Chapitre 33. Point de vue Luc G.
— Frangin, sérieusement... Comment tu peux passer de ACDC à... La chanson sur la petite sirène ? S'offusqua Jo.
Je haussais les épaules en riant, ignorant les journalistes tout en m'avançant vers le grand hall. C'était la grande soirée de récoltes des dons du clan Gomora en faveur des associations choisis par la Patronne. Très grosse soirée traditionnelle depuis plus de dix ans, et dont les grandes richesses de ce pays et d'ailleurs se faisaient une joie de fréquenter. Enfin, il était de très bonne publicité d'être vu à cette soirée là. Cela soulignait le pouvoir en place de la personne.
En gros les gueux venaient se montrer à la cour des Rois.
Aucun de nous n'aimaient vraiment aller à ce gala, mais c'était pour la bonne cause. Et les associations où étaient distribués équitablement les dons en avaient toutes vraiment besoin. Le clan gérant en total hermétisme l'organisation de ce gala, du début à la fin. Aucun organe extérieur ne pouvait entrer dans la chaîne. Cela nous coûtait ainsi un prix contrôlable, que nous absorbions sans difficulté. Le coût en résultant étant un zéro à déduire pour les associations. Nous avions toujours tenu à pouvoir donner de nous pour aider réellement les gens en ayant besoin. Et ce gala n'était qu'une méthode pour faire de la publicité aux associations. Même si, si nous avions écouté Naë, elle nous aurait fait faire la publicité de toutes les organisations le méritant selon elle. Mais ça aurait donné un gala de plusieurs années. Alors on a dit non. Et elle a boudé comme une gosse, comme chaque fois.
Oh on avait de la chance, elle ne me faisait les caprices de gosse que quand peu de personne pouvaient y assister. Encore heureux. Parce que ses crises étaient humiliantes pour tout le monde. Et je finissais par craquer. Ouais, ma grande sœur était démoniaque quand elle voulait un truc.
Ceci dit, depuis toujours on était comme ça. Vraiment. Beaucoup nous voyaient comme des gosses idéaux et tout, mais c'était tellement faux. Cela continuait de nous faire rire avec elle, parce qu'on ne s'était jamais fait prendre. Ce qui était vraiment très balaise vue la taille de la ville.
Mais il fallait nous comprendre aussi, nous avions une vie de famille si « parfaite » ... Nous avions besoin de plus, de vivre vraiment. Pas qu'avec la musique et la douceur. Il nous fallait plus. Beaucoup plus. On voulait se sentir vivant, vraiment. Prendre des risques. Se battre. On voulait jouer les méchants. Et ça nous éclatait putain. On adorait ça. Terroriser les gosses qui voulaient faire les caïds. Apprendre à se battre ensemble avec Arno. Ouais. Pour les grands on était les enfants parfaits, de vrais anges... Pour les gamins de nos âges... On était le trio démoniaque.
Un rire s'échappa de mes lèvres alors que l'image me revenait de ce surnom idiot, Arno et Jo se retournant vers moi en même temps, s'interrogeant.
— Je repensais à ce surnom idiot du trio démoniaque. C'était tellement con !
Arno ricana en haussant les épaules, répondant à Jo tout en continuant de ricaner.
— Et c'était quoi la passion de ce trio ? Demanda Jo dans un sourire.
— La bagarre, le risque et...
— ACDC ! M'écriais-je avec Arno.
Jo se mit à rire en se reculant, saluant quelques personnes avant que je ne vois son regard se fixer plus loin dans la foule.
— Ooh !
— Ooh ? M'inquiétais-je
— Ça fait combien de temps qu'elle est arrivée ?
Je me frottais les cheveux tout en calculant, me pinçant finalement les lèvres.
— Au moins quatre heures, on est en retard.
— Et Christopher est là... Accompagné de... Oh bordel de merde de géants. J'y vais pas. Cracha Jo en reculant précipitamment.
Je m'étonnais tout en me penchant, arquant un sourcil en comprenant. Ah. Christopher accompagné par ma propre ex fiancée. Samantha.
Ok. C'était une putain de blague pour un canular télévisuel ou... ?
