Chapitre 29. Point de vue Aaron P.


Il était tôt dans la matinée, et le soleil n'allait pas tarder à venir se lever. J'observais les majordomes accompagner les invités vers les « chambres » qu'on nous avait attribués. La notion de chambre dans cette demeure étant quand même des appartements à mes yeux.... Même sur cela, elle ne faisait pas les choses à moitié. Nous étions là depuis trois jours, le bras droit de Caleb Angley depuis hier.

L'aisance du grand PDG dans cette demeure, et surtout avec certains hommes était remarquable. Je pense que celui qui avait le plus halluciné du changement de comportement fut Cole, découvrant totalement une autre facette de son patron. Même si à bien observer les deux discuter, on devinait sans mal qu'il n'avait pas une relation purement professionnelle. Apparemment ils aimaient aussi discuter de longues heures de tout et de rien. Cole avait cet avantage de ne pas être fermé au monde malgré son apparente froideur, alors refaire le monde avec ce Caleb semblait être une de leurs habitudes.

Cole n'était pas ici en terrain conquis, très loin de là. Déjà Logan ne parlait absolument pas à Cole, l'ignorant purement et simplement. Les frères de Naëlle... C'était cordial, comme beaucoup d'hommes de la maison. En réalité, les deux clairement opposés à mon pote, c'était Peter, et Salomon... Je n'en fus pas étonné pour le premier, beaucoup plus pour le second l'air de rien. Le chef de la maison avait beau être un professionnel hors pairs, son regard sur Cole... Putain... Il ne pouvait pas masquer son mépris.

— Un dernier verre ?



Je tournais le visage en souriant vers Arno, hochant la tête en le suivant. Le voyant attraper l'air de rien le fameux Salomon par le bras pour le traîner avec nous. Un peu plus de dix minutes plus tard, nous entrions dans son appartement. Son appartement ressemblait clairement à un cocon, vraiment chaleureux. Assez étonnant quand on se contentait d'observer ce mec dans son « boulot ». Je ne fus pas spécialement étonné de voir Alex entrer, expliquant que son mari était endormi comme une masse. On venait seulement de s'asseoir avec nos verres que Luc entrait dans l'appartement, lançant un sac à Arno avant de se rediriger vers la sortie.

— Fais gaffe, ils sont chargés.

— C'est l'heure ? Questionna Arno.

— Bientôt. J'y vais. Elle a déjà dû commencer. Répondit-il dans un sourire.

Arno ouvrit la fenêtre aussi vite, et par-delà un silence absolu, on put entendre une mélodie s'élever. Naëlle jouait du violon.

Je me levais aussi vite, me penchant à la fenêtre. Arno me désigna du doigt l'endroit et un sourire s'étira vite sur mes lèvres alors que je regardais autour de nous. Beaucoup se trouvait dans la même position, observant de loin cette femme jouer. Quelques minutes plus tard, je vis Luc s'avancer vers elle, Arno tapant des mains avec joie.

— Enfin ! Voilà une vraie nouvelle année ! Viens voir Alex ! Ça va te rappeler des souvenirs !


Je me poussais sur le côté, m'allumant ce que me tendait Arno, observant les deux frères. Détaillant leurs expressions d'enfant face aux sons des violons s'élevant. Même le visage de Salomon semblait s'être détendu aux premières notes.

— Vous feriez mieux de les observer jouer. Murmura-t-il

Je me tournais alors, ouvrant l'autre fenêtre, fumant tout en observant, la voyant danser tout en jouant. Ne semblant faire qu'un avec son frère. Sentant tellement de choses merveilleuses dans leurs mélodies que je comprenais sans mal leurs sourires à tous. C'était une friandise merveilleuse que de les entendre et de les voir.

— Je me souviens... Je me souviens de ça.... On attendait ça avec impatience, caché sur le toit tous les deux. Et vers les quatre heures du matin, invariablement, on les voyait sortir avec leurs lampes de leurs maisons.... Qu'importe le temps.... Nani jouait avec Luc, Léone les rejoignant vite pour danser avec eux. Toujours... Jamais une année ne pouvait commencer sans leurs musiques.... C'est dingue... Putain... S'émerveilla Alex.


Je me tournais vers Alex, continuant de fumer tout en l'observant avec attention. Remarquant les larmes rouler sur sa joue. Il semblait vraiment aimer ce moment, mais en souffrir tout autant. Il tourna le regard vers moi, s'excusant en s'essuyant le visage. Rentrant dans la pièce tout en s'allumant un mélange, et je m'appuyais sur le bord de la fenêtre, continuant de l'observer.

