XVIII

Emmener Lucie à l'école, fait désormais partie de ma routine matinale, et je le fais avec beaucoup de plaisirs. Ce matin je l'ai un peu pressé pour que nous puissions prendre un pain au chocolat sur la route. Acte simple, dépourvu de grande signification je dirais même, mais tellement pour nous. Nous avons aussi chanté à tue-tête dans la voiture. Je pense que nous avons surpassé tous les baromètres des nullités musicales, au moins nous avons beaucoup ri, avant de partir pour son école elle m'a avoué que notre frère lui manquait beaucoup.

À moi aussi, il me manque énormément.

*


Une fois de plus j'entends grommeler Monsieur Snowwic'le dans mon dos, une fois que nous nous sommes dit bonjour. Cette fois-ci il plaignait ses détenues et s'inquiétait d'une possible émeute. Honnêtement je crois qu'il exagère fortement. Comment une paire de jean et top peut mettre en ébullition plus d'une centaine d'hommes ?

La bête, sauvage tapis au fond de moi me dit, que ce n'est pas temps la tenue qui pose problème, mais la personne qui la porte. Ces délires belliqueux meurent dans l'œuf quand je croise Arthur, ses yeux s'illuminent quand nos regards se croisent. En toute honnêteté je ne pense pas être mieux, en tout cas je me sens étrangement bien.

- Bonjour. Pour toute réponse je tends mon visage vers lui afin de recevoir une bise. Ce matin il s'est rasé, sa peau est douce et son odeur toujours aussi addictive. Mon Dieu, s'en t'il compte de tout l'effet qu'il me fait ? Tu as bien dormi ? Il me demande en ne laissant que très peu d'espace entre nous.

La bien séance veut qu'une certaine distance sépare deux être humains qui n'ont pas lien particulier. Au diable la bien séance et tout ce qu'il va avec ! Avec lui, je ne rêve que de proximité et parfois, même d'intimité. Je sens le rouge me monter à l'évocation de ses désirs profondément ancrés en moi.

- Parfaitement bien et toi ?

- Peu mais comme un loir.

Hier soir nous avons parlé jusqu'à vraiment tard dans la nuit, mais je ne lui aurais jamais dit que la fatigue me gagnait. Jamais.

- C'est drôle moi aussi. Je ne le lâche pas une seconde du regard, nous soufflons un rire avant de s'observer de nouveau. Au fait, tu ne m'as toujours pas dit quand. Je rajoute d'une voix plus calme que je ne l'aurais crue.

Il fronce légèrement les sourcils avant de me répondre.

- Demain ?

Je grimace, demain vendredi.... Autant en semaine je peux facilement me dérober de père et mère mais en week-end... Puis ils ont des invités et je me dois d'être présente au plus tôt, non pas pour mon bon plaisir mais pour ma liberté. C'est donc un besoin vital, qui ne m'enchante guère, je dois bien avouer.

- En fin de semaine c'est un peu compliqué pour moi. Je lui avoue plus que gêner par la situation. Il fronce de nouveau les sourcils, il ne s'en rend peut-être pas compte mais il est terriblement craquant. Ce midi ? Je me surprends à lui demander, au fin fond de mon être, la bête sauvage pousse des cris de joies et de supplication.

Intimement je me mets à prier qu'il accepte.


Mon Dieu ! Je viens d'inviter un garçon, que dis-je un homme, a déjeuner avec moi. Et quel homme que Diable !

Puis la réalité me frappe de plein fouet, Ho. Mon. Dieu.


Seigneur Dieu, soyez clément, je ne vous demande pas grand-chose juste un bon foudroiement, une crise cardiaque, un éboulement, une avalanche de sauterelle.


- Je ferais tout pour me libérer, je te tiens au courant dans la matinée.

Ou ça, merci beaucoup.

- Sans problème. Je lui rends son sourire et goûte à ce drôle de sentiment que je n'ai que très peu ressenti. En fait je ne saurais le définir, mais il est vraiment très agréable. Très, très agréable.

*

C'est en souriant comme deux idiots que nous allons voir Mathias. Je suis sur un petit nuage duveteux, entouré d'anges qui ont le visage d'Arthur, les mains d'Arthur, l'odeur d'Arthur, la douceur de la peau d'Arthur...

Je crois qu'il est temps que j'aille me confesser avant que je ne devienne complètement folle.

La bête sauvage tapie au fond de moi me fait comprendre que c'est trop tard je suis atteinte de cette douce folie.


Je passe la porte une fois qu'il me l'est ouvert, à cet instant même mon sourire s'affaisse et mon état de béatitude est remplacé par un profond agacement et une inquiétude qui me rend nauséeuse.