Je sentis les poignes de Jo et d'Arno se raffermir sur mes bras alors que j'allais pour m'avancer.
— Oh que non. Rien qu'elle là-bas... Ça me passe l'envie. Alors vous deux. Ah ah ah. Non.
— Qui a invité Christopher ici ? QUI ?
— Ah bah vu le goût douteux... Peter sans hésiter. Tu vas voir qu'il va se pointer plus tard lui aussi. Fais chier. Maugréa Arno.
Je me tournais vivement vers Arno, ouvrant et refermant la bouche.
— T'es pas sérieux ? Putain t'es pas sérieux.... Ils le savent ?
Je vis Arno et Ali tiquer ouvertement, et je compris aussi vite que non. Ils ne savaient rien, e la fin du gala allait être de la merde, clairement. Parce que réunir en un même lieu Christopher et Peter, c'était la pire idée du siècle. Surtout à ce gala précisément.
— Je sens qu'on va se marrer avec vos conneries encore ! C'est pour fêter les dix ans de ça ou... ? Vous vous amuserez, encore, à en récolter les morceaux ? Parce que là, je sais pas si vos conneries vont pas la tuer. Prononça lentement Ali.
La colère froide, palpable dans sa voix, nous refroidîmes de plusieurs degrés aussi vite. Je savais qu'il avait clairement raison. Je le savais bien, mais là, à part tout faire pour l'éviter... On ne pourra l'empêcher. On a provoqué la séparation entre elle et Christopher ok... Mais l'aboutissement de toute ça, c'était Peter qui l'avait amené. Et on avait pas les armes contre Peter nous. Parce que ma sœur le préférera à tout. Même à sa propre raison.
John souffla en défaisant sa prise, s'avançant dans la foule tout en traînant Arno, l'entraînant sans un mot sur la scène où du matériel avait été mis à disposition pour plus tard dans la soirée. Certains groupe et chanteurs étant invités sur cette scène pour faire monter les dons. Ils ne parlèrent que deux secondes ensembles avant que Jo ne sorte sa guitare de son étui en ricanant, l'enfilant et la branchant, se mettant en position tout en me fixant. Commençant à jouer. Me faisant tressaillir entièrement.
Oh bordel, Oh bordel !
Je ne sais même pas à quelle note je me suis mis à courir aussi vite, attrapant la deuxième guitare sur cette maudite scène et me mettant à jouer avec lui sans pouvoir me retenir. Parce que j'étais trop faible face à ACDC. Et l'on eu juste à se pencher sur les micros en souriant, commençant les paroles d'intro pour voir la dernière tornade surgir comme une folle, entamant avec nous la musique de Thunderstruck. Sa voix s'éleva, démontrant toute sa sauvagerie aux yeux de tous, alors qu'elle les ignorait. Parce qu'on s'en foutait bien des autres présents. Ceci, là, c'était que nous dans notre bulle, dans notre délire.
Ce délire qu'on avait depuis si longtemps. À peine marchait-on qu'on chantait déjà ensemble les paroles de ce groupe. Faiblesse ultime de mon père qui était un amoureux profond du bon rock. Et à force de le faire entendre à Jo en arrivant dans sa famille, il en était devenu un grand amoureux aussi.
C'était si bon, putain. Un moment de bonheur absolu. Juste nous. Elle et cette fabuleuse énergie. Elle était Angie à ce moment-là. Juste Angie, son génie, son savoir et son incroyable innocence. Cette gamine qui captivait déjà tout le monde, sans qu'elle s'attache à cela. Elle était d'une franchise absolue, sans aucun filtre dans ses émotions ou ses paroles. Et là, là quand je la voyais me chanter les paroles avec cet air de gosse délirant avec son petit frère... Cela me comblait tellement d'amour bordel... Parce que je savais qu'il en restait une part en elle. Et putain ce qu'elle pouvait me manquer cette part-là d'elle.
Oh bien sûr, je ne fus pas surpris d'en voir deux se rajouter à cela. Mais à l'instant même où on avait commencé, je savais qu'ils ne résisteraient pas. Aaron avait beaucoup trop de passion pour cela, et Cole... Cole voyons. Un groupe jouant un groupe mythique comme il les aimait. Surtout la femme qu'il aimait chantant cela.