— Je n'aurais pas pensé entendre cela de nouveau... Au bout de... Souffla-t-il

— Vous les connaissez depuis si longtemps que ça ? Questionnais-je

— Depuis la naissance ! Ria Arno.

— Oh. Comment était-elle enfant ?

Alex ricana en haussant les épaules, s'appuyant sur le fond du canapé en me regardant. Un mystérieux sourire sur les lèvres.

— Elle voulait déjà faire un monde à sa façon. C'était une gamine ne voyant le mal nulle part, elle croyait en beaucoup trop de choses. C'était déjà une enfant trop avancée pour ceux de son âge, elle savait déjà bien plus de choses sur le monde que moi. Et quand elle n'avait pas le nez dans les bouquins ou sur un instrument de musique... Elle s'amusait à se battre avec les garçons... Je passais mon temps à les surveiller de loin avec mes potes à l'époque. Et la p'tite avait déjà son succès, parce que quand elle souriait... Putain elle était magique.

Il se leva en grimaçant, prenant place sur le bord de la fenêtre, fumant tout en les observant.

— Luc et Léone avaient une vénération sans bornes pour leurs sœurs. Et elle... Elle, un amour inconditionnel pour eux deux. Son rôle de grande sœur lui a toujours tenus à cœur, elle faisait tout pour être un bon exemple pour eux. Voulant toujours leurs apprendre des choses... Ne pas juger trop vite les gens par exemple... Même si on te dit qu'il ne faut pas les approcher... Elle avait ce défaut déjà... N'en faire qu'à sa tête, attendant qu'on relâche l'attention pour faire les choses. On ne vivait pas dans une grande ville, on vivait à la campagne... Tout le monde se connaissait... Et si tu avais demandé à l'époque, on t'aurait tous dit que la p'tite allait devenir encore plus connue que ses parents... Parce qu'elle avait la voix d'un ange et le talent divin... Elle avait ce regard... Ce regard de l'innocence. Ouais... Quand la p'tite te regardait, en souriant comme elle seule savait le faire.... Même les potes les moins fréquentables de ma bande, même eux...Ils fondaient. Alors, on a pas compris.... On a pas compris comment...


Je vis Arno venir enlacer Alex. Je connaissais Alex depuis l'ouverture de ce bar, et invariablement l'évocation de ce passé semblait toujours autant lui faire mal. Je reposais mon regard sur le duo en bas, laissant les phrases d'Alex tourner dans ma tête. Finissant par bondir en me reculant vivement, secouant la tête en écarquillant les yeux. Comprenant tout à coup l'ensemble du schéma.

— Aaron ? S'inquiéta Arno

— Il a compris... Il connaît la suite de l'histoire... Je ne pensais pas qu'il s'en souvenait...


Oui. Oui je me souvenais parfaitement de ce récit pourtant. Parce qu'il m'avait glacé le sang, le transposant sans mal avec ma propre vie. Cette famille massacrée, la mère qui découverte nue et égorgée comme les trois autres membres, un enfant pour rescapé car absent... La fillette de cette famille, disparue... Et l'homme me racontant cela étant celui qui avait découvert la maison, le soir même. Incapable d'oublier l'horreur des scènes. Comment oublier un tel récit... C'était impossible à oublier tellement ça s'ancrait profondément dans mes propres souvenirs.

Voilà pourquoi elle semblait tant comprendre ma haine et ma douleur. Je comprenais bien mieux.


— C'était elle... La disparue... Mon koala... Et Luc...

Je pris la bouteille d'alcool, la buvant à même le goulot avant de m'asseoir sur le fauteuil en fixant le vide.

— Combien de temps.... Son absence ?

— Six ans. Cinq ans réellement, un an avant de venir trouver Luc ici. Répondit Arno. Quand Luc m'a appelé pour me prévenir... J'ai décidé que je les rejoindrais aussi. Parce que je voulais pouvoir la défendre, être le plus fort pour me battre contre quiconque voudrait encore lui faire du mal... Mais bien vite j'ai compris que c'est plus contre elle, qu'il fallait la protéger à présent...

La bouteille disparue de mes mains et j'arquais un sourcil en fixant Salomon versant les verres avec. Me tendant un verre rempli en ricanant.

— Vous voulez percer un mystère bien trop grand Monsieur Powell. Moi la question que je me pose, si vous le permettez, c'est qu'est-ce que vous voulez à Naëlle ?


