Journée fatale (Partie 1)

Ce matin-là, le premier Lundi du mois de Février, les trois amies ainsi que tous les Compères se réveillèrent de bonne heure, ayant hâte de vivre cette journée qu'ils espéraient riche en émotions. En effet, ce jour-là, ils allaient recevoir les résultats des partiels du premier semestre, tandis que l'après-midi, ils assisteraient à une grande conférence-débat concernant le changement de temps dans le monde des Inanis. 

Partout, dans les couloirs de la Compériale, les murs s'illuminaient, laissant paraitre de grandes affiches intitulées de la manière suivante : 

« Chaos dans le monde des Inanis : Comment résoudre ce problème ? Quels sont les dangers pour les Somnius ? »

 L'intérêt particulier que suscitait cette conférence au sein des Compères, quelle que soit leur année d'étude, s'expliquait par leur connaissance croissante du fonctionnement des Rêves, et leur inquiétude grandissante concernant les possibles répercussions de ce chaos dans leur propre monde. S'ils se sentaient en sécurité dans l'enceinte de la Compériale, à l'extérieur, un climat pesant régnait malgré les mesures prises par le Protecteur des Tigres pour que la diminution des stocks d'Énergie ne se fasse pas ressentir au sein de la population. 

Tout semblait au point mort, personne ne donnait d'information quant à la situation, pas même la Reine Etheldrede qui avait pourtant pris le pli de mettre au parfum tous les citoyens de France. Cette conférence sonnait peut-être la fin d'une longue interrogation, d'un processus complexe et incompris de tous. 

Emma, aussi impatiente que tous ses camarades, se rendit, la tête remplie de questions, au cours de dressage de papillons. Dans le jardin de l'école un amphithéâtre naturel était directement sculpté dans l'herbe et les Compères, divisés en classe de vingt-cinq étudiants, s'assirent sur les marches vertes. 

Le Magister, Monsieur L'épy d'Opthère, un grand homme très mince, aux cheveux multicolores, vêtu d'habits tout aussi colorés et très amples, distribua à tous ses élèves de gros livres dont la couverture reproduisait la texture d'une aile de papillon. 

Lorsqu'Emma ouvrit le sien, les pages se détachèrent de la reliure pour s'envoler, tels des papillons. La jeune fille referma précipitamment l'ouvrage, de peur de perdre un spécimen, et toutes les feuilles reprirent leur place normale. 

— Nous avons, au cours du premier semestre, commença le Magister, étudié le lépidoptère en nous basant sur une approche générale et théorique. Inutile donc de vous rappeler que les papillons sont des insectes à métamorphose complète, de la catégorie des holométaboles.

Les paupières des Compères papillotèrent. Leur esprit papillonnait. 

— J'espère que vous vous souvenez des chapitres que nous avons étudiés concernant les ailes et le corps des papillons, et que vous savez les classifier, je ne pourrai revenir sur ces points. 

Emma, Maiwenn et Claire échangèrent un regard, sentant soudain le besoin d'ouvrir leur manuel du premier semestre pour se remémorer les différents mots scientifiques que les vacances avaient laissé s'échapper. 

— Le livre que je vous ai distribué s'intitule De l'art d'élever les papillons. Comme vous le savez, ces créatures merveilleuses jouent un rôle important dans notre vie quotidienne. De nombreuses légendes et symboles leur sont associés dans le monde entier, magnifiant ainsi l'image que nous avons d'eux. 

Le Magistère émit un soupir d'admiration se remémorant ses jeunes années qu'il avait passé à parcourir le monde pour découvrir de nouvelles espèces. 

— Mais ces petits insectes, que j'admire au plus haut point, ne sont pas toujours très aimables, et il faut savoir les dresser pour tirer profit de leur puissance et de leurs pouvoirs inégalés. C'est pourquoi je vais vous apprendre, tout au long de ce deuxième semestre, à les apprivoiser et à les dresser. Mais avant cela, laissez-moi vous faire voyager dans la Volière aux Papillons, créée en 1984 par le grand marquis de Cervicky-Palhudaine. 

Le Magister sortit alors sa clef qui, sans grand étonnement, ressemblait à un papillon, et emmena tous les Compères dans un petit parc où se trouvait une immense serre de verre octogonale. La température élevée se démarquait avec l'air frais de l'extérieur, et la masse de végétaux présents donnait l'impression à Emma d'avancer dans une forêt au climat tropical. 

— Les papillons, phytophages, expliqua le Magister, aiment beaucoup se nourrir de plantes, et plus particulièrement du nectar de plantes à fleurs. Cet environnement est donc parfait pour eux. 

D'un geste de la main, il désigna avec cérémonie toutes les fleurs, aux senteurs suaves et aux couleurs chatoyantes qui s'élevaient entre les parois de verre. Des papillons uniques et majestueux se déplaçaient de pétale en pétale. 

