8 - Sombre, plus sombre
La nuit est tombée depuis longtemps, plongeant l'académie dans une obscurité presque totale. Je suis seul dans la salle de classe, les lumières éteintes, assis à mon bureau habituel. L'obscurité m'apaise, elle me permet de penser plus clairement. Ici, les choses sont simples : des ombres et du silence.
Ohona pense que j'ai abandonné ma meilleure arme. Elle croit que la dissolution de Meiseicho était une erreur, une faiblesse. Et elle a raison... si je pensais toujours comme un survivant.
Mais j'ai changé de stratégie.
Je trace des lignes invisibles sur la table du bout des doigts, des connexions, des plans, des pièges.
En détruisant Meiseicho en tant que groupe, j'ai libéré sa philosophie. Elle s'est infiltrée dans chaque recoin de la classe A, dans chaque esprit. Et cette liberté, ce chaos contrôlé, est exactement ce dont j'ai besoin.
Une classe unie ? C'était un idéal. Une classe fragmentée par des ambitions individuelles ? C'est une réalité bien plus utile.
Je connais mes camarades. Je sais ce que la dissolution a provoqué en eux. Certains se sentent perdus, d'autres enhardis. Et certains, comme Yamauchi, voient cela comme une opportunité.
Je me lève, mes pas résonnant doucement dans la pièce vide.
Yamauchi... Je sais que tu joues les espions. Je sais que tu crois pouvoir me tromper, que tu penses que je suis aveugle à tes manœuvres. Mais je t'observe depuis le début.
Pourquoi ? Parce que j'aurais fait la même chose.
La survie. Je les ai tellement conditionnés à cette idée que je connais chaque mouvement avant qu'il ne soit fait. Chaque trahison, chaque alliance secrète, chaque acte de désespoir... Tout cela fait partie du jeu.
Je regarde par la fenêtre, les lumières de l'académie brillent au loin, et quelque part dans ces ombres se trouve Ohona.
Ohona, qui croit qu'en détruisant l'adversaire de l'intérieur, elle gagnera.
C'est une stratégie intelligente. Mais elle ne sait pas que je suis déjà au courant.
Je sais que Tsukishiro l'a envoyée. Ce n'est pas par hasard qu'elle s'en prend à moi. Tout cela fait partie d'un plan plus vaste, une guerre d'influence qui dépasse cette école.
Mais Ohona ne sait pas tout.
Elle ne sait pas que la classe B est plus dangereuse que jamais.
Taro Yoshida. Mon frère.
Je ferme les yeux un instant, l'image de Taro se formant dans mon esprit. Calme, méthodique, brillant. Il n'a pas besoin de montrer sa force pour que les autres la sentent.
Il est tout ce que je suis... et plus encore.
Sous le règne d'Arisu, la classe B avait une logique prévisible. Mais sous la direction de Taro, elle est devenue imprévisible, dangereuse.
Pourquoi ?
Parce qu'il me connaît.
Il sait comment je pense, il connaît mes forces, mes faiblesses, mes limites. Là où d'autres tenteraient de me contrer directement, Taro va au-delà. Il ne se contente pas de suivre mes pas, il anticipe ce que je ne ferais jamais.
Je regarde mes mains, ces mains qui ont tracé tant de stratégies, qui ont dirigé Meiseicho, qui ont survécu à tout.
- Celui qui aurait dû recevoir la chance d'aller au Japon, ce n'était pas moi... c'était lui.
Ces mots résonnent dans la pièce vide.
Taro aurait été le candidat parfait. Mais c'est moi qui suis ici.
Peut-être par chance. Peut-être par erreur. Mais je suis ici, et je ne compte pas échouer.
Je me détourne de la fenêtre, reprenant ma place à mon bureau.
La lumière de mon téléphone s'allume brièvement. Un message de Yamauchi.
