Le scandale Énergétique (Partie 2)
— En me rendant aux archives, je suis passé par la section des noms de famille pour y retrouver tes parents, comme je te l'avais promis.
Le cœur d'Emma se figea une seconde avant de s'affoler dans une cadence effrénée. Un sourire de curiosité anima ses lèvres, alors qu'elle attendait fébrilement la révélation qu'Eliott allait lui faire.
Ses parents étaient-ils encore vivants en ce monde ? Qui étaient-ils, d'où venaient-ils ? D'un autre pays, peut-être. Cela ne l'étonnerait pas, Emma appréciait apprendre d'autres langues, les phrases se construisaient avec tant de facilité dans son esprit. Elle était prête à tout entendre.
— Je n'ai rien obtenu de concluant pour le moment, admit Eliott d'une voix basse.
Le sourire de la jeune fille laissa place à une moue déçue, ses épaules retombèrent dans un soupir. Sa gorge se noua, sa respiration se coupa, le poing de la désillusion frappant violemment son estomac.
— En revanche, dans la section juridique, j'ai trouvé ceci, ajouta-t-il en pointant du menton le charta qu'il avait déposé devant Emma. Il ne s'agit que d'une piste, et je ne promets pas que cela te mène à quelque chose de concret, mais j'ai pensé que cette liste pourrait t'être utile.
Emma posa les yeux sur le papier usé et aperçut le tracé caractéristique des écritures anciennes. A l'encre noire, dans ce qui lui apparaissait comme du vieux français, quelques noms avaient été inscrits sous une constellation de tâches maladroites.
— Ce sont toutes les personnes à qui le Souverain avait fait don des premières demandes à Proveoir, au moment de leur création par le Protecteur Mebort. Ces Somnius ont eu en leur possession un Pourvoi d'Urgence. En recoupant plusieurs documents dans les archives, j'ai constaté que l'un d'entre eux avait utilisé cette demande lors de son vivant. Les autres ne l'ont jamais utilisée.
La jeune fille caressa le papier de son index en traçant doucement chaque nom. Eliott lui indiqua que les demandes à Porveoir pouvaient être transmises de génération en génération. Une de ces personnes au patronyme immortalisé dans le charta était peut-être son aïeul.
Elle s'imagina dans un temps ancien, sous le règne du Roi qui avait installé la procédure. Elle imagina le Souverain, tassé par le poids de sa couronne, élevé par la noblesse de son geste, transmettre la demande à Porveoir à ses sujets les plus méritants. Emma traça alors mentalement ses propres traits sous l'apparence d'un homme mis au défi par la vie, agenouillé devant le Roi, recevant dans une humble fierté, un présent inestimable.
— En faisant des recherches plus précises, nous pourrions retrouver les personnes qui sont actuellement en possession des demandes restantes, et surtout, retrouver la personne qui te l'a transmise à toi, cette nuit là, dans le monde des Inanis.
Emma leva des yeux humides et remplis de gratitude vers le Protecteur.
— Vous pensez qu'une personne de ma famille possédait la procédure et me l'a donnée, sans que je le sache ?
Eliott figea un instant ses yeux dans les prunelles bouillonnantes d'espoir de la jeune fille.
— Je te promets de faire de mon mieux pour trouver une réponse à cette question, articula-t-il doucement. Tu peux garder ce charta, c'est une copie.
Emma plia le papier et l'enfouit dans sa poche en remerciant le Protecteur avec un infini respect. Félicie posa alors quelques gâteaux, fraichement dorés par un nuage de foudre, répandant une bonne odeur de cannelle dans toute la maison, et ils n'abordèrent plus la question de l'Énergie pendant l'heure qui suivit.
