Chapitre 41. Point de vue Ali.


Je me frottais vigoureusement le visage pour y faire revenir le sang, ne lâchant pas mon téléphone. Plongeant mon regard dans celui de Noz.

— T'es pas putain de sérieux Jo... Vous déconnez là...

Je plaisante pas putain ! On en est tous arrivés à la même conclusion, le tireur... C'était pas Christopher qu'il visait... ! Alors gardez là en sécurité, nous on monte dans l'avion là ! Je serais avec...

— Ouais... Ouais je m'en fou c'est bon. On rentre là justement. Elle était avec Hakane. Je te rappelle.

Je raccrochais avant de me lever, m'excusant auprès de nos hôtes alors que nous devions partir. Le rendez-vous avait duré bien plus longtemps que prévus, et nous étions en retard. Je détestais être en retard avec elle.



Noz attendit que nous soyons à deux dans la voiture pour se remettre à parler, profitant d'un feu rouge pour poser la question lui brûlant les lèvres.

— Alors ?

— Alors c'est confirmé. Christopher était pas la cible ce jour-là, c'était elle. C'est quelqu'un qui essaye de la tuer. Ils sont tous formels là-dessus... Expliquais-je

— Ça faisait longtemps qu'elle avait pas été la cible d'un dingue tiens...

Je soupirais en me frottant la tête, observant les gens se presser. Je savais que John et Angley devait arriver demain pour les rendez-vous importants, pour appuyer le potentiel avec elle. Je savais que c'était la dernière journée aussi tendue.

Il ne restait qu'à rentrer pour ne plus avoir à la lâcher des yeux.



Lorsqu'on arriva à la maison, ce fut pour assister à un défilé entre Hakane et le petit. Et on se surprit à les observer en ricanant, commentant les choix douteux du petit pour s'habiller. C'est en voyant la pièce refléter les couleurs du coucher de soleil que je me posais une question pourtant essentielle.

— Elle est où la Patronne ?

Hakane se redressa, me souriant en me pointant derrière moi.

— Elle est aux cerisiers. Elle ne va pas tarder.

— Elle va encore s'y endormir ouais... Marmonna Noz.

Il fronça les sourcils alors que je me servais dans les biscuits, essayant de me le prendre des mains en riant.

— Tu prends un gros risque... C'est ceux de Naëlle... Ricana Hakane. Tu sais qu'elle tue même sans le vouloir avec sa bouffe !

Je haussais les épaules en cassant le biscuit, le goûtant avant de me figer. Surpris.

— Il est super bon en fait ! Vous avez torts les mecs... Alors ça dit quoi son papier ?

Rien que pour lire ses conneries, ça valait bien de manger son biscuit.

Je dépliais le papier en avalant ma bouchée, redressant lentement la tête avant de me mettre à courir aussi vite. Je détestais cette blague-là.



Je sortis de la maison, dispersant les deux pour la trouver au plus vite. Le petit m'accompagnant, m'indiquant le lieu où ils l'avaient laissé. Je finis enfin par la trouver, au bord de cette foutu falaise. Mon cœur ne parvenant pas à se calmer alors qu'il ne me restait plus qu'à l'appeler.

Retourne-toi, rejoins-moi. Je le sens pas.

Mais elle sait déjà, comme d'habitude. Et elle leva sa main, m'ordonnant de ne pas bouger. Je secouais la tête en soufflant, trépignant sur place. J'ai pas le temps pour un de tes foutus jeux putain. Rentre. Je ne le sens vraiment pas là.

Elle tourna la tête et me regarda, me souriant. Étrangement calme face au danger de l'instant. Son regard me parcourus et elle continua de me sourire alors que son haut se teintait de rouge en quelques secondes, le sifflement distinct me faisant reconnaître le bruit de tir.

Putain non. Pas là. Pas maintenant putain.

— Cours. C'est un ordre...

Sa voix est comme un souffle alors son geste de lèvres silencieux me fait comprendre l'autre message. Je n'avais plus le choix. Elle ne me laissait pas le choix. Le tireur embusqué non plus... Continuant de tirer.



Je secouais la tête, l'implorant mais je savais qu'elle ne tiendrait plus longtemps. Nous n'avions pas assez de temps pour le tenter. Son regard se posa sur Uta, me faisant comprendre l'ampleur de son ordre comme toujours, et je me reculais, tirant Uta d'un coup sec pour qu'il me suive, me mettant à courir en alertant les autres tout en portant le petit.

Un bruit. Un bip strident. Puis un bruit assourdissant. Un souffle trop puissant. Et j'ai à peine le temps de saisir le petit contre moi, pour le protéger, que je heurtais quelque chose. Sombrant dans l'inconscient.



Je toussais en tentant de me redresser quand je revins à moi, prenant le temps d'observer, de voir si le petit allait bien avant de me lever. Faisant le tour de mes blessures en balayant du regard le paysage devant moi.

Observant avec horreur la catastrophe. Le feu venait manger certains arbres alors que d'autres avaient été déracinés. Nous avions volé plusieurs mètres plus loin... Et on avait clairement eu beaucoup de chance... Peut-être avait-elle trouvé un moyen elle aussi.

Je découvris surtout que la falaise avait avancé de plusieurs mètres. Engloutissant son corps. Je me laissais tomber sur les genoux. Priant le ciel de ne pas me faire cela. De ne pas nous la prendre ainsi.

Mais elle était bien là. Bien des mètres plus bas. Oui elle était là.

Endormie sous ce rocher. Une putain de rose rouge dans la main. Il avait osé... Un putain de fils de chien avait osé nous retirer Naëlle...

« Sous les cerisiers, vous verrez un dragon s'envoler »


Mes poings se serrèrent alors que je hurlais après toi. Enfin... Oui... Je devais sûrement hurler... Je t'avoue ne pas savoir à cause de cet affreux sifflement...


