Chapitre 11
Did you lose what won't return?
Did you love but never learn?
The fire's out but still it burns
And no one cares, there's no one there
Azura n'était jamais entré dans un commissariat auparavant. Il s'attendait à plus impressionnant. Vu de l'extérieur, le bâtiment à un étage pourrait tout aussi bien être confondu avec une habitation ordinaire si, par-dessus l'entrée, de minuscules lettres n'indiquaient pas bureau de police. L'intérieur ne lui fait pas beaucoup plus d'effet. Le trio s'engage dans une entrée grise, parée de deux plantes artificielles identiques, jusqu'à rencontrer la jeune femme assise de l'autre côté du comptoir d'accueil. Ses yeux bleu clair sont si écarquillés qu'ils paraissent sur le point de lui sortir des orbites.
« Bonjour, les salue-t-elle un peu plus fort que nécessaire. C'est pour une déposition ?
- Non, répond Morgane. On vient voir Tori Fairfield. Vous pouvez le contacter ? »
Le regard presque transparent de la jeune femme soutient tour à tour celui des trois adolescents.
« Dans quel but ? demande-t-elle.
- Il comprendra, lui assure Azura. Vous pouvez le faire ? S'il vous plaît ? »
Le garçon s'oblige à battre des cils. Peu émue malgré son air affolé, la jeune femme s'accorde un moment de réflexion avant de hausser les épaules et de s'emparer du téléphone fixe avoisinant l'ordinateur sur lequel elle pianotait à leur arrivée. Azura soupire, soulagé. Il rejoint ses amis sur les chaises en plastique près des plantes sans s'y asseoir, trop impatient pour s'empêcher de tourner en rond.
« Vous croyez que ça va bien se passer ? » s'inquiète Gaël.
Azura s'immobilise pour baisser un regard interrogateur sur l'autre garçon.
« Pourquoi ça se passerait mal ? Même s'il nous dit pas tout ce qu'on veut entendre, je l'imagine pas nous agresser ou nous mettre dehors.
- Il est enquêteur, lui rappelle Gaël. Il a déjà dû envisager toutes les pistes concernant le décès de sa mère. Je serais pas ravi, à sa place, si une bande d'adolescents se pointait devant moi en prétendant pouvoir mieux faire.
- Mais on doit essayer, intervient Morgane. La police a pas avancé en quatre ans. Et puis, je doute que la mort de Jefferson leur apprenne quoi que ce soit. Alors au point où ils en sont ... »
Azura hoche la tête pour soutenir son point de vue. L'enquête est au point mort ; pourquoi empêcheraient-ils d'autres de la faire avancer ? De toute façon, ils ne sauront pas avant d'avoir essayé.
Tori ne revient pas seul au commissariat. Il pousse la double-porte d'un coup d'épaule, une main dans la poche et l'autre occupée par un gobelet en plastique, et la laisse retomber sur la personne qui lui fait suite sans chercher à la retenir. Celle-ci l'arrête et poursuit sa route comme si de rien n'était.
« Vous avez bien un commentaire à faire sur la mort de monsieur Jefferson, non ? fait une voix insupportablement familière. La police a déjà entièrement perdu la confiance de la ville, vous savez ? Vous ne risquez pas de la regagner en prêtant la sourde oreille aux questions du peuple. »
Azura se redresse de la chaise sur laquelle il a fini par s'asseoir avec de grands yeux. Collée au détective comme si elle cherchait à aspirer son oxygène, la Fouine le remarque au même moment. Sa bouche se déchire en un sourire carnassier.
« Azura ! fait-elle tandis que, d'un signe de tête silencieux, Tori demande à la jeune femme qui les a accueillis de la faire disparaître au plus vite. Toi, ici ? Quelle coïncidence, dis donc !
- Vous ... »
Il cille sans savoir quoi dire d'autre. Que la Fouine harcèle les détectives chargés de l'enquête a du sens (qu'elle choisisse de s'acharner sur ce pauvre Tori en a encore plus), mais il ne s'attendait pas à croiser sa route aujourd'hui.
« Attendez ! lance-t-il alors que la femme aux yeux écarquillés se prépare à l'escorter hors du bâtiment. Vous savez quelque chose sur Jefferson ? »
Prise au dépourvu par sa question, la Fouine reste interdite un instant avant d'éclater de rire. Tori et sa collègue s'échangent un regard incrédule.
« Si je savais quelque chose sur Jefferson, tu penses que je serais ici ? Tu dois encore affiner ton sens de la déduction, mon chou.
- Et la date de son enterrement ? tente-t-il tout de même. Vous la connaissez, non ? Je suis sûr que vous la connaissez.
- Peut-être, mais qu'est-ce que tu as pour moi en échange ? »
Penaud, Azura baisse les yeux. Il n'a pas la moindre information à lui donner et, même dans le cas contraire, n'éprouverait aucune envie de trahir sa tante.
« C'est bien ce que je pensais, ricane la Fouine.
- Perds pas ton temps avec elle, Azu, intervient Gaël. Je la trouverai moi-même. »
Surpris, Azura relève la tête pour trouver son ami debout à ses côtés. Il fusille tant la Fouine du regard que celle-ci s'effondrerait morte s'il en avait le pouvoir.
« Oh ... le petit Whitefeather, dit la Fouine sans se départir de son sourire. Et est-ce que c'est mademoiselle Delacroix que je vois derrière vous ? Tu en as des contacts intéressants, dis-moi.
