Je n'entends que mon cœur, il bat a tout rompre, il bat a m'en déchirer les tympans.
Caym va me quitter. Cette pensé me donne la nausée, elle me prend et me serre l'estomac à plusieurs reprises.
Je vais vomir. Je me penche en avant et pose ma tête sur mes genoux tout en me couvrant mes yeux avec mes mains tremblantes, Arthur me frotte le dos avant de rétrograder. La chaleur que m'apporte sa main est à la fois subjective et réconfortante, je ne suis pas seul mais cela n'arrangera rien.
L'inévitable va arriver.
Le bruit des graviers qui percutent la carrosserie de sa citadine m'indique douloureusement que nous sommes arrivés sur le parking du pénitencier. La nausée me prend une nouvelle fois, je m'efforce de serrer les dents et de respirer. Il faut que je me reprenne, pas pour moi mais pour mon ami. Un de mes vrais premiers amis, triste constat.
Ma portière s'ouvre et la carrure du joli gardien se dessine devant moi, mon souffle se coupe avant de reprendre de façon frénétique. Je m'arroche a son bras pour me relever, mes doigts ne nouent d'eux même autour de sa chemise. Je torture le bout d'étoffe en le suivant, tout le long du chemin je n'ai pas levé le nez du sol. Aucun son ne parvient à m'atteindre, rien ne franchit la bulle protectrice qui s'est formée autour de moi. La bête sauvage tapis au fond de moi, est léthargique, elle n'a aucune réaction, elle semble ne pas réaliser ce qu'il va bientôt se jouer sous nos yeux.
Des pieds apparaissent dans mon champs de vision, je me rends compte qu'ils appartiennent a Julien Snowwic'le quand je réussi à lever le nez. Lui, qui a toujours eu un regard un peu froid comme hors du temps, affiche maintenant un regard triste. Triste et plein de douleurs.
Mon estomac ne noue un peu plus, une pluie de gravier alourdit mon corps, ma gorge se noue et mes yeux ne demandent qu'a pleurer. Je vie ma douleur et m'imprègne de celle des autres, je ne suis qu'une éponge.
- Tu n'aurais pas du venir Jeanne. Souffle tout bas le directeur, sa voix est chargée d'émotion. Je ferme les yeux pour endiguer mes larmes mais je ne peux retenir un hoquet quand je sens mon corps se contracter sous la douleur que je ressens.
- Je ne pouvais pas... Ma réponse n'est qu'un simple souffle à peine articulé, je me sens vide, je suis vide, qu'une simple enveloppe charnelle souillé.
Arthur m'attrape doucement le bras et me traine à sa suite, encore une fois je ne regarde pas ou je vais, je me contente d'actionner mes pieds.
Droite, gauche.
Droite, gauche.
Droite, gauche.
Droite, gauche.
Je sais que mes pieds percutent le sol, je le sais, je crois le sentir mais je ne l'entends pas, je suis de-nouveau sourde. Je sens sa main glisser de mon coude à ma main, encore hier je lui aurais dit une ou deux horreurs. Hier encore ce genre de chose de chose ne se serait pas passer, hier Caym aurait respiré jusqu'au crépuscule, la nuit ainsi que le lendemain.
Mais nous sommes aujourd'hui et avec tout ce que cela implique. Je laisse sa main se glisser dans la mienne et attrape son poignet avec ma seconde main. Sentir sa peau contre la mienne est une piètre source de réconfort, mais il est là et pour le moment c'est le plus important.
Il nous arrête devant une porte crème, comme tout le reste du bâtiment. Je regarde rapidement autour de moi, je ne sais pas ou je suis, je ne suis jamais venue ici. Mes pieds sont en plomb, mon corps est rigide.
- Derrière, il y a deux salles. Il commence la voix à peine audible. Elles ne sont séparées que par une vitre, une porte sur le côté permet de passer de l'une à l'autre. Il s'arrête une seconde et pour la première fois depuis que nous sommes ensemble je le regarde. Il a les traits tirés, son teint est si pale qu'il passerait aisément pour un malade et ses yeux... Si les yeux sont le reflet de l'âme, je peux dire qu'il est en proie à une terrible souffrance.
- D'accord. Je lui réponds en baissant les yeux, je ne supporte pas de le voir ainsi.
- Tu veux aller le voir ? Il me demande en serrant les dents, même sans le voir je sais qu'il le fait, je l'entends. J'acquiesce puis me rends compte que nous ne bougeons pas.
