Chapitre 4
Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Cela, personne n’aurait pu le prédire. En y repensant, Samir émit un rire jaune. Comment cela aurait-il pu bien se finir ? Ils n’étaient que de la chair à canon que l’on avait envoyé au casse-pipe. Et personne ne se souciait qu’ils périrent de l’autre côté de l’océan. Après tout, ils avaient missionné des enfants au lieu de solliciter des militaires plus aguerris. Si leurs supérieurs avaient fait ce choix, c’était non seulement pour la discrétion, mais aussi pour s’assurer de ne pas essuyer de grandes pertes.
Le meilleur moyen de ne pas gâcher des hommes était d’y envoyer les moins importants. Pourtant même ces recrues qui étaient si jeunes étaient réputées pour leur agilité et leur habileté au combat. Parmi les six jeunes hommes envoyés, il y avait quatre hommes bien bâtis. Ils avaient à peine dix-huit ans révolus même si leur face froide et rude leur en donnait plus de vingt. Ils maniaient parfaitement soit la lance soit l’épée. Gladiateurs, ils mettaient au sol plus de cinq hommes chacun. Entraînés depuis leur plus jeune âge tout comme Samir, ils étaient de véritables machines de guerre. Ils n’éprouvaient de sentiments que lorsque cela leur était utile. Sinon, ils agissaient en véritables automates. Des automates quasiment infaillibles.
A côté de ces fils de la guerre, il y avait deux jeunes adolescents dont la force résidait dans l’utilisation des armes à distance. Contrairement à leurs aînés, ils sortaient à peine de l’enfance. Leurs fragiles carcasses n’étaient point taillées pour le combat singulier. Eux qui peinaient à tenir un bouclier et une arme blanche plus grosse qu’un couteau, ils s’étaient spécialisés dans un autre domaine. Ces deux rejetons n’avaient pas leur égal lorsqu’ils avaient leurs armes favorites posées entre leurs mains. C’était sans doute cette similitude qui avait forgé une profonde amitié entre ces deux derniers enfants soldats.
Samir se défendait parfaitement avec une arbalète entre les mains tandis que Galaar Balkov excellait au tir à l’arc. Contrairement à Samir dont la stature devenait légèrement imposante avec l’âge, Galaar ne semblait pas posséder sa place sur un champ de bataille. A seize ans, le roux aux yeux verts était frêle presque chétif. Son corps pâle en toute circonstance paraissait presque maladif. A le voir, on aurait cru qu’il s’effondrerait à chaque pas qu’il esquissait. Si bien que personne ne se serait jamais attendu à ce qu’il rejoignit l’ordre militaire. Cette vie pleine de violence pouvait le détruire si facilement au vu de son endurance physique.
A cause de cela, beaucoup de ses frères d’armes se riaient de lui. Pourtant, nul ne pipait mot lorsque cet enfant possédait un arc entre les mains. Malgré sa vulnérabilité, il était le meilleur archer du continent. D’aucuns pensaient qu’il était le meilleur des deux continents. Quelque soit sa cible, il ne la ratait jamais. C'est grâce à ce talent qu’il avait été envoyé au côté du reste de la troupe. Si un conflit éclatait, ils seraient quatre pour se battre au corps à corps tandis que les plus jeunes blesseraient leurs ennemis de loin. En théorie, c’était une idée parfaite. Si cela avait pu se dérouler ainsi, Samir serait toujours accompagné de son fidèle compagnon Galaar. Il fallait croire qu’ils n’étaient pas faits pour vivre ensemble. Malgré leur amitié sans borne et leur amour sans faille, ils avaient été séparés par les dieux si cruels. Samir leur en voulait de lui avoir ôté la seule personne qui avait su égayer sa vie dans ce camp où régnait la mort.
En effet, Gaalar était contre toute attente devenu le meilleur ami de Samir. Là où régnait la menace constante de la mort, ces deux enfants avaient su ranimer une étincelle de vie. Leur relation inattendue avait débuté quelques jours après l’arrivée de Smait dans le camp. Il était perdu et effaré. Ce n’était qu’une petite bête effrayée dont il serait si aisé de se débarrasser. Ce que certains avaient tenté de faire. Après seulement quelques jours à devoir endurer cet enchaînement fastidieux d’entraîenemnts, l’adolescent aux cheveux de jai avait subi un biutage des plus désagréables.
