Réconfort

"Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes",
                        Dimitri Vallat

Madeline s'éveilla en sursaut, lancée par une douleur atroce dans l'abdomen.
Aussitôt ses yeux ouverts, elle éclata en sanglots, sans se rendre compte que les larmes ruisselaient déjà sur ses joues avant que ses paupières ne fussent redressées.

L'adolescente s'assit sur son lit, haletante et perdue, et dégagea sa couverture, auparavant blanche, désormais tachée de rouge.
Elle avait extrêmement chaud, et sa blessure semblait s'être rouverte.

Peinant à reprendre sa respiration, elle commença à paniquer, sa claustrophobie et sa peur du noir reprenant le dessus sur sa raison.

D'un mouvement brusque, elle se leva de son lit en titubant et ouvrir la porte à la volée, culpabilisant immédiatement. Avait-elle réveillé quelqu'un ?

Mais ses ressentiments la quittèrent vite quand elle regarda autour d'elle, ne pensant pas à allumer la lumière.

Le sombre couloir semblait interminable, et, peut-être était-ce l'effet de son affreux rêve qu agissait sur elle, mais une peur incontrôlable la faisait frissonner des pieds à la tête.

Elle se cogna à la porte, haleta, gigota, trembla, jusqu'à ce que la porte juste en face d'elle -qui émettait une faible lueur qu'elle n'avait pas remarqué plus tôt-, s'ouvre et que la silhouette de Julian se dessine dans l'encadrement.

-Madeline ! Par l'Ange, qu'est-ce que..., fit-il, perdu, son la courbure de ses lèvres se pliant de désarroi, en dévisageant la jeune fille assise contre la porte de sa chambre, les genoux serrés contre sa poitrine et la tête enfouie dans ses bras, étouffant ses sanglots saccadés.

Immédiatement, il la fit se lever en la tenant par les épaules, alluma la lumière et la fit entrer.

Dans la tête de Madeline cependant, qui ne répondait pas et se laissa porter avec difficulté jusqu'à son lit, défilaient des images de mort et de désolation.

Ses pleurs redoublaient quand, à chaque clignement de paupières surgissait une nouvelle tâche de sang dans un paysage d'horreur.

Grimaçant de douleur, et repoussant presque Julian qui lui tenait le visage pour essayer de la calmer -elle se serait peut-être évanouie devant tant de beauté et de bienveillance, si elle n'était pas en train de se vider de son sang et de faire une crise de panique- et avant de s'occuper de quoi que ce soit d'autre, elle se saisit de son portable, posé sur la table de chevet, et le dévérouilla.

Le "I lost my shoe" qu'elle lut sur son écran parvint à lui faire esquisser un sourire, mais, se rendant compte que son rêve s'échappait déjà à sa mémoire, elle s'empressa de cliquer sur l'icône "bloc-note".

Madeline avait pris l'habitude de coucher ses rêves sur papier (ou écran), et, aillant l'indiscutable sensation que celui-ci n'était pas comme les autres, elle savait qu'elle devait à tout prix s'en rappeler.

Il était important.
Horrible, mais important.
Elle avait tant eu l'impression d'y être. Et comme par hasard, sa blessure saignait à nouveau. Et cette douleur...

Elle aurait voulu plonger dans une Pensine pour se rappeler exactement son rêve, mais il s'échappait déjà.

Mort.
Épée brisée.
Douleur.
Sang.
Rire.
Peur.

Les seuls mots qu'elle pût écrire.
Puis les images précises disparurent, laissant la jeune fille avec ces quelques lettres sur son clavier.

Elle fronça les sourcils d'incompréhension, puis reposa son téléphone.

Les mains tremblantes, elle leva son t-shirt jusqu'au milieu de son ventre et arracha le bandage foncé qui recouvrait la plaie béante.
Sa vue lui arracha un haut-le-coeur
dégouté et ses larmes redoublèrent.
Du sang, beaucoup de sang.
Son sang.

Les doigts serrés sur le bandage dans sa main droite, Madeline respira et respira, suffoquante.

Elle manquait d'air, et, horrifiée, apeurée sans savoir pourquoi, elle observait sa blessure suintante sans rien faire.

Une plaie rouge, dont les bords virraient au noir jusque sous son nombril, formant ensuite de petites veines de sang séché.

Soudain, une main lui redressa le menton, tandis qu'une autre lui prenait doucement le tissu des mains.

-Madeline.

Julian.

Sursautant, elle redressa son visage inondé de larmes et de sueur, et émit un faible gazouilli, ses yeux cherchant avec détresse à se perdre dans ceux du garçon qui l'observait avec inquiétude, le regard brillant d'une peur intense.

-Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? demanda t'il en carressant du bout des doigts sa joue humide, qu'il essuya du bout du pouce.

Nouveau gazouilli incontrôlable, et frissonnement horrifié.

-Raconte moi pendant que je te soigne, dit-il en se levant -et, malgré son état, Madeline ressentit immédiatement le manque de la douce chaleur de sa main sur sa pompette- et en fouillant dans un placard près de la porte, l'expression de son visage caché par les boucles brunes qui tombaient sur son front.

-Je... Je... Je..., commença Madeline.

Elle voyait rouge.

Totalement rouge.

Des brides de sang, d'explosions de sang, jaillirent dans son esprit.
Puis plus rien.

Toute trace, toute sensation encore existante de son cauchemar s'évanouirent dans l'air étouffé de sanglots de la chambre.