Il était limpide à comprendre le Cole. Depuis le temps qu'on l'observait, on le connaissait par cœur. Il était prévisible à plus de vingt coups d'avance pour nous. Mais pas pour Naëlle. Parce qu'elle ne s'incluait pas correctement dans son schéma.
Je remarquais que Aaron et Cole ne semblait pas surpris de ce visage-là de Naë. Ils semblaient même déjà le connaître. Expliquant sans doute leurs rapidités pour nous rejoindre. Ils voulaient tous deux revivre ça plus que tout autres choses. Et ça, leurs visages semblables au sien, le trahissait aux yeux de tous. Ils prenaient un pied pas possible. Et je comprenais pourquoi Ethan Macry avait tant insisté pour les faire apparaître ce soir sur scène. Parce que lui, il avait déjà vu le duo sur scène. Et il le voulait de nouveau. Satané Ethan.
Je sentis le dos de Jo venir se coller au mien et je me mis à rire tout en jouant avec lui. Commençant ensuite l'introduction d'une nouvelle chanson, me mordant la lèvre alors que je me penchais en jouant vers elle. Elle, ne pouvant pas s'empêcher de sautiller dessus. Comme toujours. Comme chaque fois que nous commencions à jouer Highway to Hell. Et je pouvais sentir l'énergie s'étendre, exploser alors qu'ils se mettaient à chanter en même temps les paroles.
Ouais j'avoue, ces deux-là sur scène c'était dément.
Christopher faisait pale figure face à ça. Parce que là... C'était deux talents monstres créant un truc juste avec leurs voix. Un univers hallucinant naissant de leurs voix se mariant parfaitement. Je ne sais même pas s'ils se rendaient compte du côté dingue de la chose. De ce qu'on entendait nous de leurs trucs. Ils semblaient ne plus rien voir autour d'eux, entièrement centré sur la voix de l'autre. Perdu dans un truc que nous ne pouvions voir. Et nous prenions un pied tout aussi inouïe à le jouer ensemble, à créer cela. Ce morceau pur de notre passion pour cette musique-là.
C'était tellement nous : sauvage, cru, te prenant aux tripes et plein de passion.
Et c'était ça, juste ça qui nous faisait suivre ma sœur par-delà les limites de l'univers. Elle nous aidait à nous sentir tellement vivant. Un phénoménal souffle de vie nous gonflant, nous boostant. Son sourire pouvant t'apaiser quoi qu'il arrive. C'était la meilleure de toutes les grandes sœurs, et c'était pour cela qu'Arno m'avait rejoint dès qu'il avait appris. Il l'avait toujours vu comme sa grande sœur. Et que c'était ça ce dont nous avions besoin plus que tout. D'être à trois pour se sentir les plus forts.
On était restés des grands gosses, jouant aux mêmes jeux, c'était juste la version qui avait différé. Et on passait notre temps à rattraper ces six ans passé loin d'elle. Et une année de plus perdu à devoir l'apprivoiser... Oui. On restait encore ces deux gosses voulant rattraper la petite fille qu'on avait un jour perdu. Et c'était effrayant de la voir ainsi avec eux... Parce qu'on savait. On savait qu'eux aussi, ils pouvaient vraiment la tuer sans le vouloir. Et si Peter se pointait vraiment ce soir, cela allait réellement faire de la merde... Parce que cumuler Christopher et Cole dans une même pièce, et y rajouter le pire des explosifs possible... Elle allait en pâtir, irrémédiablement. Parce que ce gala était l'occasion parfaite d'une vengeance. Ouais...
Rapidement Hakane vint prévenir que Naëlle allait devoir faire son discours, et nous en profitions pour nous éclipser discrètement, faisant rentrer l'air de rien les journalistes alors qu'on se fumait une cigarette. Guettant la montée sur la scène de Naëlle.
— Bordel ça va saigner encore. Ricanais-je.
Jo ricana avec moi tout en observant les gens se presser vers la scène.
