XVII

- De toute évidence je me suis trompé. Commence Caym quand je rentre dans sa pièce avec un sourire totalement indécent. Oui, je dirais plutôt un cygne, oui un cygne.

Je reste interdite quelques secondes avant que l'information ne fasse son chemin dans mon esprit, légèrement ailleurs je dois bien l'avouer.

- Moi qui avais potassé sur le sujet. Dis-je en prenant place en face de lui faussement blessé, je mets une main sur mon cœur pour compléter le tableau.

- De toute évidence tu as dit adieu à ton plumage gris et bonjour a ta sublime robe blanche. En finissant ces mots il ne se gêne pas pour observer sans vergogne le haut de mon corps, sans pour autant s'arrêter sur un endroit précis de mon buste.

Heureusement, je ne sais pas comment je l'aurais pris.


- Il est dit que seuls les idiots ne changent pas d'avis.

- Les cons. Je fronce les sourcils quand il me coupe la parole. On dit " il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis".

- Je suis donc heureuse de constater que je ne suis pas con. Je réplique en m'adossant totalement contre ma chaise.

Il se contente de sourire, puis détourne le regard et le plante sur la fenêtre emmurée. Cette vision me serre le cœur, sans vraiment savoir pourquoi, mais cela me fait mal de voir ainsi.

- Tu sais ou es passé le poster ? Il me demande en pointant du menton l'endroit où il devrait être.

- Je ne sais pas. Je lui avoue en souriant. J'imagine qu'en demandant à Arthur j'aurais une réponse. Je joins le geste à la parole, je me lève doucement et me diriger vers l'unique porte de cette pièce.

- Vous vous appelez enfin par vos prénoms. Me raille le détenu.

- Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis. Je me contente de lui répondre en le regardant par-dessus mon épaule avec un sourire joueur.

Il rit, pour toute réponse il rit.

Je ne l'ai jamais entendue faire, je trouve cela très troublant et à la fois rassurant, troublant car le son qui sort de sa bouche est beaucoup plus doux que je ne l'aurais imaginé. Son rire ne ressemble pas à un aboiement, comme celui de Mathias, mais il est tout aussi communicatif, et rassurant car le rire est le propre de l'homme et c'est un acte contraire à la plupart des sociopathes.


Pour faire court, il n'est pas aussi fou qu'il parait, je ne suis pas sûr que cela soit rassurant finalement.

À peine ai-je ouvert la porte et passé son pas, que le joli gardien se précipite vers moi la mine anxieuse. Que penser de lui a pars qu'il est charmant. La bête sauvage au fond de moi roule des yeux et s'indigne en se tapant le front d'une de ses mains, bon, puisque je dois être totalement franche, il est carrément craquant. La bête sauvage approuve ma pensée en souriant comme une idiote.

- Il y a un souci ? Il me demande, je n'avais pas vraiment prêté attention auparavant mais il a une voix grave et ses yeux reflètent avec exactitude son état d'esprit et les voir aussi inquiet me flatte et me tord le ventre à la fois.

- Non, non tout va bien. Je m'empresse de lui répondre en posant une main sur son avant-bras découvert. Ce qu'il m'étonne c'est qu'il n'y a que très peu de contraste entre nos deux peaux, elles sont de la même couleur tout en étant différente, identique mais foncièrement distincte. Son regard rejoint le mien et se fixe sur notre proximité, gênée je retire ma main et je me sens vide sans son corps sous mon touché. En moi, la bête sauvage se lamente, je l'approuve intimement.

- Jeanne ? Il me questionne doucement en avançant une grande main vers la mienne.

Je sais qu'il est à deux doigts d'unir nos mains, je regarde son action j'ai l'impression qu'elle se passe au ralenti, que tout se déroule très lentement, drôle de sensation à la fois douloureuse et délicieuse. Je sais aussi, aussi stupide soit-il, que si je ne me retire pas je m'engage dans un autre chemin, un chemin qui m'éloignera de père et mère et de leur dictature passée d'âge.

Mon corps répond de lui-même, en fait non, je ne suis pas spectatrice de cette réponse mais actrice, pleinement actrice. J'avance ma main pour aller à sa rencontre et souffle d'aise quand nos paumes se touchent.

- Tout va bien, je voudrais juste savoir si tu avais encore le poster ? Je lui demande en me plongeant dans ses iris brune à souhait.

- Celui avec le ciel ? J'acquiesce sans rompre nos deux contacts. Oui, il est dans mon bureau, je reviens tout de suite. Encore une fois cela sonne comme un rendez-vous galant.