D'un geste frénétique, elle se mit à tirer sur la couverture étalée sur ses jambes d'une main et à serrer l'autre poing pour calmer la peu et la douleur qui affluaient par vagues.

-Calme toi..., dit Julian d'une voix aussi posée que s'il s'adressait à quelqu'un pendant une discussion des plus banales -ses sourcils avaient repris leur droiture habituelle, comme si l'inquiétude n'y avait jamais prit place- en se rapprochant d'elle avec des bandages et un bâton argenté.

Il s'agenouilla face au lit, et, le visage à quelques centimètres de celui de celle, renifflante, qui était assise sur le matelas, il pinça les lèvres.

-Ça va Maddie, je suis là. Ça va... Calme toi.

La jeune fille se concentra sur les yeux doux, le sourire rassurant, les boucles décoiffées, et le nez fin du garçon, puis, quelque peu calmée, elle plissa les yeux, perdue sans ses lunettes.
Julian ne manqua pas de s'en apercevoir, et les saisit sur le chevet, pour les glisser sur le nez de la jeune fille, muette.

Un frisson la parcourut au contact de ses doigts, et ses yeux océans agirent cette fois comme un électrisant sur elle, débloquant ses pensées.

Oh, waouh. Le souffle revigorant de beauté qu'il me fallait.

-Tu veux quelque chose ? Qu'est-ce que je peux faire pour te calmer ? demanda t'il en la tenant fermement par les épaules, sûrement persuadé qu'elle allait tomber dans les pommes.

Autant en profiter...

En réalité, elle retrouvait peu à peu ses esprits.

-Un câlin ? suggéra t'elle en papilloant des yeux (légèrement honteuse de sa conduite, elle sourit innocemment) et en grimaçant de douleur (avec une légère exagération).

Julian s'écarta, bouche bée, l'air perplexe.
Ça lui donne un drôle d'air.

-Ma meilleure amie fait ça quand je fais une crise d'angoisse à cause de ma claustrophobie..., expliqua t'elle en agitant les pieds pour se concentrer sur autre chose que le regard perçant du garçon.
-Et ça t'arrive souvent ?
-Non... Pas trop... Mais...

Et avant qu'elle n'aie pu finir sa phrase, Julian l'enlaçait, accroupit devant le lit, le menton posé sur son épaule et les mains nouées derrière son dos.

Un immense frisson la parcourut, et elle s'abandonna quelques instants à l'etreinte réconfortante qui lui était offerte. À la chaleur du jeune homme, à son odeur de cannelle - Il aime peut-être les gâteaux ? Hum, ne put elle s'empêcher de penser en reniflant silencieusement- et d'eau de Cologne.

Puis il s'écarta t'elle, au bout de ce qui lui parut être plusieurs longues minutes silencieuses et immobiles, et se saisit de sa stèle (comme Madeline se rappelait l'avoir entendu nommer cette chose).

-Bien, je vais te soigner, allonge toi et raconte moi ce qui t'as mit dans cet état.

Étrangement, la jeune fille aurait juré voir les joues du garçon changer de couleur.
Devenir roses d'embarras.

Mais non, elle étaient de leur habituelle teinte crème.

Elle haussa les épaules et s'allongea, posant le téléphone ouvert sur la page "bloc-note" sur le chevet.

-Mort, Épée brisée, douleur, sang, peur, douleur, rire, lut Julian tout en traçant une forme noire sur sa peau.

Le contact de sa main sur son nombril agita les papillons endormit dans son ventre, et elle se retint de gigoter quand une douleur brûlante et calme, comme la lave d'un volcan en sommeil lui chatouilla le flan, à l'endroit de la nouvelle rune guérisseuse.

-C'est ton rêve ? demanda t'il en éteignant le petit boîtier noir.
-Mon cauchemar, tu veux dire... Oui. Je suppose. Je n'en ai aucun souvenir, c'est tout ce que j'ai écrit avant que les images ne disparaissent. C'est une habitude que j'ai prise. Mais normalement, les rêves son drôles et insensés : ma meilleure amie qui fait de la trotinette, un petit-ami sortant tout droit d'une série...

Les yeux fermés, fatiguée, elle sentit que Julian bandait désormais sa plaie, et elle courba le dos pour qu'il puisse encercler son ventre, non sans frémir en sentant la main du garçon tenir sa taille pour ne pas lui faire mal.

-Et une fois que tu t'es réveillée, tu étais perdue et tu es sortie, c'est ça ? l'interrogea t'il encore.

Il ne parraissait pas surpris de ses réponses, et n'emmettait aucun autre commentaire.

Il était d'un calme effrayant, comme s'il avait l'habitude de devoir gérer ce genre de situation.

Elle hocha la tête.

-Et qu'est ce que tu faisais debout à une heure pareille ? Il est bien trois heures du matin..., fit-elle en bâillant.
-Pas grand chose, je travaillais..., comme un Chasseur d'Ombre normal.
-Hum... À cette heure, c'est de l'exploitation..., murmura Madeline en sombrant dans les bras de Morphée, quittant ceux de Julian.

Elle ne le vit d'ailleurs ni ne le sentit terminer son bandage, la recouvrir d'un couverture, replacer une mèche rebelle derrière son oreille et éteindre la lumière. Tout comme elle ne vit pas le regard préoccupé et inquiet qu'il lui lança avant de quitter la pièce.

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