Il était important pour les gueux d'être vu à la cour de la reine oui. Car on peut se dire de ses proches ainsi. Mais quand on veut intégrer cela, il faut être clean et respecter deux ou trois règles de savoir-vivre à la Gomora. Trahir une des règles étant très mal vu. Surtout par la dirigeante de ce nom-là. Et nous savions tous très bien à quel point il était mauvais d'énerver Naëlle Gomora. Car si officiellement Naëlle Gomora ne versait aucune goutte de sang, elle était tout autant connu pour sa capacité meurtrière de vous détruire en quelques mots.
Elle avait la réputation d'être la boite de pandore des grands de ce monde. Et personne en ce monde ne voulait la voir s'ouvrir pour la faire dévoiler vos plus bas secrets. Oui personne. Sauf nous. Bien sûr. Mais nous c'est parce qu'on adorait les potins.
Et on était beaucoup à adorer les potins dans le clan. Même si c'était pas dur de deviner qui. C'est ainsi qu'Hakane et Ritchi vinrent aussi vite à côté de nous, se plaçant l'air de rien avec nous pour écouter les potins à venir.
— Et voilà la reine de la soirée repoudrée.
— T'as envoyé qui pour le faire ? Questionnais-je
— Une nouvelle, je sais pas si tu l'as vu. Elle a pas encore eu le temps de la pervertir. Un joli brin de fille des îles avec un... 95D je crois.
— Elle va se la taper.
Il se tourna vers moi en haussant un sourcil, souriant en me tendant la main.
— 100 Dollars qu'elle a réussi dans une semaine
— Je te paris que ce soir même elle va culbuter ta recrue. Ricanais-je
— VENDU ! Ria-t-il. Mais tu touches pas à cette serveuse avant !
Je m'offusquais en feignant d'être blessé, le faisant rire alors que je m'éloignais dans la foule, cherchant des yeux la dite recrue.
Alors alors... Nouvelle, métissé, des gros seins. Elle va pas être dur à trouver... en... soubrette ? Vraiment ? Hakane a vraiment abusé sur les tenues cette année sérieux. Mais je loue son goût douteux.
— Luc Gomora, peux-tu venir ici je te prie ?
La voix de ma sœur me fit sursauter et je me retournais aussi vite, me mordant la lèvre en la priant silencieusement de pas me faire ça. Mais son sourire carnassier et son air m'assurait pourtant d'une chose : oui elle me retirait la gourmandise pour la manger avant moi. Fais chier.
Je me vis donc obligé de monter sur scène, rejoignant un Jo riant ouvertement. Ah bah au moins on aura la première place.
Ceci dit, elle parvint à se contenir vingt minutes, parlant très sérieusement. Mais c'est quand elle se stoppa de parler une bonne minute que nous comprenons que cela va changer.
— Enfin l'association pour laquelle Monsieur Logi vient de donner deux milliards, lutte contre la pédophilie. C'est comique non ce sens des choix dans la vie non Logi ? Je veux dire, tu donnes d'un côté tout en allant à l'étranger baiser de la mineure ? C'est pas grave tant que c'est à l'étranger c'est cela ? Oh non j'oubliais ton goût prononcé pour cela aussi.
Elle balança son bras en arrière, dévoilant sur les écrans les plus noirs secrets du mec aux yeux du monde.
— Et comme c'est obtenu de façon légale, tu penses bien que c'est exploitable d'un point de vue judiciaire. Enfin je te dis ça... Mais c'est pas comme si la copie de tout cela n'avait pas déjà atterri sur le bureau du FBI hein... Et du coup, j'en profiterais pour te signifier que je joins le nom de notre cabinet d'avocat pour t'attaquer en justice, joignant la plainte des victimes que tu as faites. Je te dirais bien de pas le prendre personnellement mais en faite... Si c'est personnel tu vois.
Première victime. Première personne morte aux yeux du monde en une minute.
Même si cela s'avérait faux, que rien n'était fait par la suite. La simple présence de ce discours par cette femme-là, relayés par des journalistes par centaines, cela était une mise à mort. Personne ne parierait sur cet homme de nouveau. Juste dans le doute. Parce que Pandora l'avait dit.
Jo m'envoya un message, m'informant de la faute de ce mec-là. Et je compris que l'action en justice était déjà lancée la connaissant. Elle était mortellement sérieuse. Elle avait trouvé des victimes sur des territoires qu'on gérait. Et cela expliquait sa rage.
