XVI

C'est incroyable le nombre de chose que l'on remarque quand on prend le temps de le faire, ou que l'on a que ça a faire, tout dépend du point de vue. Pour ma part ce soir j'ai remarqué l'absence de chaleur dans notre foyer.

C'est simple si père ne parle pas personne ne parle. C'est lui, le maître de cérémonie. C'est un bien triste constat. Ma petite sœur regarde avec application son assiette. Elle n'a pas osé lever le nez une seule fois, ça aussi cela me fait mal.

Une enfant doit déborder de joie de vivre et doit aussi avoir des millions de choses à raconter elle aussi normalement, ou alors elle s'en cache bien.

Sous son lit, pas loin de notre cachette, j'y ai posé ses chaussons de danse. Je suis sûr que cela lui fera plaisir, j'ai vraiment hâte que cette mascarade se finisse pour qu'elle puisse enfin monter et les découvrir.

Quand, enfin le signal est donné, je me lève pose mes couverts dans l'évier et monte. Je me fiche de faire ma vaisselle, en fait je n'ai pas envie de la faire, alors je ne la fais pas.

Acte de rébellion dérisoire pour ce monde mais immensément odieux pour cette maison à l'apparente perfection.

Dans ma chambre je souffle tout ce que je peux pour expulser le stress de ce repas, cette situation est pesante mais ce n'est que le début, je ne courberais plus l'échine, plus jamais.

Des bruits de pas précipités résonnent dans le couloir, je préfère être prévoyante, je m'assieds donc sur mon lit et attends patiemment que ma porte s'ouvre.

Je n'ai pas eu attendre bien longtemps Lucie m'a sauté dessus et nous avons atterris, sans vraiment savoir comment, sur mon tapis dans un grand éclat de rire.

- Merci ! Merci ! Merci ! S'exclame la jeune fille en tenant contre son cœur son trésor doré.
- Ils te plaisent ? Je lui demande en la tutoyant délibérément.
- Me plaire ? J'en suis amoureuse ! Clame haut et fort ma petite sœur en serrant encore plus fort son cadeau contre sa poitrine.
Je sourie a m'en attraper une crampe et la décoiffe, tout d'un coup son visage se transforme, s'affaisse, je l'imite inquiète.
- Je peux te confier un secret ? Elle me demande le nez face au tapis.
- Tout ce que tu veux oui.
- Père et mère m'ont proposé de prendre plus de cours de danse.
Et j'ai très envie d'accepter. Elle m'avoue en jouant avec ces petites mains.

Je comprends son malaise, pour elle la danse est une chose importante, elle prend déjà des cours le week-end mais quand on est passionné par quelque chose, deux pauvres heures par semaine c'est vraiment dérisoire. Alors avoir l'occasion d'en avoir plus est presque miraculeux, surtout venant d'eux, mais ils le font pour la garder sous leur coupe. La manipuler en quelque sorte, qu'elle se sente redevable. Je trouve cela vraiment mal saint.

Qu'elle paradoxe pour cette maison qui prétend louer notre seigneur Dieu a chaque souffle!


- Lucie. Je lui replace une mèche de cheveux derrière son oreille et quand nos regards se croisent je lui fais mon plus beau sourire. Rassure-moi, tu vas accepter ?
- Je peux ?
- Mais bien sûr ! Pourquoi en il en serait autrement ?
Je lui demande en me mettant en tailleur devant elle.
- Par ce que je sais qu'ils me l'ont proposé pour me faire croire qu'ils m'aiment fort et pour que tu te fâches avec eux. M'avoue Lucie les yeux humide.

Entendre une petite fille de onze ans dire qu'elle sait que ses propres parents ne l'aiment pas assez fort pour lui proposer une activité sans arrière-pensée, juste pour lui faire plaisir, me fend le cœur. Et le pire c'est que c'est terriblement vrai.


Mon Dieu, c'est vrai. La bête sauvage tapie au fond de moi arrête ses rugissements pour pleurer et s'indigner face l'ironie de la situation.

Quant au reste... Lucie n'est qu'une enfant, elle n'a pas a subir les idioties du monde des adultes. Il faut que je l'a protège autant que possible.