Lui aussi ne me regarde pas.
- S'il te plait. Je souffle si bas que je m'entends à peine.
Pourquoi ai-je dis oui ? Pourquoi ? Seigneur, Dieu pourquoi ?
Parce que c'est mon ami et que je l'aime entant que tel. Je me sens subitement vide, mon menton tremble, mes larmes menacent de plus en plus de s'échapper et ma gorge se serre tellement que cela en devient douloureux.
Il me tire vers une petite porte sur notre droite, nous nous y trainons d'un pas lent comme pour retarder la terrible sentence.
Il me précède de quelques pas puis s'arrête, j'entends deux autres soufflent qui se mêlent aux nôtres.
- Bien le bonjour petit cygne. La voix tremblante du détenu me secoue un peu plus. Je ferme les yeux et prends une grande inspiration, souffle par la bouche et le regarde enfin.
Je crois qu'il est le seul à ne pas avoir une si mauvaise mine que ça, c'est paradoxal.
Il est paradoxal.
- Bien le bonjour Caym. Je lui réponds en essayant de sourire.
Je l'observe sans vergogne, je veux capturer chaque détails de son être, je veux pouvoir m'en rappeler, je veux pouvoir me souvenir ce cet homme. De cette force de la nature aux cheveux presque noirs, aux regards à la fois intelligent et rieur. Je veux pourvoir entendre encore sa voix et son rire sans que je n'ai besoin de fermer les yeux. Je veux qu'elle m'accompagne chaque jour de Dieu fait.
Je veux encore entendre son fameux " Bien le bonjour petit cygne".
- Tu ne m'as jamais dis pourquoi tu m'appelle "petit cygne". Il baisse le nez et sourit tendrement, a le voir ainsi qui aurait pu prédire ces actes ?
- Tu feras une petite recherche. Il ose me répondre avec un petit sourire taquin. Je lève les yeux au ciel par pur provocation.
Nous devons former un drôle de tableau, un gardien inconnu n'ose pas nous regarder, Arthur fait tout ce qu'il peut pour rester stoïque et Caym et nous regardons a nous en bruler la rétine.
J'ai la très désagréable impression que ce n'était qu'il y a qu'une semaine qu'il me disait de faire une recherche sur un autre oiseau, je me rappelle être revenue vers lui avec la définition toute fière de moi, il avait changé d'avis sur ce dit oiseau. Je me rappel l'avoir maudis pour ça.
Je ne suis pas vraiment consciente de ce qu'il nous entoure, par contre je suis pleinement consciente des six pas que je fais pour me rapprocher de lui. Je suis aussi pleinement maître de moi-même quand je passe mes bras autour de son corps. Contrairement a ce que j'ai crue il n'y a pas eu de moment de flottement, il me rend mon étreinte tout en posant son front sur le haut de mon crâne.
Malgré sa force, sa violente sous-jacente, les horreurs qu'il traine et ce qu'il pourrait me faire, ses bras autour de mon corps se font tendres et chaleureux. Il est si imposant que mes bras ne font pas le tour de son dos, je m'accroche alors à sa chemise orange qui laisse ses bras a découvert.
Du coin de l'œil je vois Arthur faire un signe négatif de la tête envers son collègue, je ferme les yeux et inspire profondément contre le torse de mon ami. Avec lui, avec eux, je n'ai pas besoin de craindre quoi que ce soit, sauf le monde dans son entièreté.
- Le orange ne te va toujours pas au teint. Je murmure sans bouger.
- Ils n'ont aucun sens de la mode ici, toi tu as tes habits de gentille fille. Il me répond tout aussi immobile que moi, sa joue mal rasé frotte contre le haut de mon front et me chatouille. J'aime cette sensation, ça aussi je ne veux pas l'oublier.
- Je devais entrer en communions avec Dieu comprends tu. Je rétorque un peu moqueuse.
- Ho, excuse-moi, je ne voulais en aucun cas t'interrompre.
Je ne sais pas ou nous trouvons la force d'échanger un petit rire teinté d'une fausse joie, mais nous l'avons fait peut être plus pour nous soutenir mutuellement que par réel envie. Je me recule tout en m'accrochant à ses avant bras.
C'est la première fois que je vois ses bras nues, ils sont bardés de tatouages, du bout du doigt je dessine le contour d'un d'eux. C'est un oiseau, un corbeau je dirais.
