9 - Wilfried vs Ohona

Wilfried vs Ohona

Je suis assis dans le coin du salon d’études, un livre dans les mains, la lumière tamisée éclaire lentement les pages. À côté de moi, Hiyori est plongée dans son propre ouvrage, son calme presque palpable. Le monde extérieur semble loin, insignifiant. Mais dans l’air, il y a cette tension invisible, comme un brouillard lentement en train de se lever. Je sens qu’il ne va pas falloir longtemps avant que cette tranquillité soit perturbée.

Et puis je l’entends. Une voix, presque familière, mais toujours teintée de cette arrogance qui m’agace.

Albert et Ryuen. Ils arrivent, leurs pas lourds résonnant dans le couloir. Ils sont là, évidemment. J’avais presque oublié que tout ceci n'était qu'une question de temps. Leurs silhouettes apparaissent à la porte, puis ils avancent vers moi.

— "Wilfried, tu viens avec nous", dit Ryuen, son ton froid et autoritaire. Il essaie de me faire lever, mais je ne bouge pas d’un pouce. Je continue de tourner la page, les mots se mêlant dans ma tête sans se soucier de leur présence.

— "Vas-y, on t’emmène." Albert ajoute, sa voix tout aussi ferme. Un essai supplémentaire, et soudain ils me saisissent chacun par un bras, essayant de me soulever.

Mais je ne bouge toujours pas. Je reste là, assis, ancré dans le sol. Leur force est dérisoire face à ma volonté. Ils s’échinent, mais je reste indélogeable. Je les laisse s’agiter, mes yeux rivés sur les mots qui me semblent soudainement encore plus captivants.

— "Tu veux vraiment qu’on aille jusqu’au bout?" Ryuen me lance, frustré. "Tu crois que c’est une bonne idée de nous défier?"

Je souris intérieurement. Ils n’ont rien compris. Parce qu’ici, ce n’est pas de la force brute qui compte, c’est la détermination.

— "Si vous insistez, alors conduisez-moi à Ohona", je réponds calmement, enfin levant les yeux vers eux. "Mais vous ne me dérangerez pas plus que nécessaire."

Hiyori, elle, ne semble pas perturbée par la scène. Elle me regarde, ses yeux compatissants mais fermes, et se lève.

— "Je viens avec toi", dit-elle, ses yeux fixant Albert et Ryuen d’un air inébranlable. Elle ne veut pas me laisser seul face à eux. Je comprends son inquiétude, mais je sais que je n’en ai pas besoin. Pourtant, j’apprécie sa présence silencieuse à mes côtés.

Nous nous dirigeons vers la salle où Ohona nous attend. La scène est préparée pour un face-à-face, mais ce n’est pas un combat physique. Non, Ohona n’a pas choisi la violence. Elle me propose autre chose, quelque chose de plus subtil : un duel, mais dans le domaine de l’esprit. Un blackjack.

— "Tu veux m’affronter dans un jeu de cartes ?" Je lui lance un regard, mi-amusé, mi-interrogateur. Elle m’observe, un sourire léger sur ses lèvres.

— "C’est ton genre, non? Tu paries tout sur la survie, Wilfried. Mais dans ce jeu, même un mental de survivant ne te sauvera pas."

Elle a raison, en partie. Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, toutes mes stratégies, tous mes plans, sont nés de ce besoin de survivre. Mais ce soir, je suis prêt à prendre un autre pari. Parce qu'il n'y a pas que la survie. Il y a la lumière. Et peut-être que ce jeu, ce défi, peut m’en offrir un peu plus.

Je prends place à la table. La salle est calme, presque intime, et le bruit des cartes qui sont distribuées résonne d’une manière presque hypnotique. Les règles sont simples. Le but est d’obtenir un total de 21, sans dépasser ce chiffre. Un jeu de hasard et de stratégie, où chaque carte peut être une victoire ou une défaite. Où tout peut basculer en un instant.

Le jeu commence.

Je regarde ma première carte. Un 6. Pas mauvais, mais pas suffisant pour me relâcher. Ohona, elle, a l’air parfaitement à l’aise, un sourire léger sur les lèvres comme si elle avait déjà prévu l’issue de cette rencontre.

Elle tire une autre carte, puis une autre. Le jeu est tendu, et même si tout cela n’a aucun véritable enjeu, l’atmosphère devient de plus en plus électrique. Elle me pousse à réfléchir, à anticiper. Chaque carte que je tire, chaque décision que je prends, est calculée avec précision. Ohona pense qu’elle me connaît. Elle croit que je vais céder à l’intensité de la situation, que je vais rester dans mon rôle de survivant et jouer prudemment. Mais elle se trompe.

Je prends des risques. Je pousse les limites. C’est le jeu, après tout. Pas de règles fixes, juste une chance, un pari. Je suis plus un parieur qu'un survivant, et je le lui montre. À chaque nouvelle carte, je choisis de suivre ma propre voie.

Le match est serré. Nous avons tous les deux 20, ce qui signifie que la partie va se terminer sur un match nul. Un tirage. Aucun des deux n’a été suffisamment audacieux pour l’emporter, mais aucun des deux n’a non plus été assez timide pour se laisser dominer.

Elle regarde ses cartes, puis me fixe droit dans les yeux. Son sourire s’élargit, mais c’est un sourire intrigué, presque respectueux.

— "Tu es plus lumineux que ce que je pensais", dit-elle, presque impressionnée. "Tu n’as pas cédé à ton instinct de survie."

Je la regarde calmement. C’est la première fois qu’elle me voit différemment, non pas comme un simple survivant, mais comme un joueur qui accepte de prendre des risques pour quelque chose de plus grand que lui.

— "Je ne vais pas m’impliquer dans les affaires de la classe A", je réponds sans détour, les yeux fixés sur elle. "Tout cela est futile, Ohona. Ce n’est pas pour moi."

Je me lève lentement, mes gestes fluides, mes pensées déjà ailleurs. Je fais un dernier regard à la table de jeu, puis je me tourne vers Hiyori. Elle me suit sans dire un mot, comprenant sans doute ce que j’ai décidé.

Nous nous dirigeons vers la porte. Ohona reste silencieuse, une expression de surprise se dessinant sur son visage. Elle n’a pas prévu que je me retire si facilement, que je refuse de participer à ce jeu qu’elle pensait pouvoir contrôler.

Mais ce n’est pas à elle de décider de ma place dans ce monde. C’est à moi.

— "Bonne chance dans vos jeux de pouvoir", je dis en m’éloignant. "Mais ce n’est pas le mien."

Et avec cela, je quitte la pièce, laissant derrière moi un jeu sans vainqueur, mais avec une certitude inébranlable : il n'y a rien de plus risqué que de croire que la survie est tout ce qu'il y a.

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