- Bon, ça suffit ces conneries, s'impatiente Tori. Jamie, sors-la de là et la lâche pas des yeux avant qu'elle quitte le quartier. »
La jeune standardiste hoche sérieusement la tête avant de saisir la Fouine par les épaules. À l'étonnement général, celle-ci se laisse emmener sans protestation. Elle se retourne juste avant de franchir la porte pour adresser à Azura un sourire qui lui fait froid dans le dos.
« On peut dire qu'elle sort les poubelles, non ? remarque Tori avant de pivoter vers les adolescents. Alors, les jeunes, qu'est-ce que vous me voulez ? Vous avez des infos ? »
Il glisse la paille de son gobelet entre ses lèvres, l'air pas plus intéressé que ça. Muette depuis l'arrivée de la Fouine, Morgane quitte à son tour le siège où elle était assise.
« Y a un endroit où on pourrait parler tranquillement ? demande-t-elle. On préférerait éviter d'être entendus.
- Ah ? Y a toujours ... Ouais, suivez-moi. »
Ils s'engagent à sa suite et dépasse quelques bureaux vacants pour s'enfermer dans une petite pièce seulement munie d'une table, de deux chaises et d'un poste de télévision tellement antique que même la grand-mère de Morgane doit avoir connu mieux. Une salle d'interrogatoire ? Azura frissonne. Cette fois, il a vraiment l'impression d'être au cœur de l'action.
« Alors ? fait Tori en fermant la porte. Qu'est-ce que c'est que cette info super secrète que vous voulez confier qu'à moi ? »
Les trois adolescents se dévisagent tour à tour, chacun suppliant les autres de prendre la parole en premier. Puisqu'elle est celui qui le connaît le mieux, Morgane finit par se dévouer.
« On est allés voir Jefferson le jour de sa mort, annonce-t-elle sans plus de cérémonie. On avait du temps devant nous et on pensait qu'il savait peut-être quelque chose sur ce qui se passe à Sunnyside. Je crois qu'il était sur le point de craquer quand quelqu'un d'autre est arrivé. »
Adossé à la porte, Tori écarquille les yeux. La jeune fille n'y est pas allée par quatre chemins.
« On nous a dit que des lycéens avaient été aperçus sur place, confirme-t-il. Bien sûr qu'il fallait que ce soit vous. À quoi vous jouez ? Vous vous appropriez le travail de la police.
- La police stagne depuis quatre ans, soulève Azura. Vous deviez vous douter que quelqu'un d'autre chercherait à prendre la situation en main.
- Même la police d'État et le FBI vous ont laissés tomber, renchérit Morgane.
- Et vous voulez quoi, un cookie pour avoir essayé de nous aider ? Vous êtes complètement inconscients, ma parole. »
Tori s'interrompt pour poser son gobelet vide sur la table. Il a beau se donner des airs, Azura ne peut s'empêcher de trouver qu'il ne semble pas plus en colère que ça.
« Je suppose que vous avez eu cette idée concernant Jefferson à cause de son poste, poursuit le détective. Il connaissait pas la victime qui lui a laissé, ils se sont même jamais rencontrés. Y a aucune chance qu'il ait pu l'empoisonner ou autre à moins d'avoir fait appel à un troisième parti, ce qu'on serait bien en peine de prouver même si c'était le cas.
- Vous aviez déjà vérifié ?
- Incroyable, hein ? C'est presque comme si c'était notre travail. »
Azura rougit, honteux de sa question. Tout serait plus simple s'ils pouvaient lui confier qu'il ne s'agit pas d'un poison, mais qui croirait à un truc pareil ?
« Vous dites qu'il était sur le point de craquer avant de vous mettre dehors. Qu'est-ce qui vous fait penser ça ? demande tout de même Tori.
- Parler des morts subites l'a mis mal à l'aise, répond simplement Gaël.
- Comme tout le monde, soupire son interlocuteur. Vous pouvez pas tirer des conclusions à partir d'éléments aussi légers.
- Mais il est mort juste après, complète Morgane. Ça veut dire que le tueur avait peur qu'il parle, non ? Ça veut dire qu'il savait quelque chose. »
Tori les dévisage attentivement. Azura sent son assurance diminuer peu à peu. Avec le recul, il aurait dû se douter que leur entretien se passerait ainsi.
« Ou alors, il a été visé pour les mêmes raisons incompréhensibles que tous les autres. Si Jefferson avait quelque chose à se reprocher, on finira par le découvrir de toute façon. Arrêtez de jouer aux détectives et rentrez chez vous.
- Attends, fait Morgane en le voyant se préparer à ouvrir la porte. S'il te plaît. »
Il hésite, mais le ton désespéré de la jeune fille a raison de lui. Avec un soupir, Tori s'adosse de nouveau à la porte.
« Ils ont tué ma mère, poursuit Morgane. Et ... on sait qu'ils ont tué la tienne aussi. S'il te plaît, aide-nous. On finira par trouver les informations qu'on cherche d'une façon ou d'une autre, mais ... »
La mine confuse du détective les prend par surprise. Il les dévisage sans comprendre, les mains dans les poches, les sourcils froncés.
« Ma mère ? Vous parlez de Miriam ?
- Vous appelez votre mère par son prénom ? s'étonne Gaël.
- C'était pas ma mère. Juste une ... »
Il s'interrompt pour sonder le vide un instant.
« Juste ma belle-mère.
- Oh, fait Azura. Et, euh, la vraie ...
- Au Paradis. »
Le garçon se pince les lèvres. Il aurait mieux fait de s'abstenir.