Ses aînés avaient commencé par des simulations de noyade. Sous prétexte qu’affronter la mort en face le rendrait plus endurant. Après plusieurs minutes à exercer ce calvaire, ils en choisirent un autre. Suite à l’épreuve de l’eau, ils décidèrent de lui faire subir l’épreuve du feu. Quand on posa un tison ardent sur son avant bras, Samir ne put s’empêcher d’hurler de douleur. Ce qui avait réveillé le rouquin. Inquiet de ce qu’il se pasait, Galaar était sorti de sa tente et avait suivi les cris d’agonie de l’enfant. Evidemment, il s’était muni de son arme de prédilection. Lorsqu’il arriva, il vit un des militaires asséner un violent coup de poing dans les côtes de leur victime. Sortant de la noirceur de la nuit, Galaar s’écria :
« Arrêtez tout de suite de le martyriser !
— Sinon quoi ? Que vas-tu faire ? se moqua le plus stupide.
— Je tirerais une flèche dans ta gorge et tu t’étoufferas avec ton propre sang, répondit froidement le rouquin en tendant son arc.
— Roh ça va, t’es pas obligé d’en arriver à de telles extrémités, avança son aîné refroidi par l’arme.
— Non, en effet, je ne suis pas obligé. Mais je me ferais un plaisir de défaire notre sol d’une vermine telle que toi. Sans hésiter une seule seconde. Donc maintenant, soit vous le laissez tranquille soit vous vous recevez mes flèches. Et vous savez que je ne manque jamais ma cible.
— Allons-y les gars, on va pas crever pour un bleu ! »
Etonnamment, tous furent du même avis et détalèrent tel du gibier affolé. Galaar abaissa son arc et disparut. Le petit Samir eut à peine le temps de remercier son sauveur qu’il ne voyait plus son ombre. A dater de ce jour, Samir a tenté de découvrir celui qui lui avait sûrement sauvé la vie. Les premiers temps, il se fit rabrouer, mais il n’abandonna pas pour autant. Il prenait la dureté de cœur du roux comme un système de défense. Celui qui l’avait secouru ne pouvait pas avoir un cœur aussi dur que la roche. Et le temps lui prouva qu’il avait raison.
Les efforts de Samir finirent par payer. Galaar cessa de l’ignorer et répondit aux questions que son comapgnon d’infortune lui posait. Il ne le rabrouait plus que lorsque ce dernier se montrait trop bavard. Peu à peu, il s’était accoutumé à la présence du garçonnet aux yeux noisette. Pourtant, il refusa de l’appeler son ami. Jusqu’au jour où Samir faillit mourir à cause d’un exercice qui avait mal tourné. Une lance avait perforé ses côtes et beaucoup de sang s’échappait de son petit corps. Alors Galaar avait prié nuit et jour pour qu’il se réveillât. Il demeura à son chevet jusqu’à ce que le blessé ouvrit les yeux. Quand ce fut le cas, les larmes laissèrent place à un mince sourire.
Plus les jours passaient et plus les deux enfants devenaient inséparables. Ils se partageaient les ragots qu’ils avaient entendu en ville. Ils se tenaient au courant de tout ce qu’ils avaient vu et entendu. Ils partageaient leurs peurs, ce qui les allégeaient quelque peu dans le noir de la nuit. Ils se confiaient également leurs rêves et leurs espoirs. Naturellement, ils aspiraient tous deux à s’enfuir de ce trou à rat qui n’apprenait qu’à tuer avant de se faire tuer. Hélas, ils n’en firent rien et ce fut le plus grand regret de Samir. Chaque blessure que subissait l’un, l’autre l’éprouvait également. Eux qui ne se coannaissaient que depuis quelques années semblaient être devenus une seule et même personne. Si l’un avait une basse besogne à accomplir, l’autre l’aidait. Si l’un était récompensé, il en faisait profiter l’autre. Ils étaient devenus des frères. Qui se supportaient et enduraient ensemble cet Enfer. Ils étaient prêts à tuer et à mourir l’un pour l’autre. Samir aurait pu tout faire pour Galaar et il savait que cela était réciproque. S’il savait que cela aurait pu épargner le reste de son existence, Samir se serait enfui avec son frère même si cela leur aurait apporté honte et infâmie. Pour lui, rien n’était plus important que ce frère de cœur. Et il l’avait perdu.