Avant de me lâcher il serre un peu plus ma main, une simple petite pression, juste une petite pression, mais cela me rend folle de joie. Quand il est de dos, je regarde ma main comme une idiote. Sa peau est rugueuse, comme quelqu'un qui travail le bois et ferme comme toute l'assurance qu'il émane, mais douce et timide comme son regard. C'est à mon tour de lever les yeux au ciel face à l'idiotie de mes propres pensées pendant que la bête sauvage tapie au fond de moi ronronne de plaisirs.

Seigneur, pardonnez-moi mais je vais pêcher. Oui, je vais aller à un rendez-vous avec cet homme et j'aurais l'audace de prier pour qu'il y en est un second puis un troisième...

Il revient rapidement avec un rouleau dans une main et du gros scotch dans l'autre. Il me tend le tout, sors un petit ciseau d'une de ses poches, me dit de la garder sur moi que c'est une question de sécurité, et enfin me donne encore rendez-vous ici même quand j'aurais finis.


*


- Il est de travers.

- Je te dirais bien de te lever mais... Je me tais à l'instant ou je finis ma phrase. Je suis horrifié par ce que je viens de dire, avec Mathias je peux me permettre ce genre de chose, il se moque lui-même, de sa condition et m'invite à le faire aussi souvent que possible mais avec Caym...

Ce dernier me regarde en ouvrant grand ses yeux, étonné de ce que je viens de dire,et avant que je ne me confonde en excuses, toutes aussi minable les une que les autres, il pouffe, oui, oui, il pouffe. Pendant une seconde je ne peux m'empêcher de faire la différence entre les deux détenus, l'un est dans la retenue alors que l'autre est dans l'exubérance.

- Allé ! Ta mission de psy est finie sors donc retrouver ton prince charmant ! Décrète l'homme que j'ai en face de moi avec un sourire satisfait, il n'attend pas de réponse il se contente de tourner la tête vers le poster et de le regarder minutieusement. Je me lève, presque à regret pour une fois.

- À demain Caym.

- À demain petit cygne. Murmure ce drôle de personnage quand je passe le pas de la porte.


*


- Je peux te faire la bise pour te dire au revoir ? Me demande Arthur en me raccompagnant vers la porte de sortie.

La bise ou autre ne te frustre surtout pas.


- Avec plaisir.
Je m'entends lui répondre.

Il ne faut pas lui dire, deux fois. Il se baisse et colle sa joue, légèrement piquante, sur ma peau. Ce contacte n'a duré qu'une fraction de seconde mais j'ai pris une grande inspiration, il sent le soleil.

- Au fait, je n'ai pas ton numéro de téléphone. Pour te proposer un rendez-vous. Il rajoute avec précipitation, si bien que j'esquisse un sourire. La bête sauvage me supplie d'être malicieuse, je suis persuadé que si elle le pouvait elle serait à genoux me promettant milles choses, toutes aussi farfelues les unes que les autres.

- Tu sais bien que j'accepte déjà, il nous suffit donc de convenir d'un jour. Je lui réponds en haussant un sourcil.


Je flirte ? Mon Dieu je flirte !


Pendant qu'il enregistre mon numéro j'ai toutes les peines du monde à me retenir, la bête ou moi ? Ça, je ne tiens pas vraiment à le savoir, de ne pas exécuter une petite danse de la victoire.

- Je t'envoie un message ce soir pour que tu ais mon numéro. Je finis à vingt et une heure. Il me précise en me faisant une dernière bise.

- J'espère que tu es ponctuel. Je lui demande avec une moue que je ne me croyais pas capable de faire

- Quand ça en vaut la peine oui. Il me répond avec un sourire diaboliquement beau, aguicheur je dirais même.


*


Comme toujours dans la cour, il y a foule, je passe sans me retourner ni en faisant attention à certains commentaires déplacés. En même temps qui est le plus déplacé ici ? Ces hommes enfermés où moi en tenue relativement courte ?

Je débattrais de ceci un autre jour, en un autre lieu, aujourd'hui je suis au paradis n'en déplaise à Dieu.

- Jeanne ! La voix de Mathias me fait me retourner. Ils me demandent tous comment faire pour avoir un rendez-vous toi. Avec son pouce il pointe un groupe d'homme dans son dos. Mais je leur dis que ton agenda est plein. Je rie franchement de cette petite démonstration de possession.

- Tu sais, on va se voir à l'extérieur. Je lui dis sans précision aucune, car il n'y en a pas besoin.

- Je lui donnerais une leçon sur le savoir vire du parfait gentleman.

- J'imagine que tu lui donneras des conseils vestimentaires, entre autre.

- Bien sûr !

- S'il te plaît évite l'orange.

- Gamine ! Il essaie d'être sérieux et de paraître offusqué mais son fou rire a eu raison de lui, son rire brutal résonne dans toute la cour et attire quelques regards.

