Il y a des gens qui se perdent dans la drogue. D'autres dans l'alcool. D'autres encore dans la musique. Naëlle, elle, s'est toujours perdue dans le sexe. Depuis aussi longtemps que je la connais, elle n'a jamais eu aucune limite. Capable de perdre pied et de s'oublier dans cela. Ne trouvant que cela pour ne pas réfléchir. Et ce soir ne faisait pas exception à la règle.

Enfin... Ça, c'était la théorie et la pratique oui. Et dans notre magnifique plan de vengeance, forcément nous n'avions pas prévu la présence d'une autre personne qui avait pu obtenir son cœur et son âme il y a des années de cela. Deux amours malheureux en une soirée, et voilà qu'elle venait de partir hors des regards avec l'un des deux. Elle paraissait forte, maitre d'elle-même et insensible. Pourtant nous ne nous y trompions pas... Chaque regard, chaque parole qu'elle avait pu dire à Cole lui avait coûté. Garder encore et toujours ce masque avait un prix, même pour elle. Et nous savions bien que nous avions été égoïstes de la faire apparaître à la même soirée que lui, n'anticipant même pas que ce « Christopher » y serait lui aussi... Le regard lourd de reproches de Hakane envers nous étant sans appel : nous avions été beaucoup trop égoïstes sur ce coup-là. Les deux dans la même soirée, même pour la Femme au Dragon, c'était une torture.

Pourtant son jeu d'actrice était tellement parfait qu'elle ne voyait pas la douleur que hurlait ce mec. Elle ne voyait pas son regard détruit alors même qu'il l'observait de loin. Elle n'avait pas vu ses larmes couler alors qu'elle jouait du piano. Alors même qu'elle avait sublimé toute chose en ce monde avec ses mélodies. Souriant et riant avec Luc. Lui semblait souffrir le martyre en devant la regarder de loin. Et aucun de nous ne se cachait de se délecter de sa souffrance. Enfonçant le clou dès que nous le pouvions. Mais nous savions le prix à payer pour cela. Nous le savions tous très bien. Et plus la soirée avançait, plus Hakane ou Luc n'arrivaient à cacher leurs inquiétudes sur l'état de Naëlle. Le retour du boomerang allait être terrible. Naëlle était une bombe à retardement, qui ne flancherait que loin de tous.

À peine étions-nous arrivés que je l'avais repéré. Et lui, il n'avait vu qu'elle. Ignorant sa propre fiancée depuis. Ne lui accordant aucun regard, aucun mot. Non, le seul moment où il avait ouvert la bouche, c'était pour engueuler son pote. Et nous avions assisté au plus grand numéro d'actrice de Naëlle. Sans même qu'aucune émotion ne trahisse son regard, ses mots, son attitude. Le monde autour de nous ne pouvait que croire que ces deux-là ne se connaissaient pas et que ce mec avait une attitude déplacée avec cette femme que personne de cette assemblée ne tenterait d'énerver. Il avait vite compris le risque qu'il prenait quand nous l'avions tous pointé de notre arme alors qu'il avait osé la toucher. N'attendant qu'une simple erreur pour effectuer cette envie dont on crevait tous ouvertement : le tuer. Son regard à lui seul fut d'un délice sans pareil. Ce regard. Oui. La terreur la plus pure. Un vrai nectar. Il ne la quittait pas du regard. Il l'observait alors même qu'elle ne le regardait jamais. Et il l'avait compris. Il avait disparu de son univers à elle. Parce que Naëlle ne regardait qu'un homme pendant toute cette soirée. Un seul, capable de faire s'étirer un véritable sourire sur ses lèvres. La faisant rayonner.

Peter. Personne ne pouvait rien à cela. Personne. Parce que Peter était le pilier même de Naëlle. Il était sa colonne vertébrale. Aucun mot ne convenait pour leur relation. Et Peter n'avait qu'une seule et unique obsession dans ce monde : Naëlle. Il voulait juste qu'elle soit heureuse. Ainsi il laissait le bénéfice du doute aux jumeaux. Mais se faisait une joie de martyriser celui qui avait fait du mal à sa chère « déesse ». Sa dernière trouvaille ? Poster des centaines d'annonces sur tous les sites glauques du net. Inondant les sites avec une même annonce : « Appelez-moi « petite salope », je suis tout à vous » joignant les différents numéros de Monsieur Cole REED. Oui c'était puéril. Mais tellement drôle. Surtout quand son téléphone sonnait en plein milieu du gala. Pile devant nous alors que nous venions réclamer le string. Délicieux de le voir se décomposer lentement. Exactement dans le même timing qu'un Aaron nous négociant pour garder ledit string.

Allions-nous le dire à Naëlle ? Oh sûrement pas. Elle serait capable de nous engueuler. Alors que nous, nous rions bien de voir son portable s'agiter dans les mains de sa fiancée.

