Visite chez la Reine (Partie 1)
Déjà, Alban avait rabattu son chapeau noir sur sa tête, et était sorti de chez Félicie d'un pas hâtif. Eliott, Emma, Maiwenn et Louis lui emboîtèrent presqu'aussitôt le pas en saluant la vieille femme qui préférait rester chez elle. Ils se dirigèrent vers la petite montgolfière dont la nacelle s'était étirée pour accueillir tous les voyageurs, et ils s'installèrent sur les sièges de bois.
Lorsqu'Eliott siffla pour s'élever dans le ciel, Emma songea avec émotion au jour où elle avait découvert ce monde pour la première fois. Sa bouche se courba dans un sourire mélancolique. Claire aussi, une fois réveillée, s'envolerait avec eux.
Alban, lui, attrapa son Nunti, le posa sur son épaule et ferma les yeux. Une aura dorée enveloppa la petite poupée qui s'accrochait au col de sa chemise. Quelques petites lucioles virevoltèrent autour d'eux, sous les yeux ébahis d'Emma.
— Il envoie un message d'urgence à la Reine, chuchota Eliott. Il n'a pas besoin de parler pour que le Nunti transmette les informations, afin de préserver la confidentialité de l'échange. Cette pratique demande beaucoup d'Énergie, mais permet à la communication de ne pas passer par les canaux habituels.
Emma acquiesça doucement alors que la nacelle survolait le village natal du Protecteur des Tigres. Le trajet, qui dura deux heures, se déroula en silence. Tous les passagers se plongeaient dans leurs pensées, ressassant les derniers évènements.
Soudain, en contrebas, Emma, Louis et Maiwenn découvrirent un édifice spectaculaire. Bien qu'ils fussent au cœur du firmament, tutoyant les nuages dans la nacelle fantastique, ils ne purent rivaliser avec la hauteur infinie des tours qui semblaient s'élever jusqu'aux étoiles.
Ébahi, Louis ouvrit la bouche, laissant retomber sa mâchoire jusqu'à la verdure du sol. Lorsqu'il remarqua que Maiwenn et Emma l'observeraient d'un air rieur, il se renfrogna et masqua son admiration, qui, pourtant, brûlait toujours au fond de sa rétine. Plus la montgolfière s'approchait du palais de la Reine, plus cet émerveillement brillait dans les prunelles des adolescents.
Ils virent, bâti à flanc de montagne, s'élever un édifice de pierres blanches, dans un mélange de tours, de dômes, de colonnes et d'arcades. Au milieu, un immense donjon s'enroulait sur lui-même, tel un escalier en colimaçon, lien tangible entre la terre et le firmament. Tout autour, des tourelles se dressaient, plus petites, certaines habillés de créneaux médiévaux en leur cimes, d'autres recouvertes de coupoles opalines à l'image des palais orientaux.
Le long des parois la végétation luxuriante semblait avoir repris ses droits sur la pierre, tandis que des cascades d'eau, s'écoulant de la montagne, glissaient le long des tours pour venir s'échouer en contrebas dans une rivière agitée. Dans la rencontre merveilleuse entre les rayons du soleil et les gouttes limpides, un arc-en-ciel humide se formait sur toute la hauteur de l'édifice.
L'air frais s'invita dans les cheveux d'Emma, qui frissonna. Les yeux de la jeune fille s'embrumèrent, emplis d'admiration pour les Somnius qui avaient bâti ce château, vidés de l'étincelle joyeuse que Claire leur apportait.
Après quelques minutes bien trop courtes, la petite montgolfière se posa sur une grande plateforme rocailleuse, point névralgique du réseau aérien, où circulaient les nombreux visiteurs qui voulaient entrer en relation avec la Reine.
Depuis le sol, l'édifice paraissait encore plus majestueux. Les trois adolescents se tordirent le cou pour observer les tours dont ils ne voyaient plus la cime. Un peu plus loin, ils entendaient l'eau qui se déversait du flanc de la montagne jusque dans le lit de la rivière agitée. Tout autour d'eux, des montgolfières atterrissaient, le battement régulier des ailes de papillons faisant écho à la pulsation de leur cœur.
Eliott, qui avait déjà quitté la nacelle de son véhicule, conduisit les voyageurs en bas d'un petit chemin de pierres, au bout duquel trônait un minaret, décoré de milles ornements.
— Cette tour, expliqua le Protecteur des Tigres, est le Reygiduck. Il permet de traverser la rivière qui nous sépare du château de la Reine.
Emma, Louis et Maiwenn s'arrêtèrent derrière Eliott et observèrent l'architecture de la tour, époustouflés. De forme circulaire, l'édifice était recouvert de mosaïques d'un bleu pâle et s'étirait vers le ciel en une pointe parfaitement définie.
— J'ai déjà entendu parler de ça, souffla Maiwenn, impressionnée par ce spectacle grandiose. Le château de Rocheylack a été construit le Roi Alfred Ier. Le Reygiduck, lui, a été ajouté après la construction du château pour remplacer les systèmes de pont levis.
