10 - « C'est du suicide »

Il n'avait parcouru que quelques mètres après la forêt lorsqu'il aperçut une femme Armul. Comme tous les habitants de ce village, elle était intimidante. Toutefois, Sajem ne comptait pas baisser les yeux. Il courut vers elle et lui conseilla de repartir. Il était impossible de tuer Silbek. La femme n'avait aucune chance.

« Je ne suis pas aussi lâche que toi. Laisse-moi passer Je sais ce que je fais.

— Détrompez-vous. Faites-moi confiance, s'il vous plaît. N'y allez pas. Vous n'y trouverez que la mort. »

Agacée, elle saisit le garçon et l'écarta de son chemin. Sajem se releva et attrapa son bras. Elle se retourna et le frappa. Affaiblie par son séjour sous les arbres, il chancela et tomba dans la boue.

« C'est du suicide ! cria-t-il à la femme qui continuait d'avancer et qui ne voulait pas l'écouter. J'ai vu de quoi elle est capable ! Vous n'avez aucune chance de la vaincre ! Les flèches ricochent sur sa peau et elle sort indemne des bombes. Vos armes sont inefficaces. Croyez-moi je vous en prie ! »

La femme se retourna intriguée vers le garçon chétif couvert de boue, vêtu de haillons trempés par la pluie. Elle lui demanda comment il pouvait savoir cela. Il lui dit alors la vérité, en omettant de lui raconter la visite de la fille Intazon et par conséquent, de lui dévoiler l'énigme. L'Armul accepta finalement de rentrer avec lui. Elle avait lu dans ses yeux l'horreur.

La femme avait eu la chance de rencontrer Sajem comme il avait été chanceux de la croiser. Avec son arc elle avait pu chasser et leur apporter de quoi se nourrir. Il n'aurait peut-être pas survécu sans elle comme elle n'aurait pas survécu sans lui.

Ils rentrèrent ainsi respectivement dans leur village. Sajem fut accueilli chaleureusement par son grand-père qui était très inquiet. C'était inespéré. Après le vieux Mizjik, il avait pu lui aussi revenir indemne après avoir rencontré ou plutôt vu et entendu la terrible gardienne. Tout le village souhaitait connaître son histoire mais il répondit qu'il avait seulement été lâche et qu'il ne méritait pas toute cette attention. Aussitôt, tout le monde le laissa tranquille. Il ne voulait raconter ses péripéties qu'à son grand-père mais il hésita au moment d'énoncer l'énigme. Le vieil homme refusa de l'entendre. Il ne voulait pas être tenté. Il avait toujours fait en sorte de ne pas se lancer dans cette aventure risquée. Sajem ne pourrait donc pas obtenir son aide. Il devait se débrouiller seul.

Il passa des nuits et des jours entiers à réfléchir, à imaginer toutes les possibilités, toutes les réponses possibles, à se demander quel était le but de tout ça. Pourquoi cette énigme plutôt qu'une autre ? Pourquoi était-ce si important de savoir ce qu'il se trouvait réellement là-bas ? Cela changerait-il quelque chose ? Pourquoi personne n'avait encore trouvé la bonne réponse ? Existait-il une réponse ?

Au fil des jours, Sajem apprit que les Mizjik avait arrêté de prier mais que quelques-uns continuaient à aller faire des offrandes, dont le vieil homme qui avait eu la vie sauve. Les Armul n'avaient plus essayé d'aller tuer Silbek mais continuaient de perfectionner leurs armes. Ils n'abandonneraient pas. Ils ne pourraient pas vivre prospères tant que leur ennemi vivrait. Quant aux Intazon, rien n'avait changé.

Le plus grand des changements avait en vérité eu lieu dans la tête de Sajem. Quelque temps plus tard, le jeune homme partit en direction de l'île Osmor. Le vieux ne voulait pas que son petit-fils risque une nouvelle fois sa vie. Il lui avait demandé de rester au village mais Sajem ne pouvait pas s'y résoudre. Il devait savoir. Il ne pourrait pas vivre avec cette question sans réponse sur la conscience.

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