31 - Les problèmes commencent.
Point de vue de Wilfried
Le retour au camp ne se fait pas en toute discrétion. Okita me porte sur son dos, avançant avec une détermination silencieuse. Mon corps épuisé est pourtant léger pour elle. À chaque pas, je sens la tension dans ses muscles, mais elle ne faiblit pas. Nous traversons le dernier bosquet, et enfin, le camp de la classe C apparaît devant nous.
Quelques regards se tournent immédiatement dans notre direction. Les moins futés ou ceux dont les pensées sont branchées sur des romances inutiles commencent à se faire des idées. Des murmures s’élèvent. "Ils sont proches, non ?”
"C’est pas la première fois qu’ils sont ensemble comme ça.”
"Tu crois qu’ils… ?"
Je descends doucement du dos d’Okita, laissant apparaître un léger sourire. Autant les laisser croire ce qu’ils veulent. Un peu de désinformation ne fait jamais de mal. Je croise le regard de Hirata, toujours impeccable et attentif. Lui, il sait que ce n’est pas de la romance, mais de la logistique. Il hoche légèrement la tête, me saluant. Horikita est à quelques pas derrière lui, les bras croisés, le regard déjà focalisé sur la prochaine étape. Elle ne perd jamais de vue l’objectif.
— Wilfried, Okita, vous êtes à l’heure.
Je réponds d’un signe de tête en avançant vers le centre du camp où nous avons installé une zone de réunion. La nuit commence à tomber, et les lumières portables créent une ambiance feutrée. Tokito et Hishida sont déjà là. Deux figures fascinantes, pour des raisons très différentes.
Hishida… je l’appelle Fantômas. Ce type est un mystère. Sa véritable personnalité ? Un visage triste, mélancolique, comme s’il portait le poids du monde sur ses épaules. Mais ce n’est pas ce que les autres voient. Non, devant eux, il joue l’extraverti, le gars décontracté et amical. Un masque parfaitement ajusté. Mais moi, je vois à travers. Il ne peut pas me tromper.
À côté de lui, Tokito. Cette fille fait flipper. Son regard est perçant, comme si elle pouvait lire dans l’âme des gens. Elle ne parle presque jamais, mais quand elle le fait, c’est toujours pour dire quelque chose de pertinent, précis… et souvent dérangeant. Un silence qui menace de devenir une arme.
Les leaders sont tous présents : Hirata, Horikita, Okita, et… Kiyotaka Ayanokouji. L’éminence grise de notre classe. Lui aussi porte un masque, mais c’est différent. Kiyotaka joue les élèves normaux, discrets, mais derrière cette façade se cache une intelligence froide et calculatrice. S’il est ici, c’est parce que Chabashira-sensei lui a mis la pression. Elle lui a menti, prétendant pouvoir entrer en contact avec son père, Atsuomi Ayanokouji. Ce chantage l’a contraint à participer à la stratégie de la classe. Il est notre atout caché, même s’il préfère rester dans l’ombre.
Nous prenons place autour de la table improvisée. Les rapports commencent. Okita et moi détaillons les informations recueillies sur les leaders des autres classes.
— Classe D : Ryuen Kakeru. Aucun doute. Tyran un jour, tyran toujours. Il contrôle sa classe d’une main de fer.
— Classe A : Totsuka Yahiko. Ce n’est pas Katsuragi qui dirige cette fois, mais son bras droit. Cela confirme notre hypothèse.
— Classe B : Shiranami Chihiro. Merci à Okita pour avoir démasqué la leader. Une stratégie discrète, mais efficace.
Horikita écoute attentivement, ses doigts tapotant doucement sur la table. Hirata prend des notes, toujours méthodique. Tokito reste silencieuse, mais son regard scrute chaque détail.
Ensuite, nous passons en revue notre situation matérielle.
— Tout est en ordre.
Les spots d’occupation sont gérés avec une précision digne d’une banque suisse. Chaque emplacement est sécurisé et renouvelé à temps. Nous avons évité les pénalités majeures, et l’appel du soir a été respecté. Presque.
— Koenji a fait du Koenji, soupire Hirata, exaspéré.
Il n’a pas respecté les règles et a pris un emplacement d’une autre classe sans autorisation. Résultat : 50 points de pénalité.
— Il nous reste 250 points S, annonce Hirata avec calme.
Un silence s’installe. Premier jour, et déjà des pertes. Ce n’est pas dramatique, mais c’est un rappel que chaque erreur compte.
— Et ce n’est que le début, murmure Okita à mes côtés.
Je croise son regard. Elle sait. Nous avons encore beaucoup à faire, et chaque décision devra être calculée au millimètre près. Mais je suis prêt. Nous sommes prêts. La classe C ne tombera pas. Pas tant que je serai ici.
Le deuxième jour commence avec une tension palpable. Le soleil à peine levé, nous devons déjà nous déplacer vers un nouveau spot pour sécuriser des points supplémentaires. Chacun est concentré, conscient que chaque étape est une pièce du puzzle de notre survie.
Je sens quelque chose. Une intuition qui siffle à mes oreilles comme un avertissement. Le calme apparent de la forêt dissimule une menace. Une attaque d’animaux. Ça ne peut pas être une coïncidence.
— Igor, Sudo, vous restez avec les autres, ordonné-je. Vous êtes les plus costauds. Si ça dégénère, vous serez ceux qui protégeront la classe.
Ils acquiescent sans discuter. Sudo serre les poings, prêt à en découdre, mais il sait que cette fois, ce n’est pas son rôle. Ce n’est pas un combat pour eux.
Je pars seul.