« Tu connais quelqu'un qui aurait pu lui en vouloir ? À Miriam ? poursuit Morgane sans se démonter.
- J'étais pas très impliqué dans sa vie, mais non. Elle était normale, vous voyez ? Elle faisait son travail normalement, rentrait à la maison normalement ... grimpait sur mon père normalement. Vous voulez les détails ? »
Cette fois, le visage d'Azura vire au rouge écrevisse. Tori doit chercher à se débarrasser d'eux.
« Elle connaissait Jefferson ? continue Gaël malgré tout. Ou quelqu'un qui s'appelle Dickson ? Ou elle avait peut-être un lien quelconque avec l'usine de teinture ?
- Pas à ma connaissance. Dickson, c'est le prof qui a interrompu votre discussion avec Jefferson ?
- Vous êtes déjà au courant ?
- Il est venu nous trouver de lui-même. Vous pensez qu'un coupable ferait ça ? Laissez tomber, ajoute-t-il avant qu'Azura puisse lui répondre. Je sais très bien que vous le soupçonnez d'être à l'origine de tout. Y a pas besoin d'être un génie pour le comprendre.
- Et vous, vous en pensez quoi ? s'enquiert Gaël.
- La même chose que d'habitude. Il est l'une des dernières personnes à avoir vu Jefferson en vie, alors on va l'interroger et le garder à l'œil comme on l'a fait pour tous les autres jusqu'ici ... et probablement rien découvrir. Ce qui veut dire, s'exclame-t-il en tapant dans ses mains sans les sortir de ses poches, que j'ai beaucoup de travail qui m'attend et que vous me faites perdre un temps précieux ! Vous voudriez pas être arrêtés pour obstruction à la justice, hein ? »
Il ouvre la porte sans attendre leur réponse et les invite à sortir d'un geste du bras. Les deux garçons s'exécutent, penauds, mais Morgane ne lâche rien. Elle s'arrête devant le détective et plante son regard dans le sien (ce qui l'oblige à peine à lever la tête).
« On a juste une dernière question, murmure-t-elle. Tori, s'il te plaît.
- Si j'y réponds, ça me donne le droit de me débarrasser de vous par la force ?
- Promis.
- Alors allez-y.
- Les victimes, elles se connaissaient entre elles ? »
Tori prend un instant pour réfléchir. Au final, il hausse une épaule.
« À part peut-être une ou deux, non. C'est bien pour ça qu'on galère autant. »
Tori les accompagne jusqu'à l'entrée du commissariat comme pour s'assurer qu'ils la franchiront bien. Morgane lui adresse un signe de la main là où Gaël se contente de le saluer poliment avant de s'éclipser. Quant à Azura, encore tiraillé par sa maladresse, il s'arrête devant le détective pour bafouiller :
« Je suis désolé, pour votre mère. »
Les yeux vert d'eau croisent un instant les siens avant que leur propriétaire soit traversé d'un bref éclat de rire - un rire sec, presque nerveux, qui le prend jusqu'à l'estomac. Azura ne sait plus où se mettre.
« C'est la première fois qu'on me dit ça. T'inquiète, va, je me suis remis depuis longtemps. »
Il s'essuie le coin d'un œil avant d'adresser un sourire en coin au garçon. En comprenant qu'il ne se moquait pas de lui, celui-ci se détend.
« Vous êtes sûr de pas vouloir nous aider à résoudre l'enquête ? lance-t-il. Jack serait fier.
- Il me ferait virer. T'as de la chance de le connaître assez mal pour croire l'inverse.
- Ouais. J'espère que ça restera comme ça.
- Si tu tiens tes amis en laisse, devrait pas y avoir de risque.
- Je ferai de mon mieux. Et, euh ... vous allez dire à vos collègues qu'on est passés ici ?
- Tu préfères que je garde le secret, hein ? Compte sur moi. »
Tori lui adresse un clin d'œil qu'Azura ne sait pas comment interpréter. Il rosit, tête basse, et manque de se prendre les pieds dans les marches menant à la porte d'entrée. Par chance, Gaël et Morgane ne le remarquent pas.
« On s'est pris un vent, résume la jeune fille en flânant dans la rue. J'avoue que je le pensais pas assez responsable pour nous dire d'arrêter l'enquête.
- La piste de Miriam nous aurait certainement menés nulle part de toute façon, dit Gaël en se frottant le menton. Elle est morte depuis des années. S'il y avait quelque chose à découvrir, la police l'aurait fait depuis longtemps.
- Il nous reste toujours celle de Stefan. »
Les amis d'Azura hochent la tête. Ils ne peuvent pas se reposer maintenant.
Par chance, la mise en terre de Jefferson a lieu jeudi midi. Gaël leur déniche la date comme promis ; Azura ne sait pas trop comment mais, dans une situation aussi désespérée que la leur, se passe bien de lui poser la question.
Ils observent la scène les bras croisés, séparés du petit groupe de personnes par plusieurs mètres. Azura avise une des étudiantes de l'autre fois en pleurs près du cercueil. Sa tristesse le met hors de lui. Est-ce qu'elle le regretterait seulement, si elle savait qui il était ? Ce qu'il a fait ?
Il secoue la tête pour en chasser ces pensées et mieux se concentrer sur les visages. Hormis la fille à queue de cheval, il ne reconnaît personne. Seuls quelques élèves (enfin, il suppose qu'il s'agit d'élèves) et autant de collègues écoutent les paroles du religieux. Il détache les yeux de la scène pour les poser sur ses amis, qu'il trouve serrés l'un contre l'autre comme pour se protéger du froid.
