XIX


Je n'ai l'impression de vivre que pour ces moments, emmener Lucie à l'école, échanger des messages avec mon frère, parler avec Mathias et Caym et attendre le joli gardien sur le parking du pénitencier.

*

Seigneur, Dieu.

Comment suis-je passé de ça à ..... Ça?

Comment un moment de pure grâce, de félicité à l'état pur, de joie brut suis-je passé à ça ?

Expliquez moi comment cette fièvre, cette envie, ce besoin, ces rires ont mutés à un état de rage et de profond désarrois ?

Vous qui savez tout, expliquez moi ce maudis changement. Éclairez ma barque, je vous en conjure, je ne réponds plus de rien. Je suis proche de l'implosion.

Je brûle d'une colère digne de la fournaise de Satan, la colère que dis-je ! La haine ! Oui, une haine, violente, froide, sauvage, destructrice ronge mon être. Me consume, me transforme.

Je me hais, je hais ce monde, cette idéologie, ces moutons, cet univers !

Dieu que je vous hais !


Et eux aussi, je les hais, les maudis jusqu'à la moelle. Ces deux être fourbes et ville qui se pavanent tout sourire en ce dimanche midi.


Dieu, que je vous hais!


Ils sont là à se faire féliciter, pendant que je me laisse ronger, avec plaisirs, par ma bête noir, je succombe de bonne grâce à une noirceur que je ne me connaissais pas, pourtant elle cohabite depuis toujours en moi.

Je ne suis pas une oie blanche, je suis le vilain petit canard, celui-là même qui crève d'envie de commette un meurtre au paradis.

Je crève d'envie de verser le sang sur les marches blanches d'un hypothétique paradis immaculé.

Un sang d'un rouge profond, épais et visqueux qui souillera à jamais la demeure du grand patron.


Dieu, que je vous hais!

Comment avez vous pu laisser faire ça! Complice, vous êtes complice! Vous comme eux! Vous me sacrifiez sur la place publique de l'hôtel de ville pour la grandeur de notre nom ! Maudis sois-tu ignoble menteur !

Comment es-ce qu'en deux jours une vie peu basculer ainsi ? Je sens encore son odeur, je sens encore sa main dans la mienne, et son regard ... Il pétille encore devant moi, quel bonheur. Sa tendresse, sa force, Dieu que je me sens belle à ses côtés, belle et forte, femme et jeune femme, amie et amante !


Je le sens vivante avec lui, vivante et heureuse.


Invincible.


Ce brouhaha mal saint m'arrache à mon nuage voluptueux. Ma rage boue de nouveau en moi. Je n'ai plus rien, je suis anéanti, vidé.

Seule.


Ils se font encore féliciter, l'autre aussi. Fière comme un pape il se pavane et dit à qui veux l'entendre que c'est un homme heureux, que je suis la femme de sa vie.


Menteur... Salle menteur ! Sois maudis sombre crétin. Enfoiré...


Lui non plus ne veux pas m'épouser et pour cause ! On se méprise, le mépris est bien la seule chose que nous avons en commun et pourtant cette maudite date à été avancé !

Ma sentence, ma peine de mort, car pour moi c'est ce qu'il va se passer! Une mort lente et atroce.

Je vais changer de nom quinze jours avant ma majorité sois quinze jours après la fin de mon stage. Je suis persuadé que l'homme au nom d'archange me passe un message, il me fait comprendre que quoi que je fasse je ne suis rien, qu'une simple brebis bonne à suivre le troupeau.

Dieu, que je rage. J'en tremble même, mais je ne fais rien. Je reste stoïque face aux trop nombreuses félicitations.

Bandes d'idiots qui ne jurent que par l'apparence.

Je ne jouerais pas le rôle du paraître, je n'exploserais pas non plus, je reste là, sans bouger ne répondant pas, ne regardant personnes . Je reste ainsi et j intériorise absolument tout, je nourrie la bête sauvage tapis au fond de moi.

Je la gave.

Je ne m'autorise que cette indifférence, celle-là même qui la rend folle d'une rage sournoise. Cette fausse femme qui m'a mise au monde. Brigide, femme soumise et sans personnalité mais au combien fausse et manipulatrice.

Du coin de l'œil je la vois m'observer, j'ai envie de lui hurler quelle femme pathétique elle est, combien je peux la haïr en ce moment, ho que oui je te hais pauvre femme.

Mais je suis guidé par autre chose, quelque chose de plus fort, de plus mesquin, plus violent. Je plante mon regard sur elle et lui sourie, pas un sourire jovial non un rictus plein de hargne et de ressentiments. Celui-là même que je vois chaque jour dans la cours des détenues.