Kalingo Mathias a une joue violacée, l'arcade droite ouverte et d'autres ecchymoses sur son visage. Une rage folle contamine chaque cellules de mon corps, ce sentiment je le connais, je sais comment l'apprivoiser et le gérer.


- Mon Dieu, qui t'a fait ça ? Je lui demande en me précipitant vers lui, en passant devant la table je dépose, violemment mon sac. Dans un mouvement de pur réflexe, je porte ma main au niveau de sa plaie. C'est la première fois que je suis aussi proche de lui, que je le touche.

- Merde ! Jure Arthur dans mon dos, par la suite j'entends des pas précipités vers notre direction.

- Ça va, ça va et laisse dont le vieillard la ou il est. Réplique doucement Mathias, je suis sûr que s'il le pouvait il lèverait les mains face à lui pour nous apaiser. On dirait que papa et maman sont inquiets. Ose se moquer mon professeur de mode.

Je me redresse et souffle d'exaspération et d'amusement, je sens le souffle du joli gardien dans mon dos. Je me fiche d'être discrète ou non, je tourne ma main droite dans un angle peu naturel et la fais glisser le long du bras du gardien, quand, enfin, mes doigts chatouillent sa paume j'entrelace nos doigts.

J'ai besoin de contact, de son contact. N'en déplaise à quiconque.

- Peux-tu...

- Oui. Me coupe le gardien quand je me tourne vers lui. Je reviens avec ce qu'il faut dans cinq minutes. Nous, nous sommes compris qu'avec peu de mots.

Je déplace la table et m'assois sur cette dernière, je suis maintenant un peu plus haute que lui.

- Tu vas me dire ce qu'il s'est passé ? Je lui impose sans vraiment chercher a être douce et encor moins compréhensive. Il me lance un sourire entendu. Tu as joué au grand protecteur ? J'ajoute donc par pure déduction.

- Que veux-tu. Il baisse le nez et se déleste de son sourire. Je n'ai que moyennement aimé certaine remarques.

Un frisson glacial court le long de mon dos, il s'en est prit à je ne sais qui à cause, de simples paroles déplacées envers moi. Je ne sais pas si je dois me sentir flatté ou horrifié.

- Je peux te demander dans quel état est l'autre ?

- Ne détruisons notre si belle amitié.

Il ne me regarde toujours pas, j'imagine qu'il a peur qu'il m'effraie, quelque part c'est un peu vrai. Cet homme est un homme dangereux, rien ne me garantit que s'il le pouvait il ne m'étranglerait pas jusqu'à ce que mort s'en suive, à la première occasion. Et rien ne me garantit non plus qu'il ne fasse que me prendre dans ses bras.

- Joé m'a expliqué, t'as fais fort. Le grincement de la porte qui précède sa voix nous sort d'un silence peu confortable, une première entre nous. Il dépose sur la table de quoi le soigner, prend la chaise libre et s'assoit en face de lui à ma gauche.

- Je ne le regrette pas. Réplique le détenu avec un sourire bestial.

- Tu sais que tu as manqué de peu l'isolement. Je me retourne vers Mathias agacé, ma colère trouve une nouvelle cible.

- Il me semble que nous avions convenu que tu ne ferais pas d'idiotie car je ne veux pas louper une seule de nos entrevues. Ma voix claque dans cette minuscule pièce, Mathias lève son nez en ma direction et prends un air penaud.

Je ne m'y attarde pas, j'applique, peu être un peu trop fort, une compresse pleine de désinfectant sur sa plaie.

Il n'a pas vraiment besoin de soin, mais le faire me tranquillise.


Ces deux hommes me regardent avec une lueur d'étonnement, que croient-ils ? Que je suis une gentille fille qui ne dit jamais un mot plus haut que l'autre ? Je secoue ma tête de gauche à droite d'agacement.

- Quelque chose à rajouter ? Je lui demande quand il se tortille pour tenter de retirer la compresse.

- Non m'dame. Souffle-t-il.

J'entends Arthur souffler un rire à côté de moi.


*

L'entrevue avec Caym commence calmement, en fait aucun de nous deux ne parle, chacun de nous perdus dans nos pensés.

- Je peux te poser une question ? Je lui demande ne tenant plus.

- Fais donc. M'invite-t-il il semble soulagé que je rompe enfin ce silence morbide.

- Sais-tu ce qu'il s'est passé avec Mathias ?

Il me jauge une longue minute, une très longue minute.

