XXVI
Comment es-ce qu'un homme qui a fait autant de chose peut il dire le bénédicité ? Cela fait neuf jours que cette question me travail.
Je dois bien avouer que toutes les théories sur j'ai avancé sont toute aussi idiote les unes que les autres. J'ai d'abord pensé à une sorte de mélange entre ma religion et la sienne, enfin si on peut appeler ça une religion, puis de fil en aiguille je me suis dis qu'il avait changé de façon de penser et de culte avec le temps.
La bête sauvage et moi ne sommes d'accord que sur cette idée, j'ai parfois l'impression d'avoir une double personnalité...
Comme chaque matins je croise Julien dans le couloir de son pénitencier, plus les jours passent moins il me regarde franchement. Il fuit mon regard tout en conservant ses questions matinal, sa politesse est toujours au rendez-vous mais là aussi il manque de quelque chose. Je suis intimement persuadé que s'il le pourrait il me renverrait chez moi sans aucune forme de correction.
- Bonjour Monsieur Snowwic'le. Je m'avance pour lui serrer la main avec un sourire non feint.
- Bonjour Jeanne, comment vas-tu ? Il me demande en regardant l'entièreté de mon visage sans jamais me fixer réellement.
- Vraiment bien ! Je m'exclame en agrandissant mon sourire. Hier soir ma petite soeur à danser tu veux voir la vidéo ? Sans vraiment attendre sa réponse je dégaine mon portable et lance la vidéo.
Dessus elle fait des envolées en ouvrant ses bras, elle saute si haut qu'on a l'impression qu'elle va toucher le ciel, en la regardant on l'impression qu'elle n'effleure qu'a peine le sol. On croirait a s'y méprendre que tout ce qu'elle fait est d'une simplicité enfantine, mais ce n'est qu'une impression. Du haut de ses onze ans elle travaille son art avec une assiduité et une volonté incroyable, certaines danseuses ont de quoi être jalouse a s'en manger les doigts.
- Elle semble si légère. S'extasie le chef en la dévorant du regard.
- Pourtant, il faut voir ce qu'elle engloutit à chaque repas ! Je rétorque en faisant les gros yeux.
- Quand est son spectacle ? Il me demande en souriant.
- Dans un peu moins d'un mois maintenant. En finissant ma phrase je range mon téléphone et du coin de l'œil je vois Arthur s'approcher de nous. Une lueur amusé danse dans le regard à moitié éteint de Julien. Il pose une main sur mon bras, sourie et lui jette un regard en coin. Pour toute réponse je secoue légèrement la tête de gauche à droite en levant les yeux au ciel sans réprimer un nouveau sourire qui étire mes lèvres.
Je sais que ce n'est pas franchement gentil de faire ça mais cela m'amuse beaucoup.
- Arthur. Le salue le directeur avec un hochement de tête pour lui et un autre regard appuyé pour moi, je dois lui tourner le dos pour ne pas lui rire au nez.
- Mathias t'attend dans la salle. Sa phrase n'a rien d'extraordinaire en soit mais sa voix me fait toujours autant d'effet. J'ai l'impression que des millions de petites fourmis grimpent le long de mon corps laissant derrière elle une douce trainée de frisson.
Je suis bien consciente que je ne dois pas me laisser aller ainsi, que ce n'est pas bien mais c'est bien plus fort que moi.
Sans un mot, je lui emboite le pas évitant soigneusement l'homme qui me précède, pour qui je me jetterais dans les flammes de l'enfer, et celui qui reste derrière nous qui se moque allègrement de nous. Moi.
Mon regard s'accroche à ses talons et je ne compte pas le relever. Quand ses pas ralentissent je réduis mon allure aussi, il ouvre la porte et je passe devant lui sans un regard. Par pur fierté je relève le nez et fixe mon ami qui me fait face.
- Si je ne te connaissais pas, je penserais que tu es un poil gêné. Me dit le détenue en guise de salutation.