Il continue son petit jeu d'espionnage. Parfait. Je veux qu'il continue. Je veux qu'il pense qu'il a encore l'avantage, qu'il me manipule, qu'il me tient sous surveillance.
Parce que pendant qu'il se concentre sur moi, il ne verra pas venir ce qui se prépare.
La vraie menace n'est pas moi.
C'est Taro.
Je laisse échapper un sourire léger, presque imperceptible.
Ohona pense qu'elle joue une partie d'échecs contre moi. Mais elle ne sait pas que le jeu a changé.
Ce n'est plus une question de survie. C'est une question de destruction.
De l'intérieur.
Je ferme les yeux, visualisant les prochains mouvements, les prochaines trahisons, les prochains sacrifices.
La nuit est sombre, mais elle peut encore devenir plus sombre.
Et c'est dans cette obscurité que je vais frapper.
La lumière blafarde de mon téléphone s'éteint, me replongeant dans l'obscurité. Je reste immobile, le dos appuyé contre le dossier de ma chaise, les mains croisées sur mon ventre. Tout est prêt.
Ohona croit que la dissolution de Meiseicho m'a affaibli. Taro, lui, attend son moment, prêt à frapper avec une précision chirurgicale.
Mais ce que ni l'un ni l'autre ne semblent comprendre, c'est que je ne suis pas seul.
Cette classe, je l'ai observée, formée, conditionnée... mais ce n'est pas moi qui la mènerai à la victoire.
Je laisse échapper un souffle long, presque imperceptible.
- À vous de jouer.
Je murmure ces mots dans l'obscurité, sachant que, quelque part, chacun d'eux se prépare déjà.
Horikita Suzune. La logique incarnée, implacable et déterminée. Elle est la colonne vertébrale de cette classe, capable de rallier même les esprits les plus récalcitrants. Elle ne fléchit jamais, et face à Ohona, elle sera un mur inébranlable.
Hirata Yosuke. Le cœur de la classe. Là où Horikita apporte la structure, Hirata apporte l'unité. Il sait écouter, comprendre, et apaiser les tensions. C'est lui qui maintiendra la cohésion, empêchant les trahisons de se propager.
Chiaki. Discrète mais perspicace. Elle voit ce que d'autres ne remarquent pas. Son rôle sera d'observer les moindres détails, de repérer les fissures avant qu'elles ne deviennent des failles.
Yinghua. Calme, stratégique, presque froide. Elle agit avec une précision redoutable, et je sais qu'elle saura quand frapper et où frapper pour faire basculer une situation en notre faveur.
Igor. La force brute, mais pas seulement. Sous ses airs imposants, il cache une intelligence tactique que peu soupçonnent. Il sera là pour protéger, mais aussi pour surprendre.
Sakura. La patience incarnée. Elle attendra son moment, et quand le temps viendra, elle frappera avec une efficacité déconcertante.
Sudō. L'impulsif. Beaucoup le sous-estiment, mais sous sa colère se cache une loyauté indéfectible. Et cette loyauté, dirigée avec soin, peut devenir une arme redoutable.
Kushida. Un serpent dans l'ombre. Sa capacité à manipuler et à influencer les autres sera essentielle. Je sais qu'elle cache des secrets, mais pour l'instant, ces secrets jouent en ma faveur.
Hishida. Le stratège silencieux. Il ne parle pas beaucoup, mais chaque mot qu'il prononce est calculé. Il sera l'un des pivots invisibles de cette opération.
Tokito. La sœur de Hishida, une énigme à elle seule. Ses yeux multicolores voient au-delà de ce que les autres perçoivent. Elle a prédit mon avenir, et je lui fais confiance pour être là au moment critique.
Et enfin... Okita.
Mon arme la plus imprévisible. Inspirée d'un autre temps, d'une autre époque, elle est à la fois force et finesse. Elle ne suit aucune règle, si ce n'est la sienne, et c'est exactement ce dont nous avons besoin.
Je me redresse, mes pensées se recentrant.
Ils sont prêts. Ils doivent l'être.