— Mais ne vous en faites pas Monsieur Logi, ce soir il y aura dans votre cellule un de vos camarades de soirée. Monsieur Buru, où êtes-vous ? Nous parlons de vous justement. Comment se portent Alexandra, Cassandra et Mélanie ? Vous savez vos esclaves une deux et trois ? Celles retenues de forces dans votre résidence en pleine forêt ? Hm ? Oh vous savez pas ? Celles-là voyons.
Un mouvement de main, fluide et aussi vite les images changent, affichant en live des caméras de surveillances. Des images donnant envie de vomir en comprenant. Avant qu'une autre vidéo ne s'affiche, montrant la libération de ces filles par des hommes à nous.
— Ooh Bubu.... Comment te dire.... Tu dors pas chez toi non plus ce soir. Mais avec toi, j'ai le plaisir de t'annoncer que ta maîtresse y sera. C'est cadeau. Et du coup on en vient au dernier gagnant...
Je vis clairement le regard de ma sœur balayer la salle avant que son corps ne se crispe. Mon regard allant découvrir aussi vite ce qu'il se passait. Voyant Peter en plein milieu de la foule. Un sourire sur les lèvres.
Oh. Oh oh.
— Naëlle... Non. Supplia Jo.
— Naë.... Murmurais-je. Pas ça. Pas ici putain.
Un sourire mauvais s'étira sur ses lèvres et elle hocha doucement la tête, passant lentement la langue sur ses lèvres. Le pianotement caractéristiques de ses doigts sur son micro trahissant sa rage. Non elle allait exploser quoi qu'il arrive. Quoi qu'on fasse, cela allait avoir lieu...
Je me reculais d'un pas en soupirant, m'écartant d'elle comme d'une bombe prête à exploser.
— Amusant non ? Te voilà pour le grand final ? Un bon vieux revival d'un goût tellement douteux que ça ne peut vraiment être que de toi. Tellement amusant n'est-ce-pas ? Quelle bombe cette fois ? Sur qui ? Oh pardon, je m'en fous. Tu l'as fait venir, et regarde à quel point il a pris soin d'être ici avec ses propres armes hein. Fatiguant. Tous tellement fatiguant. Alors quoi ? Oh tu veux éviter le scandale ? Pourquoi donc Peter ? La carte de notre mariage a déjà été abattu cette fois ?
Voilà. La pente glissante était droit devant. Elle venait de le faire volontairement, défonçant tout sur son passage, coupant l'herbe même sous le pied d'un Christopher soufflé, et d'un Peter qui avait l'air de s'être pris le pire des uppercuts. Christopher sembla être le premier des deux à se ressaisir, attrapant en plein vol la perche de ma sœur, grimpant sur la scène pour attraper le micro en arborant un masque de circonstance rempli de rancœur envers nous.
— Quoi Mi bella, tu as encore oublié de le dire c'est ça ? Que ce charmant jeune homme qui te suit comme le parfait petit chien qu'il est, c'est aussi ton mari depuis tes dix sept ans ? Tu as encore oublié de le dire à tes amants c'est ça hein ? Tu comptais leurs dire quand ? La veille du mariage comme avec moi, tu sais à ce fameux gala ? La veille de notre putain de mariage ? Pour le laisser lui, me l'annoncer fièrement ? Prétendant en même temps que j'avais fourré la fiancée de ton ptit frère. Oh je l'ai fourrée depuis t'inquiète. Mais je suis pas le seul à fourrer celle-là. Ça vous fait un sacré point commun non mi bella ? Mariée depuis ses dix-sept ans et incapable de fidélité. Tu en veux une bonne, mi bella ? Tu crois que ces mecs te protègent, mais ils font juste tout pour te garder qu'à eux. Ils t'emprisonnent sans que tu ne le vois. Alors il veut révéler quoi sur moi hein ? Quoi ? Que j'ai un gosse ? Mais oui putain et alors ? Ed n'a rien à voir là-dedans ! Mon fils n'a pas à apparaître aux yeux de tous. Mes secrets à moi sont bien moins sales que les tiens, et je ne parle même pas des siens. Cracha Christopher en pointant du doigt Peter.