- Ne sois pas si prétentieux. Je râle a son encontre en décalant ma chaise a sa gauche afin de m'assoir a ces côté. C'est une habitude que nous avons depuis bien longtemps.
- Gamine. Il souffle avec un petit sourire, lui aussi a perdu un peu de sa joie de vivre.
- Mathias dis moi, ne me laisse pas ainsi comme une idiote. Je le supplie en lui prenant une main. Mes yeux accrochent les siens, leurs brun éclatant laisse peu a peu place a un marron triste et fade. Les battements de mon cœur ne cessent d'accélérer. Je plaque une main sur ma poitrine pour le retenir de sortir par mes côtes me laissant sans vie sur ce sol au passage.
- Son temps est bientôt écoulé tu sais. Il parle si bas que je suis obligé de tendre l'oreille pour l'entendre. Honnêtement je m'en serais bien passé.
Je sens en moi quelque chose se briser et mon ventre se tordre, je le savais, je sais qu'il va bientôt être exécuté mais j'ai eu la folie de me dire que ceci était du vent. Au fond de moi la bête sauvage laisse choir ses membres le long de son corps et se laisse couler sur le sol. Elle et moi fermons les yeux pour endiguer un flot de larmes, je me suis promis de ne plus les laisser couler, je me suis juré m qu'elles nourriraient mon second visage. Mais elle rechigne, l'appétit lui manque.
- Il a dit le bénédicité la fois dernière. Je souffle tout bas.
- Chacun voit midi a sa porte gamine. Il essai de hausser les épaules mais ses entraves le lui interdisent. Écoute, il n'a pas été un enfant de cœur une longue partie de sa vie, il ... Il fronce les sourcils. Il a besoin de se raccrocher à quelque chose, il a besoin de se dire qu'il y a quelqu'un ou quelque chose la haut.
Je me mur dans le silence le temps d'assimiler ses mots.
- Il a remplacé une secte par une autre. Je crache en me redressant.
- Ta religion n'est pas sectaire, la sienne l'était en plus d'être destructrice.
Le silence me parait être une bonne réponse, je ne suis pas vraiment d'accord avec lui, voir pas du tout. Seigneur, Dieu, s'il existe n'a pas pu faire tout ce qu'on raconte, c'est impossible. Inhumain. Puis je ne comprends plus l'engouement qu'il provoque. Par contre je dois bien avouer que se dire qu'il y a quelqu'un ou quelque chose en haut qui nous accorde un peu de repos est une idée rassurante.
Dieu, sans ses saints n'est qu'un homme. Ca j'en suis sur.
- Mais toi, tu n'en n'as pas eu besoin ? Je veux dire tu ne crois en rien. Je me frotte le front m'interdisant de vraiment comprendre le sens de ses mots. Je ne sais pas vraiment ce que tu as fais non plus. Je murmure le nez vers le sol.
- Il est temps que la vérité soit dite. Je pince les lèvres et m'enfonce sur mon assise. Plus jeune, je trainais un peu trop dans les rues et j'ai fais quelques mauvaises rencontres. A cette époque l'alcool et la drogue étaient mes plus fidèles alliées. Il laisse une longue minute de silence s'écouler avant de reprendre son discours. Je ne me souviens plus de cette journée la, tout ce que je sais c'est que j'avais plus d'alcool et de drogue que de sang dans mon corps, pour le reste ce sont les flics qui me l'ont racontés. Tu sais gamine, la mémoire est une belle garce, elle te fou la paix des années durant et elle se réveille la nuit encore et encore.
- La mémoire est une garce infidèle. Dis-je pour conclure son histoire, je ne sais quoi lui dire.
Mathias a tué une famille sous le coup de l'alcool, il a détruit des tas de vie, la sienne aussi.
- La veuve en bois est notre objectif.
- La veuve ....
