24 - Memento Vitæ
Point de vue de Shomegaku Okita
La discussion avec Wilfried résonne encore en moi comme un coup de tonnerre. Chaque mot qu'il a prononcé, chaque regard glacial qu'il m'a lancé, a laissé une empreinte indélébile. Ses paroles n'étaient pas simplement des réponses, elles étaient des murs érigés autour de lui, des barrières infranchissables qu'il refuse obstinément d'ouvrir.
Je l'ai vu partir, son dos droit, sa démarche assurée, comme s'il avait tout compris, tout réglé. Mais ce qu'il n'a pas vu - ou ce qu'il a choisi d'ignorer - c'est le poids que ses mots ont eu sur moi. Pourtant, ce poids n'est pas celui d'une défaite. Non, il est différent. Il est celui d'une révélation.
Wilfried croit que la lumière est une faiblesse, une utopie qui n'a pas sa place dans ce monde impitoyable. Pour lui, vivre, c'est survivre, et tout ce qui dépasse cette froide logique est inutile, voire dangereux. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il se trompe. Pas seulement pour les autres, mais surtout pour lui-même.
---
L'après-duel : un silence brisé
Depuis la dissolution d'Akirame, je me suis éloignée des affaires de la classe. Je n'avais pas le choix. Ma défaite face à Wilfried a marqué la fin de tout ce que j'avais construit. Les élèves qui m'avaient suivie ont compris que mon idéalisme ne pouvait pas rivaliser avec le pragmatisme brut de Meitanjo. Ils se sont dispersés, certains rejoignant la faction de Wilfried, d'autres choisissant une neutralité prudente.
Au début, j'ai vécu cette dissolution comme une trahison. Comment pouvaient-ils abandonner aussi vite ? Mais avec le recul, je vois que ce n'était pas de l'abandon. C'était une évolution. Mes actions ont semé quelque chose, même si ce n'était pas exactement ce que j'espérais.
La classe D est plus forte maintenant. Plus unie. Et ironiquement, cette cohésion doit beaucoup à Wilfried. Mais je ne peux pas ignorer la froideur qui émane de lui, cette manière qu'il a de tout calculer, de tout réduire à une lutte pour la survie.
Alors, après notre discussion, je me retrouve face à un choix. Dois-je continuer à le confronter, à essayer de lui montrer qu'il existe une autre voie ? Ou dois-je accepter que certains chemins ne se croisent jamais vraiment ?
---
Les ténèbres et la lumière : une question d'équilibre
Je passe la nuit suivante à réfléchir, assise près de la fenêtre de ma chambre. La lune éclaire doucement la pièce, projetant des ombres sur les murs. Ces ombres me rappellent Wilfried. Il est comme ces zones obscures, toujours là, insaisissable, mais impossible à ignorer.
Pourquoi suis-je aussi obsédée par lui ?
Je soupire, fermant les yeux un instant. Ce n'est pas de l'obsession. C'est autre chose. Wilfried est la preuve vivante que la lumière et les ténèbres ne sont pas opposées, mais interdépendantes. Il refuse de l'admettre, mais c'est pourtant vrai. Son pragmatisme, aussi brutal soit-il, ne peut exister sans l'espoir qu'il combat. De la même manière, ma lumière ne peut briller que parce qu'elle est mise à l'épreuve par l'obscurité qu'il incarne.
Je pense à ses derniers mots. "La lumière est une faiblesse." Il a tort. La faiblesse n'est pas d'essayer de changer les choses. La faiblesse, c'est de ne rien tenter, de rester enfermé dans des certitudes immuables.
---
Une décision : reprendre le contrôle
Au matin, je me rends dans la salle commune de la classe. Les élèves me regardent, certains avec curiosité, d'autres avec prudence. Mon absence prolongée n'a pas été ignorée, et je sais que beaucoup se demandent ce que je vais faire maintenant.
Je croise les regards de quelques anciens membres d'Akirame. Certains me sourient timidement, d'autres baissent les yeux. Je leur rends leur sourire, légère, mais déterminée. Ce n'est pas le moment de leur montrer mes doutes.
Au fond de la salle, je vois Chiaki et Igor, assis avec d'autres membres de Meitanjo. Leur posture est détendue, mais leurs yeux me scrutent avec attention. Je sais qu'ils me considèrent comme une variable qu'ils ne peuvent pas encore cerner.
Parfait.