— Tu... C'est une blague Naëlle ? Questionna Natan d'une voix forte.
L'attitude même de ma sœur, à cet instant précis, répondant à la question des trois l'observant ahuris. Aaron ne tentant même pas de retenir son pote, soufflant avant de le suivre. Les jumeaux quittant la salle en même temps.
C'était le jeu de trop, et le coup de bâton est fatal. L'heure était venue pour nous aussi de payer nos conneries passés à priori.
Je pourrais vous dire que le reste de la soirée fut meilleure, que tout s'est arrangé. Mais ce ne fut pas le cas. Le seul à revenir ce soir-là fut Cole. Jouant comme convenu.
Naëlle restant cloîtrée dans un mutisme absolu. Elle ne chercha même pas à lui parler, refusant de parler à tout le monde. Même à Peter. Surtout Peter, qui partit aussi vite en croisant son regard. La tension était à son paroxysme pour tous les membres du clan présent. On priait pour qu'elle n'éclate pas maintenant, qu'elle tienne encore.
Oh l'enchère eut même lieu oui. Christopher mettant un dénommé Charly aux enchères. Pour une nuit. Et c'est Arno qui gagna l'enchère. Lui, il était faible face aux mecs dans le genre de ce Charly. Le côté très bien caché d'Arno parlant pour lui : son côté midinette. Il ressemblait à ces cruches qui se trémoussaient devant ce type de mec. Ça ne m'étonnerait même pas qu'il finisse par sortir avec ce mec d'ailleurs.
Et ce fut sûrement pour cela que Naëlle ne chercha jamais à protester face à l'enchère de son ex-fiancé. Se contentant d'ignorer la scène et tout se passant autour d'elle. Elle s'était officiellement fermée à tout. Enclenchant le mode automatique.
Cole profita que toute l'attention fut portée sur la scène pour embarquer Naëlle, l'entraînant bien loin des oreilles indiscrètes. Mais c'était de ma sœur dont on parlait, alors je me foutais bien du caractère privé de l'échange. Je devais rester proche pour surveiller, pour veiller à sa vie. On se plaça juste à portée avec Jo, veillant à être les seuls pour respecter le choix de Cole malgré tout. Je ne pris même pas la peine d'écouter, même si je fus surpris du calme du rockeur. Et surtout d'entendre ma sœur lui répondre.
Toutefois, Cole avait un avantage sur Christopher. Il était présent à ce gala en ayant vraiment tout affronté de notre part à tous. Il venait de vivre le pire des enfers, et Peter avait vraiment abusé avec lui. Bien pire qu'avec Christopher en son temps. Alors lui il savait déjà. Même avec cela, Peter avait essayé. Cole avait appris qu'elle était mariée à Peter le premier jour de sa présence pour le nouvel an. En avait-il quelque chose à foutre ? Il voulait juste la faire divorcer de ce mec pour pouvoir l'épouser lui. C'était sa seule réponse. Et il se fit traiter de demeuré total par ma sœur, avec un coulis d'insultes en russes par-dessus. Ceci avant que je n'entende qu'elle n'éclate en pleurs. Fin de partie pour elle pour ce soir. Elle ne pourrait plus tenir son masque.
Ritchi ne tarda pas à nous rejoindre en voyant qu'on mettait du temps, et il se chargea de la prendre avec lui. Sortant discrètement accompagné d'Ali. Je haïssais cette image. Je la haïssais car je savais ce que cela allait donner. Et on ne pouvait rien y faire. Cole choisit tout de même de les suivre, s'en foutant bien qu'on essaye de le dissuader.
Je retournais aussi vite à la soirée, remettant mon masque avec John, reprenant notre rôle pour faire « comme si ». Faire comme si tout ça, on l'avait rêvé, et que ma sœur allait bien.
Ce n'est que trois jours après ce gala que les jumeaux Herrero sont réapparus. Pas ensemble. Pas en même temps. Le premier à revenir fut Natan. Il demanda à parler à l'ensemble des hommes du cercles et à la Patronne. Lorsque cela fut fait, il exécuta une simple demande. Irrévocable.