Eliott, ayant attrapé sa cape sur le porte-manteau qui s'inclinait en sa direction, s'en alla pourtant le cœur lourd, un dilemme infernal pesant sur ses épaules. S'il choisissait de réduire la quantité d'Énergie lors du ravitaillement, comme le préconisait le CNATE, il allait corroborer une partie infime de cet article insidieux, et cela serait suffisant pour que le peuple Somnius croie l'intégralité du mensonge véhiculé par les médias. S'il ne faisait rien, il conduirait inéluctablement son monde à sa perte. La mi-novembre entamée, il ne lui restait que peu de temps pour prendre une décision.
— Je ne reviendrai pas avant la nouvelle année, souffla-t-il dans l'embrasure de la porte en saluant les deux femmes.
Dans la petite cuisine, Emma et Félicie lui rendirent un regard plein d'espoir et de confiance. Le week-end passa sans que la lourde chape de la responsabilité, épée de Damoclès, orfèvre de plomb, ne s'évapore complètement de la maisonnée.
Emma ressassa toutes ces informations dans sa tête et n'oublia pas d'en faire part à ses amies, dès le Lundi matin, juste avant le début du cours sur les clefs et leur Énergie. Assises dans un grand amphithéâtre dont les sièges restaient suspendus dans les airs, les trois filles avançaient des théories pour aider Eliott à résoudre son problème, quand le Magister, un grand homme mince, presque chauve, aux yeux rieurs, apparut au sommet de l'amphithéâtre.
De ses grandes jambes, il descendit les marches, unes à unes, théâtralement, pour arriver sur l'estrade, où il s'assit nonchalamment dans un gros fauteuil, lui aussi suspendu dans les airs. Il attendit quelques secondes que toute l'assemblée se taise, afficha un sourire ironique – presque sadique, songea Emma – et prit la parole :
— Bienvenue dans votre tout premier cours sur les clefs et leur Énergie, ou plutôt devrais-je dire, sur l'Énergie et ses clefs. Je suis votre Magister pour cette année et les deux autres à venir, et je me nomme Vincent Torsadet.
— Alban m'a dit que ce Magister cherche à nous faire peur en début d'année pour qu'on travaille à fond. Mais en vrai, il est super drôle, chuchota Claire à l'oreille d'Emma en se penchant dans le vide.
— Avant toute chose, je souhaiterais éclaircir quelques points avec vous pour que l'année se passe dans les meilleures conditions possibles, ma matière étant fondamentale, et donc très importante pour vous.
Il passa une main sur son crâne dégarni et arqua un sourcil renforçant l'éclat rieur de ses yeux qui se voulaient pourtant autoritaires.
— Nous sommes déjà à la moitié du mois de Novembre et voici seulement que je débute les cours avec vous. D'aucuns diront que je suis fainéant, ce qui n'est pas tout à fait faux, et incompétent, ce qui est tout à fait faux.
Il ricana doucement alors qu'un bruissement ironique parcourait l'assemblée.
— En réalité, je ne peux commencer mon enseignement avant que vous vous soyez un minimum informés sur l'Énergie et ses clefs. C'est pourquoi vous avez déjà lu tous les livres que j'ai inclus dans la bibliographie, et particulièrement, L'Histoire de l'Énergie, Les Secrets non encore sondés de l'Énergie, De l'invention de la Clef, l'Énergie dans tous ses états, et L'Énergie, Instrument nécessaire à votre survie.
Claire soupira en observant la liste s'allonger sur son charta au fur et à mesure que le Magister parlait. Emma déglutit en songeant que les livres fournis quelque temps plus tôt par Alexandre ne représentaient qu'une infime partie du savoir Somnius sur l'Énergie.
— Vous vous êtes également renseignés sur toutes les lois régissant ou ayant régit notre Énergie et leur évolution, vous avez étudié une grande partie des Archives et de la Traçabilité de l'Énergie, et m'avez rédigé une dissertation concernant la possible évolution de cette grande ressource qui nous est vitale.