Je ne suis pas là pour les affronter, ni pour les rejoindre. Je suis là pour montrer que ma lumière n'a pas été éteinte.
---
Un moment de vulnérabilité : Asahina
Alors que je quitte la salle commune, je tombe sur Asahina. Elle est appuyée contre un mur, les bras croisés, un sourire énigmatique sur les lèvres.
- Alors, Okita, tu es enfin sortie de l'ombre ?
Je m'arrête, surprise par son ton moqueur mais pas hostile. Asahina est une énigme. Toujours en retrait, toujours observatrice, mais rarement impliquée. Pourtant, elle semble savoir des choses que personne d'autre ne voit.
- Peut-être, dis-je prudemment. Mais ce n'est pas vraiment mon style.
Elle rit doucement, un éclat presque mélodieux qui tranche avec l'atmosphère lourde de l'académie.
- Tu es intéressante, ajoute-t-elle. Tu essaies de te battre contre des forces qui te dépassent, mais tu refuses d'abandonner. C'est courageux. Ou peut-être juste stupide.
Je fronce les sourcils, mais son sourire me désarme.
- Et toi ? Tu es juste là pour regarder ?
Son sourire s'élargit légèrement, mais elle ne répond pas. À la place, elle me fixe un moment avant de lâcher :
- Fais attention, Okita. Wilfried n'est pas le seul à vivre dans les ténèbres.
Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle s'éloigne, me laissant seule avec cette étrange mise en garde.
---
Le besoin d'agir : un retour à la lumière
Cette rencontre avec Asahina me pousse à réfléchir encore plus profondément. Si Wilfried n'est pas le seul à vivre dans les ténèbres, alors peut-être que ma lumière doit s'adresser à d'autres. Je ne peux pas me concentrer uniquement sur lui.
Les jours suivants, je décide d'agir. Pas en créant une nouvelle faction, mais en me réinvestissant dans la classe. Je parle aux élèves, j'écoute leurs problèmes, j'essaie de leur montrer que la solidarité peut encore exister, même dans ce système impitoyable.
Et à ma grande surprise, ça fonctionne.
Certains élèves commencent à venir me voir spontanément. Ils me demandent des conseils, cherchent mon avis sur des stratégies, ou simplement veulent discuter. Ce n'est pas une révolution, mais c'est un début.
---
Un dernier regard vers Wilfried
Un soir, je le croise à nouveau, seul cette fois. Il est assis sur un banc, le regard perdu dans un carnet qu'il semble étudier. Je m'arrête à quelques mètres de lui, hésitant un instant.
Je pourrais aller lui parler. Lui dire que je ne suis pas partie, que je n'ai pas abandonné. Mais je décide de ne pas le faire. Pas cette fois.
Il finit par lever les yeux, et nos regards se croisent brièvement. Je lis quelque chose dans ses yeux, un mélange de surprise et de curiosité. Mais il ne dit rien, et moi non plus.
Je tourne les talons et m'éloigne, le cœur plus léger.
Il ne s'agit plus de le sauver.
Il s'agit de continuer à vivre, à briller, quoi qu'il arrive.
Memento Vitæ.
Souviens-toi de vivre.
Et c'est ce que je ferai.
---
L'appel survient en fin de soirée, alors que je range des dossiers dans ma chambre. Mon téléphone vibre doucement sur le bureau, affichant un numéro inconnu. Hésitante, je décroche.
- Okita Shomegaku, dis-je d'un ton neutre.
Un silence glacé s'installe, suivi par une voix que je reconnais immédiatement : Atsuomi.
- Tu as été plus utile que je ne l'espérais, commence-t-il, son ton froid et détaché. Plus utile pour le pousser à choisir les ténèbres que pour le sauver et lui faire goûter à la lumière.
Mon souffle se coupe, mais je ne réponds pas.
- Il est insauvable. Et ce, grâce à toi.
Un clic résonne, suivi du silence d'un appel raccroché.
---
La révélation : tout était là depuis le début
Je reste immobile, le téléphone toujours dans ma main, comme si le poids de ses paroles m'avait pétrifiée. Les mots d'Atsuomi tournent en boucle dans ma tête, m'assaillant sans relâche.
"Il est insauvable. Et ce, grâce à toi."
Puis, une cascade de souvenirs s'abat sur moi.
Je revois Wilfried, ses yeux froids et calculateurs, ses gestes précis, ses mots d'une clarté impitoyable. Chaque décision qu'il a prise, chaque mouvement sur l'échiquier de notre duel, chaque échange entre nous. Tout était là, visible, mais je refusais de le voir.