- Accepte sans te poser de questions, et tu sais père, mère et moi risquons de nous disputer encore, mais ce ne sera jamais de ta faute, compris ?
- Est-ce que c'est mal si je me dis que je devrais en profiter un peu ?
Elle me demande une nouvelle fois dans un murmure à peine audible.
- Non, ce n'est pas mal et puis si tu veux devenir une petite casse-noisette il te faut de l'entraînement ! J'essaie de terminer cette conversation sur une note plus légère.
- Je serais la meilleure !
- Promesse du petit doigt ?
Je lui demande en lui tendant mon auriculaire elle ne fait pas prier, elle passe le sien autour du mien et nous répétons en chœur « promis ! »

- Je ne les utiliserais que pour les spectacles ! Et pour les entraînements je prendrais les touts moches et rose que père et mère m'ont achetés ! Décrète-t-elle en fronçant ses sourcils plus résolu que jamais.
- Je pourrais venir te voir danser ? Je lui demande en faisant mes petits yeux tristes et en faisant trembler mon menton.
- Tu es obligée !

Je la serre dans mes bras et la dorlote comme elle mérite de l'être. S'ils ne l'aiment pas comme des parents devraient le faire, je vais l'aimer toujours plus fort.

Avant de quitter ma chambre elle me demande si je peux la conduire à l'école demain matin, bien sûr j'accepte avec plaisirs.

Une fois seule, je sourie comme une bien heureuse, bien sûr cette conversation m'a quelque peu fait mal au cœur mais ce que je retiens est le fait que Lucie va danser et que nous nous sommes tutoyés le plus normalement du monde. Cela a le don d'alléger tout le reste.

*


Je sens que je vais faire jaser. Ce matin mon miroir me renvoie le reflet d'une jeune femme de vingt ans et non d'une pauvre cul bénie. Je me mets à rire toute seule en me rappelant que Mathias fût le premier à me dire ce genre de chose.

D'ailleurs je me demande ce que va dire mon professeur de mode quand il va me voir avec cette jupe qui m'arrive au-dessus du genou et ce petit top, simple mais déjà bien trop imparfait pour ce monde.

Dans un premier temps il me faut déjà affronter les deux idiots finis qui sont en bas.

Seigneur pardonnez-moi, mais je suis incapable de les estimer.


*

- Tu es canon ! Je dis à mon propre reflet en passant devant mon miroir, je sais que c'est prétentieux de dire cela mais je ne m'en sens pas coupable et au moins je ne vouvoie plus mon propre reflet.

Une fois en bas le même manège que le jour passé ce déroule père quitte la pièce suivit de près par mère. Seule Lucie saute partout en jurant à qui veux l'entendre que je suis la plus belle de toute la terre entière et de l'univers.

Je rie et nous prenons la route pour son école. Cette fois encore je l'accompagne jusque devant la porte.

- Dis es-ce qu'un jour je serais aussi belle que toi ? Me demande ma petite sœur en me serrant dans ces bras.
- C'est toi la plus jolie du monde entier et de tous l'univers. Je lui réponds avec douceur.

Dieu, ce que j'aime quand elle n'est qu'une enfant.


Elle part en clopinant vers ses amies et me fait un dernier au revoir avant de passer les grandes portes. Quand je me retourne, je ne peux que constater tout les regards qui se posent sur moi. Je sens que père ne va pas aimer les ragots qui vont, d'ici peu, s'ébruiter.

Pour le moment je ne m'en préoccupe pas, je prends la route en direction du pénitencier et je m'avoue même que j'ai hâté de voir enfin le joli gardien.


*


Une fois sur le parking toute ma belle assurance m'a quittée, je ne fais que me demander si justement il ne préfère pas la gentille Jeanne ? Si ce n'est pas ma candeur et ma naïveté qui l'attire ?

La bête sauvage roule des yeux et m'ordonne d'y allé. Je tire un peu sur mon haut et pars donc, avec la boule au ventre, en direction du lieu de mon stage.


Comme toujours sur mon chemin je croise Monsieur Snowwi'cle. Ce dernier me regarde de haut en bas et pour la première fois face à lui je rêve de prendre mes jambes à mon cou.

- J'imagine que vous savez que l'ensemble de la population ici présente est masculine ? Je me contente d'hocher la tête, j'ai soudainement la gorge sèche. Dans ce cas je vous souhaite une bonne journée Mademoiselle Castille. Il me tend une main que je saisie puis reprend son chemin.

Dans mon dos je l'entends marmonner quelque chose comme « j'espère que les grilles seront assez solide... Foutus jupe.... Jambes interminables »

Sans attendre mon reste je me précipite vers la salle où se trouve Mathias, c'est paradoxal et complément fou mais je me sens plus en sécurité dans la même pièce que lui que dans ce couloir désert.

