9 - Un examen plus compliqué que prévu.

Les dernières semaines du mois se déroulent sous une pression croissante, chacun d'entre nous conscient que tout dans cette école repose sur nos performances. Et aujourd’hui, Chabashira-sensei, toujours aussi glaciale, nous annonce un « examen de routine ».

Routine ? Mon œil.

Je suis assis à mon bureau, fixant la feuille d’examen avec une expression neutre, mais intérieurement, je bouillonne. Certaines questions sont ridiculement simples, niveau primaire ou collège. Mais d’autres ? De véritables casse-têtes de niveau universitaire.

C'est quoi cette absurdité ?

Heureusement, je m'étais préparé, mais pas de manière conventionnelle. Pendant mes années de collège, j’avais eu cette idée bizarre de lire des manuels universitaires. Pas par passion, non, mais parce que je voulais être sûr de couvrir toutes les bases. À l’époque, je pensais que c’étaient des manuels de kanji, tellement leur contenu me paraissait abscons. Je m’étais plongé dedans, plus par curiosité et défi que par nécessité. Et aujourd’hui, ce pari insensé porte ses fruits.

Je passe rapidement sur les premières questions en English, un sujet facile pour moi. Mon esprit enchaîne les conjugaisons, les synonymes et les règles grammaticales sans effort. Je réponds presque mécaniquement, me disant que cette partie est la plus simple.

Ensuite, je m’attaque à Modern Grammar. C'est un peu plus complexe, mais rien d'insurmontable. Les structures syntaxiques, les nuances linguistiques... Tout cela semble taillé pour nous piéger, mais je connais ces sujets. Je termine cette section avec un sourire en coin, appréciant presque le défi.

Vient la chimie.

C'est là que les choses se corsent. Une question attire mon attention : une équation chimique complexe qui demande une compréhension approfondie des réactions organiques. Je prends une grande inspiration et commence à gribouiller sur mon brouillon.

Ok, Wilfried, pas de panique.

Je me rappelle d’une soirée où j’avais lu un livre sur la chimie organique juste pour m’amuser – enfin, si on peut appeler ça s’amuser. Je note rapidement la solution et passe à la question suivante.

Ensuite, c’est au tour de Civics. Des questions sur le système politique japonais, la Constitution, et quelques principes philosophiques de base. Ce n’est pas ma matière préférée, mais j’ai appris à m’adapter. Je récite mentalement les informations que j’ai mémorisées et complète cette partie sans trop de difficulté.

Puis vient la dernière épreuve : les mathématiques.

Les premières questions sont une plaisanterie. Des calculs basiques, des problèmes que même un collégien pourrait résoudre. Mais ensuite, les choses se compliquent. Une question sur les matrices me prend par surprise.

Je fronce les sourcils. Pourquoi est-ce que des lycéens devraient savoir ça ?

Je prends un moment pour organiser mes pensées avant de me lancer. Des souvenirs d’un manuel universitaire que j’avais feuilleté un jour me reviennent, et je commence à tracer les calculs nécessaires.

Les minutes passent. La salle est silencieuse, si ce n’est le bruit des stylos sur le papier et le tic-tac de l’horloge.

Quand j’écris finalement la dernière réponse, je me sens vidé, mais satisfait. J’ai fait ce que je pouvais, et honnêtement, je suis confiant dans mes réponses.

Je me lève calmement, rassemble mes feuilles et les remets à Chabashira-sensei. Elle me regarde d’un œil impassible, comme d’habitude, et je quitte la salle.

À l’extérieur, je croise Igor et Yinghua, qui attendent dans le couloir.

« Alors, comment ça s’est passé ? » demande Igor en me tapotant l’épaule.

Je hausse les épaules. « Ça va. Certaines questions étaient difficiles, mais rien d’impossible. Et toi ? »

Il sourit. « Pas mal. Mais les maths... Franchement, tu crois qu’ils veulent nous transformer en ingénieurs ? »

Yinghua rit doucement. « Toi, ingénieur ? Ça serait un désastre. »

Je souris légèrement à leur échange. Malgré la tension, ces moments de camaraderie me rappellent pourquoi je reste proche d’eux.

Mais au fond de moi, je sais que cet examen n’était qu’une étape. Dans cette école, chaque réussite est suivie d’un autre obstacle.