Salomon. Cher Salomon. Il est un de ceux dont il faut le plus se méfier, car nul doute qu'ici rien n'échappe à son attention. Et son regard bien trop sérieux me fait comprendre que j'ai intérêt d'être sincère si je veux survivre.

Voilà quelque chose me passionnant réellement dans ce clan, c'est cet esprit de protection et de solidarité absolue n'existant nulle part ailleurs dans le milieu criminel. C'était une famille, les centaines de personnes vivant ici étaient une immense famille.


Je finis de fumer mon mélange sans lâcher son regard, voyant bien qu'il attendait ma réponse alors que la mélodie des violons continuait de venir bercer l'air doucement.

— Je pourrais prétendre que c'est juste pour son cul, ou parce qu'elle est l'obsession de mes potes. Je pourrais prétendre que c'est parce que c'est ce clan qui m'a offert de venger ma famille. Ouais... Je pourrais prétendre tout ça, que ce serait pas tout à fait faux. Mais ça... Tu le sais déjà non mec ? Derrière ton costume impeccable et ton masque professionnel, tu passes ton temps à tout analyser toi aussi. Je pense que t'es le plus discret de tous ses hommes les plus proches. Celui dont personne se méfie, et qui pourtant en sait le plus sur tout le monde. T'es peut-être même celui qui est le plus amoureux de cette femme. Et je ne sais pas comment font les autres pour pas l'avoir vu, peut-être parce que t'es celui qui le masque le mieux. Faisant passer tout cela pour un esprit professionnel hors pairs.


Je soupirais en haussant les épaules, ne ratant pas son sourire en coin alors que Arno ricanait en prenant place sur le canapé. Alex en profitant pour s'éclipser, allant rejoindre son mari.


— Tu sais c'est quoi ma première rencontre avec elle ? On avait un concert dans le bar d'Alex, et Natan devait enfin ramener sa fameuse collègue. Depuis le temps qu'il nous bassinait avec, j'avais hâte. Ouais.... J'ai pas été déçu tiens. Bien sûr qu'elle était sublime, sacrément même. Mais c'est sa première phrase qui a fait qu'elle m'a plu. Je me suis présenté comme l'ange du groupe... Elle, elle s'est présentée comme Luz Atzalé, la diablesse. Et j'ai su dans son regard en cet instant, que ce n'était même pas une plaisanterie. Et elle sondait ma réaction après avoir vu mon tatouage, marquant mon passé plus noir. Et la suite de mes rencontres avec elle, de mes discussions en tête à tête avec elle... Ça m'a confirmé que la femme devant moi c'était la légende dont j'avais entendu parler. Son tatouage dans le dos en était la preuve. J'avais devant moi, sous son air le plus innocent, la Femme au Dragon. Et j'adorais cette femme... Vraiment. Ne me lassant pas de l'observer évoluer, à la fois à sa place, et pourtant non. Je recherchais cette femme depuis si longtemps que je n'espérais plus la rencontrer. Pourtant elle se trouvait devant moi, et moi... Il me restait qu'à oser lui demander pour avoir mes réponses.

— Mais tu l'as pas fait. Compléta Arno

Je secouais doucement la tête, prenant le mélange qu'il me tendait, le fumant avant de hausser les épaules en ricanant doucement.

— Comment aborder un sujet pareil, sans être sûr que ce soit elle ou qu'elle s'en souvienne. Et même en ayant la confirmation que c'était bien elle... J'ai pas eu le temps de lui demander qu'elle disparaissait de la ville. Je perdais une amie, et ma possibilité de réponse en une fois. Puis elle est réapparue... Quelques jours à peine après son départ si violent. Elle. La véritable elle. Et elle a répondu à mes questions. Elle m'a même gardé dans sa vie, m'appelant de temps en temps... M'amenant même ici. Au cœur même de son royaume...

— Et vous avez continué de l'observer.... Continua Salomon


Je hochais doucement la tête, me levant et prenant place à la fenêtre. La voyant maintenant jouer seule.

