Jusqu'à ce que la Mort nous sépare

Derrière le grondement de la tempête qui se déchaîne, un bruit sourd retentit. Elle t'a vaincu. Sous nos corps enlacés, notre petit nuage s'étire, se fend et se rompt. Sous mes yeux apeurés, tu tombes. Ton inertie nous éveille brutalement à la réalité.

Elle est déjà là. Elle te tourne autour, te tente, te souffle ses mots doux pour te rappeler à Elle, comme une fille des rues licencieuses. Tu l'écoutes, presque religieusement, les yeux clos, accueillant silencieusement ses promesses de monts et merveilles.

Tu tombes, versant une dernière larme, larme de délivrance ou de méfiance, larme d'affolement ou de contentement. Tu tombes, en sang. Il s'échappe de tes plaies et coule le long de tes vêtements déchirés sur le bitume. Il se mélange à la pluie. Malgré mes mains pressées sur la blessure, il s'écoule entre mes doigts, les colorant d'une encre indélébile. L'asphalte se teint d'un dégradé de nuances écarlates.

Accroupie à tes côtés, incrédule, je mesure l'ampleur de mon impuissance.  Je regarde le spectacle, absorbée par ce ballet rougeâtre d'une beauté pétrifiante. Je regarde ton existence ruisseler, te salir et se purifier. Tu pâlis. Je te sens refroidir, glacé par la pluie, par la mort qui peu à peu se saisit de ta vie. Elle me remplace. Elle t'enveloppe dans ses bras et te tire à Elle comme une Morte amoureuse.

Fin.

En guise d'adieu, une perle carmine. Je la recueille du doigt et la dépose sur ma bouche pour l'y tatouer. Me penchant, j'embrasse tes cheveux imbibés collant à ton crâne. Les dégageant d'un ongle, j'embrasse ton front, tes yeux clos, tes joues rougies. Tes lèvres, enfin, gelées et déjà sèches, pour un dernier baiser.

Ignorant ton corps sanguinolent, je te serre tout contre moi. Toute la force du désespoir s'empare de mon être. J'aurais pu te garder, au chaud dans mes bras froids jusqu'à ce qu'à leur tour, mes paupières ne se ferment, comme ton Esmeralda.
C'est le besoin de te graver dans ma mémoire qui me contraint à te reposer, aussi délicatement que le trésor que tu représentes à mon âme. Ses pleurs éclatent et ses hurlements s'étouffent dans ma poitrine submergée. Des sillons salés attisent ma douleur à vif.

Te secouer serait vain. Tu as choisi. Tu es déjà parti. Embarquant vers des contrées souterraines, tu m'as abandonnée, sans personne à aimer. Le chagrin s'échouant sur ma langue a un goût amer.

Aussitôt, on me lie les mains, m'enfermant dans une cellule. Une prison où ton souvenir est peint sur les murs, où tes rires et tes maux explosent dans le silence comme des grenades prêtes à me terrasser.

Une seule question envahit mon esprit hagard, cette plainte universelle: « Pourquoi lui ? ».

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