Je vais en direction de ma voiture plus souriante que jamais, ce fût une vraie bonne journée.


*


Ma joie ne s'effrite pas quand je constate que ce soir non plus mon couvert n'est pas mit, en fait Lucie a mit la table pour quatre, mais père est passé derrière et a ajusté le nombre. J'ai fait signe à ma petite sœur de passer outre la bêtise de cet homme. Le repas fut plus douloureux pour eux que pour moi, je me suis contenté d'écouter la journée de ma future petite ballerine. Apparemment, une certaine Ninon ne voudrait plus être amie avec elle car elle à de moins bonne note qu'elle, je lui ai tout simplement dit que dans la vie seule les vrais restent auprès de sois.

- Andy et sa famille dîneront ici, vendredi soir. Claque la voix de l'unique homme de cette maison. Et nous les rejoindrons chez eux samedi soir. Ajoute ce dernier avec un sourire carnassier.

- Bien sûr vous êtes priés de vous vêtir convenablement. Ajoute sa femme les lèvres pincées.

La bête sauvage sort de son état de béatitude et me conjure de faire couler le premier sang.

- Si c'est ce qu'ils vous inquiètent tous deux, je ne vous ferai pas honte, je vais mettre une tenue sordide que vous aurez approuvé et je me contenterais de hocher la tête. Je claque à mon tour en tournant les talons en direction de ma chambre.

Malgré la colère qui me ronge je ne peux pas craquer, je ne suis pas majeur et d'un claquement de doigt mon stage peut s'arrêter et je ne le veux vraiment pas. Alors dans deux jours je jouerais plus que jamais le jeu du paraître, pour préserver mon sans blanc de liberté et pour préparer ma fuite.


*


" Que dirais-tu si l'envie me prenait de fréquenter un garçon"

Je demande par message à mon frère, au passage je regarde l'heure vingt heures cinquante-deux. Comme toujours sa réponse ne se fait pas attendre.

" Je te demanderais tout d'abord quel type de garçon il s'agit. Alors ? Un bien comme il faut ou tu sors des sentiers battus ? "

Je me mords la lèvre pour ne pas rire toute seule.

" Je dirais que je sors des sentiers battus"

" Tu piques ma curiosité, raconte tout à ton grand frère !"

Je glousse dans ma main pour étouffer le bruit, vingt heures cinquante-sept.

" Il s'appelle Arthur, il travaille au pénitencier c'est un gardien et je dois dire qu'il est très sympathique à regarder et qu'il ne me laisse pas indifférente, on a prévu de se voir".

" Il est du genre à Monsieur Rachitique ? "

" Certainement pas ! Il est tout son contraire, en parlant de lui père m'impose deux repas de suite avec lui et sa famille".

" S'il est tout son contraire je l'approuve à moitié (il le sera totalement quand je l'aurais rencontré, que veux-tu je suis ton frère) et pour tes repas tu veux une grosse dose de cyanure ? "

" Énorme dose ! Histoire d'être sûr, la mauvaise herbe est résistante ! Tu le verras plus tard laisse moi apprécier ses premiers rendez-vous."

Vingt heures cinquante-neuf, mon cœur bats à tout rompre.


" Je dois bien avoir ça au fond de mon sac, " mes premiers rendez-vous" ? Tu espères en voir d'autres ?? "

" Bien sûr ! Des tas ! "

" Tu sais les hommes sont un peu tous les mêmes, fais quand même attention a toi."


Mon frère me parle, de façon détournée de sexualité, mon Dieu j'aurais tout vu.


" Si, je dis bien si, je passe le cap avec lui, si bien sur tout va bien ! Es-ce si grave ? "

Je lui demande en me mordant l'ongle du pouce.

" Pas du tout"

Il me répond simplement, cependant la réponse tarde un peu. Je pose mon portable en face de moi et souffle. Quand il vibre de nouveau je me jette sur lui comme la misère sur le monde.

- S'il vous plait, s'il vous plait. Je me mets à psalmodier en déverrouillant mon écran, mes mains tremblent je dois donc m'y reprendre plusieurs fois et retenir un juron de frustration. Un gros juron.

" Bonsoir Jeanne, je viens de finir ma journée et comme promis je t'envoie un message"

Il est vingt et une heure pile. Je souris comme une parfaite idiote et me mords plus durement ma lèvre pour ne pas exploser de joie, je ferme les yeux et souffle afin de me recentrer sur moi-même, ne serait-ce qu'une minute. Une toute petite minute.

" J'ose croire que j'en vaux la peine."

Je lui réponds âpres avoir enregistré son numéro.
Lui aussi tape ses réponses à une vitesse inhumaine car cela vibre dans la seconde.


" Beaucoup oui, n'en doute pas une seconde."



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