— Bien des conneries circulent sur elle ou cette famille. Même si je sais que les bases de ces rumeurs sont réelles. La vérité, c'est que les mythes ne sont pas à la hauteur de tout ça. Que je comprends bien qu'on puisse l'aimer en silence pendant des années cette gonzesse là... Parce que déjà se sentir exister près d'elle... C'est monumental. Que dans les silences des instants où elle se pense seule, on aperçoit ses failles et ses blessures. On voit les tourments dans son regard. Et on voudrait juste l'envelopper de nous pour la rassurer. Mais quand on s'approche, plus rien n'apparaît. L'armure est remise. Et c'est elle qui se questionne sur ton état et ton bien-être. C'est dans son véritable environnement que l'on découvre cette femme. Dans les instants au sein de son clan que l'on peut un peu plus apercevoir ce qu'elle est. Quand elle lit la douleur et le doute dans le regard de l'un de ses hommes, la voilà se dévoilant réellement. Se foutant bien de sentir votre regard, elle, elle brûle de haine et de douleur qu'on trahisse l'un de ses hommes. Elle transpire la soif de sang, la haine, son être entier hurle à la vengeance... Et on peut rester assis des heures en hauteur à l'observer sans bouger, sa seule obsession sera de venger et d'absorber la douleur de l'homme blessé. Et on se surprend vraiment à la trouver magnifique dans l'instant se déroulant. Quand enfin on s'approche, on découvre son regard d'animal féroce. Déconnecté du monde. Ne voulant qu'une chose, le bien-être de l'homme dormant sur elle. Et les hommes autour d'elle ne voulant qu'une chose... Son bien-être à elle. Protégeant si magnifiquement celui qui est blessé. Comment ne pas tomber amoureux d'une famille pareille hein... Comment ne pas vouloir lier encore plus sa vie à la leurs ? C'est cela ta vraie question n'est-ce pas ? Tu sais déjà la demande que j'ai faite à la Patronne.

— Tu as demandé à intégrer le clan. Il ne faut pas être un génie pour le deviner. Même si je ne doute pas qu'elle ne l'avait pas vu venir cela. Pourtant quand on sait ton passé, la suite est logique. Expliqua calmement Salomon.

— Mais pour être accepté dans le clan, tous les hommes du cercle doivent être d'accord. Compléta Arno.

Je ricanais en le regardant, croisant son air bien trop salace pour ne pas comprendre la vanne sous-entendue.

— Ouais je sais, t'es dans l'ordre des priorités pour les bureaux sous lesquels je dois passer. Ricanais-je

— C'est connu, faut coucher pour réussir ! Argua-t-il avec un sourire en coin.


Je ne pus retenir mon éclat de rire, rapidement rejoint par le leur., avant que mon regard ne se repose sur elle, continuant de jouer tout en dansant sur la rambarde. Mon regard se perdant sur ses mouvements magnifiques, m'imprégnant de sa si belle mélodie. Une si belle mélodie masquant pourtant des tonalités qui lacéraient mon être, comme si dans la douceur de cette mélodie se masquait la pire des attaques, la pire des douleurs de l'auteur. Des doutes, des blessures, un chant à la mort et à la vie... Parvenaient-ils à la lire ce mystère qui jouait de ce violon ? Parvenaient-ils réellement à la comprendre comme ils semblaient le prétendre ?



— Je n'ai même pas besoin de me pencher ou d'aller le voir pour savoir qu'il la regarde lui aussi. Noircissant encore et encore les feuilles de ses pensées pour elle. Dépassé à chaque instant par ce qu'il peut ressentir pour elle. Et même en devant se tenir là, juste à l'observer... Il revit. Et je sais qu'il se battra pour pouvoir continuer de l'approcher. Comme je sais qu'elle le gardera toujours sous son regard sans jamais le dire. Ils feront croire qu'ils sont insensibles l'un à l'autre... Pourtant la mélodie que compose leurs âmes les trahit. Et à part tester encore et encore sa volonté à l'aimer, on ne peut l'empêcher. Parce qu'on sait qu'elle... Elle a vécu la mort pour tenter de le garder loin.

Comment en vouloir à ces hommes d'être si rancuniers quand on sait que c'est après avoir parlé avec lui qu'elle s'est laissé enlever ? Que c'est en voulant l'éloigner définitivement qu'elle s'est elle-même le plus blessée ? Et qu'une fois de trop... Elle a combattu avec la mort à ses côtés. Se laissant finalement prendre par elle ?

— J'étais là quand on a entendu son cœur cesser de battre pendant ces si longues minutes. Cet homme qui nous l'a apporté au seuil de la mort. J'étais là aussi. Je l'ai vu morte. Et j'ai entendu son cœur repartir je ne sais comment.... Bien sûr que je comprends votre méfiance. Mais nous savons le mal fait à les garder éloignés... Ils préfèrent mourir. Essayons cela. Voyons et surveillons. Je n'ai pas l'impression qu'on ait le choix... Même si le laisser gagner trop facilement ne serait pas amusant.