— Je demande à être envoyé en mission longue loin des dragons et du territoire.
Oui. Il demandait à nous quitter pour une mission à durée indéterminée. Il clôturait de la plus froide des façons à ses yeux son histoire avec elle. Sans même la regarder une fois. Et on accepta, on lui confia donc une mission au Canada, l'envoyant loin de ce territoire et d'elle. Profondément désolé pour lui... Parce qu'il avait pris pour les conneries de Peter, encore. Et elle, elle ne se contenta de le fixer en silence. Puisque Natan ne semblait pas vouloir d'explication, elle le laissait partir sans un mot.
La réaction de Logan était la plus imprévisible à nos yeux. Et elle le fut. Imprévisible même si compréhensible. Le lendemain du départ de son jumeau. Il revint, se contentant de rester au portail. Se dressant face à nous en la regardant froidement. La toisant avec un dégoût qu'il ne cherchait pas à masquer.
— Je refuse de jouer à ce jeu une minute de plus. De continuer cette mascarade et de te laisser me manipuler une fois de plus Naëlle. J'arrête tout entre nous, je ne veux même plus te voir, même si j'accepte de garder contact avec ton clan. Je vais jouer avec une ne voyant que moi. Mais peut-être la connais-tu ? Ma belle, viens.
Imprévisible. Le pire des deux.
Et quand on aperçut la femme en question, je compris que la route prise venait de prendre un virage beaucoup plus dangereux. Logan venait de nous présenter la femme du plus grand ennemi de notre propre clan. Il tenait dans ses bras, devant nos airs hallucinés, Villy, la femme officielle de Don. Don, le grand patron d'un clan qu'on haïssait tous, et avec qui nous étions en guerre ouverte pour de nombreux territoires.
Oui. Oui Logan venait nous afficher sans honte sa trahison, pour notre pire ennemi.
Et j'avais beau espérer que tout ceci ne soit qu'une vaste blague de ma sœur. Son regard dévasté répondit à ma question quand elle croisa mon regard. Non. Rien de tout ça n'était une blague. Elle avait perdu les jumeaux. Vraiment perdu. Elle le savait. Et elle n'avait même pas la force de se battre pour eux. Ils l'avaient tué avant. Et elle se contenta de hausser les épaules, ne perdant pas son visage impassible avant de tourner les talons. Rentrant dans le manoir, laissant là Logan et sa nouvelle copine.
Face à aucun des deux elle n'avait cherché à se justifier, à expliquer. Parce qu'aucun n'était venu, et qu'elle était la patronne. Aucun n'avait saisis l'évidence : la femme au dragon ne plierait devant personne. Elle ne retenait personne, ne suppliait pas. C'était leurs décisions de venir. C'était aussi la leurs de partir. Alors elle faisait ce qu'elle avait toujours fait : Elle restait droite et fière.
Elle ne parlait plus tout court en réalité. Ou seulement boulot. Avait-elle reparlé avec Peter ? Non. Et c'était cela qui nous faisait le plus peur. Elle ne lui parlait absolument plus. Elle l'ignorait, purement et simplement. Couper ainsi cette ancre-là, c'était l'inconnu absolu pour nous. Ce n'était plus celle que nous connaissions que nous découvrions depuis ce gala. C'était une nouvelle évolution de ma sœur. La femme au Dragon muait devant nos yeux, et personnes ne savait de quoi elle était à présent capable.
Son regard était d'une froideur terrifiante, et c'est un constat que dû se faire aussi Logan quand je croisais son regard avant que je ne parte. Il puait la peur panique à la vue de la Patronne sous cet air-là. Mais c'était trop tard pour lui, il venait de se déclarer ennemis de tout un clan et de la trahir, elle, ouvertement. Il avait raison d'être terrifié. Je ne savais absolument pas de quoi était capable ma grande sœur dans cet état-là.