« Ça va ? s'inquiète-t-il.
- Ouais. On n'aime pas beaucoup cet endroit, c'est tout. »
Aux paroles de Morgane, Azura pâlit. Quel crétin. Leurs parents doivent se trouver ici, quelque part dans les dédales de pierre. Pas étonnant qu'ils aient été si réticents à l'accompagner.
« On devrait y aller. T'avais raison, ajoute-t-il à l'intention de Gaël, on trouvera rien ici. C'était une idée pourrie.
- Au contraire. Vous avez pas l'impression qu'il manque quelqu'un ?
- Tu veux dire monsieur Dickson ? Si, approuve Morgane.
- Qu'est-ce que vous faites là, vous trois ? »
Ils se retournent dans un sursaut. Monsieur Dickson en personne, vêtu d'un costume noir et les cheveux gominés, vient d'apparaître derrière eux comme si prononcer son nom suffisait à l'invoquer. Leurs yeux écarquillés et leur bouche entrouverte doivent l'interpeller, car il ajoute :
« Vous avez vu un fantôme ou quoi ? Retournez en cours. Vous n'avez rien à faire ici.
- On est venus lui rendre hommage, se défend Morgane. Rien nous empêche de sortir de l'enceinte du lycée pendant nos pauses.
- C'était notre ami aussi, ajoute Gaël, bien que ces mots emplissent sa bouche d'un goût acide. On a tous le droit d'être là. »
Le rire bref de Dickson est semblable à un aboiement. Surpris, les adolescents se murent dans le silence. Le décès de Jefferson ne semble pas l'affecter le moins du monde.
« Jefferson n'était pas mon ami, dit-il, confirmant leurs soupçons. C'était un imbécile, un monstre séducteur de petites gamines, pédant comme pas deux et dépourvu de toute passion pour son travail. Ceux qui le pleurent ne connaissaient de lui que ce qu'il voulait bien leur montrer. »
Gaël décroise les bras. Il dévisage l'homme avec intérêt, mais Azura ne saurait pas deviner à quoi il pense.
« Pourquoi être venu, alors ? lui demande-t-il.
- Parce que je le devais. Vous comprendrez quand vous serez plus âgés. Maintenant, si vous voulez bien ... »
Ils s'écartent pour le laisser passer. Dickson ne fait que trois pas avant de se tourner à nouveau vers eux.
« Je vous le dis parce que vous m'êtes sympathiques. La police a l'intention de vous interroger bientôt. Ils vont vous convoquer pendant les cours en pensant vous prendre par surprise.
- La police ? répète Azura pour la forme. Pourquoi ?
- Parce que vous et moi faisons partie des dernières personnes à avoir vu Jefferson en vie. Ne me dîtes pas que vous l'ignoriez ? »
Les trois adolescents s'échangent un regard entendu. Tori l'avait plus ou moins laissé entendre ; ils se préparaient à l'éventualité d'être interrogés.
« Soyez sages. »
Du majeur et de l'index, Dickson leur adresse un signe d'adieu. Azura le regarde s'éloigner, les yeux plissés de méfiance. Ce type ... On dirait que la situation l'amuse. Que tout ça n'est qu'un divertissement à ses yeux. Que faisait-il vraiment, l'autre soir ?
Ils sortent du cimetière, chacun réfléchissant aux mêmes questions sans les formuler, chacun se rapprochant des autres pour se rassurer. Gaël est le premier à reprendre la parole.
« Vous avez entendu ça ? J'étais pas le seul. J'arrive pas à y croire ... Quel enfoiré.
- Monsieur Dickson parlait de petites gamines ... songe Morgane, confuse.
- Il a jamais dû me voir autrement, au final. »
La jeune fille penche la tête sans comprendre. Gêné, craintif, Gaël joue avec ses cheveux pour se donner contenance.
« Je ... je suis trans. Au cas où tu l'avais pas deviné à mes nichons et ma voix qui déraille.
- Oh ! Non, j'avais rien remarqué. Pourtant je suis plutôt douée quand il s'agit de nichons. »
Gaël avale de travers et manque de s'étouffer. Azura suit l'échange avec un sourire en coin. Jamais eu grand chose à cacher, se rappelle-t-il avec affection.
« Merci de me l'avoir dit, reprend Morgane plus sérieusement. Je suis lesbienne.
- J'avais cru comprendre.
- Et je suis bi, intervient Azura. Vous le saviez déjà mais je voulais profiter de l'occasion pour vous le rappeler.
- On a encore le temps avant de devoir retourner en cours. On va à la pizzeria se partager un truc ? propose Morgane, un bras rassurant lancé autour des épaules de Gaël. Je vous invite. On pourra reparler de Dickson en même temps. »
Cherry revient d'entre les morts ce week-end-ci (le dernier avant les vacances). Elle franchit l'entrée de la Petite Sirène samedi après-midi, seule et deux fois plus couverte que d'habitude. Plongés dans leurs devoirs, les trois adolescents tressaillissent au son de la clochette.
« J'ai survécu, leur annonce-t-elle de sa voix traînante. J'ai raté quelque chose d'important ?
- Cherry ! l'accueille Azura. On se demandait si on allait te revoir un jour.
- Tu croyais quand même pas que j'allais vous laisser partir à Devil's Rock sans moi ? »
Elle tire un tabouret avec son pied et s'y laisse choir en soupirant. Malgré ses propos, elle ne semble pas tout à fait remise.
« Qu'est-ce que t'avais ? s'enquiert Azura.
