Le Magnificus Arbor (Partie 2)
— Je t'expliquerai une autre fois, pour l'instant voici le Custodis.
La jeune fille se retourna et se trouva en face d'une créature tout à fait étrange. Debout devant elle se dressait un homme hors du commun. Il portait un grand chapeau en forme de fleur de lys, une longue veste rouge avec des boutons dorés ainsi qu'un pantalon blanc orné de fils couleur or. Sur le côté gauche de sa poitrine, tout comme le Protecteur des Tigres, il arborait le fameux blason qu'Emma ne cessait de rencontrer depuis la veille. Cet homme aurait pu paraître tout à fait normal si deux grandes ailes de papillon ne s'agitaient pas dans son dos, si son petit nez ne se retroussait pas sans arrêt, et si de grands ressorts ne remplaçaient pas ses pieds. Imposant, le visage fermé, cet être l'impressionnait au plus haut point.
Le dos parfaitement droit, les jambes serrées, un bras fermement vissé au corps, l'autre légèrement plié pour aligner sa main à son front, le garde salua Eliott :
— Ave, Confrère Impérial. Pour votre sécurité, et celle de tout votre peuple, sur ordre de la Reine, je déclare appliquer la procédure du Praesidium.
Le Protecteur, dans la même position, rendit son salut au soldat :
— Ave, Confrère Custodis. Pour la sécurité de mon peuple, et par fidélité à la Reine, je me soumets à la procédure du Praesidium, et demande l'autorisation d'exécuter une demande à Porveoir transfrontalière, envoyée par la présente fille Dalanore.
Les deux hommes, après s'être salués, relâchèrent leurs membres, et le garde s'avança vers Emma d'un œil interrogateur avant de lui adresser la parole :
— Vous venez de l'Autre Côté, n'est-ce pas ?
Le Custodis observa la jeune fille avec méfiance, puis se tourna vers Eliott en soufflant :
— Vous savez qu'il est impossible pour un Inanis d'utiliser la demande à Porveoir.
Il jeta un regard inquisiteur vers Emma, et continua, une once d'inquiétude dans la voix :
— Depuis quelques jours, les directives se sont durcies et je dois faire preuve d'une vigilance extrême. Je dois vérifier votre identité. Avez-vous votre clef ?
Il tendit la main, paume ouverte, attendant que la nouvelle venue lui donne ce qu'il lui demandait.
Emma sentit qu'une chaleur désagréable s'emparait de son visage, tandis que ses joues rougissaient dangereusement. Son pouls s'accéléra si bien qu'elle sentait son coeur battre jusqu'au plus profond de ses entrailles. Ses mains devenaient moites. De quelle clef parlait-il ? Il n'y avait aucune porte dans cette salle... Que voulait-il ouvrir ? Devant l'apparente impatience du Custodis, la jeune fille balbutia quelques mots incompréhensibles, certaine qu'il finirait par la renvoyer de l'Autre Côté, sur son banc glacé.
Alors qu'Eliott allait protester pour lui venir en aide, Emma porta la main à son cou, en repensant à la mystérieuse clef qu'elle avait trouvée l'autre nuit. Elle saisit sa longue chaine, l'extirpa de ses vêtements, et tendit l'objet au garde, le regard plein d'inquiétude.
Lorsque l'homme saisit le petit bijou, le mur de la pièce s'illumina dans sa totalité. Juste à côté de lui, les pierres se mirent en mouvement, et s'agitèrent pour laisser place à une magnifique serrure, digne d'une œuvre d'art. Autour de l'orifice, des fils d'or se mirent en mouvement pour former des tourbillons, un maelstrom de liens se courbant, s'enroulant les uns autour des autres, s'entremêlant ensemble.
Lorsque la serrure fut totalement formée, le Custodis y inséra la clef qu'Emma lui avait tendue. Pourtant, au plus grand étonnement dela jeune fille, rien ne se produisit. Pas une seule pierre ne remua, pas un seul souffle ne s'imposa.
Le garde fit quelques rebonds et s'approcha si près d'Emma qu'elle put sentir son souffle sur son visage. Il tenta de scruter au plus profond des ses yeux, et réfléchit à voix haute :
— Hum, de toute évidence, votre clef n'est pas factice, auquel cas vous auriez été immédiatement renvoyée de l'Autre Côté, dans d'atroces souffrances. Vu votre jeune âge, je présume que votre clef n'a pas encore été activée.
Le Custodis se tourna une nouvelle fois vers Eliott, qui, les bras croisés dans le dos, répondit à l'interrogation du garde avant qu'il n'ait pu la formuler :
— Oui, la fille Dalanore fait bien partie de notre monde, cela est évident. Comme vous l'avez dit à l'instant, il est impossible qu'un Inanis lance une Demande à Porveoir, et je suis certain de ne pas me tromper en vous disant que cette personne me l'a envoyée.
Eliott posa une main sur l'épaule d'Emma, pour lui dire, silencieusement, qu'il la protègerai et qu'il avait confiance en elle. Les yeux brillants d'une pointe de fierté, un sourire imperceptible sur les lèvres, il ajouta :
— Je ne l'aurais jamais laissée entrer dans le Praesidium si elle n'avait pas su entendre le temps, vous pouvez en être certain, Confrère Custodis.
Le garde fronça les sourcils, retroussa son petit nez, et sautilla légèrement :
— Bien, bien. Comme votre clef n'est pas encore activée, la procédure requière une dernière vérification.
Le Custodis retira la clef de la serrure puis la rendit à Emma, qui la remit autour de son cou. Le garde leva alors son chapeau, laissant apparaître un petit crâne chauve, et en sortit un flacon de couleur verte, semblable à celui que la jeune fille avait déjà découvert dans sa valise. Il le lui tendit et lui ordonna sèchement :
— Buvez.
Emma attrapa le flacon en tremblotant etl'approcha lentement de sa bouche. Elle avala le breuvage goutte à goutte etlaissa ce liquide froid et inodore couler dans sa gorge. Lorsqu'elle eu avalé tout le contenu, elle lâcha la fiole et se sentit soudain propulsée dans l'immense fauteuil de bois, qui la retenait prisonnière. Pendant quelques secondes à peine, la jeune fille sentit le liquide circuler dans chacune de ses veines, et atteindre, dans une sensation indescriptible, les profondeurs de son code génétique. Une aura violette de dégagea tout autour d'elle et irradia la pièce, sous son regard ébahi. Alors qu'Eliott lui adressa un clin d'oeil, en signe de satisfaction, elle sentit l'effet du liquide s'évanouir, et elle put s'échapper de l'emprise du fauteuil. Elle se leva, abasourdie, et tituba un instant avant de reprendre ses esprits.
— Le violet. La couleur des rêves, observa le Custodis.
Le visage du garde se détendit, et il esquissa un léger sourire. Eliott lui tendit sa clef, qu'il inséra dans la serrure qui avait, quelques minutes auparavant, accueillie celle d'Emma. Instantanément, une petite porte de bois se matérialisa dans le mur, comme une invitation à passer la frontière.
Le Custodis le dos droit, les jambes collées, salua à nouveau le Protecteur, et se positionna sur le côté pour laisser passer les deux voyageurs, qui franchirent la porte.
Emma entra pour la première fois dans un monde fantastique et inattendu...
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