L'enfant de là-bas
Assis sur un lit blanc, entouré de murs blancs, tout était blanc, même le teint effroyable des enfants regroupés dans cette salle à l'odeur nauséabonde. Un silence habituel régnait dans la pièce peu éclairée. Plus tôt, je m'étais réveillé dans ce lit peu confortable, portant un bracelet aussi blanc que le reste de l'endroit. Dessus, il était inscrit : « Liam », sûrement mon prénom, mais je ne m'en souvenais plus. J'y étais depuis maintenant un mois. Toujours cloué sur ce matelas. Un étrange garçon passait son temps à venir me voir. Il avait les cheveux roux hirsutes, des yeux grisâtres, et un magnifique sourire ornait son visage à la peau pâle et tachetée de taches de rousseur. Il se dénommait Logan. Ce dernier était toujours assez sympathique avec moi, et, pour une raison inconnue, il me disait qu'il serait toujours là pour moi et qu'il m'aimait. Je ne connaissais pas cette personne, mais lui, il me connaissait.
Contemplant le ciel étoilé, j'en oubliai le lieu où je me trouvais. Allongé sur un tapis d'herbe à côté d'un grand bâtiment, je fredonnais une musique qui me venait à l'esprit sans les paroles. Une douce brise me caressait le visage, frôlant le bout de mes doigts non recouverts de tissu. La fraîcheur de l'herbe sous mon sweat me refroidissait le dos tandis que j'observais les quelques étoiles filantes qui traversaient le ciel bleu. J'aimais le doux bruissement des feuilles brunes des quatre arbres autour de moi. Ce son était agréable.
À l'intérieur de moi, je me sentais vide ; je n'étais pas triste, juste vide. Je ne savais rien de moi alors que j'avais quinze ans. Je m'appelais Liam, et personne ne savait pourquoi je ne me souvenais de rien. On m'avait retrouvé dans une cabane en bois en plein milieu des champs, inconscient, ou plutôt, Logan m'avait trouvé. Chaque jour, je fouillais dans ma mémoire pour retrouver un petit bout de mon passé, en vain. Je ne voulais plus vivre dans l'inconscience.
Le lendemain fut une matinée habituelle, ce qui me déplaisait fortement. Vivre entre quatre murs blancs n'aurait réjoui personne. Cependant, cette fois-ci, avant de manger, le garçon aux cheveux enflammés se tenait devant mon lit. Absorbé par mon livre, je ne l'entendis pas entrer dans la chambre. Je feuilletais les pages d'un livre à la couverture vert kaki, où, en plein milieu, trônait le titre de l'histoire en lettres dorées. Soudain, il m'appela par mon prénom avec sa voix d'ordinaire calme.
– Liam, c'est moi !
À l'entente de sa voix, je posai mon livre sur ma table de chevet, elle aussi blanche. En un mouvement empreint de lassitude, je me retrouvai debout à même pas deux mètres de lui. Je regardai la personne devant moi, et sans surprise, je reconnus Logan, emmitouflé dans son long manteau bleu marine.
– Tu veux venir manger avec moi quelque part ?
Dans sa voix, je décelai une trace de joie. J'acceptai sans hésitation. Pouvoir partir de cet endroit, ne serait-ce qu'une minute, ferait mon bonheur. De plus, Logan était un garçon avec qui il était agréable de parler. Ses paroles étaient douces et réfléchies ; il était bien plus mature que la plupart des autres. La fatigue qui me rongeait s'envola, laissant place à la même joie que Logan projetait sur son visage. Un petit sourire se forma sur mes lèvres frigorifiées.
– Je suis partant ! répondis-je avec entrain.
Sans perdre une seconde, je fonçai vers le placard pour enfiler d'un geste rapide ma veste qui me protègerait du froid. À mes pieds, je mis une paire de baskets de sport, cela ferait l'affaire. Logan m'attendait au seuil de la porte tandis que les autres enfants de la chambre continuaient de parler entre eux sans se soucier de la venue du rouquin.
– C'est bon, Logan, je suis prêt, annonçai-je en me dirigeant vers lui.
Nous sortîmes tous les deux de l'endroit, parlant de tout et de rien. À chaque sujet lancé par Logan, je savais qu'il essayait de me faire retrouver la mémoire en abordant des sujets toujours différents et sans lien. Quand il mentionna le nom de ma mère, je me figeai, le regard désormais absent. J'entendis sa voix, elle m'appelait par mon prénom en répétant qu'elle était fière de moi. Cependant, je ne pouvais pas affirmer que c'était bien elle, que c'était bien sa douce voix suave qui résonnait dans ma tête.
– Ça va ? J'ai dit quelque chose de mal ? s'inquiéta Logan en me regardant.
Je cessai de rester figé et détournai mon regard vers lui. À ce moment, la voix dans ma tête avait disparu. Le visage de la personne ne m'était même pas venu à l'esprit.
– Non, non, c'est bon, continuons.
