Chapitre 4
Siam
Siam ne parvint pas à s'endormir plus de quelques heures de toute la nuit, se tournant et se retournant dans son lit des heures durant. Le matin, sa colère de la veille envers son frère et son père s'était envolée, ne laissant de la place qu'à une intense tristesse. Un coup frappé à la porte la fit se redresser.
Constatant qu'elle s'était couchée toute habillée, la jeune fille se dirigea vers l'entrée de sa chambre. Dans l'embrasure se trouvait son père.
- Edwin et l'Empereur sont sur le point de partir, tu veux leur dire au revoir ? commença-t-il sans autre préambule.
- Déjà : bonjour. Ensuite : ils partent aujourd'hui ?! demanda Siam, sans parvenir à cacher son étonnement.
- Je viens de l'apprendre, moi aussi. Je ne peux pas comprendre les caprices d'un empereur. D'ailleurs...je suis désolé.
La fille lui lança un regard étonné, ce n'était pas de sa faute...pas vraiment. Elle soupira.
- On pourrait...ne pas parler de ça avant le moment fatidique ?
- Bien sûr, bien sûr. Tu ne partiras pas avec eux, si tu te le demandes, ils vont d'abord s'occuper d'Edwin et tu les rejoindras dans...quelques mois, je pense.
La fille du seigneur des Marches du Nord assimila les paroles de son père avant de décider d'aller saluer seulement son frère.
Père et fille effectuèrent le trajet jusqu'aux écuries en silence. Ils débouchèrent finalement sur une grande cour à quatre entrées.
La Citadelle se trouvait à la porte Nord tandis que la porte Sud donnait sur la route menant directement à Al-Chen. Le côté Est laissait entrevoir les maisons basses où vivaient les Frontaliers. La dernière porte, celle à l'Ouest, menait aux écuries.
Ce fut devant celle-ci que Siam et son père trouvèrent une charrette attelée à deux robustes chevaux gris. À l'intérieur du véhicule étaient entassées les affaires personnelles des deux voyageurs ainsi que des provisions. Edwin et Sil'Alfian attendaient à côté.
- Salut sœurette. Bien dormi ?
La jeune fille haussa les sourcils. Son frère était-il sérieux ou se moquait-il d'elle ? À question stupide, réponse stupide.
- Faut-il avoir bien dormi pour vivre de grandes choses dans sa vie ?
Cette fois-ci ce fut Edwin qui éclata de rire en premier, entrainant sa jeune sœur et son père. Sil'Alfian, quant à lui, s'était mis un peu en retrait. Le rire de la famille Til'Illan se tarit doucement puis Siam sentit ses yeux se remplir de larmes.
Edwin allait partir à l'autre bout du royaume.
Elle allait se marier de force quelques mois plus tard.
Pour une fois, elle ne pouvait rien faire pour se défendre.
Siam enlaça Edwin en le serrant de toutes ses forces, ravalant ses larmes traitresses. Elle aurait voulu qu'il reste, ou alors partir avec lui pour participer aussi au tournoi. Mais rien de tout cela ne l'attendait, bien sûr, elle devrait se débrouiller seule.
Hander les rejoignit, la force de son étreinte leur coupant le souffle.
- Bonne chance, Edwin. Peut-être viendrons-nous te voir au tournoi, si nous en avons le temps, dit le père des adolescents.
- Merci, papa. À bientôt, j'espère.
Les trois se séparèrent lentement, comme pour retarder le départ d'encore quelques secondes.
- À bientôt Edwin, lança finalement Siam.
Ce furent les derniers mots qu'ils échangèrent avant que le jeune homme ne leur tourne le dos et monte sur la charrette. Sil'Alfian leur adressa un simple signe de la main et les chevaux se mirent en marche, guidés par un coché.
La jeune fille se demanda brièvement pourquoi ils partaient en charrette au lieu de faire un pas sur le côté. La réponse était bien sûr que le danger Ts'liches obligeait les grands Dessinateurs à rester près de la frontière, tout comme une grande partie des Frontaliers.