*


- Je vois que tu m'as écouté. Me dit Monsieur Kalingo en guise de salutation.
- Je te plais ? Je lui demande en faisant un tour sur moi même.
- Hè bè se j'aurais su je me serais mis à la religion moi. Il commence à marmonner. Tu es magnifique ! Et je l'ai vu ce matin. Il termine en me fixant du regard.
- Et ? J'essaie de ne rien faire transparaître mais au fond de moi je fais la danse de la victoire.
- Que crois tu que j'insinue? Il me demande alors que je me décide enfin à prendre place en face de lui.
Je sourie sans lui répondre, je ne veux pas lui répondre en fait.
- Bon de quoi parlons nous aujourd'hui ?
- Comment a réagit ta famille ?
- C'est à dire?
- Quand tu es arrivé il y a quelques semaines engoncé dans tes vêtements de bonne fille de famille jamais je ne t'aurais crue capable d'une telle prouesse. Mais il a suffit que tu ouvre la bouche pour que je comprenne qui tu es vraiment.
- Et qui suis-je ?
Je lui demande en le coupant, car je ne le sais toujours pas moi même, autre constat vraiment pitoyable.
- Tu es Jeanne, celle que j'ai en face de moi aujourd'hui est la vraie Jeanne.
- Que fais tu de la Jeanne des premiers temps?
- Ne m'en veux pas gamine, mais je préfère l'oublier.
Je fronce les sourcils à la fois vexée et curieuse, peut être un peu trop curieuse d'ailleurs. Celle d'avant n'était qu'une coquille vide, juste un moule sans âme façonne par j'sais pas trop qui pour entrer dans les idéaux de culs bénis.
Je sourie une nouvelle fois dans lui répondre car il n'a pas tord.

- Soit tu as un bon sens de l'observation, soit je suis transparente à souhait.
Il se met à rire de son rire brutal qui résonne dans toute la pièce.
- Qui sait ? Tu ne m'as toujours pas répondu.
- Ma petite sœur aime beaucoup
. Je me contente de lui répondre.
- Elle n'a pas tord.

Un long silence sen suit, nous nous regardons sans décrocher un mot, j'ai l'impression qu'il meurt d'envie d'en savoir plus, mais je me vois mal lui confier mes ennuies alors que lui est ici.

Je trouve ça déplacé.

- Un jour gamine tu te livreras. Il me dit sur de lui.

« Gamine» dans sa bouche sonne presque comme une marque d'affection, en tout cas il ne me dérange pas.

Pour ne pas changer, nous avons parlé bien plus longtemps que notre heure initiale.

Quand la poignée se tourne je sais que c'est Arthur. Je me lève et lisse ma jupe.

- Tu es parfaite gamine laisse la dont tranquille. Me siffle le détenu avec un sourire frôlant dangereusement l'indécence.

- Jeanne. Sa voix résonne dans cette minuscule pièce et se répercute dans tous mon corps.

Je me tourne lentement vers lui et me confronte à son regard.

Ses yeux papillonnent, jamais son regard ne se fixe, d'abord ma jupe puis mon haut ensuite mes jambes et enfin mon visage. Puis il recommence.

C'est le rire de Mathias qui nous fait sursauter et nous ramène à la réalité.


Sans un mot, non pas que je n'en ai pas envie mais je ne sais pas quoi dire, je passe devant lui et l'attend le temps qu'il ferme la porte.

- Je dois dire que tu es vraiment très jolie. Il bafouille en avançant vers la seconde salle ou je dois me rendre.
Ma bête intérieur danse la rumba et scande des propos si indécent que je rougis sans peine.
- Merci. Je parviens à dire sans m'étouffer. Honnêtement c'est un exploit.
- Je vais devoir te garder à l'œil maintenant.
- C'est à dire ?
Je lui demande pique par la curiosité, un peu mal saine.
- Tu ... Enfin je... Non toi, tu .... Enfin... Bégaie t'il en se grattant la nuque, quand je me tourne vers lui il est aussi rouge que moi et ce constat me fait rire.
Nous ne valons pas mieux l'un que l'autre.

Il me rejoint, je me rends enfin compte que nous n'avons plus fais un seul pas depuis quelques minutes.

- Ça te dirait d'aller boire un verre un jour ? Tu n'es pas obligé d'accepter ! Il rajoute avec précipitation si bien que cela me fait sourire.
- Ce serait un vrai plaisirs. Je m'entends lui répondre, honnêtement ce sera un vrai plaisirs.

Il me sourit de toutes ses dents et m'ouvre la seconde porte, le temps que je la passe nous ne nous lâchons pas du regard.

- Je serais la dans une heure. Encore une fois cela sonne comme un rendez-vous. Un délicieux rendez-vous.


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