Les Cinq étaient décidément des divinités bien cruelles. Elles lui avaient retiré ce qu’il avait de plus cher en ce monde. Et dans quel but ? Il l’ignorait. Tous l’ignoraient et personne ne pourrait jamais lui répondre. Tout était de leur faute. Et Samir avait souvent souhaité la destruction de ces misértables Cinq. Il ne leur vouait plus aucune adoration ni aucun respect depuis ce funeste jour. Cependant, les dieux se moquaient de cette haine infantile qu’un simple mortel leur vouait. Gérer l’Univers était suffisamment compliqué pour se préoccuper des afflictions de tous ces humains. Ces divinités au nombre de cinq avaient été priées. Pourtant, elles les avaient abandonnés au moment où ils avaient franchi les terres d’Eranok.
Nul présage n’avait annoncé la débâcle qu’ils allaient subir. Une trentaine de jours s’étaient écoulés sans qu’aucun problème ne fût survenu. Les jeunes hommes s’étaient rapidement acclimatés à ce nouvel environnement dans lequel ils se trouvaient. Malgré les températures basses qui régnaient au sein de Osborn, petite campagne proche des côtes qui se situait entre Daenor et Berin. Dans ce territoire isolé, ils se tenaient loin de la capitale. Ils étaient en sécurité. Du moins, c’était ce qu’ils croyaient. Durant ce mois passé en terre étrangère, les jeunes gens avaient fait ce pourquoi ils avaient été envoyés dans cette contrée nordique. Ils jouaient à la perfection le rôle de frères orphelins que la famine avait poussé à trouver refuge dans ce coin de paysans. Si les locaux leur avaient trouvé un accent étranger, ils ne s’en étaient pas formalisés. Leur sort poignant avait été bien plus important que leur lieu de naissance.
De ce fait, on les avait recueuilli le plus naturellement du monde. Cinq familles du village s’étaient réparties la garde de cette fratrie. Galaar et Samir avaient tout bonnement refusé d’être séparés. Si leurs "frères" avaient trouvé cela puéril, les fermiers d’Osoborn avaient trouvé cela touchant. Ils avaient donc respecté ce simple souhait. Malgré cette séparation de foyer, les jeunes hommes avaient le droit de vaquer d’une maison à l’autre. Cela leur était pratique pour effectuer des réunions et faire des rapports les uns entre les autres. Evidemment, ils devaient faire passer ça pour des réunions de famille où ils rendaient hommage à leurs parents.
Leurs hôtes ne posèrent aucune question, ce qui les arrangea. Cependant, la comédie se fondit rapidement à la réalité. Ils étaient si bien traités qu’ils avaient fini par prendre ces étrangers pour leur famille. Cela valait pour l’intégralité de la petite équipe de soldats. A force de les côtoyer, ils avaient fini par se mêler au quotidien de leurs ennemis. Ils avaient fini par jouer avec les autres adolescents de leur âge. Certains avaient même entretenu une idylle. Ils s’étaient pris d’affection pour ceux qui les avaient seocuru sans leur faire passer d’interrogatoire. Serviables, ils faisaient en sorte de les aider chaque jour qui passait. Loin d’être ingrats ils ne voualietn pas être un fardeau pour ceux qui les avaient hébergé. Ils éprouvaient presque de la honte à devoir repartir. S’ils avaient fini par se prendre d’affection pour les osborniens, cela était réciproque. Ces paysans les avaient choyés et protégés comme leurs propres fils. A force de s’occuper de leur bien-être, ils avaient fini par oublier qu’ils ne venaient pas d’ici. Personne ne parlait de leur futur départ car cela blessait autant les enfants que les adultes. Tout allait bien. Même s’ils n’étaient pas emballés par cette idée, ils allaient bientôt repartir. Ils allaient rentrer chez eux la tête pleine de rêves et de beaux souvenirs. Leur opinion avait véritablement changé sur cet adversaire que le roi traquait. S’ils n’étaient pas faits pour penser, force leur avait été de cosntater que ceux de l’autre continent étaient tout autant humains qu’eux. Ils allaient leur manquer et même s’ils ne le pouvaient pas, ils auraient aimé rester ici à jamais. Tout allait bien. Ils étaient sains et saufs et plus que bien traités. Hélas, tout n’allait pas être si simple. Sans comprendre pourquoi, ils allaient passer du rêve au cauchemar. Ce qui allait coûter la vie de ces enfants qui auraient dû simplement repartir comme ils étaient venus.