Hander et sa fille restèrent longuement à observer la porte Sud, même alors que la charrette avait disparu depuis plusieurs minutes.
- Allez. Tu as ton entrainement au sabre dans un petit moment. Toutes ces histoires ne sont pas une raison pour délaisser tes capacités physiques, commença le Seigneur des Marches du Nord.
- Mais papa... je maitrise le sabre bien mieux que tous les élèves, protesta la jeune fille d'une voix plaintive.
- Ce n'est pas exact... tous les Frontaliers savent se servir de leur corps comme d'une arme et une grande partie te battrait haut la main. Mais puisque tu t'estimes si forte, je vais te laisser louper ton cours collectif...
Siam afficha un petit sourire satisfait, elle se sentait trop fatiguée pour enchaîner les combats. De plus, elle n'avait aucune envie de croiser Lyara après la scène qu'elle avait fait la veille. Mais son père n'avait pas fini.
-... À la place, tu vas te battre contre moi.
La jeune Frontalière grimaça. Toutes les fois où elle s'était battue contre son père, il lui avait donné une bonne leçon. Au moins éviterait-elle de voir Lyara...
Siam accepta donc sans protester de suivre Hander. Il la mena dans une des nombreuses salles d'entrainement de la Citadelle, chacune spécialisée en un type de combat. Celle dans laquelle ils s'arrêtèrent était spécialement dédiée au combat à mains nues, tout comme les deux pièces voisines.
Le combattant le plus âgé enfila la tenue de combat alors que sa fille s'échauffait. Elle s'était endormie avec les habits datant du combat avec sa meilleure amie.
- Il n'y a pas trop de monde dans cette salle, justifia le Seigneur, tandis qu'ils prenaient place sur un tapis rectangulaire. Tous les coups sont permis ; pas d'arme autre que soi-même, ce qui est déjà beaucoup, et le gagnant est celui qui mettra l'autre en "hors-service". Questions ?
Pour toute réponse, la jeune fille carra les épaules en respirant profondément, concentrée.
Le Seigneur des Marches du Nord engagea le combat d'un simple coup de pied vers le visage de son adversaire. Sa fille répliqua en frappant sa jambe du tranchant de la main tout en écrasant son pied. Enfin... en essayant de l'écraser.
Hander avait vu l'attaque venir et s'était écarté. Après quelques parades du même goût, il réussit à donner un coup de talon à l'arrière de son mollet. Le coup était si puissant que la jeune fille tomba à genoux, haletante.
Toute la colère accumulée depuis la veille explosa dans sa poitrine et prit le dessus de son corps.
Elle redressa la tête pour ne pas laisser sa nuque exposée et se releva d'un saut douloureux. Elle sauta assez haut pour tendre la jambe et toucher les parties intimes de son père. Il se plia en deux, surpris par son attaque peu commune. Sans pitié, elle lui donna un violent coup sur le haut du dos, le faisant rouler au sol. Il se releva vivement, un peu déboussolé.
Ne lui laissant aucun moment de répit, sa fille repartit à la charge, enchaînant les attaques dures et violentes. Son adversaire se défendait avec fébrilité, moins sûr de lui qu'au début.
Soudain, la rage qui l'avait envahie s'évapora, comme évacuée par le combat. Siam commençait à faiblir sous les assauts répétés de Hander. La jeune fille se fit atteindre par un coup de poing sous les côtes qui la projeta en arrière. Elle tituba, puis s'écroula, à bout de force.
Étendue sur le sol, les bras tendus au-dessus de sa tête, elle écoutait les battements saccadés de son cœur sans daigner se relever.
- Tu t'es bien défendue, commenta son père en lui tendant la main. J'ai même cru perdre à un moment.
La future mariée accepta la main tendue.
- Oui, c'était bien. On continue ou je peux aller me reposer ?
- Vas-y, tu l'as bien mérité.
Siam sourit puis se rendit à nouveaux aux écuries, pour prendre un cheval cette fois.
Tandis qu'elle s'élançait au grand galop sur les plaines enneigées, elle ne pensa plus à rien d'autre qu'au vent lui fouettant le visage.
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