Tous les Compères se lancèrent des regards inquiets en constatant qu'aucun d'eux n'avait reçu ces consignes, et dodelinèrent nerveusement de la tête en imaginant la charge de travail qui les attendrait.
— C'est à cette condition seulement que vous comprendrez mon cours, et que vous pourrez continuer à suivre. J'espère de tout mon cœur que vous avez fait votre travail, mais sachez que si vous n'êtes pas sérieux, je ne viendrai pas vous supplier de le devenir. Il m'est bien plus agréable de rester chez moi au fond de mon lit...
Le Magister passa ses mains au dessus de sa tête, comme pour s'étirer, et continua :
— Quoiqu'avec les évènements récents, il est possible que cette matière disparaisse totalement, ironisa-t-il dans un rire cynique.
Une fois ces présentations faites, le Magister commença réellement son cours, faisant des allers-retours dans tout l'amphithéâtre, posant des questions aux Compères pour jauger leurs connaissances sur l'Énergie. Il ne fit pas d'autres allusions à l'article paru dans le journal, et se moqua ouvertement de tous les préjugés concernant l'Énergie.
Il évoqua le créateur des clefs, un certain Linus Faber Yale, à qui, las de faire sans cesse des allers-retours à la Tête Chercheuse de son village pour y prendre un peu d'Énergie, cette idée de génie était apparue. Les clefs, petites et maniables, permettaient une utilisation immédiate et efficace de l'Énergie. Grâce à cette invention, le jour annuel de la distribution d'Énergie était apparu, et fut nommé la journée Faberyale en l'honneur de ce grand avant-gardiste, qui était célébré chaque année à cette occasion.
Le Magister continua son récit jusqu'à la fin de l'heure, et avant que les Compères ne puissent sortir du cours, il leur rappela de ne pas se laisser influencer par la presse et les journalistes véhiculant de fausses informations et de fausses rumeurs, pour échauffer l'esprit des citoyens. Emma, Maiwenn et Claire sortirent du cours en débattant, non pas sur l'Énergie, mais sur la prétendue méchanceté de Monsieur Torsadet.
Les jours passèrent sans qu'Emma n'ait de nouvelles d'Eliott, et la pression liée aux examens s'intensifiait. Le froid commençait à se faire sentir ; quelques vieillardes dans les rues se prenaient à dire que le dérèglement du monde des Inanis se propageait chez les Somnius, leurs vieux os pouvant distinguer le froid de l'hiver et celui de la fin du monde. La terrasse de la Compériale, où dinaient tous les Compères était maintenant recouverte d'immenses ailes de papillons intensifiant avec merveille les teintes du ciel.
Le soir du dix-huit Novembre, sortant de sa première supervision de Magister à Compère, Emma se rendit sur la terrasse pour diner, pensant trouver ses amies déjà attablées, impatiente de leur raconter son expérience.
Pourtant, elle fut surprise de n'y trouver personne. Soudain, Louis accourut vers elle, rouge et essoufflé.
— Emma, il faut que tu viennes tout de suite, c'est horrible, souffla-t-il en se tenant le côté.
La jeune fille écarquilla les yeux, son cœur battait à tout rompre.
— Quoi ? Qu'est-ce que...
— C'est Claire et Maiwenn, la coupa-t-il. Suis-moi !
Emma passa une main dans ses cheveux, abasourdie, et pressa le pas à la suite de Louis. Il la conduisit jusqu'à la chambre de Claire dont la porte était légèrement entrouverte. Un silence pesant régnait. L'atmosphère semblait étouffante.
— Ouvre par toi-même, cria presque Louis. Je n'ai pas le courage de le faire.
Emma lui adressa un regard interrogateur et ouvrit la porte de la chambre, le cœur battant, craignant ce qu'elle allait y découvrir. Quelle ne fut pas sa surprise quand, au lieu de trouver une chambre ravagée et en désordre, elle fut happée dans une nuée de bulles multicolores, de laquelle s'éleva une radieuse mélodie.