— Ils auraient pu se contenter d'un pont normal, ironisa Louis.
Alban adressa un regard amusé au jeune garçon.
— C'est tout de même un édifice d'une haute importance. Tu imagines bien que le Reygiduck a été construit pour des raisons de sécurité. Il est encore plus protégé que le Praesidium.
Maiwenn acquiesça vivement. Elle appréciait la complexité de cette installation et se sentait rassurée de savoir qu'aucun être malveillant ne pourrait approcher la Reine. Elle fut la première à suivre Eliott dans l'unique pièce circulaire du Reygiduck, le cœur battant, prête à rencontrer la Souveraine Etheldrede qu'elle admirait tant.
Lorsque tout le groupe fut entré dans la salle, la porte se referma et devint invisible. Autour d'eux, des Custodis apparurent et analysèrent le charta qu'Alban avait reçu de la Reine après lui avoir envoyé un message sur le trajet. Les visiteurs durent ensuite se placer sur un grand fauteuil au centre de la pièce, attendant qu'un cercle de lumière se déplace tout autour d'eux pour vérifier qu'ils ne portaient pas d'armes. Enfin, un dernier Custodis analysa leurs empreintes digitales et rétiniennes.
Une fois cette procédure terminée, ils purent enfin insérer leur clef dans un pilier central, Clauditis qui rappelait à Emma celui qui se trouvait dans le Praesidium.
En l'espace de quelques secondes, sans même qu'ils n'aient le temps de s'en apercevoir, ils furent transportés à l'entrée du château devant l'immense porte où se tenaient deux Custodis impériaux, habillés d'une tenue sombre et parfaitement ajustée, les ailes déployées, prêts à dégainer leur Énergie à la moindre tentative d'intrusion.
Attendant que les gardes déverrouillent les lourds battants de bois, Maiwenn se pencha vers Louis.
— Je suis étonnée que tu acceptes de rencontrer la Reine, toi qui la déteste.
— Ca ne me fait pas particulièrement plaisir de la rencontrer, mais c'est en amadouant l'ennemi qu'on peut mieux se retourner contre lui, souffla-t-il à l'oreille de la jeune fille.
— La Reine n'est pas une ennemie, gronda Maiwenn. Tu le verras par toi-même.
— Peu importe ce qu'on pense d'elle, les coupa Emma. Si on est ici, c'est avant tout pour Claire. Et pour Julie, ajouta-t-elle en emprisonnant le regard de Louis.
A cette évocation, leurs regards s'assombrirent et leurs cœurs se serrent.
— Je suis désolée, souffla aussitôt Emma, en voyant la mâchoire de Louis s'affaisser, des larmes imbiber ses paupières.
Soudain, les portes de l'édifice s'ouvrirent dans un grondement sourd. Les cinq visiteurs entrèrent alors dans un immense hall, de forme octogonale, dont les ornements, au style gothique, s'apparentaient aux nefs des plus grandes cathédrales. Les murs s'étiraient sur plusieurs mètres de hauteur vers un plafond multicolore, transpercé par les rayons du soleil. Au sol, les teintes majestueuses de cette voûte, mêlées à la puissance de l'astre du jour, se reflétaient dans une danse chaleureuse.
Emma, Louis et Maiwenn pivotèrent sur eux-mêmes. Ils remarquèrent sans étonnement que la grande porte avait disparu. Leur attention se porta ensuite sur les arcades qui, tout autour de la pièce, s'ouvraient sur des couloirs interminables. Une trentaine de galeries, aux ambiances et aux textures variées, s'étendaient çà et là pour mener aux entrailles les plus profondes de l'édifice.
— Chaque corridor est différent, expliqua Alban en se penchant vers Maiwenn, parce que tous les Rois et toutes les Reines qui se sont succédés dans ce palais les ont modifié en s'inspirant de leurs voyages et en y ajoutant des acquisitions personnelles. Chaque partie de l'édifice a été construite à des époques et sous des règnes différents. Cet endroit est rempli d'histoire, il recèle des trésors du monde entier.
Maiwenn acquiesça en souriant, sans savoir si elle adressait ce geste à son interlocuteur ou aux murs qui l'entouraient. Elle observa attentivement chaque chemin, certains lui rappelant les grands palais orientaux que son père lui décrivait, d'autres recouverts de lierre et de fleurs. D'autres encore semblaient reproduire des paysages merveilleux à l'image de la faune et de la flore que Félicie protégeait dans sa demeure.
Après avoir patienté un instant, les visiteurs furent finalement escortés dans ce dédale de passages pour rencontrer la Reine. Au grand désespoir de Maiwenn, qui aurait aimé explorer les merveilles qu'elle avait entrevu dans le hall d'entrée, ils longèrent un couloir plutôt banal.
Pourtant, après quelques mètres, elle s'accommoda de cette moquette épaisse sur lesquelles ses pieds se posaient agréablement. Elle apprécia même ces boiseries foncées sur les murs, et ces arabesques symétriques au plafond bas. Elle s'émerveilla enfin en voyant les portraits de tous les souverains Somnius se succéder. L'adolescente expliqua brièvement à Emma l'histoire de ces Rois et Reines qu'elle admirait tant.