- T'es sérieux avec cette question ? Tu veux que je te raconte comment j'ai fait caca dans mon vomi pendant trois jours ? »
Il se pince les lèvres, honteux. Cherry pose ses mains à plat sur son visage. Sa bouche s'ouvre dans un bâillement particulièrement sonore.
« Quelqu'un me fait un chocolat chaud ? J'ai trop de flemme, là. »
Morgane est debout avant même que les autres songent à se lever. Les deux garçons la regardent s'affairer avec amusement. Soit ses devoirs la gonflent, soit voir Cherry ingérer autre chose que de l'alcool la transporte de joie.
Ils se retrouvent bientôt tous réunis autour du bar, un mug de chocolat brûlant entre les mains. Azura, Gaël et Morgane s'échangent un regard entendu. Il est temps de passer à l'action.
« Tu parlais d'un Stef, l'autre fois, commence Azura. C'était Stefan O'Malley, c'est ça ?
- J'ai fait ça ?
- Oui. Tu veux continuer d'en parler ? »
Cherry ricane sans joie. Elle contemple son mug comme elle contemple ses verres d'alcool.
« Pour quoi faire ? Ça le fera pas revenir. »
Les trois adolescents s'interrogent du regard. Est-ce qu'ils ne feraient pas mieux de lui dire la vérité ? S'il s'agissait vraiment de son mari, cette histoire la concerne autant que Morgane.
« On a mis notre nez dans l'affaire des morts subites, avoue la jeune fille. Et on l'en sortira pas avant d'avoir compris ce qui se passe dans cette ville. »
Cherry, qui s'apprêtait à prendre une gorgée de chocolat, s'immobilise le mug sous le nez. Elle contemple le vide un moment avant de le reposer.
« Vous êtes des crétins, dit-elle. Et vous allez mourir. On vous a pas prévenus ? Se mêler de ça, c'est le meilleur moyen de se suicider à Sunnyside.
- Mais ça nous concerne, se défend Azura. On a tous une raison de s'en mêler.
- Comme si ça changeait quoi que ce soit. »
Son ricanement est semblable à une grimace. Du regard, Azura implore l'aide de ses amis. Gaël se contente de hausser les épaules, mais Morgane se penche en avant sur son tabouret.
« Ils ont tué ma mère. »
À nouveau, les mains de Cherry se figent en route. Elle baisse les yeux sur le comptoir.
« Les responsables ... ils ont tué ma mère, répète l'adolescente. Abigaëlle Delacroix. Elle était en vie et assignée au cas il y a encore quelques mois. S'il te plaît, Cherry. C'est tout ce qui m'empêche de sombrer. L'espoir de la venger un jour. »
Les deux garçons dévisagent leur amie avec inquiétude. Azura la soupçonnait déjà d'avoir une motivation semblable. Il ne peut pas lui en vouloir, ni même la juger, mais il espère que Morgane réapprendra à vivre pour elle-même un jour. Le plus tôt possible.
« Qu'est-ce que vous voulez savoir ? cède Cherry après un long et pénible silence. Et surtout, en quoi ça vous aiderait ?
- S'il avait des ennemis, répond Azura. Si ... si quelqu'un avait une raison de lui en vouloir. Ça nous aidera à trouver le coupable.
- Vous savez que j'ai déjà parlé à ces enfoirés de flics ? S'ils y arrivent pas, qu'est-ce qui vous fait croire que vous pouvez ?
- Rien. Mais on n'arrêtera pas avant d'avoir essayé.
- Vous êtes vraiment des crétins. »
Elle pose son mug encore fumant sur le comptoir, hésitante. Finalement, elle soupire.
« Je vais vous dire la même chose qu'à eux, commence-t-elle. J'en sais rien. Je sais pas pourquoi on l'a visé. C'est la question que je me pose tous les jours. »
Sa voix déraille brièvement. Cherry avale une gorgée de lait comme s'il s'agissait d'un shot d'alcool. Elle soupire à nouveau ; son souffle chaud dessine un nuage de buée sur le mug.
« On n'avait pas d'argent, poursuit-elle. Pas d'ennemis et de l'influence sur personne. C'était juste un photographe, et moi ... moi, j'étais rien. J'ai jamais pu imaginer pourquoi c'est tombé sur lui. Pourquoi on a voulu me le prendre. Pourquoi j'ai pas été celle qui ... »
Elle pousse la poignée de sa tasse du bout des doigts, la faisant progressivement tourner sur elle-même. Les trois autres l'écoutent religieusement.
« C'était quelqu'un de fascinant. Drôle, cultivé, et ... vous savez, quoi, tout le reste. Je suis sortie avec un tas de gens avant, tous sexes confondus, mais jamais avec quelqu'un comme lui. Je l'ai rencontré juste après Holly et j'ai jamais pu m'en passer. Je voulais devenir actrice, à une époque, alors je traînais souvent avec des vieux tordus qui disaient pouvoir m'aider. On s'est rencontrés parce qu'il faisait pareil.
- Et ces vieux tordus ...
- Non, aucune chance. On les voyait plus depuis des années et on leur devait plus rien.
- Le reste de ta famille l'aimait bien ? demande Morgane lorsqu'elle comprend que Cherry est à court d'informations à leur donner.
- J'ai pas de famille, répond-elle comme s'il s'agissait d'une bagatelle. Seulement Holly.
- Et Holly l'aimait bien ? enchaîne Azura.
