33 - Le poids d'une décision

Cinquième jour.

Le camp est silencieux, à peine perturbé par le bruissement des feuilles et le murmure lointain de la mer. Depuis le matin, une tension s'est installée, palpable, presque étouffante. L'épreuve touche à sa fin, mais l'endurance physique et mentale de chacun est mise à rude épreuve.

Je sens la fatigue peser lourdement sur mon corps, chaque mouvement devient une épreuve en soi. Mon corps me trahit, mais ma volonté tient bon.

Horikita, elle, ne tient plus. Son état empire à vue d'œil, son visage est pâle, ses gestes plus lents, son regard plus absent. Elle lutte pour tenir debout, mais son corps ne suit plus.

Et pourtant, je tiens mieux qu'elle. Pas parce que je suis invincible, mais parce que j'ai appris à ignorer la douleur, à la dominer.

- Wilfried, il faut que tu te reposes, murmure Okita à mes côtés.

Je secoue la tête, refusant.

- Pas encore. On doit tenir. Il ne reste que quelques heures.

Mais elle sait, tout comme moi, que c'est une question de temps avant que mon corps cède. La tension, le manque de sommeil, la faim, tout s'accumule.

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Sixième jour.

Le soleil commence à décliner à l'horizon, laissant présager la fin de l'épreuve. Encore quelques heures. Juste quelques heures à tenir. Mais chaque minute devient une éternité.

C'est à ce moment qu'Okita s'approche de moi, son regard déterminé, mais voilé d'inquiétude.

- Wilfried, commence-t-elle d'une voix douce mais ferme. Tu viens avec moi. Maintenant.

Je la regarde, surpris.

- Quoi ? Pourquoi ?

Elle inspire profondément avant de répondre :

- Je vais t'emmener à l'infirmerie.

Les mots tombent comme un couperet.

- Tu sais ce que ça signifie, Okita.

Elle hoche la tête.

- Oui, je le sais. Si tu abandonnes, c'est 50 points en moins.

Je serre les poings, résistant à l'idée de laisser ma classe perdre des points précieux.

- Je peux encore tenir.

Elle me fixe, son regard insistant.

- Non, Wilfried. Tu ne peux plus.

Un silence s'installe.

Puis elle ajoute :

- Kiyotaka a déjà envoyé Suzune à l'infirmerie. Elle n'en pouvait plus.

Je fronce les sourcils. C'est déjà 100 points de perdus.

- Ça fait 150 points en moins si je pars, dis-je, ma voix basse et tendue.

Okita prend une grande inspiration, comme si elle se préparait à annoncer quelque chose de plus lourd encore.

- Je vais aussi abandonner.

Mes yeux se fixent sur elle, incrédules.

- Quoi ?!

Elle hoche la tête, déterminée.

- Cela fera 200 points en moins. Mais c'est la décision de la classe.

Je reste silencieux, les mots peinant à trouver leur chemin.

- Pendant que tu étais occupé à gérer les derniers détails, continue-t-elle, j'ai parlé à tout le monde. Je leur ai dit que tu n'allais pas bien.

Je la regarde, choqué.

- Ils ont décidé que ta santé était plus importante que cette épreuve.

Mon esprit analyse chaque détail, chaque possibilité. Ils ont pris cette décision... sans moi.

- Hishida était d'accord, ajoute Okita. Il a convaincu Hirata. Et Igor, Chiaki, Yinghua...

Elle marque une pause, puis conclut :

- Ils ont pensé à la survie de leur leader.

Je prends une profonde inspiration, luttant contre le mélange de colère et de gratitude qui monte en moi.

- Et Kiyotaka ? demandé-je.

Elle sourit légèrement.

- Kiyotaka a dit que nous aurions des bonus pour compenser. Et que perdre 200 points maintenant vaut mieux que de te perdre toi pour toujours.

Ses mots résonnent en moi. La logique est implacable.

Elle me regarde avec une intensité rare.

- Wilfried, mieux vaut que tu sois out pour deux mois que pour la vie entière.

Je baisse les yeux, réfléchissant.

- Et surtout, ajoute-t-elle, je refuse que tu tombes à cause de moi.

Je relève les yeux, croisant son regard. Elle sait. Elle sait qu'elle a été l'adversaire qui m'a poussé à mes limites.

Un silence lourd s'installe entre nous. Mais c'est un silence d'acceptation.

Finalement, je hoche la tête.

- Très bien. J'accepte.

Okita esquisse un léger sourire, soulagée.

- Merci.

Je ferme les yeux un instant, laissant la tension s'échapper de mes épaules.

- Je serai patient, murmuré-je. Et je reviendrai plus fort.

