7 - « Je ne suis pas une déesse »

L'homme peinait à marcher mais dans un dernier effort, il laissa tomber son sac à ses pieds et se mit à genoux devant le fleuve. Il disposa délicatement le contenu du sac au bord de l'eau : des fleurs, des poissons fumés, des pierres précieuses et des étoffes. Le vieil homme recula lentement, toujours à genoux et posa son front sur l'herbe fraîchement carbonisée. Silbek arriva et se plaça devant lui.

« Ô grande déesse Silbek, reine du fleuve et gardienne de l'île Osmor, je vous prie d'accepter ces présents que mon peuple m'a confiés. Voici toute notre richesse que nous vous offrons afin de gagner votre bonté, déclara-t-il toujours à genoux et courbé. Je vous adresse la parole de mon peuple, pour la première fois, afin de vous témoigner notre ferveur à vous contenter.

— C'est très aimable de ta part. Je suis surprise que vous osiez enfin vous adresser à moi et je te remercie pour cet acte de courage. Cependant, je ne suis pas une déesse. Votre peuple se méprend. Et je n'ai que faire de ces présents. Sachez que cela ne vous permettra pas d'accéder à l'île Osmor. »

Le vieil homme releva pour la première fois la tête, abasourdi par ces paroles.

« Chère divinité, nous sommes prêts à tout vous donner.

— Ainsi que votre vie ? »

L'homme blêmit.

« Pourquoi voudriez-vous notre mort, divine créature ?

— Et pourquoi voudriez-vous tout me donner ?

— Pour que vous nous accordiez votre grâce.

— Je ne suis que la gardienne de l'île. Ma grâce ne vous sera d'aucune utilité.

— Seuls les hommes qui vous témoignent leur dévotion peuvent prétendre vivre sur l'île, n'est-ce pas ? tenta-t-il peu sûr de lui.

— Tous les êtres humains savent que seul celui qui réussira à trouver la réponse de l'énigme pourra ouvrir la porte de mon île et par conséquent, trouver le bonheur. Vile créature, toi et ton peuple déjouez les règles en essayant d'attirer ma bonté » dit-elle en haussant le ton. Elle devenait un peu plus effrayante.

« Alors, tout ceci ne sert à rien ? demanda le vieil homme dépité en montrant le trésor qui se trouvait à ses pieds.

— Cela ne vous aidera aucunement. Cependant, je peux te soumettre mon énigme, si tu le désires. »

L'homme semblait réfléchir un instant.

« Si vous me posez l'énigme, je ne pourrais pas rentrer chez moi, n'est-ce-pas ?

— C'est la règle, déclara simplement le poisson-chat.

— Dans ce cas, je préfère retourner auprès de mon peuple.

— Crois-tu que je te laisserai partir pour autant ? fit Silbek sur un ton malicieux.

— Je n'ai jamais essayé de vous tromper, divine gardienne, et je ne vous veux aucun mal. Pitié, ne me mangez pas ! implora le vieil homme. Nous ne savions pas que nos prières et ces offrandes ne vous plaisaient guère. Nous pensions bien faire. Nous pensions vous estimer à votre juste valeur ! »

Silbek ouvrit doucement sa grande bouche et l'approcha de l'homme. Elle lui souffla :

« Tu es chanceux, j'ai déjà pu manger l'un des vôtres aujourd'hui. Je te laisse la vie sauve. Je ne te demande qu'une seule chose : transmets à ton peuple que la solution n'est pas de me vénérer. La porte de l'île ne s'ouvrira pas devant des pierres précieuses et de la flatterie. L'énigme est tout ce qui compte. Toutefois, je ne bouderai pas un délicieux repas. »

Le vieil homme se releva, remercia mille fois Silbek pour avoir épargné sa vie, la bénit et remporta chez lui les bijoux et les tissus en prenant soin de laisser les poissons fumés.

« Qu'ils sont idiots » commenta Silbek en le regardant partir.

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