Elle réprime un frisson et écoute le babillage d'un mouton au cerveau atrophié.

Son époux, homme beaucoup trop curieux pour que cela soit correcte, se place à mes côtés une main sur mon épaule et répond, plus souriant que jamais, a je ne sais qui.

Je ne donne pas le change.

Pour sauver les apparences il plaide la pudeur. Menteur ! Je ne suis pas pudique, j'aime que l'on me regarde que l'on parle de moi.

La pression de sa main sur mon corps m'étouffe, je m'écarte de lui sans me fier aux regards surpris. De l'aire, il me faut de l'aire.

Vantez mon nom tel un apôtre bande de moutons ! Non pas que ma vie mérite tant de louange, mais au moins je ne serais pas comme tout le monde ! Je suis sûr que je serais une sainte liberté parfaite tant elle me manque cruellement en cet instant de disgrâce.

Monsieur Rachitique se colle d'un peu trop près à moi. Je ne supporte pas sa présence. Je n'aime pas son odeur, ses yeux, ses mains.


Dieu que je le hais !


J'aurai dû céder à la tentation, j'aurai pu embrasser Arthur, je suis sur que j'aurai adoré ça. Mais non je me suis dis " un peu de retenue que Diable". Je le regrette amèrement.

J'aurai du, j'en mourrais d'envie, j'en ai encore envie. Il me suffit de penser à lui pour qu'un sourire éclaire mon visage. Mais je m'y refuse. Non! Je ne me laisserais pas aller à ce doux souvenir pas ici ! Pas avec eux ! Il est hors de question que ces crétins pensent que ce sourire est pour eux.

" Puis-je avoir votre attention? Merci, merci. J'ai l'immense honneur de vous annoncé que les noces de ma fille Jeanne Castille et Andy Wallas sont avancées! "

Ses mots et les congratulations qui ont suivies, résonnent encore dans cette pièce.


Dieu que je vous hais !

Ces mots survivent encore dans l'aire putride de cette vieille maison, tout, je dis bien tout le monde est venus nous souhaiter leurs meilleurs vœux et j'en passe, je ne me suis pas déridé une seule seconde.

Je ne leur ai répondu que par un regard expriment un profond dégoût.

- Jeanne ! Que je vous envie ! J'ose vous imaginer au comble du bonheur ! S'exclame la quelconque en sautillant vers moi.

- Grand bien vous fasse de le croire. Je grogne en la toisant.

Brigide, qui n'est jamais loin, s'interpose et emmène la pauvre idiote loin de moi, non sans me jeter un regard noir.

- Grand bien te fasse. Elle sait que c'est quelque mots sont pour elle, son regard qui s'agrandit, la surprise qui se lit dans ses yeux, la colère qui déforme ses traits ne font que garnir le buffet de la bête sauvage tapis au fond de moi.

Ma petite sœur est la seule assez courageuse pour m'approcher, ce petit bout d'être humain me capture la main et me la serre aussi fort qu'elle le peut.

Cette douleur, aussi petite soit elle, est mon rempare contre la folie qui me guette.

*

Aucun mots ne sont prononcés que ce soit dans la berline noir où chez eux.
Cette battisse qui a vu naître mes premiers pas, connu de grands fracas et qui couve nos petits secrets m'est inconnue. Elle n'a plus cette aura réconfortante en fait, elle me fait presque peur. Peur, parce qu'au final personne ne sait vraiment ce qu'il se passe en son sein, personne n'a conscience des drames qui se sont joués ici, ni de la colère ni des rancœurs qui font, maintenant office de ciment.

Je ne suis plus chez moi ici, si bien sur je pars du principe qu'un jour ce fût chez moi.

Sans aucune forme de politesse je me réfugie dans ma chambre. Une fois seule je ne sais pas quoi faire, je tourne sur moi-même. Le son de ma porte qui s'ouvre me fait de nouveau tourner sur moi-même.

Lucie, se tient dans l'encadrement de la porte, son tee-shirt gonflé de multitude de cochonneries. Elle se contente de hausser les épaules avec un petit air contrit. Je la prends dans mes bras, faisant tomber au passage nos douceurs sucrées.

- Ce n'est pas de ta faute. Je lui murmure tout en la berçant. Ce n'est rien. J'ajoute en sentant ma gorge se serrer.

- S'il te plait ne te marie pas avec lui. Ses petits yeux suppliant manquent de me faire craquer. Mais je en le dois pas, pas devant elle, alors je prends une grande inspiration et sers les dents.

- Tout ira bien.