- Tu l'as entendue l'autre fois, elle déteste les artistes. C'est un miracle qu'ils se soient supportés aussi longtemps. Dire que j'avais demandé à Holly de jouer le rôle de mes parents si jamais on ... »
Elle s'interrompt, à bout de force. D'une main, elle se cache les yeux. Azura la laisse reprendre ses esprits en paix. Il le soupçonnait, pour Holly, mais souhaitait l'entendre de sa bouche.
« Si on s'était mariés, termine Cherry à la surprise générale. Mais j'ai jamais pu lui en parler, au final. Fait chier.
- Tu sais s'il connaissait d'autres victimes ? demande doucement Morgane. Les noms de Burk, Jefferson ou Dickson te disent quelque chose ? »
Cherry réfléchit un instant.
« Jamais entendu parler des deux derniers. Burk, c'est le directeur de l'usine ?
- C'est ça. T'as des infos sur lui ?
- Moi non, mais vous devriez demander à Holly. Elle travaillait là-bas avant. »
Azura accuse le coup une seconde. Quand il reprend la parole, il doit presque contenir ses cris.
« Holly travaillait à l'usine ? Elle m'a jamais dit ça !
- Ben, elle va pas te faire écrire sa biographie non plus. D'autant plus que ça fait super longtemps.
- Pourquoi elle a arrêté ?
- Le directeur l'a licenciée pour faute grave. Et avant que vous me posiez la question, non, elle a pas vraiment commis de faute grave. C'est juste comme ça qu'on se débarrassait des ouvriers à problèmes, en ces temps-là. Enfin, il paraît. Moi j'en sais rien, j'avais quatorze ans et je faisais le mur pour fumer de l'herbe à l'époque. »
Azura comprend à l'expression de ses amis qu'ils le réalisent aussi. Frank Merryland, Stef et maintenant Burk de l'usine de teinture. Holly connaît bien du monde.
« Pourquoi vous faites cette tête ? Holly a tué personne, vous savez.
- On n'a pas dit ça. On pensait à la Fouine, improvise Azura. Peut-être que c'est pour ça qu'elle vous harcèle. Parce qu'elle pense que Holly est dans le coup.
- Ah, elle. Ouais, sans doute.
- C'était sa sœur, c'est ça ? À Stef ?
- Comment tu sais ça, toi ?
- On a vu son nom dans le journal. O'Malley.
- Bande de petits futés. Ouais, c'était sa sœur. Elle a dû hériter de toutes les tares de leur famille.
- C'est pour ça que tu sais où elle vit ? »
Cherry le dévisage avec surprise.
« Pourquoi tu parles toujours de trucs que je me souviens même pas avoir dits ? Ouais, je sais où vit cette chieuse. File-moi ton portable que j'y note son adresse. Mais faites gaffe, elle finit toujours par foutre tout le monde dans la merde.
- J'avais remarqué, dit Azura en lui tendant son téléphone. Elle m'a conseillé de parler de Stef à Holly la dernière fois que je l'ai vue.
- Super idée si t'as envie de finir ton séjour dehors. Et ... voilà. Hésitez surtout pas à passer chez elle pour l'assommer. De questions, mais pas que. »
Elle lui rend l'appareil avec un rictus complice. Gaël lit l'adresse par-dessus son épaule.
« C'est près de chez moi, s'étonne-t-il.
- Une résidence près du port, confirme Morgane. Je l'imaginais pas vivre en appartement.
- Tu la connais aussi ?
- Elle est venue poser des questions quand maman est morte. Au début j'ai cru qu'elle voulait nous aider, mais ...
- Quelle pétasse, lâche Cherry quand Morgane laisse sa phrase en suspens. Je dirais bien qu'elle se croit tout permis depuis qu'on a perdu Stef, mais elle était déjà comme ça avant. Famille de tarés, je vous jure.
- Et leurs parents ? demande Azura. Tarés aussi ?
- Tarés aussi. Mais inoffensifs. Non, je crois ... je crois que celui qui a fait ça à mon Stef ne le connaissait pas. Comment il aurait pu vouloir le tuer s'il le connaissait ? Pour me punir ?
- Te punir de quoi ? »
Cherry secoue la tête sans répondre, une main sur le front comme pour apaiser une migraine. Elle ne révélera rien de plus. Sans doute se reproche-t-elle déjà d'en avoir trop dit.
« On le trouvera, Cherry, lui promet Morgane. On le livrera à la police et il finira ses jours en prison.
- On l'obligera à faire face aux conséquences de ses actes » ajoute Azura.
Étonnamment, la jeune femme secoue la tête.
« Qu'ils l'abattent, dit-elle. Qu'ils lui fassent subir la même chose qu'à toutes ses victimes. Là, je serai satisfaite. »
Comme le prétendait monsieur Dickson, la police se montre au lycée le dernier jour des cours. Leur CPE vient les tirer de classe en milieu d'après-midi. Avant même qu'elle leur explique de quoi il est question, Azura et Morgane s'échangent un regard entendu. Ils sont prêts.
« N'ayez pas peur, les rassure la CPE sur le chemin. On va juste vous poser deux ou trois questions pour la forme. Vous serez de retour en classe d'ici dix minutes. »
Elle les abandonne devant une salle inutilisée. Morgane a beau coller son oreille à la porte, elle n'entend rien de plus que des murmures incompréhensibles. Elle s'adosse au mur à côté d'Azura, une moue déçue aux lèvres, et patiente sans un bruit. Puisque Tori a plus ou moins promis de garder leur implication dans l'enquête secrète, ils ont déjà décidé de servir aux détectives présents aujourd'hui la même histoire qu'aux étudiantes. Revenir sur leurs mots ou en discuter maintenant ne servirait qu'à créer des risques inutiles.