Elle sourit à nouveau, plus chaleureusement cette fois.

- Je n'en doute pas.

Elle m'aide à me lever, et ensemble, nous nous dirigeons vers l'infirmerie. L'épreuve de survie touche à sa fin pour nous, mais la vraie bataille... ne fait que commencer.

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Je suis allongé à l'infirmerie, le regard fixé sur le plafond blanc et silencieux. La lumière crue des néons éclaire la pièce d'une froideur qui n'a rien de réconfortant. À mes côtés, Okita est assise, fidèle, ses yeux rivés sur moi. Elle ne dit rien, mais je sais qu'elle pense à tout ce qui vient de se passer.

Le médecin a été catégorique.

- Repos obligatoire. Deux mois minimum.

Août et septembre. Deux mois loin des épreuves, loin de la compétition, loin du rythme effréné de cette école.

Je laisse échapper un soupir. Je savais que mon corps était à bout, que ce moment viendrait tôt ou tard. Mais entendre cette sentence... c'est différent.

- Deux mois, hein ? murmuré-je à voix basse.

Okita acquiesce doucement, mais son regard reste sombre. Elle aussi savait que cela arriverait, mais l'accepter n'est jamais facile.

- Tu as fait ce que tu devais faire, Wilfried.

Je hoche la tête sans conviction.

Puis, je remarque quelque chose. Une mèche de mes cheveux noirs a pris une teinte blanche.

Je l'observe, sans surprise.

- Ça commence...

Okita penche la tête, intriguée.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Je passe une main dans mes cheveux, observant les mèches blanches qui commencent à apparaître.

- Tout ce que j'ai vécu pendant mes quinze premières années... ça devait finir par laisser une trace.

Elle reste silencieuse, m'écoutant attentivement.

- Je savais que ça arriverait un jour. Ces cheveux blancs sont la conséquence de tout ça.

Elle fronce les sourcils.

- Tu t'y attendais ?

Je souris légèrement.

- Oui. Et ce n'est pas fini.

Je lève les yeux vers le plafond.

- En octobre, quand j'aurai seize ans, ce corps, cette vie... tout aura changé. Ce que je deviendrai aura le décuple de l'expérience que j'ai maintenant.

Okita me regarde avec attention, ses yeux cherchant à comprendre.

- Le décuple ?

Je hoche la tête.

- Si on devait comparer... c'est comme si je vivais l'expérience de quelqu'un qui aurait survécu 160 ans.

Un silence s'installe. Je sais que cette perspective semble irréelle.

- Tu connais Mathusalem ? demandé-je soudainement.

Elle hoche la tête.

- Le plus vieux des hommes avant sa mort. 969 ans.

Je souris.

- Exact. Et moi, comparé à lui, je suis insignifiant.

Elle secoue la tête.

- Ce n'est pas insignifiant, Wilfried. Chaque expérience compte, peu importe la durée de la vie.

Je reste silencieux, réfléchissant à ses paroles.

---

Le médecin revient, vérifie rapidement mes constantes, puis quitte la pièce en silence. Quelques instants plus tard, Okita me tend une feuille.

- Les résultats sont tombés.

Je prends le papier, mes yeux parcourant rapidement le classement final.

Classement de l'épreuve de survie :

4e place : Classe D - 0 points

3e place : Classe A - 120 points

2e place : Classe B - 140 points

1re place : Classe C - 460 points

Je souris.

- 460 points. Pas mal.

Okita s'installe plus confortablement sur sa chaise.

- C'était risqué. On a perdu 200 points avec les abandons.

Je hoche la tête.

- Oui, mais c'était un pari qui valait la peine.

Je fais le calcul mentalement, une dernière fois.

- 90 points pour l'entretien des matériels. 120 pour la gestion des spots. Et 150 pour avoir démasqué trois leaders.

Je lève les yeux vers elle.

- C'était prévu. Kiyotaka avait tout anticipé.

Elle sourit légèrement.

- Et les 100 points restants, même après les abandons... ça prouve que le pari était calculé.

Je repose la feuille, croisant les bras derrière ma tête.

- Ce qui donne 460 points au total.

Un silence s'installe. Puis je reprends, un sourire en coin :

- Hishida et Kiyotaka vont dire que c'était le plan de Horikita.

Okita rit doucement.

- Et les autres de la classe n'y comprendront rien.

Je souris.

- Exactement. Mais moi, je sais.

Elle me regarde, intriguée.

- Quoi ?

Je me tourne vers elle, mes yeux brillants d'une lueur malicieuse.

- C'était notre plan. Et on a gagné.

Elle sourit, satisfaite.

- Oui, Wilfried. On a gagné.

Et ce n'est que le début.

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