Salomon ria doucement en s'approchant de la fenêtre, se penchant et observant à son tour.

— Pourquoi le méprisez-vous tant ? Murmurais-je.


Il me regarda en coin, un sourire s'étirant sur ses lèvres avant de se relever, défaisant sa chemise alors que je découvrais une partie d'un tatouage de Dragon, l'observant dans son entier quand il finit d'ôter sa chemise.

— C'est une promesse, un serment. Un lien. Chacun est unique car c'est elle qui nous l'a fait. Chaque dragon du cercle est à la fois le même et différent. Car chaque relation avec elle est unique. Les circonstances de la création de ce lien sont entre elle et la personne le portant. Tous ne sont pas fous amoureux d'elle, la majorité ont plutôt une adoration au-delà de l'amour. Me répondit calmement Salomon. Et elle a la même pour chacun d'entre nous sans conteste. Pourquoi mépriser cet homme ? Parce qu'avant New-York, Naëlle n'avait plus offert son cœur de cette façon-là. Et l'un d'eux lui a brisé. Comment te dire cela... Beaucoup veulent la place de ces trois-là. Certains depuis très longtemps.

Je hochais doucement la tête, me pinçant les lèvres en comprenant « le souci ». Salomon s'alluma un mélange en prenant place sur le bord de la fenêtre, l'observant.

— Elle me pense parfait. Elle me pense sans défaut. Pourtant si c'était le cas... Je ne détesterais pas ce mec juste parce qu'il a le droit de la toucher alors qu'il lui a fait du mal. J'ai essayé de ne pas l'aimer. De n'aimer que ma femme pendant mon mariage. De n'avoir que Nora dans mes pensées.... Mais les faits étaient là... Nora ce n'était pas elle. Nora n'était pas débordante de curiosité pour le monde, elle jugeait trop de choses, elle était pleine de défaut irritant. Ne voulant qu'on ne voie qu'elle alors qu'elle n'avait pas d'éclat. J'aimais Nora... Mais bien plus cette femme-là. Je n'y pouvais rien. Et son retour m'a donné l'impression de revivre. Comme aux restes des hommes. Je l'ai toujours aimé sans l'approcher. Ayant bien trop peur qu'elle comprenne dans mon regard la réalité des choses et que cela la torture. Car je sais que chaque homme qui lui avoue l'aimer est une torture pour elle.

Je fronçais les sourcils sans comprendre et il me tendit le mélange en haussant les épaules.

— Elle voudrait être comme ces femmes pouvant aimer un seul homme. Être celle jurant fidélité. Cette représentation de l'idéal de beaucoup. Elle voudrait pouvoir répondre à tout ça, et comme elle sait ne pas pouvoir.... Savoir qu'un homme l'aime sans qu'elle puisse le combler réellement... Cela lui donne l'impression de torturer inutilement cette personne. Comment je le sais ? Elle me l'a dit un soir... Il y a dix ans de cela. Ce soir-là, je me suis juré que même si j'en tombais amoureux, je ne lui dirais pas pour lui épargner ce poids.


La réalité était là, implacable et sans appel. Une vie même ne me suffirait pas à comprendre cette femme-là. Et sûrement que je n'arriverais jamais à tout à fait la cerner. Pourtant j'en étais certains depuis le premier instant de ma rencontre avec elle : Je voulais la suivre même en enfer si elle en faisait la demande.

La porte de l'appartement d'Arno s'ouvrit soudain, nous faisant apparaître le centre même de notre conversation.

— Tu tombes bien ma beauté ! Tiens !



Arno lui tendit le mélange, l'attrapant pour la mettre sur ses genoux. Discutant l'air de rien avec Salomon. Pendant qu'elle, elle ne lâchait pas mon regard. En réalité, même l'enfer ne me paraissait pas assez. C'est dans son univers entier que je voulais la suivre.

Qu'importe la peine encourue pour mon âme, je lui avais déjà vendue depuis bien longtemps. Et elle le savait à présent.

— Et si nous parlions tous les deux ?

Sa voix calme et posée s'éleva alors qu'elle se redressait, embarquant deux autres préparations avant de me faire signe de la suivre. Et je me redressais à mon tour, la suivant en faisant un signe de main aux deux autres.


Qu'importe le prix à payer. C'est de cette famille dont je voulais faire partis. C'est seulement à cette femme que je voulais jurer fidélité. Qu'importe le prix et le poids. J'étais depuis bien longtemps bien trop amoureux de ce clan pour ne pas vouloir l'épouser.





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