Ma dague à la main, je m’enfonce dans la forêt dense, chaque pas calculé. L’air est lourd, chargé d’une énergie sauvage. Mon cœur bat fort, mais pas par peur. Par anticipation. Je sais que je vais devoir les affronter. Et les tuer.
Le silence se brise derrière moi. Des feuilles froissées, un souffle discret… Je ne suis pas seul.
— Tu ne pouvais pas t’empêcher de me suivre, hein ? dis-je sans me retourner.
Okita sort de l’ombre, calme, son visage impassible. Mais ce n’est pas ça qui me frappe. Non, c’est l’arme qu’elle tient dans ses mains.
Un sabre japonais.
Je cligne des yeux. Un sabre ? D’où elle sort ça ? Puis, un déclic. Son nom. Okita. Comme Okita Sōji, le célèbre capitaine du Shinsengumi.
— Évidemment que tu aurais un sabre, murmuré-je avec un sourire en coin. Ça te va parfaitement.
Elle hoche la tête, une lueur d’amusement passant brièvement dans ses yeux.
— Tu pensais vraiment que j’allais te laisser faire ça seul ? me lance-t-elle. Il est hors de question que tu te battes sans moi.
Je hausse les épaules. Deux valent mieux qu’un.
Surtout quand il s’agit d’animaux enragés.
Un grondement retentit devant nous, brisant définitivement le calme de la forêt. Les buissons s’agitent, des silhouettes sombres se faufilent entre les troncs d’arbres. Loups, sangliers, et même quelques chiens sauvages. Leur regard est fou, animé par une rage incontrôlable. Quelqu’un ou quelque chose les a poussés à attaquer.
— On dirait qu’ils ont choisi le mauvais jour, souffle Okita en dégainant son sabre d’un mouvement fluide.
Je tiens fermement ma dague, le regard fixé sur la meute.
— Tu es prête ?
— Toujours.
Ils chargent. La forêt devient un champ de bataille.
Je me jette en avant, esquivant de justesse les crocs d’un loup qui bondit. Ma dague plonge dans son flanc, et il s’effondre avec un gémissement. Pas de pitié. Pas d’hésitation.
À mes côtés, Okita danse avec son sabre, tranchant l’air et les chairs avec une précision mortelle. Chaque coup est un art, un mouvement maîtrisé. Un sanglier tente de l’attaquer par le flanc, mais elle pivote, et en un éclair, le sabre s’abat, mettant fin à sa charge.
— Impressionnant, murmuré-je en coupant la gorge d’un autre loup.
Elle ne répond pas. Pas besoin. Nous sommes synchronisés. Deux prédateurs affrontant une meute enragée.
La forêt elle-même semble retenir son souffle. Les arbres tremblent sous l’impact des corps qui tombent, des branches brisées. Le sol est rouge, imbibé du sang des bêtes. Nous détruisons tout sur notre passage.
Un dernier loup s’élance, ses yeux brillants de rage. Je bondis, mais Okita est plus rapide. Son sabre chante une dernière fois, et la bête s’effondre dans un dernier râle.
Le silence revient. Le chaos est terminé.
Je me redresse, essuyant le sang sur ma dague, puis je regarde autour de nous. La forêt a souffert. Les arbres portent les marques de notre affrontement, le sol est jonché de cadavres. Un champ de ruines.
— Ils n’avaient aucune chance, dis-je en rangeant ma dague.
Okita essuie son sabre avec un morceau de tissu, toujours calme.
— La forêt non plus, ajoute-t-elle avec un léger sourire.
Nous échangeons un regard. Un mélange de satisfaction et de respect mutuel.
— On retourne au camp ?
Elle hoche la tête, mais son regard reste fixé sur l'horizon, là où la forêt retrouve un semblant de calme.
— Oui, dit-elle d’une voix posée. Mais tu devrais te reposer.
Je ris doucement, un rire bref, presque amer. Se reposer ? Ce mot n’existe pas dans mon vocabulaire en ce moment.
— Je vais bien, Okita. Ne t’inquiète pas.
Elle me dévisage, sceptique. Son regard perce, cherchant à lire au-delà de mes mots, comme si elle savait que je mens.
— Tu as beau être fort, Wilfried, murmure-t-elle. Tu n’es pas invincible.
Je serre la dague dans ma main, le métal froid contre ma paume me rappelant que je suis encore debout, encore en état de me battre.
— Je sais. Mais je ne peux pas me permettre de m’arrêter. Pas maintenant.
Un silence s’installe, seulement brisé par le bruissement des feuilles sous nos pas alors que nous reprenons la route.
— Alors, je veillerai sur toi, déclare-t-elle finalement, son ton calme mais résolu.
Je tourne la tête vers elle, surpris par la sincérité de ses mots.
— Veiller sur moi ? demandé-je avec un sourire en coin. Depuis quand fais-tu ça ?
Elle hausse les épaules, l’ombre d’un sourire jouant sur ses lèvres.
— Depuis toujours, tu ne l’as juste jamais remarqué.
Cette fois, je ne réponds pas. Son sérieux me désarme.
Nous marchons côte à côte, chacun plongé dans ses pensées. La forêt, malgré le carnage, semble plus apaisée. Comme si elle respectait notre victoire.
Le camp est en vue, les premières silhouettes de nos camarades visibles à travers les arbres. Certains guettent notre retour avec une certaine inquiétude.
— Prêt à affronter les regards curieux ? demande Okita.
Je souris, malgré la fatigue qui pèse sur mes épaules.
— Toujours.
Nous franchissons ensemble la lisière de la forêt, prêts à faire face à ce qui nous attend. Le deuxième jour ne fait que commencer.
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