- La chaise électrique. Il me coupe d'une voix presque tendre, je le regarde muette une fois de plus. Tu sais on attend la mort comme une vieille amante. Il conclut avec un regard lointain.
*
Le bruit de mes pas fait écho à ceux du joli gardien, une fois de plus il m'attendait et m'accompagne jusqu'à la porte de Caym. Nos moments me manque, la sensation de sa peau qui effleure la mienne me manque. Ses yeux rieur et ses injures a tout bout de chant me manquent aussi.
Il est là, si proche mais je n'ai pas le droit. Je me l'interdit car je dois mener une guerre à la fois. Et si Arthur était un allié ? Mon cœur bondit a cette pensée. Mais il m'a aussi tenu responsable de ma situation et cela me reste en travers de la gorge.
Une fois de plus il s'arrête et m'ouvre la porte, je relève le nez et passe sans le regarder. D'un mouvement brusque il l'a referme ce qui me fais reculer et le regarder avec colère. Je pose une main sur cette maudite porte et une autre sur la poignée prête à la pousser pour entrer parler a Caym.
- Je voudrais te présenter mes excuses. Il me fixe en me parlant, c'est quelque chose de déroutant.
- Il fallait y penser il y a bien longtemps. Je lui crache en pleine figure. La bête sauvage tapis au fond de moi, acquiesce vivement, il ne croit pas que c'est en revenant la bouche le cœur que tout va s'arranger ?! C'est un peu trop simple il me semble ! Une boule de fureur réchauffe mon corps et fait flamboyer mes yeux.
- C'est une petit peut facile à dire quand Madame prend les jambes à son cou ou me renvoie dans les cordes à chaque fois que j'essaie de l'approcher. En finissant son discourt il se rapproche dangereusement de moi, il faut que je coupe court maintenant sinon je risquerais de faire quelque chose de stupide, comme l'embrasser.
- Si Monsieur n'avait pas réagit de la sorte peut être que nous n'en serions pas là ! J'hurle à quelque centimètre de son visage. Vraiment très près, trop prêt. Sans me laisser le temps de franchir cette infime, minuscule, ridicule barrière de vent j'ouvre la porte avec fracas, m'engouffre dans la salle et claque la porte avec violence. Dans mon dos je l'entends me dire que si je ne l'avais pas utilisé on n'en serait pas là.
À bout de souffle je pose mon front contre le bois frais et me surprends à prier je ne sais quel saint pour ne pas céder à la terrible tentation de l'ouvrir de nouveau et de me plonger dans ses bras.
- Bien le bonjour petit cygne. Dans sa voix une pointe d'amusement me fait sourire.
- Bien le bonjour Caym. Je lui réponds de la même façon en me dirigeant vers lui. Comme avec Mathias je m'installe à ses côtés.
- Quand vas-tu arrêter de le tourmenter ? Il me sermonne avec une fausse sévérité.
- Quand cela cessera de t'amuser. Je rétorque avec une moue mi-boudeuse mi- joyeuse.
- Pauvre de lui. Il souffle en ouvrant grand ses yeux.
Nous avons parlé de chose bien plus légère et il m'a aussi dit que je devrais accepter ses excuses et me pardonner. Je lui ai promis d'y réfléchir. Quelque chose dans son aura a changé, lui qui paraissait si inaccessible, si froid et hors du monde pourrait être comparé à un chaton qui fait ses premiers pas. A la fois innocent et faible mais je ne rajouterais pas ignorant du monde.
Quand je le vois ainsi si serein je me dis que Mathias a raison. Ils attendent la mort telle une vielle amie. Peut être y trouvera t'il sa rédemption ? Je le lui souhaite.
Je prierais pour que cela lui arrive ce soir.