Emma remarqua avec stupéfaction que certains d'entre eux possédaient des petites plumes sur leurs ailes, tandis que d'autres se paraient d'une fourrure soyeuse. Au loin, la jeune fille remarqua un papillon aussi gros que sa paume, dont les ailes se prolongeaient dans une traine de plumes, parade extraordinaire rivalisant avec l'oiseau de Junon, forçant l'humilité et la déférence du plus beau des paons. 

— Vous pouvez distinguer les différentes étapes de la formation d'un papillon, continua le Magister. Regardez ces petites chenilles qui se transforment peu à peu en chrysalides pour former le papillon adulte. 

Il pointa du doigt une petite vitrine contenant les différents spécimens d'exposition, schéma vivant qui se transformait à un rythme accéléré. Claire et Maiwenn, qui s'étaient éloignées du Magister trop absorbé par ses explications passionnées, s'amusaient à inventer de nouvelles espèces toutes plus farfelues les unes que les autres. 

Souhaitant interagir avec les petites bêtes, Claire tenta d'approcher son doigt de l'une d'elle. Soudain, pour se protéger, le papillon la mordit violemment. La jeune fille laissa échapper un cri en éloignant immédiatement sa main. Une douleur lancinante se propagea sur sa peau, une brûlure de plus en plus vive inonda son index, là où deux petites gouttes de sang perlaient. Le Magister, paniqué, s'approcha d'elle et examina sa blessure. 

— Je vous avais bien dit de ne rien toucher ! Bien, vous avez de la chance, ce n'est que la morsure d'un papillon glouton affamé. 

L'homme se gratta la tête en observant de plus près les deux petits points parfaitement ronds. 

— Enfin, il me semble. Je l'espère pour vous, certaines morsures peuvent être mortelles. Les papillons sont des créatures sacrées pour les Somnius, mais non moins complexes et dangereuses. 

A ces mots, Claire blêmit, des bourdonnements emplirent ses oreilles, une brume s'installa devant ses yeux. Alors qu'une minuscule goutte de sang tombait sur le sol, elle eut la sensation que toute l'hémoglobine de son corps la quittait. 

Maiwenn passa un bras dans le creux du dos de son amie pour la soutenir, tandis que le Magister s'approchait d'une fleur immaculée, à la senteur vanillée. Il préleva précautionneusement un pétale d'une douceur satinée, et l'appliqua sur la blessure de Claire. 

— Ce n'est rien, ce n'est rien, répéta-t-il, juste une petite crise d'angoisse. 

Claire, qui recouvra sa vision, gratifia le Magister d'un sourire gêné, et n'approcha plus un seul fragment de sa peau d'un insecte ou d'une plante. L'homme écourta finalement la visite, et d'un geste de clef, tous les Compères se retrouvèrent de nouveau sur l'estrade végétale. 

— J'espère que cette petite sortie vous a permis de découvrir ces petites bêtes dont j'aime tant vous parler. La semaine prochaine, je vous apprendrai à les dresser dès leur plus jeune âge, pour éviter de se faire mordre, précisa le Magister en fixant Claire. 

L'homme rangea sa clef dans une poche intérieure, donna ses consignes pour la prochaine leçon, et s'en alla prestement. Alors qu'Emma, Claire et Maiwenn ramassaient leurs affaires, une voix retentissante fit une annonce qui ne manqua pas de créer une agitation certaine parmi les Compères. 

Vous pouvez dès à présent, vous rendre dans le Grand Hall pour connaitre les résultats du premier semestre. Vos bulletins de notes vous seront transmis personnellement. 

Les trois amies, comme la plupart de leurs camarades, se précipitèrent alors vers le Grand Hall où tout le monde trépignait d'impatience. Seules les matières purement théoriques donnaient lieu à des notes, basées sur la réflexion et les connaissances. Les matières fondamentales, quant à elles, qui ne pouvaient être notées objectivement, ne donnaient lieu qu'à des mentions, lorsqu'un Compère se démarquait dans un domaine particulier. 

Ainsi, il était quasiment impossible de redoubler son année, la chose n'étant arrivée qu'une seule fois en dix ans. Un Compère de première année, Quanito Flockonglace, toujours étourdi, avait, lors du premier semestre, oublié de retourner ses feuilles, et n'avait donc pas répondu aux questions présentes sur le verso de la page, tandis qu'au deuxième semestre, il avait mélangé les questions, comme on boutonnerait sa chemise de travers. Dévasté par cet échec, il avait refusé de passer les rattrapages proposés par les Magisters, et avait préféré redoubler. 

Alors qu'uns à uns, les compères de première année accédaient à leurs résultats, Claire, Maiwenn et Emma, tentaient de se frayer un passage au milieu de la foule. Au bout de quelques dizaines de minutes, elles arrivèrent enfin face à trois immenses écriteaux de bois où chaque année était représentée. Maiwenn s'avança la première près du panneau. 