Les ténèbres dont il parle, celles qu'il revendique comme sa force, ne sont pas des ténèbres au sens abstrait. Elles sont sa philosophie de survie, forgée dans un environnement où tout n'était qu'hostilité.
---
Le don de Wilfried : la survie comme arme
Je m'effondre sur ma chaise, réalisant l'ampleur de mon erreur. Depuis le début, Wilfried ne s'est jamais caché. Il n'a jamais prétendu être autre chose que ce qu'il est : un survivant. Mais j'ai voulu voir autre chose en lui, une lumière qu'il ne réclamait pas, qu'il n'a jamais désirée.
Sa philosophie de survie n'est pas une faiblesse. C'est une arme. Pas seulement une arme parmi d'autres, mais son arme de prédilection.
Je voulais lui offrir une lumière qui, je le réalise maintenant, n'était jamais la mienne. Elle était celle d'Atsuomi, une lumière manipulée, corrompue, destinée à le briser encore plus profondément.
Et moi, j'ai été le pion parfait pour cette manipulation.
---
Le passé revisité : l'ombre de la White Room
Tout prend un sens, comme si un voile tombait brusquement.
Au collège, je me souviens maintenant à quel point Wilfried était distant, réservé. Mais à l'époque, je ne voyais que sa solitude, et j'ai voulu l'aider. Pourtant, mes efforts étaient maladroits, dictés davantage par mon propre besoin de le comprendre que par une véritable empathie.
Je n'avais pas encore éveillé mon don à cette époque, cet étrange talent d'empathie qui me permet aujourd'hui de capter les émotions des autres. Et même lorsque ce don s'est manifesté plus tard, je n'ai jamais pu vraiment déchiffrer Wilfried.
Les rares fois où j'ai perçu quelque chose en lui, je l'ai interprété à travers le prisme de mes propres objectifs. Je pensais que ses émotions étaient liées à son besoin d'échapper à sa souffrance, à une quête de lumière. Mais ce n'était pas ça. Ce n'a jamais été ça.
---
La lumière manipulée : un piège parfait
La lumière que j'ai voulu lui apporter n'était pas une lueur d'espoir. C'était un outil, une illusion soigneusement orchestrée par Atsuomi et la White Room.
Ils savaient que j'étais proche de Wilfried, plus proche que quiconque ne l'avait jamais été. Ils savaient que mes intentions, bien qu'honnêtes, pouvaient être détournées pour servir leurs propres desseins.
En voulant le sauver, j'ai fait exactement ce qu'ils voulaient. J'ai exposé ses failles, j'ai renforcé ses barrières, j'ai prouvé que même ceux qui prétendent vouloir l'aider finissent par être une menace.
---
Trop tard : un goût amer de regret
Mes mains tremblent alors que je pose mon téléphone sur la table. Les mots d'Atsuomi continuent de résonner dans ma tête.
"Il est insauvable."
Non. Ce n'est pas ça. Il n'est pas insauvable. Mais il ne peut être sauvé qu'à sa manière, par ses propres moyens. Et moi, j'ai échoué à comprendre ça.
Je pensais que mon empathie, mon désir de l'aider, suffiraient. Mais je ne l'ai jamais vraiment compris.
Je voulais l'amener à voir la lumière, mais cette lumière n'a fait que renforcer son attachement aux ténèbres.
---
La décision : vivre avec l'échec
Je ne sais pas combien de temps je reste là, immobile, dans ma chambre. Les souvenirs, les regrets, les révélations tourbillonnent en moi, un chaos que je ne peux pas apaiser.
Mais une chose est claire : je ne peux pas changer ce qui a été fait.
Wilfried continuera de marcher dans les ténèbres. Peut-être qu'un jour, il trouvera un équilibre entre ces ténèbres et une lumière qu'il aura choisie lui-même. Mais ce ne sera pas grâce à moi.
---
Le futur : avancer malgré tout
Je me lève enfin, décidée à ne plus me laisser submerger par la culpabilité.
Je ne pourrai pas changer le passé, mais je peux encore agir sur l'avenir. Peut-être que je ne pourrai pas aider Wilfried directement, mais je peux aider d'autres personnes à ne pas se perdre comme lui.
Memento Vitæ. Souviens-toi de vivre.
C'est une leçon que je dois aussi apprendre pour moi-même.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top