Par une après-midi paisible, un garde impérial avait fait escale dans cette petite campagne. L’impératrice avait eu vent de la venue d’étrangers sur son territoire. Craignant que ce ne fût un piège de la part du roi de Daros, elle avait ordonné à l’un de ses hommes d’aller vérifier de quoi il en retournait. Contrairement aux rives de Daros, les gardes d’Eranok étaient vêtus d’armures flamboyantes qui ne passaient pas inaperçues.
Cela avait peut-être eu toute son importance. Ils seraient peut-être toujours là s’ils avaient eux aussi porté des armures. Ce qui ne fut pas le cas. Lorsque le garde fit halte dans une des maisons d’Osborn, il fit tout pour rencontrer ces jeunes étrangers. Il expliqua que telle était la volonté de leur impératrice. Alors les paysans lui obéirent. Ne pensant pas à mal, ils démontraient juste leur loyauté. Ce qui avait été une fatale erreur. Lorsque le garde entendit les jeunes gens parler, il ne réagit pas tout de suite. Au fil de leur conversation, leur accent se précisa dans sa pensée. Et il reconnut l’accent des hommes de Daros. En temps normal, cela n’aurait pas interpellé ce guerrier d’Eranok. En effet, il n’aurait pas tiqué s’il n’avait pas eu affaire à six jeunes hommes qui avaient sensiblement le même âge. Il savait ce que cela voulait dire. Il était alors conscient que l’impératrice avait raison, mais il ne montra nulle réaction. Il devait au moins leur reconnaître un sacré talent d’acteur. Lorsque le garde repartit, les jeunes militaires pensaient que le garde ne les avait pas percés à jour. Comme ils se trompaient…
Eux qui se croyaient en paix allaient vivre l’Enfer. A la nuit tombée, une trentaine de cavaliers débarqua à toute hâte au sein du village. Les villageois endormis furent réveillés par le bruit de course endiablée des montures. A peine furent-ils sortis de leurs lits qu’ils virent leurs maisons se faire embraser. Tandis que le plus gros de la troupe se dirigea vers les confins du patelin, une dizaine d’hommes chargés de torches incandescentes incendièrent les maisons et les granges. Sans pitié, ils enflammèrent tous les logis qu’ils croisèrent sous prétexte que ces villageois avaient trahi leur reine. Eux qui s’étaient contentés d’abriter de jeunes réfugiés.
En à peine vingts minutes, tout le village fut réduit en cendres. Les rares survivants avaient été réunis au centre de cet immense braiser. Cernés de toute part par les gardes impériaux, ils ne pouvaient fuir. Le plus vieux du groupe, un homme aux cheveux grisonnants désira implorer grâce. A peine pût-il prononcer un mot qu’on lui transperça sèchement la poitrine. Les jeunes militaires virent ce pauvre vieillard se faire embrocher comme un vulgaire animal. Ils se mirent tous à pleurer en silence, dégoûtés par la violence dont avaient fait preuve cet homme. Eux qui avaient été peréparés à faire face à la Mort s’étaient trop attachés à ces paysans pour accepter qu’on les décima de cette manière. Encore une fois, Galaar voulut intervenir. Néanmoins, cette fois, il fut retenu par ses pairs. Peu importait à quel point ils tenaient à ces hommes et ces femmes livrés en pâture à l’ennemi, ils ne pouvaient pas prendre le risque de se jeter dans la gueuel du loup.