— Résultats du premier semestre, Compères de première année, observa-t-elle. 

Elle plaça sa clef dans l'orifice central prévu à cet effet, et ses résultats apparurent en face de son nom. Bavarde pendant les heures de cours, Maiwenn s'appliquait à travailler toutes les leçons avec exigence une fois dans sa chambre. C'est soulagée qu'elle constata avoir obtenu des notes au dessus de la moyenne à toutes les matières théoriques. 

Claire, quant à elle, qui n'avait pas réellement besoin de fournir un travail acharné pour retenir toutes les notions, inséra sa clef en sifflotant, certaine d'avoir obtenu de bons résultats. 

Ce fut enfin Emma, le cœur battant, qui plaça maladroitement s clef dans la serrure centrale. Une vague de chaleur s'empara d'elle lorsqu'elle constata qu'à l'instar de ses amies, elle avait réussi ce premier semestre. Les trois Compères, heureuses d'avoir obtenu de tels résultats, se rendirent alors sur la terrasse où un immense festin, prévu pour l'occasion, les attendait. 

Lorsque les festivités furent terminées, Emma, Maiwenn et Claire se rendirent une nouvelle fois dans le Grand Hall qui avait changé d'apparence. Transformé en grand amphithéâtre, toutes ses vitres s'opacifiaient au fur et à mesure que les Compères entraient et s'installaient au sein des rangées de fauteuils bleus et moelleux. Les lucioles éclairant d'habitude le grand plafond s'envolèrent pour, cette fois, illuminer la grande estrade de bois sur laquelle s'installeraient les conférenciers. 

Emma, placée sur le rang le plus haut, entre Claire et Louis, observa les Magisters s'installer en contrebas, à la première rangée. Elle crut ensuite apercevoir Eliott, suivi de plusieurs personnes qu'elle ne connaissait pas, des Protecteurs, devina-t-elle. Lorsque tout le monde fut enfin installé, un tintement de clochette retentit dans toute la salle, et les chuchotements s'évanouirent. 

Le Doyen de la Compériale entra et s'assit au milieu de l'estrade, sur un grand fauteuil bleu, orné de fils dorés. Trois hommes et une femme prirent place à ses cotés dans des sièges de la même envergure. 

Jarel Sood Decanus commença, d'une voix grave, qui retentissait dans toute la salle : 

— Madame, et messieurs les conférenciers, Monsieur les Protecteur des Tigres Royaux, chers Loyaux Adjuvants de notre Reine, chers Magisters, et chers Compères, notre grande Compériale est aujourd'hui très honorée de vous recevoir dans son enceinte. Si notre Reine n'a pas pu se déplacer en ce jour, soyez assuré que cette conférence, tant attendue, lui sera retranscrite en tous points. 

Louis émit un petit ricanement, ses épaules se soulevèrent ostensiblement dans la pénombre de la salle. 

— Alors que nous sommes réunis aujourd'hui, sans doute pas dans les circonstances que nous aurions voulues, des informations capitales vont nous être révélées, à tous. C'est pourquoi je vous demande de prendre bonne note de tout ce que vous allez apprendre au cours de cette conférence. 

Emma posa son charta sur ses genoux, et le lissa de ses deux mains, sous le regard amusé de Louis, pour se préparer à retranscrire toutes les paroles des conférenciers. Le garçon se pencha vers elle et lui souffla : 

— Ce qui m'intéresse le plus, c'est de savoir comment ils ont fait pour distribuer de l'Énergie à tout le monde. 

Emma plongea ses yeux dans les prunelles du garçon, l'implorant silencieusement de ne pas émettre de jugement inquisiteur avant d'avoir entendu la conférence. 

— Mais avant tout, laissez-moi vous présenter les quatre spécialistes présents à mes côtés, continua le Doyen. A ma droite, se trouvent Docteur Annah Zaviscka, qui détient le prix de l'organisation météorologique internationale ; ainsi que Monsieur Frédéric Peregriny, spécialiste des relations entre les deux mondes. 

Lorsque le Doyen prononçait les noms des conférenciers, des applaudissements emplis d'admiration s'élevaient dans la salle, jusqu'à ce qu'il reprenne la parole. 

— A ma gauche, se trouvent Monsieur Alexis Durthran, Loyal adjuvant de notre Reine, et Protecteur des Rêves, mais aussi heureux parent d'un de nos Compères de première année ; ainsi que Monsieur Allan Pernihval spécialiste de l'Énergie. Sur ces mots, je vous laisse la parole. 

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Bonjour les voyageurs inter-storiques ! Je suis désolée pour le découpage de ce chapitre, je trouve que ce n'est pas idéal, mais sinon ça aurait fait un peu trop long ! 

Comme d'habitude, je suis à l'écoute de tous vos conseils ! 

Longue Nuit aux Rêves, Longue vie à la Reine ! 

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