse lui glaçait le cœur de terreur et de désir.

Sa blancheur virginale se paraît de cendre.
Elle était Vierge et Veuve, elle était Blanche et Noire.
Elle la consumera toute entière.

Son égo s'affaissait sous le poids de son indifférence, la réduisant à l'impuissance du malheur. La cire de son visage était lisse d'émotion. L'immortelle mettait le feu à ses pensées et transformait ses sentiments en poussière.
Elle constituait sa seule compagnie.
Son monde s'écroulait sur ses frêles épaules, l'enchainant à cet état végétatif. L'esprit avait quitté son enveloppe, condamné a être l'unique témoin de cette union dévastatrice. Le vide l'habitait. N'y avait-il jamais eu de couleur ? Elle croyait se souvenir du cri du corbeau.
Des frissons parcouraient sa peau et gelaient les gouttes de sueur qui s'y formaient. Elle vivait pour cette fièvre. Ce feu l'attirait comme un papillon, elle en était devenue la familière.
Partir ne lui vint jamais à l'esprit.

Pas même lorsque son Démon s'était fait vorace. Il la voulait. Il l'aurait. Posséder sa chair comme le poète convoitait sa fleur.
Sa lumière se réfléchissait en ombre sur sa main. Elle grandissait jusqu'à atteindre son épaule et n'arrêtait de s'étendre à tout son épiderme. Elle régnait lionne. Les rugissements de fureur prenaient sa proie à la gorge, la clouant à son fauteuil, pantelante d'effroi. Par cinq fois, le fauve s'était jeté sur la faible créature, avant de se détourner subitement, fière de lui avoir crevé un œil ou victorieuse d'une mèche de cheveux. Dans chacune de ses lueurs brillait le chaos. Elle était passionnée et sauvage. Ses heures de captive n'avaient été que danses endiablées et tourbillons sanglants.

Acmé.
Effondrement.
Le brasier s'éteignit.

Une lueur subsistait, insuffisante. L'humaine ne parvenait pas à renoncer à la frénésie qui avait couru dans ses veines. Elle hurlait silencieusement. L'autre lui avait jadis écorché la voix sans comprendre qu'elle était le seul auteur de cette voie.
De démence, elle s'arracha la peau pour lui céder sa personne. Elle se lacéra la carotide pour lui livrer son sang et elle s'extirpa le cœur pour lui dévouer son âme.
Elle requérait sa présence: sa brûlure. Son chatoiement se ravivait à chaque don de son être.
Elle se dépouillera toute entière.

Qui d'elles deux étaient Kères ? Hélas, elle n'était pas Prométhée. Rapidement les offrandes disparurent.
L'étincelle se refroidit.
Elle lui offrit ses lèvres en un baiser d'Adieu. Elle embrassa Nyx en soufflant la bougie.

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