En arrivant devant la figure officielle de la Reine Etheldrede, les joues de Maiwenn rosirent d'excitation, tandis que Louis souffla d'exaspération en tirant la jeune fille de sa contemplation. Emma, elle, regarda en arrière, et songea qu'elle devrait s'attarder un peu plus sur l'histoire de la monarchie en tentant de se souvenir ce que son amie venait de lui apprendre.
Après un ultime contrôle, les visiteurs furent invités à entrer dans un petit salon où la Reine Etheldrede se trouvait déjà. Vêtue d'une robe blanche au col brodé de fils d'or, et d'un voile de la même couleur, fixé par une fine couronne et recouvrant ses cheveux ras, la souveraine s'avança vers eux.
Alban et Eliott se courbèrent légèrement en la saluant.
— Ave, votre Majesté, Regina Etheldrede.
Maiwenn se courba à son tour en pliant les genoux pour se mouvoir vers le sol dans une révérence emplie de respect et d'admiration.
— Ave, votre Majesté, Regina Etheldrede, répéta-t-elle en tirant discrètement sur la manche de son amie pour qu'elle fasse de même.
Emma, peu rompue à ces exercices de courtoisie, ne gratifia la Reine que d'une courbure pudique. Louis, quant à lui, resta en retrait, droit et fier, les bras croisés contre son torse.
La Reine afficha un rictus d'étonnement, avant d'adresser un sourire bienveillant à l'adolescent.
— Vous n'avez à vous courber devant quiconque, pas même devant la Reine.
— J'en suis fort aise, marmonna-t-il en détournant le regard.
La souveraine ne releva pas et pria les visiteurs de s'asseoir sur de gros fauteuils en velours rouge. En s'avançant vers les sièges, Maiwenn fusilla Louis de ses prunelles encolérées.
— Tu vois, elle est parfaite, souffla-t-elle à son oreille. On peut lui faire confiance. Et puis elle est gentille. A sa place, je t'aurais déjà décapité ou envoyé dans des geôles infestées de rats.
Louis ricana en relevant un sourcil.
— Tu ne crois pas si bien dire. Je me méfie des gens qui se cachent sous des airs de gentillesse, persiffla-t-il.
— Tu te méfies de tout le monde. Il existe des personnes sincèrement bienveillantes, insista la jeune fille dans un murmure.
— Je les compte sur les doigts d'une main. De manchot.
Maiwenn souffla en levant les yeux au ciel. Aussitôt, elle reporta toute son attention sur la Reine.
— Vous me dîtes que vous pensez être en possession du dernier Manuscrit, observa Etheldrede.
— Cela est exact, confirma Eliott en tendant le gros ouvrage à la Reine. Nous avons suivi la procédure prévue par le Règlement préventif inhérent à la découverte fortuite du dernier Manuscrit.
— Nous présentons donc à votre Majesté la demande en authentification de l'ouvrage, continua Alban. Nous devons savoir s'il s'agit de l'original.
— Le cas échéant, nous devrons réunir la Décade des Diamants purs ainsi que le Conseils des Protecteurs des Rêves afin de définir une politique appropriée, termina Eliott, les mains jointes sur ses genoux.
Etheldrede caressait la couverture de l'ouvrage du bout des doigts. Elle semblait déjà ressentir l'Énergie qui en émanait. Ses prunelles brillaient d'émerveillement. Le diamant de sa Clef s'agitait imperceptiblement au creux de son cou.
S'il s'agissait du dernier Manuscrit, elle pourrait trouver une solution à tous ses problèmes. Crise énergétique chez les Somnius et dérèglements climatiques chez les Inanis ne seraient plus qu'un lointain souvenir. Son peuple et le monde entier se souviendraient d'elle comme la Souveraine rédemptrice. L'éclat de son dimant pur étincellerait jusqu'après sa mort. Son règne, lui, serait immortel.
Soudain, une lueur plus sombre voila le regard d'Etheldrede. Elle ne parvenait plus à distinguer les formes de l'ouvrage, ni le contour du blason qui flottait sur la couverture. Une chaleur infernale s'emparait de son corps. Le souffle court, elle haletait.
__________________________________
Hello les voyageurs inter-storiques !
J'ai mis du temps à publier cette partie, j'en suis désolée !
Il y a quelque chose qui me dérange dans ce chapitre, j'ai l'impression qu'il est mal écrit, tout raplapla, et du coup je ne me suis pas décidée à le poster tout de suite !
Mais maintenant c'est chose faite, le voilà ! Alors à vos claviers, dégainez vos commentaires et vos critiques !
Que pensez-vous du château de la Reine ?
Que pensez-vous de la Reine elle-même ?
Que se passe-t-il en fin de chapitre ? (Indice : Mouahahaha)
Merci pour votre lecture !
Longue Nuit aux Rêves et Longue Vie à la Reine !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top