*
Dans la cour, ses deux hommes rient à gorge déployée en se donnant de franches accolades. Quand ils me voient ils me font un signe de la main puis reprennent leur partie de basket. Malgré cette apparente légèreté je vois très bien le regard triste que lui lance Mathias quand il a le dos tourné. Lui aussi joue au jeu de l'apparence, sauf que lui il ne le fait pas pour lui, mais pour son ami.
*
Le reste de la semaine se passe tranquillement, rien ne change vraiment dans cette maison. Je joue toujours, Brigide et Michael s'y font et ma petite sœur danse dans toute la maison. Tous les soirs, ou presque la famille Wallas vient pour dîner ou seulement partager un moment qu'ils qualifient d'agréable.
Monsieur Rachitique et moi ne nous parlons que si nous sommes obligés, sinon nous nous ignorons avec brio. Lucie ne cesse de jeter des piques avec un sourire angélique, cette petite fille est incroyable.
*
Samedi matin, comme chaque début de week-end c'est le moment de la corvée. C'est ainsi que je ressens le fait d'aller à l'église. C'est une corvée, une tâche que je dois faire, ni plus ni moins.
L'époux de Brigide salut tout ceux qui viennent à sa rencontre, beaucoup trop de monde pour être honnête. Je me force à sourire et à répondre aimablement quand on me pose une question, que je n'écoute qu'à moitié. En fait mon plus gros défi est de ne pas bailler aux corneilles, exercice compliqué. Mes nuits sont agitées et pleines de cauchemars sanglant.
Nous nous approchons doucement de la grande porte, je retiens tant bien que mal un soupire d'ennui profond, je joue négligemment avec les cheveux de Lucie quand une voix de baryton attire mon oreille.
- Pardon! Pardon! Poussez-vous ! Pardon ! Merde casse-toi !
Sa grossièreté ne me choque pas le moins du monde, par contre voir Arthur ici en tenu de travail me laisse sur ma réserve.
La colère qui danse dans son regard ne voile pas entièrement sa peine, pas besoin d'échanger le moindre mot. Je sais. C'est aujourd'hui. Ce n'est pas possible hier encore nous nous moquions du monde avec allégresse! Nous le refaisions et rêvions d'un univers qui serait tout autre ! Hier encore il me disait avec son éternel sourire « Bien le bonjour petit cygne! »
- Non. Je murmure en plaquant mes deux mains sur ma bouche. Non! Je répète plus fort si bien que des curieux sortent de l'église.
- Il va mourir seul Jeanne. Sa supplique met à l'épreuve toutes mes barrières que je me suis faite au fil du temps. Il est la face à moi les yeux mouillés et les mains ballantes. Mon corps en entiers me supplie de fuite loin de toute cette douleur qui me contamine.
- Jeanne? La petite voix de Lucie me sort de ma torpeur, ses petits yeux ne reflètent qu'incompréhension et peur.
- Lucie je vais aller au travail. Je lui mets une mèche de cheveux derrière son oreille et l'embrasse sur le front.
- D'accord ! Elle me répond avec force de vrais petites flammes dansent dans son regard.
- Si vous partez n'espérez pas revenir. Me crache sournoisement mon géniteur à l'oreille.
- Ça tombe bien elle vient avec moi et chez moi! Impose Arthur en se plaçant entre lui et moi, il le toise et se tourne tout en lui crachant au visage tout le mépris qu'il ressent pour lui.
Nous rejoignons sa voiture au pas de course main dans la main. Dans le rétroviseur seul ma petite sœur me fait signe, lui console sa bonne femme qui pleure de fausses larmes.
Pauvre monde.
Aujourd'hui, Caym va me quitter.
- Il y aura beaucoup de monde mais tu seras la seule qui aura de la peine pour lui de ce côté de la pièce. Commence mon sauveur. Il ne faut pas qu'il parte seul Jeanne. Il quitte la route des yeux une seconde pour me regarder.
Incapable d'articuler quoi que ce soit je me contente de secouer positivement la tête.
Aujourd'hui je vais voir mon ami mourir.
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