Au bout de plusieurs minutes même le rouquin se rendit à l’évidence. Ils ne pouvaient pas les aider. Impuissants, ils assistèrent à l’empalement cruel d’une douzaine de personnes. Chacun des visages de ces innocentes victimes demeura gravé dans l’esprit de Samir. Ils ne méritaient pas de mourir comme ça. Ils n’avaient rien fait de mal. Et il n’avait rien pu faire pour les sauver. Cela le hantait toujours quand il y repensait. La seule chose qu’ils avaient pu faire, c’était de voir ces braves se faire exécuiter sans autre forme de procès. Aussi dur que le spevtacle fût, les soldats de Daros pesnaient que c’était la moindre des choses qu’ils pouvaient faire.
Dès que le macabre spectacle prit fin, les jeunes hommes se déplacèrent à travers les ruines pour ne pas se faire repérer. Eclairés par la Lune et les dernières flammes qui dansaient, ils se déplaçaient tels des ombres. Ce qui les rendait insaisissables. Du moins, ce fut le cas jusqu’à l’aube. Ils profitèrent de leur fluidité pour abattre calmement les rares gardes qu’ils rencontraient sur leur chemin.
Hélas, quand le soleil pointa le bout de son nez, ils furent perdus. L’obscurité que leur offrait la nuit avait disparu. Ils étaient livrés à eux-mêmes, seuls sans secours. La rare protection que leur prodigait encore la nature demeurait dans les buées opaques formées par les restes de fumées provenant des brasiers qui avaient consummé la ville. Ce brouillard aurait pu les sauver. Du moins, il avait sauvé Samir. Acculés contre la mer, les jeunes hommes se retrouvèrent pris au piège face à une trentaine de soldats aguerris. Bon gré mal gré, ils décidèrent de lutter.
La danse qui opposa les deux camps ne fut pas des plus équitables. Si une vingtaine d’hommes fonçait vers son adversaire, ils ne rencontrèrent que quatre opposants. Il s’agissait des plus mûrs jouvençaux dont deux maitrisaient la lance et deux autres maniaient l’épée. Cette différence ne les effraya pas fu tout. Ils s’avancèrent courageusement et luttèrent avec force tels des guerriers chevronnés. Des coups de lames fusèrent de toute parts. L’acier ne cessa de s’entrechoquer. Chaque coup qui brisait le silence jouait de la vie ou de la mort de l’épaule qu’elle armait. Le fer s’entrechoquait jusqu’à ce que des cris d’agonie retentirent dans le silence du petit matin. Il s’éocula plusieurs heures avant que la première épée de Daros ne mourrut sur le champ d’honneur.
Les images de cette bataille demeuraient floues aux yeux de Samir. Néanmoins, ses autres sens se rappelaient parfaitement de cette atmosphère d’agonie et de puanteur de charogne. C’était comme s’il n’y avait pas participé. Comme s’il n’était pas vraiment là lorsque tout cela s’était passé. Pourtant, il se remémorait les rugissements qui avaient perforé le ciel.
Témoins de ceux qui s’acharnaient à survivre, ils déchiraient le silence mortuaire qui régnait dans ce village fantôme. Ces grognements presque bestiaux donnaient une idée du nombre d’hommes qui étaient encore debout et qui étaient aptes à combattre. Leurs hurlaments rompit le repos des morts. Ceux qu’ils ne voulaient pour rien au monde rejoindre. Ces bruits rauques prouvaient qu’ils étaient toujours debouts et qu’ils ne comptaient aps tomber de sitôt.