Alors que je marche vers le dortoir, je repense à la semaine écoulée. La rivalité avec Kushida, les manipulations en coulisse, et maintenant cet examen. Tout semble conçu pour nous maintenir sous pression constante.

Et pourtant, je ne peux m’empêcher de me demander : qu’est-ce qui nous attend après ça ?

Après l'examen, je décide de prendre une pause bien méritée. Je suis encore dans un état d'esprit calculateur, mes pensées s'entremêlant entre les points gagnés ou perdus et les possibles pièges qui pourraient suivre. Mais Yinghua, toujours attentive, semble lire sur mon visage que je suis sur le point de me noyer dans mes réflexions.

« Viens avec moi, Wilfried. J’ai quelqu’un à te présenter. »

Je lève un sourcil mais ne proteste pas. Avec Yinghua, je sais que ses intentions sont rarement mal placées. Elle a cette façon d’apporter un équilibre à nos interactions, une sorte de sérénité que ni Igor ni moi ne pouvons réellement offrir.

Nous traversons les couloirs du bâtiment principal, puis le terrain extérieur. La journée est douce, le vent léger et agréable. Finalement, nous arrivons à un petit espace ombragé où une fille se tient, assise sur un banc, entourée d’une aura presque lumineuse.

Elle se lève en nous voyant approcher.

« Honami, je te présente Okoda Wilfried Pascal. » Yinghua m'adresse un regard espiègle avant de se tourner vers la fille. « Et Wilfried, voici Ichinose Honami. »

Ichinose... Ce nom résonne vaguement dans mon esprit, probablement mentionné par d’autres élèves. Une fille populaire, la leader incontestée de sa classe, Classe 1-B. Mais ce n’est qu’en la voyant en personne que je comprends pourquoi elle est si souvent citée avec admiration.

Elle a un sourire rayonnant, sincère, presque désarmant. Ses yeux pétillent d’une chaleur et d’une énergie que je n’ai pas croisées depuis longtemps, et surtout, que je ne reconnais pas en moi-même.

« Enchantée, Okoda-kun ! » dit-elle en inclinant légèrement la tête.

Je hoche la tête en retour, gardant mes distances, comme d’habitude. « De même. »

Mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit de plus, Yinghua prend la parole, comme pour forcer l’interaction.

« Ichinose est quelqu’un de très intéressant, tu sais. Elle est exactement ce que tu aurais pu être, si tu n’avais pas cet... instinct de survie, disons. »

Je cligne des yeux, un peu pris de court par cette déclaration directe. Honami ne semble pas offusquée, au contraire. Elle rit doucement, presque comme si elle comprenait.

« C’est flatteur, mais je doute que je sois aussi extraordinaire que ça. »

Yinghua croise les bras, un sourire en coin. « Ne sois pas modeste. Tout le monde sait que tu as cette capacité innée à unir les gens, à les motiver, à les inspirer. Wilfried, lui, préfère rester en retrait et analyser tout avant d’agir. »

Je fronce légèrement les sourcils. C’est vrai, mais cela reste étrange de l’entendre formulé de cette manière, surtout devant une étrangère.

Honami se tourne vers moi, toujours souriante. « Je suppose que nous avons des approches très différentes. Mais ce n’est pas une mauvaise chose. Après tout, chacun fait ce qu’il peut pour s’adapter, non ? »

Sa voix est douce, mais il y a une sincérité désarmante dans ses paroles.

« Peut-être, » dis-je finalement.

Elle semble attendre que je développe, mais je n’ai rien de plus à ajouter. Pourquoi est-ce que je devrais expliquer quoi que ce soit ?

Mais Yinghua intervient à nouveau, comme pour combler le silence.

« Wilfried est plus du genre à penser à long terme, à envisager tous les scénarios possibles. Toi, Honami, tu vis dans l’instant. Et pourtant, vous êtes tous les deux incroyablement efficaces dans ce que vous faites. »

Ichinose rit légèrement. « Peut-être. Mais je pense que tout le monde peut apprendre des autres. Peut-être que je devrais prendre exemple sur toi, Okoda-kun, pour être un peu plus prudente. »

Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit rire, presque imperceptible.

- Et peut-être que je devrais apprendre à sourire comme toi, Ichinose.

C’est une rare tentative d’humour de ma part, mais elle le prend bien, son sourire s’élargissant encore.