- Tu as une étrange fascination pour ces animaux.
- Je suis Caym, le grand président des enfers, le merle. Du menton il me montre l'oiseau que je prenais pour un corbeau. Est mon animal de prédiction.
- Il parait que tu communiques avec les animaux.
- Je suis aussi un beau parleur et j'ai sous mes ordres plus de trente légions d'esprits infernaux. Il se vente avec un petit sourire satisfait.
- Ta plus grande peur est les serpents.
- J'ai une sainte horreur de ces bestioles ! Il grogne en retroussant son nez. Je ne peux m'empêcher de sourire devant sa mine déconfite.
Sous cet oiseau, il y a une croix en feu ainsi qu'un homme encapuchonné qui tient un signe nazi entre ses mains. Le Signe du Ku Klux Klan. Cette vison me fait frissonner.
- Continuons à nous mentir petit cygne. Me demande mon ami en regardant lui aussi son bras.
Je fais un signe positif de la tête, continuer à lui mentir c'est bien la seule chose que je peux faire, après tout c'est sa dernière demande.
- Il est temps. La voix de l'inconnu brise notre bulle en une seconde, en seconde le mensonge éhonté que nous nous sommes efforcé de construire et de maintenir est partit en fumé.
Je me recule encore un peu et vois une croix chrétienne sur son autre avant bras. Une fois de plus je trace son contour avec la pulpe de mon doigt.
Sans un mot nous nous écartons l'un de l'autre. J'ai l'impression de sentir mon cœur de fissurer puis éclater en milles morceaux. Ma main quitte définitivement son corps, mon bras tombe mollement et mes entrailles se meurent.
Il me tourne le dos et fais quelques pas en direction d'une autre porte, celle qui le sépare de sa mort. Celle qui va nous séparer a tout jamais.
On lui remet ses entraves et l'y mène sans aucune autre forme de procès. Avant de franchir cette toute dernière garce de porte il se tourne totalement vers moi et me sourit de toutes ses dents.
- Merci pour tout petit cygne. A quelques minutes il arrive encore à me surprendre par la force de sa voix, elle est claire et sans aucun accro elle est comme la mienne la première fois que j'ai pris la parole dans le bureau de Julien.
Forte et claire, elle porte et percute absolument tout sur son passage.
- Merci a toi Caym. Je lui réponds en serrant les dents.
Puis il s'en va. Il s'en va. Il me laisse. Il m'abandonne. Il me laisse seule. Toute seule. Toute seule, sans lui. Toute seule contre le monde entier. Il part. Il s'en va.
Il s'en va pour toujours.
Une pluie de plomb tombe dans mon estomac, seul des millions de frissons me maintiennent debout, je suis vide.
Le son de la porte qui claque résonne avec mon premier hoquet de pleure.
Tel un pantin guidé par des ficelles je tourne les talons et emprunte l'autre porte, celle qui me mènera dans l'autre salle en face de lui.
- Tu n'es pas obligé. Me dit Arthur en me retenant par le bras.
- Il ne doit pas être seul. Je murmure l'âme en peine.
- Il y a beaucoup des membres des familles des victimes là-bas. Tu vas être la seule à le pleurer.
- J'en suis consciente. C'est mon ami. Je rajoute de façon a la fois très piteuse et terriblement vrai.
Caym est mon ami.
*
Effectivement, je suis la seule a ne pas afficher un franc sourire. Je me faufile entres les chaises des familles des défunts et me rapproche au plus prêts de lui. La vitre qui nous sépare est parfaitement propre, trop propre, j'y appose ma main. En face de moi Arthur et son collègue installent Caym sur une chaise médicalisée, l'inconnu désinfecte son bras qui porte l'emblème de son ancienne allégeance.
Derrière moi, certains l'insulte et jure a voix haute. Julien est dans un coin de la salle en face de moi, il n'ose pas me regarder, il ne regarde rien, il se contente de se serrer les mains et de fixer le sol.
L'inconnu lui plante deux aiguilles dans le bras avant de les accrocher a une grosse machine grise, pour la première fois de la peur passe dans le regard de mon ami. Je pose mes deux mains sur la vitre, Arthur pose une main sur son épaule et lui dit quelque chose, Caym me regarde enfin et un fin sourire éclaire son visage.
Une fois de plus dans mon dos des insultes fusent.