J'avais toujours aimé ton humour jusqu'à présent mon amie. Oui je l'avais toujours aimé. Pourtant là... Sous ces putains de cerisiers... Je le haïssais. Parce que là, en dessous de ces foutus cerisiers... Je venais vraiment d'assister à ton dernier envol. En dessous de ces putains de cerisiers maudit... Je te voyais morte.

Et j'avais beau te transmettre toute nos forces pour ne pas te laisser nous faire cela... Tu étais vraiment morte, devant nos yeux. Le corps bien trop abîmé. T'avais osé mourir, et je détestais cette ultime plaisanterie...

Je me mordis la lèvre alors que nos portables sonnaient et vibraient tous en même temps. La puce de la Patronne avait sûrement cessé d'émettre oui.

Comment on annonce ça ? Comment ?

— Je ...

J'activais l'appel vidéo, comme Noz et Hakane. Montrant la scène sans dire un mot.



Les secours japonais ne tardèrent pas à venir nous secourir. La police prenant nos dépositions. Et nous leurs répondions, bien trop hagard.

Beaucoup de monde arriva dès qu'ils le purent. Vraiment beaucoup. Trop. Mais on restait cloîtré dans notre silence, observant sans cesse ce lieu maudit comme s'il allait nous la rendre. Avec un peu de pression mental... Non ?



Je ne comprenais pas qui étaient certaines personnes. D'où ils venaient. Comment ils la connaissaient. S'ils la connaissaient vraiment. Ce fut Peter qui fut le relais de tout ça.. S'occupant au maximum pour ne pas sombrer. Ne dormant même plus. Abandonnant son sommeil pour que rien ne s'écroule. Mais tout s'était déjà écroulé. Elle était morte. Et aujourd'hui c'était sa cérémonie d'adieu...

Qu'est-ce que vous vouliez sauver ? Je voulais rien sauver moi... Je voulais juste ce fils de pute devant moi.


Un hurlement, encore. Un long hurlement de douleur. Voilà ce qu'était le chant d'un dragon depuis ce jour-là. Même le hurlement d'un Herrero ou d'un Reed ressemblait trait pour trait au chant d'un dragon.

Qu'essayes-tu de sauver au juste Peter... Le clan du dragon ne va pas mourir. On vient juste de lui déclarer la guerre. C'est pas le moment de flancher...


— Oh merde ça existait vraiment... Elle ne déconnait pas... Murmura Peter en blanchissant.

Je fronçais les sourcils en me redressant, m'approchant de lui avec Luc.

— Qu'est ce qui existe mec ?

— Le dispositif Pandora...... C'est.... Putain...

— Ça craint ?

— J'espère que je suis parano... Ouais... c'est ça. Je suis parano... Forcément... On va juste dire que je suis parano. C'est pas possible un truc pareil... C'est quoi ça...

J'observais son écran de téléphones. Haussant les épaules avant de ricaner.

— Je sais pas pourquoi... Mais je sens que l'ultime Fuck de la Patronne va valoir le coup d'œil...

Peter arqua un sourcil en me regardant, ses yeux se voilant aussi vite.

Ouais... Je sais. Moi non plus je veux pas que ce soit ses derniers instants tout ça... Moi non plus mec... Je priais chaque seconde pour me réveiller de ce cauchemar-là.



Je soupirais avant d'entrer pour me changer. Embrassant ma femme qui consolait le petit Ed. Me douchant et me changeant. J'enfilais ma veste alors que mon regard croisait celui de Ritchi dans la glace, tenant Uta dans ses bras. Elle te faisait père mais partait de ta vie. Elle te comblait et te meurtrissait dans le même laps de temps.

C'était devenue son habitude.... Combler la vie des gens autour d'elle. Faisant se croiser des routes l'air de rien. Aiguillant et dirigeant certains cœurs.

Elle était redevenue celle qui ne vivait plus l'amour, mais le gardait pour les autres. Les Herrero avaient été le choc de trop pour elle. Et elle ne parvenait plus à pardonner. Mais elle semblait pourtant apaisée de tout ça. De la situation telle qu'elle était.

— Tu crois qu'elle l'avait prévu ? Murmurais-je

— Ce serait bien son genre... Ce serait vraiment son genre... Souffla-t-il alors qu'une larme solitaire s'échappait de son œil.

Je ne l'avais entendu rire qu'avec le petit Ed pour la première fois. Je ne l'avais jamais vu pleurer depuis que je le connaissais. Il fallut toi pour que je le découvre. Encore. Mais tu laissais une vie pour lui, pour ne pas qu'il sombre. Tu lui offrais un nouveau pilier de vie. Malgré tout, malgré ce réconfort là... Tu n'avais pas encore compris que rien ne pourrait combler ta mort.... Rien en ce monde ne valait le prix de ta vie pour nous.



Il m'accompagna dehors, me tendant une lanterne avant qu'on ne se joigne au groupe plus loin. Une foule impressionnante venant se joindre à nous pour cet adieu douloureux. Luc portant en silence l'urne funéraire de notre reine. Peut-être que si je priais plus fort... On nous rendrait ta vie ?

Je refusais de te dire adieu. Je refusais de te laisser gagner ce jeu-là. Tu n'as pas le droit de gagner cette partie-là mon amie. Tu m'en as promis plein d'autres.


Si je te supplie suffisamment fort... Vas-tu revenir ?


Tu arriverais là... Comme une reine... Et t'annoncerais que cette urne... Ce n'est pas toi. C'était juste une de tes blagues de merde...


Je t'en supplie... Ne nous laisse pas te dire adieu... Je t'en supplie... Ne les laisse pas faire ça.


Réveille-moi.


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