— Joyeux anniversaire Emma !
La jeune fille se fraya un chemin parmi toutes les bulles, et découvrit ses amis un immense gâteau à la main.
— J'avais oublié que c'était mon anniversaire, ria-t-elle en posant la paume de sa main sur front.
— Mais, comment c'est possible ? répondit Maiwenn étonnée.
Emma haussa simplement les épaules. Elle s'était laissée emporter par les cours à la Compériale et comptait les jours avant les vacances plutôt que ceux qui la séparaient de son anniversaire. D'une soustraction rapide entre l'année actuelle et son année de naissance, la jeune fille se souvint qu'elle fêtait précisément ses dix-huit ans.
Cet âge si symbolique chez les Inanis avait perdu toute son importance depuis qu'elle avait découvert le monde des Somnius, et que sa clef, comme émancipation officielle, avait été activée.
Comme un voile noir, une amnésie protectrice, son esprit s'était probablement détaché de cette allégorie douloureuse pour oublier ce jour où Emma avait été mise au monde. Pour ne pas s'effondrer dans le vide d'une naissance sans lien de parenté. Ne pas penser que sur les vieilles photographies aux couleurs passées, autour du berceau paisible, les silhouettes de Monsieur et Madame Dalanore n'étaient plus que des ombres fantomatiques, mirage translucide et glacé.
Soudain, Emma reprit ses esprits et balaya ses pensées d'un sourire, avant de souffler ses dix-huit bougies qui se rallumaient sans cesse pour illuminer ce jour spécial. Le visage plus éclairé encore que les flammes s'agitant sur le gâteau, Claire lui tendit un petit paquet enroulé d'un papier blanc, signé de tous ses amis.
Emma l'examina, le tourna dans tous les sens et l'ouvrit délicatement, prenant soin de ne pas déchirer le papier. Lorsqu'enfin le cadeau fut déballé, elle découvrit une petite boule de cristal, remplie d'une fine poussière violette, sertie de fils d'or et d'étoiles brillantes, recouverte d'ailes de papillons argentées. Les yeux de la jeune fille, exorbités, scintillaient de bonheur.
— Un Tourbillon Onirique, chuchota-t-elle en faisant tourner l'objet dans ses doigts.
— Un objet rare et précieux, commenta Claire. Il te ressemble, parce qu'il est capable de ressentir les émotions et les rêves des gens.
— Tu pourras y ranger tes ambitions pour ne jamais les perdre de vue, ajouta Maiwenn en lui faisant un clin d'œil. Et ne pas laisser une amie un peu colérique briser tes plus grands espoirs.
Emma, riant de toutes ses forces, les yeux emplis de larmes, à la fois émue et folle de joie, sauta au cou de chacun de ses amis pour les remercier, et reprocha gentiment à Louis de lui avoir fait si peur, avant de l'étreindre en le félicitant pour ses talents de comédien, sous le regard quelque peu jaloux de Claire.
— Bien sûr, c'est toi la meilleure des actrices ! s'exclama Emma qui avait compris les pensées de son amie.
La soirée fut bercée de joie et de rires, et tous les Compères retournèrent dans leur chambre, épuisés. Lorsqu'Emma se glissa dans son lit, elle découvrit sur son oreiller une petite enveloppe violette qu'elle ouvrit délicatement, avant de lire le message qui lui était adressé.
Le dix-huit novembre 2018, Au Fort,
Très chère Emma,
« Je ne connais d'abnégation plus grande que l'oubli de soi, l'amnistie de sa propre naissance ».
Je crois pouvoir dire sans me tromper que tu as oublié ton anniversaire et que cette phrase du philosophe Somnius Kandid Despicientia aurait pu t'être adressée. Ne me demande pas comment je l'ai deviné, les Protecteurs savent ce genre de choses.
Je sais que tu feras bon usage du tourbillon onirique, que tu prendras soin de tes Rêves.