Elle avait éloigné Cole d'elle, et il avait accepté de « rester à sa disposition sur New-York ». Trois jours. Juste trois jours. Et elle avait déjà fait le vide autour d'elle en prévision. Elle savait ce qui allait se passer. Je la connaissais assez pour savoir qu'elle avait nettoyé la place avant l'explosion. Trois jours, et Ritchi ne l'avait plus quitté d'un cheveu depuis ce maudit gala. Même dormir avec elle il le faisait. Et connaissant ce mec, c'était que l'échelle du danger était vraiment haute.
— On fait quoi maintenant ? S'inquiéta Aaron.
— On fait comme Riri mon pote, on fait comme Riri. On se prépare à l'apocalypse. Murmurais-je
— Pour une fois je préférerais que ce soit juste une blague... Je le sens pas. Grogna t'il.
Je ricanais tristement en me tournant vers lui.
— Qu'est-ce que tu fous encore là toi au fait ?
— Elle a exigé que je reste... J'en sais pas plus. Expliqua t-il dans un haussement d'épaule.
Ouais... Cela avait donc déjà commencé. Elle avait déjà mis en place quelque chose. Et si j'en voyais déjà les préparatifs... C'est que la finalité n'allait pas me plaire. Parce que ça sentait trop le plan version Femme au Dragon. Et je détestais ce visage-là de ma sœur. Celui de la pire des garces de ce pays. Beaucoup autour de nous allait découvrir, s'ils étaient là depuis moins de dix ans, le vrai visage de la Femme au Dragon. Comprendre enfin pourquoi elle avait hérité de cette réputation-là. Et nous... Nous on allait encore devoir voir sa descente aux enfers.
Nous le savions. Elle était prête à tout pour son clan. À tout, même si cela voulait dire se détruire intérieurement. Elle le faisait sans hésiter. Se foutant bien des conséquences. Du mal engendré. Des sentiments des personnes. Tout ça, c'était que des données pour elle. Et le bien du clan passait avant tout ça. « Ça », ce truc inutile aux yeux de la Patronne.
« Ça », l'Amour.
Oui. La route qui se profilait devant nous était bien obscure. Et j'avais peur. Réellement peur. Pour la première fois depuis des années, je sentais de nouveau son goût de la mort. Elle empestait le mal. Elle empestait de cette odeur particulière de la Femme au Dragon. Son visage le plus terrible. Celui qui nous terrifiait tous. Et cette fois, ce n'est pas Peter qui pouvait nous en sauver.
— Bien... Aaron ? Murmura-t-elle.
Aaron se précipita aussi vite, fronçant les sourcils avant de hocher la tête, me lançant un regard avant de s'éloigner vers les escaliers.
— Luc ? Je vais rendre un service à quelqu'un. Je ne serais pas joignable, ni trouvable. Je reviendrais quand... Je sais pas. On verra combien de temps ça va me prendre. Désolé. Vous avez les consignes sur vos bureaux. Peter aussi.
Je restais comme un con, comme beaucoup autour de moi.
Cela je ne l'avais pas vu venir.
— Ritchi, viens m'enlever cette puce. Grogna-t-elle en s'éloignant.
Elle plaisantait n'est-ce-pas ? Elle n'allait pas tout plaquer, là, comme ça ? Pas de cette façon ? Elle n'oserait pas putain.
— Angie ! M'écriais-je malgré moi. Pas ça je t'en supplie ! M'abandonne pas putain !
Elle pinça ses lèvres, faisant demi-tour et se rapprochant lentement de moi.
— Sais-tu combien de mort nous avons ? M'interrogea-t-elle.
— Eh bien... Une seule.
Elle secoua doucement la tête, son sourire froid s'étirant, me glaçant le sang.
— Non, des centaines et des centaines. Une mort par choix que nous avons fait dans notre vie et que nous ferons. Chacun de nos choix nous portant vers une mort ou une autre. Imagines alors le nombre de morts que je peux avoir petit frère... Ouais... C'est captivant non ?
Elle s'éloigna en hochant doucement la tête, mon cœur se serrant aussi vite.
C'était une blague hein ? Une vaste blague bien trop réaliste ? Oui. C'était juste une de ses plaisanteries douteuses. C'est ça.
Enlève ce manteau et ce casque putain. Pars pas. Pas encore. Ne m'abandonne pas encore je t'en supplie...
Je te jure sur ma vie qu'on a compris la leçon cette fois.
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