Je me lève, traversant la salle vide et sortant dans le couloir silencieux. L'académie est endormie, mais moi, je suis éveillé.
Ohona pense qu'elle peut me briser. Taro pense qu'il peut me surpasser.
Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que cette classe, ma classe, ne tombera ni dans mon piège, ni dans le leur.
Parce qu'ils ont quelque chose que ni Ohona ni Taro ne peuvent contrôler : une volonté commune.
Je m'arrête devant une fenêtre, regardant les étoiles scintiller dans le ciel noir.
- À vous de jouer, murmuré-je une dernière fois.
Et maintenant, le jeu commence vraiment.
Le couloir est silencieux, mais mes pensées sont tout sauf calmes. Chaque pièce est en place, chaque mouvement calculé. Et pourtant, il y a toujours une variable que personne ne peut ignorer.
Kiyotaka.
Je m'appuie contre le mur, les bras croisés, le regard fixé sur l'obscurité au bout du couloir. Il est peut-être celui qui joue le moins sur le devant de la scène, mais c'est précisément là où réside sa force.
En ce moment même, il s'occupe de la publication du secret d'Ichinose. Un secret qui pourrait briser n'importe qui d'autre. Mais pas Ichinose.
Ohona le sait, et elle ne laissera pas passer une telle opportunité.
Je visualise le scénario dans ma tête : elle utilisera cette information pour déstabiliser la classe C. Ou, si elle préfère ne pas se salir les mains, elle enverra Ryuen le faire à sa place. Ce genre de travail lui convient parfaitement : brut, direct, efficace.
Mais c'est là que réside l'ironie.
Ohona ne voit que la surface, la destruction immédiate d'une classe rivale. Ce qu'elle ne comprend pas, c'est que Kiyotaka joue un jeu beaucoup plus profond.
Il sait exactement ce qu'il fait en exposant Ichinose.
Cette humiliation publique ? Ce n'est pas une fin. C'est un début.
Il pousse Ichinose à faire ce qu'elle aurait dû faire depuis longtemps : révéler la vérité à sa classe. Se débarrasser du mensonge. Se libérer de ce poids.
Et quand elle le fera, la classe C ne se brisera pas. Elle se solidifiera.
Je me détache du mur, mes pas lents et mesurés résonnant dans le couloir vide.
Ohona et Ryuen verront cela comme une victoire. Une classe affaiblie, des alliances brisées.
Mais c'est une illusion.
La classe C, sous la direction d'Ichinose, deviendra plus forte. Et cette force, cette unité retrouvée, signifiera la fin de leur alliance avec nous, la classe A.
Ils penseront que nous avons perdu un allié crucial.
Je souris légèrement.
- Et ils auront raison...
Mais seulement en apparence.
Car dans l'ombre, Kiyotaka façonne une nouvelle dynamique. Une classe C indépendante, forte, capable de rivaliser avec n'importe qui.
Je m'arrête devant une fenêtre, le reflet des étoiles scintillant dans mes yeux.
- En se concentrant sur moi, ils ont tous oublié la perfection de cet enfoiré d'Atsuomi.
Atsuomi, le père de Kiyotaka. L'homme qui a conçu cette perfection froide et calculatrice.
Même moi, avec toutes mes stratégies et mes plans, je reconnais que Kiyotaka est d'une autre nature.
Il ne se contente pas de jouer au jeu. Il est le jeu.
Je le laisse agir, je lui fais confiance.
Parce que pendant qu'Ohona, Ryuen, et même Taro me ciblent, ils ignorent qu'un autre joueur est en train de redéfinir les règles.
Et quand ils s'en rendront compte... il sera déjà trop tard.
Je me détourne de la fenêtre, prêt à retourner à mes propres préparatifs.
La partie continue, et chaque pièce avance selon son rôle.
Mais au centre de l'échiquier, invisible à tous, Kiyotaka Atsuomi façonne l'issue.
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