Azura se décolle du mur d'un bond en entendant la porte s'ouvrir. Gaël apparaît dans le couloir, les lèvres tremblantes et l'air désorienté. Il se ressaisit à l'instant où il les remarque. Azura croit avoir une attaque quand Lauren se pointe à son tour hors de la salle.
« Morgane » dit-elle simplement.
L'appelée s'engage à sa suite sans un regard en arrière. Les yeux noirs de Lauren effleurent à peine Azura avant de disparaître dans un claquement de porte.
« Eh ... »
Azura s'arrache à sa contemplation intimidée du vide pour trouver Gaël devant lui. Celui-ci lui caresse le bout des doigts sans oser lui tenir la main. Azura décide de le faire à sa place.
« Ça va ? s'inquiète-t-il.
- Oui. C'est juste ... surréaliste, ce qui nous arrive. »
Gaël baisse les yeux et s'attarde sur leurs doigts joints, comme s'il était surpris de les trouver dans cette position. L'interrogatoire a vraiment dû le perturber.
« On pourra bientôt passer tout le temps qu'on veut ensemble, dit Azura. Ça nous changera les idées. »
Gaël a un petit sourire accompagné d'un hochement de tête. Il ne semble pas tout à fait convaincu.
« Je devrais retourner en cours. On se voit tout à l'heure. »
Ses doigts glissent hors des siens avant qu'Azura puisse les retenir. Son ami lui adresse un signe de main en s'enfonçant dans le couloir. Azura le lui rend encore bien après qu'il ait disparu.
Il soupire, sortant son téléphone de sa poche en le sentant vibrer. On dirait que Mohinder lui a enfin répondu.
De: Papa
mdrrrrr
non pourquoi ??
Azura contemple le message sans réagir. Intérieurement, il roule des yeux. Y a-t-il une seule chose que cet homme prenne au sérieux ? Il risque sa vie, bon Dieu de merde !
Il range son portable et croise les bras, concentrant ses pensées sur Devil's Rock pour se donner du courage. Cet interrogatoire n'est qu'un mauvais moment à passer. En admettant que Tori ne les ait pas balancés, Gina et Lauren n'ont aucune raison de douter de leur histoire. Et, pour des raisons qui lui échappent un peu, Azura accorde à Tori toute sa confiance.
Quand vient son tour, le garçon n'en mène pourtant pas large. Il s'assied en face de Gina, les jambes en coton, pendant que la femme l'accueille avec un sourire chaleureux. Lauren vient se planter debout derrière sa chaise, une main fermement ancrée au dossier et son regard inquisiteur braqué tout droit sur lui. Azura peut le sentir sur sa nuque. Il frissonne, mal à l'aise.
« Détends-toi, mon grand, dit Gina. C'est la routine. Tu peux me dire où et quand tu as vu Nathan Jefferson pour la dernière fois ?
- Lundi passé dans l'amphi Washingt... euh, Roosevelt, balbutie Azura. Lundi passé dans l'amphi Roosevelt. À la fac.
- Et pourquoi t'être rendu à la fac ?
- Pour lui dire bonjour. On est allés manger là-bas parce qu'on avait un peu de temps et on s'est dits qu'on pourrait en profiter pour le voir.
- Un peu de temps ? répète Gina, amusée. Vos professeurs ne vous ont pas vus de la journée. Ni toi, ni Morgane, ni le petit qu'on a interrogé plus tôt. »
Azura pâlit. Merde, quel con. Il ne lui est pas venu à l'esprit qu'elles aient pu vérifier ça.
« Je ne suis pas là pour te juger, l'apaise Gina. Rien de ce que tu diras ici ne sortira de cette pièce. Tu peux soulager ta conscience.
- On ... on a séché, avoue-t-il, honteux. On a traîné en centre-ville et après ... après, on est allés à la fac. Et on a vu Jefferson.
- Et comment il vous a paru ?
- Normal ... Enfin, un peu stressé. Il devait avoir beaucoup de travail.
- Est-ce qu'il a tenu des propos étranges ? Quelque chose qui vous a paru sortir de l'ordinaire ?
- Euh ... »
Il baisse la tête pour se donner l'impression de réfléchir. Derrière lui, Lauren le scrute comme une statue de pierre.
« Non, il avait pas vraiment envie de parler. Et il devait voir monsieur Dickson pour un truc. Je sais pas quoi.
- Oui, c'est un point qu'on a vu avec lui. Jefferson n'a vraiment mentionné personne ? Un nom que tu aurais entendu ?
- Non ... mais monsieur Dickson, il, euh ... »
Azura remonte machinalement ses lunettes. Pourquoi hésiter ? Ce n'est pas comme si partager ses doutes concernant Dickson trahissait quoi que ce soit.
« Il était bizarre. Enfin, j'ai trouvé. On est allés à l'enterrement et il était là aussi, mais il avait l'air ... presque content. »
Gina plisse les yeux. Son regard accroche si brièvement celui de Lauren qu'Azura faillit le rater.
« C'est un jugement grave que tu portes là.
- C'est juste l'impression qu'il m'a donnée, se défend le jeune homme. Mais vu ce qu'il m'a raconté sur Jefferson, je comprends qu'on puisse penser qu'on est mieux sans lui.
- Tu peux me répéter ce qu'il t'a raconté ?
- Qu'il était prétentieux. Qu'il ... qu'il courait après les petites gamines. Et je sais qu'il a fait du mal à mon ami. »
Gina se redresse sur sa chaise. Le sujet doit toucher une corde sensible.