Plusieurs moments furent totalement délicieux : par exemple notre retour avec Peter et la demoiselle. Di Cielo choisissant ce moment précis pour nous présenter le groupe. Peter se faisant un plaisir sans borne de bien provoquer l'homme face à lui. Oh ce que le mec semblait hors de lui. Magnifique. Ou encore le moment même de l'arrivée de Christopher, et cette fois c'est moi qui avais retenu Peter. Lui et Cole avaient dû subir ce moment. Ce moment où tous s'étaient figés de surprise alors qu'ils s'étaient embrassés. Si moi je tenais fermement Peter, cet Aaron semblait tenir fermement le bras de son pote. Parce que le clan avait conscience que si quiconque touchait Christopher, gala ou pas... Elle tuerait cette personne sans l'ombre d'une hésitation. Qui que ce soit. Parce que Christopher pour elle, cela restait une évidence douloureuse. Nous nous détestions, nous les hommes de son cercle et ce Christopher. Une haine viscérale dont elle ignorait tout. Pourtant, je compris qu'il aiderait à la torture de Cole. Parce que faire souffrir Naëlle, même aux yeux de son ancien fiancé... C'était une faute impardonnable.

Ainsi, après leur danse face au regard rageur du chanteur de rock, et leur fuite afin de visiblement s'isoler loin du regard de tous le monde. Fuite qui fut une sacrée claque pour Peter, même si dans son cas à lui, il n'y avait que son égo de blessé. Le moment à venir promettait d'être encore plus beau. Parce que si ce mec croyait avoir le monopole de pouvoir chanter avec elle sur scène. Il allait découvrir qu'il existait quelqu'un bien avant lui ayant pu faire cela. Et que le monde entier connaissait déjà la voix de Naëlle. Même lui.

Le groupe venait de finir sa représentation, et ils se firent happer par les personnes du milieu. Le chanteur se voyant bien obligé de donner son attention ailleurs que sur la femme l'obsédant.

— T'es-tu demandé s'il avait une explication ? Questionna Luc.

— Il est tombé amoureux alors que sa prétendue fiancée l'avait planté du jour au lendemain. Il ne s'attendait pas à ce que celle-ci revienne la fleur au fusil, se croyant en terrain conquis. Et alors même qu'il était paumé, l'une des femmes a décidé pour lui en disparaissant de sa vie. C'est limpide à comprendre Luc. Il n'y a bien que notre sœur pour ne pas comprendre. Mais elle refusera toute explication tant qu'elle ne sera pas calmée.

— Pourquoi alors...

— Parce qu'elle lui a offert son cœur putain ! À combien de mecs a-t-elle donné cette chance ? Un seul avant eux de ce qu'on sait. Et lui... Il fait de la merde... Il ne porte pas ses couilles et ne lui explique pas son problème ? Il ne vaut pas la peine de prendre son parti. Qu'il souffre de ses conneries. Moi j'ai juré de protéger celle que j'aime. C'est elle qui a besoin de nous, pas lui.

On vit Ethan monter sur scène une vingtaine de minutes plus tard, annonçant Mister. Celui-ci arriva aussi vite, la coiffure d'après baise, commençant par un de ses morceaux à succès. Et nous pouvions voir les greluches se trémousser aussi vite en le regardant.

— Fais pas genre, t'as une tête de midinette quand elle est sur scène. Ricana Luc.

Je lui tapais dans les côtes alors qu'il riait en s'éloignant de quelques pas. Nous nous trouvions juste à côté du bar, apercevant le groupe se diriger vers celui-ci, voyant dans le même temps Naëlle revenir vers nous tout en fumant. Mais le hasard est magnifique. Vraiment magnifique. Car ce fut pile à ce moment-là que le nouveau s'étala sur le sol, probablement à cause d'un verre renversé.

— Nino ? C'est une de ses fameuses flaques c'est ça ? Je t'avais prévenue ! Ria Naëlle.

Mon sourire ne put que s'agrandir alors que mon cœur martelait contre ma cage thoracique, l'observant avec délice rire aux éclats. Tentant vainement de redresser le fameux Nino. Mais tous deux riant bien trop pour parvenir à un résultat potable.

J'aimais son rire, ce vrai rire qu'elle avait là. Il me donnait l'impression d'illuminer les lieux par sa simple existence. Il me réchauffait l'âme comme aucun autre son en ce monde.

Luc se décidant finalement à aider sa sœur pendant que nos hommes aidaient Nino. Les deux continuant de rire en parlant de la fameuse flaque douteuse. Rejoignant le bar alors qu'elle continuait de se moquer de lui. Et je m'appuyais sur le bar en la dévorant du regard. Savourant comme jamais ce vrai sourire qu'elle offrait. Ce rire qui nous enrobait d'amour. Elle croisa mon regard, me souriant en faisant chavirer totalement mon cœur. Ses joues rouges, son regard pétillant. Merde ce que je la trouvais sublime cette femme.

Je ne la vis même pas s'approcher de moi. Glissant ses bras autour de moi. Me sondant du regard en souriant.