Je ne peux que lui mentir. Je me hais.

Après avoir absolument tout finit, elle repart dans sa chambre. Nous n'en n'avons plus parlé, c'est bien trop douloureux pour toutes les deux.

*

La vibration de mon portable me sort de mon état second avec un sursaut. Mes pensées ont très largement dérivé vers mon avenir.

Je me voyais en tant que Madame Wallas, me mourant jours après jours. Dans cette vision apocalyptique de ma vie, quelques enfants couraient autours de moi et je ne pouvais me résoudre à les aimer entièrement, ils n'ont pas été conçus dans le plus grand amour. En fait, tout cela est de sa faute, c'est à cause de lui si je ne serais jamais heureuse, encore de sa faute, toujours de sa faute...

Je manque de courage, je ne suis qu'une lâche.

" Lucie m'a dit ... Je viens te voir demain à 13h devant le pénitencier, nous allons trouver une solution. Ne t'inquiète pas"

Le message de mon frère fait renaître la boule dans ma gorge, je lève les yeux au ciel pour juguler mes larmes.

Demain je verrais donc Christophe, un sourire s'accroche sur mon visage. Je me mords l'intérieur de la joue a sang pour m'empêcher de fondre en larme.

Une autre réalité me fait me redresser sur mon lit, demain nous serons lundi. Je le reverrais. Une douleur atroce me perce l'estomac, je me précipite dans la salle de bain pour vider son contenue. C'est bien trop douloureux, bien trop affreux.

Dieu que je vous hais !

Il va venir à moi souriant, les yeux pétillant, et moi je ne peux plus lui rendre tout ceci. Je suis promise à un autre. Je n'ai plus le droit de flirter avec lui, de le regarder, de le désirer ! Jamais plus je ne capturerais ses doigts, je ne m'appuierais plus contre son épaule, je ne me gaverais plus de son odeur, ses yeux rieurs ne se poseront plus jamais sur moi...

Je manque d'aire, j'étouffe. Je porte mes deux mains contre ma poitrine et serre mes yeux de toutes mes forces. Son image se dessine sous mes paupières, il me dit qu'il veut me connaitre, que je vaux le coup et qu'il est temps de passer à notre plat principal. A cet instant cela me fait sourire, puis je grimace, en effet je ne connaîtrais jamais la douceur de ce second rendez-vous.

Mes deux mains migrent sur ma bouche, ces dernières étouffent une plainte, de grosse larmes bouillantes roulent sur mes joues. Je ne peux pas, je ne le veux pas !

J'ai besoin d'être libre, je veux pouvoir être maître de mes choix, Et je le veux lui ! Une nouvelle plainte, s'échappe de ma bouche. Plus forte, plus désespérée.

Je fais donc la seule chose que je sais faire. Je me mets à genoux face a mon lit, pose mes coudes sur mon matelas, joins mes poings et ferme les yeux.

C'est dans le plus grand silence que je commence à prier Sainte Rita, Patronne des causes perdues, avocate des causes désespérées.

"Sainte Rita, le Père du ciel vous a donné la grâce de pouvoir faire des miracles.Ecoutez-moi, qui souffre tant.Je suis fatigué et sans espoir.Mais je sais que vous entendez ma plainte.Sainte Rita, venez à mon aide, venez à mon secours.N'êtes-vous pas la « sainte des impossibles », « l'avocate des causes désespérées » ?Alors pourquoi aurais-je peur ?C'est en toute confiance que je m'adresse à vous.Priez pour moi le Dieu de toute bonté de m'accorder la grâce dont j'ai besoin et que j'espère.Sainte Rita, priez pour moi et venez à mon secours. Amen."

- S'il vous plait, Sainte Rita, Sainte des cause perdues et désespérées, je vous en conjure écoutez ma plainte. S'il vous plait, s'il vous plait, s'il vous plait donnez-moi une chance, une infime chance d'être actrice de ma vie. Je termine à voix haute en serrant plus fort que jamais mes mains.

*

Mes yeux fixent toujours le plafond, seule la lune est témoin de mes tourments nocturne. Dans une poignée d'heure je vais le perdre, je vais le perdre car je vais avouer a Arthur ce qu'il s'est passé et ce qu'il va se passer. Je le lui dois, il est bien trop gentil, trop vrai, pour que je lui cache cette infamie. Et je l'estime bien trop aussi. De nouvelles larmes glissent sur mon visage. Moi qui me suis tant interdit de pleurée me voila incapable de faire autrement.

Dieu, vous avez troqué votre robe blanche contre une rouge. Je vous hais. Soyez maudis.



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