A contrario, il entendit des cris d’agonie agiter certains futurs cadavres. Il entendit de nombreux litres de sang inonder le sol. Ceux qui heurtaient la terre brûlée avaient très peu de chance de se relever. Quiconque tombait par terre était condamné. Certains étaient seulement blessés. Alors ils imploraient leurs adversaires ou leurs propres compagnons de les achever. Aucun des mourants ne pensa à prier. Ils souhaitaient juste mourir vite et avec honneur. Certains d’entre eux baignèrent dans leur propre sang durant de longues minutes avant d’expirer leur dernier souffle. L’hémoglobine qui abonda savamment dégagea une odeur telle qu’elle attira rapidement les vautours qui voletaient non loin de là. Les fidèles montures qui avaient accompagné ces fiers gardes fuirent dès qu’elles le purent. Après tout, elles n’étaient pas là pour décéder. Dès que leur maitre trépassa, elles s’éloignèrent de ce monde de putréfaction.
Au bout d’un moment qu’il ne sut estimer ; ses compagnons lui hurlèrent dessus. Ils baragouinèrent des ordres qu’il ne sut comprendre. Ils voulaient certainement qu’il se saisit de son arbalète. Malheureusmeent, il était inapte à faire quoique ce fut. Il demeurait là immobile alors que l’on s’entretuait devant lui. Il avait beau employer toute ses forces, il ne put esquisser le moindre mouvement. On se donnait de violents coups de tous les côtés. Cela ne le fit pas bouger pour autant. Il était saisi de trop d’effroi pour activer le moindre mécanisme.
Tout ce qui le préoccupait étaient les bruits de tambour qui résonnaient dans sa tête. Tout comme les battements de son cœur qui battaient à tout rompre. Il ne pouvait que sentir cette frayeur qui parcourait chacune de ses veines. Il était terrorisé et se sentait incapable d’aider ses pairs. Il se sentait comme dans un Univers parallèle. Il n’était pas réellement présent sur cette scène de meurtres sanglants. Il avait beau tout faire pour se tirer de là, la terreur l’immobilisait.
Tout ce qu’il parvenait à faire était de prier. Sur le coup, il ne pouvait rien faire d’autre. Tout ce à quoi il pensait était sa propre mort. Il ne voulait pas finir comme les autres carcasses qui moisissaient sur le sol. Il ne prêta pas attention à ce qui l’entourait jusqu’à ce qu’un corps lui tombât dessus. Il aurait voulu crier de terreur, mais toute sonorité était bloquée dans le fond de sa gorge. Son corps devint blanc comme un linge et ce fut un miracle qu’il ne s’avanouit pas. Eclaboussé par les tripes de l’homme qui gisait sur lui, il ne pouvait rien faire. Il ressemblait à une statue et semblait égtalement avoir perdu tout souffle vital. Il aurait pu demeurer comme cela durant des lustres.
Heureusement pour lui, Galaar finit par intervenir.
Ce dernier poussa la masse cadavérique sur le côté puis releva son ami. Il prit sa main et le força à s’extirper de sa torpeur. Il les mena jusqu’à un abri quelconque qui pourrait les sauver. La seule préoccupation de celui qui avait encore un peu de jugeotte était de trouver un endroit bien isolé. Il devait se loger dans un endroit qui serait peu exposé et surélevé. En somme, il fallait un abri qui put leur permettre d’avoir une vue dégagée sur le terrain de bataille. Autrement dit, il les planqua dans un endroit qui lui permettrait de dégainer ses flèces sans se faire tuer au passage. Ce qui était mieux pour aider ses deux compagnons qui étaient encore debout et démunis face aux autres gardes. Dès que Galaar trouva la bonne position, il se mit à dégainer. Comme toujours, chacune des flèches qu’il décocha atteignit sa cible. Il était vraiment doué lorsqu’il tenait un arc entre ses mains. Etrangement, il semblait très calme comparé à Samir qui restait prostré. Grâce à lui, une dizaine d’hommes d’Eranok succomba. Ce qui rééquilibra quelque peu les forces qui s’affrontaient alors que le Soleil était au zénith. En voyant son frère se démener pour garder le dernier idiot de leur camp en vit, Smair se reprit. Si ce dernier s’effondrait, ils seraient les prochains à se faire attaquer. Et il était conscient qu’ils seraient incapables de se défendre dans un combat au corps à corps. Il saisit donc son arbalète et se mit également à tirer des carreaux d’arbalète sur leurs ennemis. Voir leur dernier espoir prêt à tomber à tout instant avait comme ravivé son instinct de survie.