Une fois installé et son bras parsemé d'aiguilles tout le monde s'écarte de lui, je vois des gens inconnus entrer dans cette maudite pièce et lui dire je ne sais quoi.
Il ne les regarde pas, je dirais même qu'il se moque totalement de ce qu'ils peuvent lui dire, il se contente de me regarder. Il me regarde comme si j'étais son rempart contre la folie.
Mon cœur ne cesse de se briser, il ne reste plus que de minuscules petites miettes qui se disloquent encore.
Sourde aux inepties qui sont hurlés je ne fais que le regarder, s'il y a bien une chose que je peux faire pour lui c'est ça. Alors je le regarde et je continue de lui mentir, je respecte sa dernière volonté.
Puis je me mets à faire la seule chose que je sais faire : prier, oui je prie pour que l'âme de mon ami trouve le repos éternel ainsi que la rédemption.
" Toi qui nous quitte,
que le Seigneur te bénisse. "
L'inconnue se tourne vers la machine. Je serre mes poings contre la vitre.
" Que la plénitude de son amour t'accueille.
Que le Seigneur continue en toi son œuvre de vie.
Qu'il te fasse entrer dans sa maison au cœur même de sa tendresse."
Ma voix tremble, je peine a articuler mes mots tant ma gorge se serre. Des larmes coulent le long de mes joues.
" Que la gloire de Dieu te rassasie.
Que les cieux nouveaux et la terre nouvelle te soient une découverte insondable. "
L'inconnu appuie sur un bouton et la machine grise se met à trembler, les deux intraveineuses se remplissent de produits avant de se déverser dans son corps.
" Que la résurrection de Jésus s'accomplisse en toi.
Que la promesse de Dieu se réalise en toi : Il nous a promis le bonheur pour toujours. "
Ses yeux, qui n'ont cessé de me fixer, se ferment, c'est finit, il s'en va. Sa poitrine ne bouge plus, le fin tissus de son hideuse chemise orange ne se soulève plus, ses doigts qui s'étaient crispés sur les accoudoirs se détendent et pendent, il ne bouge plus. Il ne bougera plus jamais.
C'est finit. Tout s'effondre autour de moi. Je suis de nouveau sourde, je n'entends plus rien. Il est partit. C'est finit.
- Caym. Je murmure en pleure. Caym. Je dis un peu plus fort en tapant la vitre du plat de mes mains. Caym ! Je crie presque en tapant plus fort. Caym! Je hurle en malmenant toujours plus fort la paroi qui nous sépare. Caym !! J'hurle le plus fort possible, ma voix fait écho à ma douleur ainsi qu'a mes innombrable brisures. J'hurle mais je ne m'entends pas je ne fais que ressentir la mort de mon ami.
Mes larmes se mélangent à mes cris, mes jambes cèdent me laissant choir sur le sol hurlant ma peine et ma douleur. Pendant que j'hurle ma colère est mes peurs je me sens soulevé et transporté dans une autre pièce. Je n'entends toujours rien, je ne fais que ressentir sa disparition.
*
Je ne reprends mes esprits que quand je me trouve face a son corps. Il est si serein, si calme. D'un geste timide je lui remets en place une mèche. Sa peau est déjà froide, la chaleur de la vie la quittée. D'autre larmes viennent s'écrouler sur son épaule, ces petites goutes salées mouille son vêtement.
Je lui prends la main et la serre entre les deux miennes.
- Je te souhaite un bon voyage mon ami, puisses tu te reposer et enfin trouver la paix. Je lui embrasse le dos de sa main. Tu vas terriblement me manquer. Je lui avoue en posant mon front contre nos mains nouées, sans chercher à arrêter mes pleurs.
Je la repose avec une douceur infinie le long de son corps et détache ma croix que j'ai toujours eu autour du cou, je la lui pose sur son torse.
- Si tout le mythe que l'on te voue n'est pas une chimère, accueille le en ton sein et accorde lui le repos ainsi que ton pardon. Je formule ma demande sans regarder le ciel, je le regarde lui, lui qui a su en un regard qui je suis vraiment. Lui qui a su me faire réfléchir et grandir. Lui qui ma tant fait rire et surprise, lui.
Je pleure de nouveau. La bête sauvage, tapis au fond de moi, hurle a la mort. Arthur passe son bras autour de mes épaules, je me tourne contre lui, me colle a lui et laisse libre cours a mon chagrin. Entre deux sanglots je sens ses épaules trembler contre mon corps.
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