J'étais bien décidé à savoir à qui appartenait cette voix qui me paraissait si familière. Logan, toujours inquiet, continua de se diriger vers le restaurant qu'il avait choisi. Un restaurant asiatique qu'il aimait, et d'après lui, j'adorais cela aussi. Je ne pouvais pas contester, car je ne savais même plus ce qu'était un maki, ni le goût que cela avait. Le seul goût que j'avais expérimenté depuis mon réveil était celui des légumes en pot de l'hôpital.
Après trente bonnes minutes et deux nouvelles discussions, nous arrivâmes enfin devant les portes du restaurant, où il était écrit sur un panneau en bois « Tsuki », qui signifie « lune » en japonais, d'après ce que Logan m'avait dit. Vu de face, le restaurant était affreux : les fenêtres étaient mal lavées, les murs dans un piteux état. J'étais certain que si je donnais un coup de pied dans la porte, elle se briserait en deux. Je lançai un regard craintif à Logan.
– C'est quoi, ce dépotoir ? demandai-je en fronçant légèrement les sourcils.
– Ce dépotoir, c'est ta création !
– Ma... quoi ?
Il m'attrapa la main et m'emmena à l'intérieur en souriant. Dedans, il faisait sombre. Au sol reposait un cadre avec une photo. La présence de Logan disparut, mais je ne le remarquai pas tout de suite, ramassant la photo au sol. Dessus, il y avait Logan, moi, puis... d'autres personnes qui semblaient proches de nous. Nous souriions tous sur la photo, et tout le monde paraissait vraiment heureux. Des larmes se formèrent sous mes yeux et je laissai tomber la photo par terre. Je m'assis en fondant en larmes. Des flashs me revinrent ; je savais qui ils étaient, mes amis. Cet endroit était délabré car une énorme explosion y avait eu lieu. Je me figeai de peur, les mains tremblantes et le regard perdu. Les cris de panique de mes amis résonnaient dans ma tête. C'était horrible. Logan était là. Il était mort dans mes bras alors que moi, j'avais survécu. Alors, pourquoi était-il présent avec moi ?
Je levai les yeux pour tenter de le voir, mais il avait disparu, il s'était envolé, me révélant mon passé. Ses étreintes chaleureuses, le rire de mes amis, le sourire de ma mère qui nous regardait à ce moment précis. Logan n'avait jamais été là à mon réveil ; il était mort. Mes larmes coulèrent encore plus.
Après quelques minutes, une femme me ramena dans le bâtiment. Je m'enroulai sous la couette, le cœur brisé. Logan m'aimait autrefois, ils m'aimaient tous, mais ils n'étaient plus là... Pourquoi moi étais-je encore là et pas eux ? C'était injuste.
– Liam, nous sommes heureux que tu aies retrouvé la mémoire. Mais tu vas rester encore ici un peu de temps, puis tu partiras avec ton père à la campagne, loin d'ici.
C'était la femme qui m'avait ramené tout à l'heure. Puis elle s'en alla, me laissant seul. Logan n'était plus là pour me sourire, pour me parler. Les jours défilèrent rapidement, et je me retrouvai chez mon père. Sous mes yeux reposaient deux grosses cernes, légèrement masquées par mes lunettes. L'homme en face de moi devait être mon père, je m'en souvenais. Sa peau brune, ses courts cheveux noirs, et ses habits imprégnés de l'odeur des plantes, accumulée au fil des années à travailler dans les champs. Et puis, sa grande maison accueillante et les poules bruyantes.
– Alors, Liam, ça fait un bail, non ?
– Oui, ça fait longtemps...
Il m'emmena dans ma chambre et j'y installai mes affaires. Après cela, je partis en courant dans les champs pour prendre l'air. Des souvenirs revinrent dans ma tête, Logan était là avec moi, jouant entre les pousses de blé. Je l'avais connu ici. Je nous voyais courir dans les champs en riant, heureux d'être. Il m'emmena dans ma chambre et j'y installai mes affaires. Après cela, je partis en courant dans les champs pour prendre l'air. Des souvenirs revinrent dans ma tête : Logan était là avec moi, jouant entre les pousses de blé. Je l'avais connu ici. Je nous voyais courir dans les champs en riant, heureux d'être ensemble. Un léger sourire ornait mon visage, avec une petite larme au coin de l'œil. En m'enfonçant plus loin, j'aperçus une cabane en bois. Elle contient des piles de feuilles entassées et des jouets fabriqués avec des morceaux de bois et de petits cailloux. Sur la façade, il était gravé : « Base de Logan et Liam ». Nous avions seulement sept ans à cette époque. Je me rappellerai des histoires que nous inventions, de nos jeux tirés par les cheveux, de nos rendez-vous secrets pour voler les œufs des poules.
Je m'assis sur le sol de planches de bois et restai là, à sourire bêtement, me remémorant le passé. J'étais triste qu'il ne soit plus là, mais heureux de me souvenir de nos rires ensemble.
Assis sur le sol, les larmes aux yeux, je pensais à cet enfant qui m'avait donné le sourire.
Voila un petit one shot 😞
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top