Quand les dernières lueurs de l’astre solaire éclairèrent le ciel, les derniers survivants d’Eranok décidèrent de prendre la fuite. Ils n’allaient pas perdre tous leurs hommes pour un simple archer et un arbalestier. Combattre à distance avait certainement épargné la vie des plus jeunes hommes de Daros. Eux qui étaient venus à six, ils repartiraient à deux. C’était peu, mais c’était mieux que rien. Il rentrerait avec Galaar et c’était le seul dont la vie lui importait vraiment.
Dès que le calme recouvra totalement le lieu ù ils se trouvaient, ils sortirent de leur cachette. Samir remarqua que Galaar était blessé, mais cela n’avait l’air rien de grave. Ils avancèrent vers la mer. C’était leur seule échappatoire. Au bout d’une heure de marche, ils atteignirent la côte. Ils avancèrent donc jusqu’à la côte, là où leur embarcation les attendait.
Alors qu’ils allaient pouvoir enfin rentrer chez eux, Galaar s’effondra sans raison apparente. Samir se retourna vers lui, choqué, et vit une mare de sang envahir le haut de son ami. Avec horreur, il constata que la blessure de son frère n’était pas si superficielle que cela. Galaar avait été bien plus amoché qu’il n’avait bien voulu l’admettre. L’horreur saisit Samir. Non, ce n’était pas vrai. Ce n’était pas possible. C’était une erreur. Il ne pouvait pas l’abandonner. Pas maintenant. Pas après l’avoir sauvé de cette boucherie. Non. Ils devaient rester ensemble. Ils devaient rentrer victorieux. Tous les deux. Pourtant, les Cinq en avaient décidé autrement. Désespéré, il serra le corps de son ami contre lui tandis que les larmes inondaient ses joues. Tandis que la carcasse de son frère devenait de plus en plus froide, il hoqueta d’une voix brisée par les sanglots :
« Me laisse pas. T’as pas le droit de mourir merde ! Reste en vie Galaar ! Je t’en prie, reste en vie ! Me laisse pas tout seul, je veux pas me retrouver seul. Meur spa s! meur spa s! T’as pas le droit de mourir tu m’entends ? C’est pas juste !!! C’est pas juste !!!! Meurs pas….s’il te plait….meurs pas....Galaar….me laisse pas...j’ai peur… ».
Ses prières furent vaines car le souffle de la vie délaissa ce pauvre Galaar. Pourtant Samir continua de tenir durant des heures le cadavre de son ami. Il pleurait, immobile. Il se moquait de mourir ou de vivre. Tout ce qui lui importait avait été ravi. Il n’avait plus aucune raison de s’en aller. Il n’avait plus de raison de continuer. Il ne pouvait pas...il ne voulait pas que cela continua. Il pensait mériter le même sort que ses camarades. Alors il était demeuré là sans bouger jusqu’à ce qu’on le rapatriât de force.
A l’instant où Samir fut séparé de la carcasse de Galaar ce dernier se réveilla en sursaut. Son compagnon de galère ramait toujours. Tandis que Samir haletait, hanté par ce sempiternel cauchemar qui revenait chaque soir. Il devait passer à autre chose. Pourtant, il avait la conviction que ce ne serait pas possible. Pas tant qu’il ne les aurait pas vengé. Il aurait pu abandonner. Tout autre homme se serait laissé mourir, mais Samir était différent. Il avait préféré choisir la vengeance. il s’était promis qu’un jour, il mettrait à feu et sang ce continent maudit. Récolter des informations ne lui importait guère. Tout ce qu’il comptait faire était d’occir chaque garde qu’il croiserait.
Il n’était plus un enfant. Il n’avait plus peur. Désormais, il était devenu une machine de guerre. Et la seule chose qui pourrait abreuver sa soif de haine serait de voir leur hémoglobine tâcher ces terres de malheur.
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