Ave Consœur Compère,
Eliott.
Emma afficha un sourire béat devant le tracé régulier de la plume du Protecteur et s'endormit paisiblement. Les jours passèrent à la Compériale et tous les étudiants enchainaient les cours se préparant au mieux pour les examens.
Les vacances approchant finalement, Emma rentra chez Félicie pour Noël, et entreprit – confortablement installée auprès de l'âtre dans lequel un petit volcan effusif laissait couler une lave rougeoyante – d'écrire à Eliott.
Le vingt-cinq décembre 2018, Forêt de Mehrventhe,
Cher Eliott,
Félicie et moi avons passé un réveillon calme et agréable. Dans les murs de la maison, les animaux se sont tous regroupés auprès du grand pin enneigé pour nous tenir compagnie. J'ai découvert de nombreuses espèces que je ne connaissais pas, et j'aurais dû me douter que les rennes avaient de magnifiques ailes de papillon.
J'espère que la solitude du Fort ne vous pèse pas trop (avez-vous au moins installé des lucioles clignotantes ?), et surtout, j'espère que le ravitaillement se passera sans encombres.
Ne lisez pas trop la presse. Quoi que vous fassiez, je sais que vous prendrez la bonne solution.
Ave (futur) Confrère impérial,
Emma.
Lorsque finalement les Somnius sonnèrent le glas de l'année deux mille dix huit, marquant par la même occasion l'ouverture des ravitaillements, toute l'attention se tourna vers Eliott et le Fort. Attendant avec angoisse que le Protecteur lui écrive, Emma vit enfin une petite enveloppe transparente se matérialiser sous le pas de sa porte. Elle l'ouvrit frénétiquement, et fit danser ses paupières sur l'encre noire, à peine sèche.
Le sept Janvier 2019, Au Fort,
Très chère Emma,
La semaine de ravitaillement est enfin terminée. Toute la pression et l'attention accumulées se sont enfin taries et la vie des Somnius va pouvoir reprendre son cours normal.
Je n'ai que partiellement suivi les recommandations du CNATE, en réduisant légèrement l'Énergie distribuée, mais je n'ai pas appliqué des mesures aussi drastiques que celles qui étaient préconisées. Je sais que cette diminution infime déplait tout de même à certains Somnius, mais leur niveau de vie ne sera pas affecté, et cela permet de mettre fin aux rumeurs pestilentielles des journaux.
J'espère avoir pris la bonne décision, mais au fond de moi, je sais que je n'ai fait que retarder l'inévitable. J'aimerais finir par une note plus positive, et t'adresser mes meilleurs vœux pour cette année 2019.
Puissions-nous souhaiter une Longue Nuit aux Rêves, et une Longue vie à la Reine.
Ave Consœur Compère,
Eliott.
Emma passa doucement sa main sur le charta, et remarqua que le tracé régulier du Protecteur avait laissé place à des courbes tremblotantes, des lettres écrites à la hâte, dans un état de nervosité inhabituel. La jeune fille soupira. Retarder l'inévitable, pensa-t-elle. Elle se souvint soudain des paroles de Louis. Quand le compte à rebours avait-il été déclenché ? Pourquoi Eliott ne désamorçait-il pas ce qu'il décrivait, entre les lignes, comme une bombe à retardement ?
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Hello les voyageurs inter-storiques ! Je ne suis pas tout à fait sereine avec ce chapitre ='D Notamment pour la temporalité. Depuis le début on avance presque toujours jour par jour, et là on fait un bond de quelques mois ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !
Sinon, j'ai bien aimé rédiger des lettres ! J'aime beaucoup en écrire et en recevoir dans la vraie vie, et je trouve que ça permet de découvrir les personnages sous un angle différent ! Comme d'habitude, je note précieusement tous vos conseils et vous remercie pour votre lecture !
Longue Nuit aux Rêves, Longue Vie à la Reine !
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