— À quoi penses-tu ?

— Que j'ai senti mon cœur cesser de battre au son de ton rire.

Elle éclata de rire de nouveau. Se mordant la lèvre violemment en se retenant de rire un peu plus. Alors même que plusieurs regards étaient sur nous.

— C'est tellement... Cliché...

Elle éclata de rire de nouveau alors que je haussais les épaules avec un sourire sur les lèvres. Qu'est-ce que j'y pouvais moi si elle me rendait con ?

— Tu me rends con, ce n'est pas une première...

— Tu n'es pas con.

Elle fronça les sourcils, le visage sérieux soudain. Occultant le monde par sa simple présence. Et je me demandais, encore maintenant, comment elle faisait. Comment faisait-elle pour être si unique en ce monde ? Pour qu'une fois qu'on a croisé sa route, qu'elle ait pris notre main, on ne veuille plus qu'elle la lâche ? Pour que son regard sur nous, nous fasse sentir si important ?

— Jo ?

Son murmure me sortit de mes pensées, et je souriais en lui caressant la joue, glissant mes bras autour d'elle.

— Cela va être à ton tour ma belle. Embrase-moi la salle veux-tu ?

Elle ricana avant de m'embrasser sur la joue, me faisant un clin d'oeil avant de se tourner. Se dirigeant vers la scène comme une reine. Et moi, je me perdais dans la vue de son fessier avant de me prendre une claque sur le crâne par Luc.

— Y'a une flaque de bave de ta faute... Il va encore y avoir une chute après...

Je ricanais en haussant les épaules, m'accoudant au bar en la voyant monter sur scène. Mon sourire s'agrandissant.

— Cela fait longtemps qu'elle n'avait pas chanté ce morceau ! Faut dire que leur duo est tellement chaud ! Ricana Hakane.

Je pense que nous étions tous les pires enfoirés de cette assemblée. Car Hakane avait choisi de se mettre pile dos au groupe en disant cela. Prenant bien soin à ce que ce cher Cole l'entende sans mal. Mais pour sa défense, Hakane ne mentait pas.

Le seul moment où il avait "menti" c'était sur le côté essentiel de ce string. Et le fameux Aaron n'avait pas été dupe. Enfonçant un peu plus le clou en tentant de négocier avec un autre rendez-vous. Tout cela face à son pote. Ignorant ses regards assassins.

Sur scène, Mister dégageait quelque chose de beaucoup plus bestial. Tout comme elle en sa présence. L'air devenait tout de suite bien plus électrique. Et les applaudissements se firent entendre aussi vite quand tout le monde reconnut le morceau et je l'entendis s'étouffer à côté de nous. Mais je ne voulais pas le regarder non. Je ne voulais regarder qu'elle. Parce qu'elle était putain de délicieuse avec cette attitude-là. Elle aurait enflammé l'Antarctique sans aucun mal. Et sa voix promettant mille nuits de sexe au creux de l'oreille de Mister nous foutait tous en l'air. Les deux s'allumaient, et leurs duos enflammaient sans mal l'assemblée. Laissez un Hispanique du genre de Christopher chanter avec elle, et vous verrez ses talents se révéler.

Non Cole REED tu n'es pas le premier à l'enflammer sur de la musique. Pas le premier à savoir la lire ainsi. Tu n'es pas unique. Voici celui, qui bien avant toi, a su la faire craquer sur de la musique. Admire ton impuissance à voir un autre prendre ta place devant tous. Qu'importe ce que tu crois être pour elle. Tu as joué avec son cœur. Regarde combien d'hommes pourront prendre ta place sans mal. Sens à quel point elle t'a déjà oubliée. Tu n'es rien. Absolument rien pour elle. Sens ton cœur se fissurer.

Elle ne viendra pas te rassurer. Elle disparaîtra sur cette image-là. Et tu sais. Tu sais mec que cette soirée était ton unique chance de lui parler. Et tu réalises que tu ne pourras pas. Parce qu'on ne te laissera pas lui faire plus de mal. Nous ne te laisserons plus l'approcher. Alors, contemple là. Le dragon va bientôt s'envoler et disparaître.

— Mon amour ça...

— ME TOUCHE PAS PUTAIN !

Je tournais le visage en fronçant les sourcils, observant le fameux Cole fusiller sa « fiancée » du regard.

— Mais Co...

Il partit aussi vite, disparaissant dans la foule. Sous notre regard impassible.

— Voilà il est à terre. On va pouvoir partir. Murmura Peter.

Un sourire satisfait s'étira sur nos lèvres, et nous nous éloignons du bar. Allant pas loin de la scène. Accueillant Naëlle peu de temps après. Attendant un peu avant de disparaître totalement de la soirée. Repartant et mettant un terme à la torture.

Trop tard pour regretter Cole REED. Tu as perdu. Tu aurais dû te battre avant. Maintenant, il n'y a qu'elle pour décider de ton avenir. En attendant.... Vis, survis. Nous disparaissons de ta vie.