Silbek resta silencieuse un instant. Elle confia finalement de sa voix caverneuse :

« Tu as tort. »

Ses barbillons frétillèrent. Sajem ne pouvait plus respirer.

« Tu vaux bien mieux que les autres. »

Le garçon s'était senti défaillir. Il tomba à genoux.

« Je te félicite. Tu es le premier à avoir compris le but de cette énigme, le but de cette île. En tout cas le premier à me l'avoir prouvé. Je suis impressionnée. Je pensais que jamais ce jour n'arriverait. »

Le gigantesque poisson-chat semblait soudainement moins effrayant. Elle n'avait manifestement plus l'intention de manger Sajem. Ce dernier, ému, laissa la gardienne parler. Aucun mot ne pouvait sortir de sa bouche.

« Il n'y a effectivement rien sur l'île Osmor qui soit différent d'un autre endroit pour garantir ton bonheur. Seul celui qui répond à la question trouvera le bonheur parce que lui seul sait ce que c'est.

« Ce n'est pas la raison qui domine chez les hommes mais leur imagination et leur volonté d'assouvir leurs désirs. Les hommes sont plus heureux à imaginer ce qu'ils peuvent trouver sur l'île et à élaborer des stratégies pour vaincre que lorsque la réalité les désillusionne, lorsque mon énigme les surprend. Cependant, ce n'est pas l'énigme qui les mène à leur perte mais leur manque de sagesse et de raisonnement. »

Sajem avait les larmes aux yeux. Il n'arrivait pas à réaliser qu'il avait réussi à répondre à l'énigme. Il avait réussi. Son corps frêle s'écroula au sol. Il s'allongea sur le dos et regarda le ciel. La nuit tombait. Une étoile commençait à briller.

Il sentit quelque chose effleurer sa joue. Un barbillon passa devant ses yeux. Silbek était capable de douceur, finalement. Elle n'était pas qu'un monstre dévoreur. Il se releva pour lui faire face. Le poisson-chat avait totalement perdu son air redoutable et terrifiant. L'endroit était paisible et Silbek était amicale. Sajem était heureux.

Il plongea ses yeux dans ceux de la créature :

« Que va-t-il se passer à présent ? »