- Un idiot a tenu des propos vraiment désobligeant envers toi, il n'a eu que ce qu'il méritait. Je serre les dents avant de le remercier. Il a pris ma défense, ce n'est pas la première fois qu'il me protège. Il y a eu aussi cette fois ou il aurait bien fait la peau à Caym, il y a seulement quelques semaines. J'ai l'impression que cela s'est déroulé il y a des années.

Le temps ce fait capricieux et trompeur ces derniers temps.


- Je peux te poser une question à mon tour ?

- Fais donc. Je lui réponds de la même façon que lui un peu plus tôt.

- Si c'était moi à sa place, tu lui aurais demandé une explication ?

- Oui. Ma réponse est instantanée et franche, car oui si Caym était à cette même place blessé j'aurais essayé d'en savoir plus et je sais que je l'aurais soigné aussi.
Je le sais, mon for intérieur me le dit. Mais la vraie question est de savoir si toi tu aurais fait la même chose que lui. Je m'entends lui dire en le fixant.

Les yeux noirs de cet homme ne laissent rien transparaître, c'est une énigme vivante.

- Plus tôt deux fois qu'une, petit cygne.


*


Mes deux entrevues m'ont épuisé, je regagne ma voiture d'un pas lent avec un arrière-goût de déception sur mon palais. Avec tout ça je ne pense pas qu'Arthur est eu le temps d'arranger ses horaires. Dire que je vais devoir attendre la semaine prochaine pour ce tête à tête.

- Je n'ai que deux heures. La voix rauque du joli gardien résonne dans l'aire et m'arrache sans peine un sourire frôlant l'indécence.

Il est simplement adossé contre une voiture citadine, il a aussi prit le temps de se changer.

Comment un simple jean peut-il rendre un tel honneur à quelqu'un ?


- Deux heures, c'est tout ce que je vaux ? Je lui demande en essayant de reprendre le contrôle de mes émotions.

- Tu as raison, deux heures c'est à peine le temps d'un hors-d'œuvre. Il me répond en ouvrant la portière côté passager, sans jamais me lâcher du regard.


C'est moi ou cela sonne légèrement tendancieux ? La bête sauvage, tapis au fond de moi, jubile et ronronne de joie.


Il fait le tour de sa voiture en quelques enjambés et enfin il est à mes côtés. Il est si grand que sa tête touche pratiquement le haut de l'habitacle.


- Qui dois-je remercier pour ce hors-d'œuvre ? Je lui demande en esquissant un demi-sourire.


Et voila ! Je flirte de nouveau ! Bravo ! Vraiment !


Il rit pour toute réponse en secouant la tête.

- Je voulais vraiment t'emmener dans un endroit sympa. Il commence en grimaçant. Je pourrais peut-être me rattraper une prochaine fois ? Il me demande en détachant une seconde son regard de la route pour le déposer sur moi.

Seigneur, Dieu vous m'avez entendu ? Si c'est le cas c'est assez ironique car il se dresse contre père et mère en se faisant.

- Serais-ce une invitation pour le plat principal ?

Il me regarde interdit et se met à rire à gorge déployée, je le rejoins et il me répond qu'en effet c'est une invitation pour le plat principal.

*

Nous avons fini par aller dans le centre-ville, il s'est confondu en excuse se rendant compte que seul un fast-food ne le mettrait pas en retard. Je lui ai assuré mille fois que cela ne me dérangeait pas le moins du monde, je vais enfin pouvoir dévorer un repas plein de sauce et gras.

Toutes mes prières ont été entendues, bon ou mauvais présage ?

- Parle-moi un peu de toi.
- Tu es la deuxième personne à me le demander en peu de temps.
Je lui dis en piquant une frite, ne tenant plus, il faut quand même que je me tienne un minimum.

- Qui était la première ?

- Mathias.

- Ça va je n'ai pas de vraie concurrence ! Puis il croque, une pleine bouchée, dans son sandwich.

- Je me demande bien comment il le prendrait ! Dis-je en l'imitant, je ne cherche pas à cacher l'amusement qui ponte dans ma voix.


Je m'amuse vraiment, IL m'amuse vraiment.


- Il s'est qu'il ne fait pas le poids face à moi. Il hausse un sourcil amusé, seul Dieu sait à quel point il a raison, non seul moi sait à quel point il a raison.

- Tout est relatif. Je lui réponds de la même manière que lui.

- Par contre ce qu'il n'est pas relatif, c'est que j'ai vraiment envied'apprendre à te connaître. Sa voix rauque s'immisce sous ma peau et me fait frissonner. Unedélicieuse vague de chaleur me gagne et m'enveloppe, tout d'un coup le monde mesemble plus beau, plus clair.



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