« Oui, ton ami a mentionné ça. Je comprends ce que vous devez ressentir, mais faites attention à ne pas projeter vos sentiments chez les autres, d'accord ? Il y avait quelqu'un d'autre en dehors de monsieur Dickson et vous ? demande Gina après qu'Azura ait haussé les épaules. Quelqu'un que vous avez croisé, qui aurait rencontré monsieur Jefferson après que vous soyez partis ?
- Non, personne. Seulement nous.
- D'accord. Merci, Azura. Tu peux partir. »
Il se lève sans perdre une seconde. Lauren continue de l'épier tandis qu'il traverse la pièce vide. Une main sur la poignée, Azura se fige. Il a oublié de poser la question à Tori, mais le voilà devant une seconde occasion. Il prend son courage à deux mains et tourne la tête vers les deux détectives.
« Il voulait quoi, Dickson ? Pourquoi il est venu voir Jefferson ? »
Gina, qui échangeait avec sa collègue un regard sans aucun doute lourd de sens, pose les yeux sur lui. Ses doigts sont joints sous son menton.
« Simplement pour lui demander une information concernant leurs cours. Vous pouvez avoir l'esprit tranquille concernant monsieur Dickson. Il nourrissait une bête jalousie professionnelle.
- Il donne des cours à la fac ?
- Tu l'ignorais ?
- Retourne en classe, Harry Potter, intervient Lauren. Y en a qui doivent bosser, ici.
- Arrêtez de m'appeler comme ça, grommelle Azura. Je hais Harry Potter. »
Lauren répond par un simple rire (sincère, mais tout de même un peu hautain). Azura s'éclipse avec une moue contrariée. Bon. Au moins, il a l'impression d'avoir assuré.
À son retour, Azura vide son sac sur le sol du grenier avec un soupir de bien-être. Enfin. Ses cahiers ne reverront pas la lumière du soleil avant quinze jours (comme s'il arrivait au soleil d'éclairer Sunnyside).
Il se laisse tomber sur sa banquette, prêt à savourer un repos bien mérité. La couette s'enroule autour de ses pieds. Dehors, la pluie tombe sans interruption depuis ce matin. Si ça ne tenait qu'à lui, Azura fermerait les yeux pour s'endormir sans perdre de temps.
Il croque une poignée de Smarties et parcourt les messages de son téléphone, la bouche pleine.
De: Ryan
SOON
t'as fait tes bagages ???????????? oublie pas de prendre un sac si tu veux acheter des trucs
j'ai toujours pas de cadeau pour mes parents moi 😢 😢 😢
À: Ryan
loser
fais comme moi
dispute-toi avec eux pour pas les voir
ça marche à tous les coups
De: Ryan
OOOOOOOOOOOOOOOOOH
*prends des notes*
ta mère t'a encore sorti des trucs pas cool ?????
À: Ryan
ah non cette fois c'est plutôt moi
mais bon osef
je voulais te dire, je sais que ça t'excite tout ça mais parle pas des morts subites devant ma tante stp elle péterait les plombs si elle savait que j'enquêtais
et parle pas de palpations devant gaël...
De: Ryan
comme si c'était mon genre (͡° ͜ʖ ͡°)
À: Ryan
:x
De: Ryan
non mais ça ira
je sais me tenir
je ferai pas fuir ton amoureux (͡° ͜ʖ ͡°)
À: Ryan
c'est pas mon amoureux
De: Ryan
pas encore
(͡° ͜ʖ ͡°) ( ͡° ͜ʖ ͡°) ( ͡° ͜ʖ ͡°)
À: Ryan
ce qui est bien avec toi c'est que je suis jamais nostalgique de l'école primaire
c'est comme si on y était
De: Ryan
DE RIEN <3
Azura se retourne sur son lit, le sourire aux lèvres. Ça ira. Ryan est peut-être un peu boulet sur les bords par moments, mais il sait qu'il pourra compter sur sa discrétion.
... Même s'il préférerait ne pas en avoir besoin. Son amoureux ... Qu'est-ce qu'il donnerait pour appeler Gaël ainsi. Mieux vaut arrêter d'y penser avant que ça devienne trop embarrassant.
À: Gaël, Morgane
prêts pour vendredi ??
De: Morgane
Comme jamais ;)
Ma sœur va bientôt faire un trou dans le plancher à force de sauter sur place.
De: Gaël
la hype est très présente
j'ai encore une course de noël à faire hmmm
À: Gaël, Morgane
c'est pas toi qui te vantais d'avoir déjà tout trouvé ?
tu nous as menti :/ je t'ai pas élevé comme ça gaël
De: Gaël
ah non j'ai jamais dit ça
on a dû mal se comprendre
De: Morgane
On aura le temps de traîner sur leur marché de Noël ? Il paraît qu'il vaut le coup.
À: Gaël, Morgane
j'espère bien
sinon riot
De: Gaël
hahaha
à vendredi \(^-^)/ soyez en forme
De: Morgane
Génial ! À vendredi les garçons ;)
À: Gaël, Morgane
see ya
on a mérité nos vacances
Azura bâille à s'en décrocher la mâchoire. Il ouvre ses mémos, qu'il a modifiés depuis la dernière fois.
Mystères de Sunnyside
les morts subites
mr dickson
holly
Il fronce les sourcils, toujours contrarié par le prénom de sa tante, mais finit par rouler sur le côté en fermant les yeux et l'écran. Les mystères de Sunnyside attendront bien quelques jours de plus.
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