Yinghua semble satisfaite de cet échange.

- Bon, je vais vous laisser discuter. Honami, prends soin de lui, d’accord ? Il peut être un peu trop sérieux parfois.

Avant que je ne puisse protester, Yinghua s’éloigne, me laissant seul avec Ichinose.

Un silence s’installe, mais ce n’est pas un silence inconfortable. Elle semble réfléchir à quelque chose, ses mains jointes devant elle.

- Alors, commence-t-elle, pourquoi es-tu si sérieux tout le temps ?

Je la regarde, un peu surpris par sa franchise.

- C’est une question étrange à poser à quelqu’un que tu viens de rencontrer.

Elle hausse les épaules, un sourire malicieux sur les lèvres.

- Peut-être. Mais c’est ce que je fais. Je pose des questions.

Je soupire légèrement, réalisant que je ne vais pas pouvoir éviter cette conversation.

- Disons simplement que je n’ai pas le luxe de prendre les choses à la légère.

Elle incline la tête, curieuse.

- Pourquoi pas ?

Je la fixe un moment, cherchant mes mots.

- Parce que dans cet environnement, si tu baisses ta garde, même une seconde, quelqu’un te dépasse. Et ici, se faire dépasser signifie se faire écraser.

Elle semble réfléchir à ma réponse, son sourire s’adoucissant.

- Je comprends. Mais tu sais, ce n’est pas forcément une fatalité. Parfois, faire confiance aux autres peut être une force, pas une faiblesse.

Je hoche la tête, mais intérieurement, je suis sceptique. Faire confiance ? Dans cette école ? C’est une recette pour le désastre.

- Peut-être, dis-je simplement, sans m’engager.

Elle ne semble pas convaincue, mais elle n’insiste pas. Au lieu de cela, elle change de sujet, parlant de choses plus légères, comme les clubs, les cours, et ses propres objectifs.

En l’écoutant, je ne peux m’empêcher de me demander ce que ma vie aurait été si j’avais suivi un chemin similaire au sien. Si je n’avais pas appris à survivre à tout prix.

Mais ce n’est pas le cas.

Et je doute que cela change un jour.

Alors que la conversation se poursuit, Ichinose réussit quelque chose d’inattendu : me mettre à l’aise. Ses paroles, bien que légères, semblent peser plus lourd qu’elles n’en ont l’air. Elle parle de camaraderie, de ses expériences, de la manière dont elle croit que chacun peut grandir en s’appuyant sur les autres.

Je l’écoute, sans répondre immédiatement, pesant chaque mot. Une partie de moi veut rejeter ses idées. Dans cette école, faire confiance à quelqu’un, c’est ouvrir une porte à la trahison. Mais une autre partie, plus discrète, se demande si elle a raison.

- Tu parles comme si c’était si simple,  finis-je par dire.

Elle rit doucement.

- Oh, je sais que ça ne l’est pas. Mais parfois, les choses les plus simples sont les plus difficiles à accepter.

Je fronce les sourcils.

-  Tu crois vraiment que les gens peuvent être fiables dans un environnement comme celui-ci ?

Elle prend un instant pour réfléchir, croisant les bras.

-  Pas tout le monde. Mais il y a des exceptions. Peut-être qu’au lieu de chercher ceux qui te trahiront, tu devrais chercher ceux qui ne le feront pas.

Sa réponse me désarçonne. Elle parle avec une telle certitude que, malgré moi, je sens une fissure dans mes défenses.

Le temps passe, et nous finissons par marcher ensemble jusqu’au bâtiment principal. Les couloirs sont presque déserts, les autres élèves ayant déjà terminé leurs activités de la journée.

- Merci pour cette discussion, Ichinose,  dis-je finalement.

Elle s’arrête, me regarde avec un sourire qui semble sincère.

- C’est moi qui devrais te remercier, Okoda-kun. Tu es... différent. Mais je pense que c’est une bonne chose.

Je hoche la tête sans répondre, et elle s’éloigne, me laissant seul dans le couloir.

Alors que je regagne ma chambre, ses paroles tournent encore dans ma tête. "Cherche ceux qui ne te trahiront pas."

Peut-être qu’elle a raison. Peut-être pas.

Mais pour la première fois depuis longtemps, je me demande si ma manière de voir les choses est vraiment la seule option.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top