23 - Mettre les poings sur les i

La chaleur de juillet s’abat sur l’académie comme une chape de plomb, transformant chaque recoin de l’école en un four étouffant. Les journées s’étirent, mais le temps semble pourtant s’accélérer. Nous sommes déjà à la mi-juillet, et je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine urgence. Quinze jours avant août. Quinze jours avant que le rythme change avec les vacances, et surtout, avant l’examen spécial prévu sur l’île.

Le programme que j’ai entre les mains est clair : ce ne sera pas une simple évaluation académique. Ce sera un test physique, psychologique et stratégique. En lisant les détails, je comprends que ce sera une épreuve où les alliances et les trahisons seront plus cruciales que jamais. C’est un terrain fertile pour des factions comme Meitanjo… mais aussi un piège mortel pour ceux qui ne s’y préparent pas correctement.

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Un bilan nécessaire

En l’espace d’un mois, bien des choses ont changé. Akirame, la faction fondée par Okita, n’existe plus. Sa dissolution était inévitable après la défaite symbolique qu’elle a subie lors de notre duel. Sans la pression de Meitanjo à contrer, sa raison d’être s’est effondrée. Mais contrairement à ce que j’aurais pu penser, cela n’a pas plongé la classe D dans le chaos.

Okita, malgré sa défaite, a semé des graines positives. Grâce à ses efforts, plusieurs élèves ont commencé à changer, à adopter une vision plus collaborative. La classe D, autrefois fragmentée et désorganisée, est désormais plus unie, plus forte. L’impact de ce changement est visible : les notes remontent, la cohésion augmente, et l’énergie générale est différente. Si nous continuons sur cette lancée, nous pourrions dépasser la classe C d’ici quelques mois.

Meitanjo, de son côté, reste fidèle à sa philosophie pragmatique. Nous survivons dans cet environnement impitoyable, mais une nuance a été ajoutée. Ce n’est pas une faiblesse, mais un ajustement nécessaire : notre survie ne doit pas écraser ceux qui ne nous menacent pas. Pas question de devenir les tyrans de cette classe.

Chiaki, Igor, Yinghua et moi avons convenu que les anciens membres d’Akirame ne sont plus des adversaires. Au contraire, leur énergie et leur détermination peuvent être des atouts pour nous tous. Le passé reste derrière nous, et le regard est tourné vers l’avenir.

Mais il reste une ombre au tableau : Okita Shomegaku.

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L’initiative

Depuis notre duel, je n’ai pas échangé un seul mot avec elle. Je l’ai vue dans les couloirs, dans les cours, et lors des réunions de classe. Mais elle m’évite, et je n’ai pas cherché à briser cette distance. Jusqu’à maintenant.

Je ne sais pas exactement pourquoi je décide d’aller lui parler. Peut-être parce que quelque chose en moi refuse de laisser les choses telles qu’elles sont. Peut-être parce qu’elle mérite au moins une explication, ou des réponses à des questions qu’elle n’a pas osé poser. Ou peut-être, simplement, parce qu’un dialogue est nécessaire pour tourner la page définitivement.

Je la trouve assise seule sous un arbre dans le parc, un livre à la main. Le vent agite doucement ses cheveux, et son expression est calme, concentrée. Elle semble plus paisible qu’avant, mais il y a toujours une trace de mélancolie dans son regard.

Je m’approche lentement, et elle lève les yeux en entendant mes pas. Un éclair de surprise traverse son visage, suivi d’une méfiance qu’elle ne cherche même pas à cacher.

— Wilfried, dit-elle doucement, presque comme une constatation. Je ne pensais pas que tu viendrais me voir.

Je m’assieds à une distance raisonnable, gardant mon ton neutre.

— J’imagine que moi non plus. Mais je pense qu’on doit parler.

Elle referme son livre, le posant sur ses genoux. Elle me fixe avec une intensité nouvelle, comme si elle cherchait à déchiffrer mes intentions.

— Parler ? Après tout ce qui s’est passé, tu veux vraiment discuter ?

Son ton n’est pas hostile, mais il est chargé d’émotions contenues. Elle est blessée, et c’est évident. Mais elle est aussi plus forte qu’avant, et ça, je ne peux pas l’ignorer.

— Oui, parler, dis-je calmement. Pas pour justifier ce qui s’est passé, ni pour rouvrir de vieilles blessures. Juste pour clarifier les choses.

Elle reste silencieuse un instant, puis hoche la tête, m’invitant à continuer.

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Un échange direct

— Okita, je sais que ce duel t’a coûté cher, et je ne parle pas seulement de la dissolution d’Akirame. Ce que je veux que tu comprennes, c’est que ce n’était pas qu’une question de pouvoir ou de contrôle. C’était une question de survie. Pour moi, pour Meitanjo… c’était le seul choix.

Elle serre les poings, ses yeux fixant le sol.

— La survie… c’est toujours ta seule réponse, hein ? Mais tu ne vois pas ce que tu as sacrifié pour ça, Wilfried. Tu ne vois pas ce que tu as laissé derrière toi.

Je fronce légèrement les sourcils, mais je garde mon calme.

— Tu parles de quoi exactement ?

Elle relève la tête, son regard brûlant de frustration.

— De toi. De ce que tu es vraiment. Tu dis que tu as fait ça pour survivre, mais à quel prix ? Tu t’es enfermé dans ces ténèbres, dans cette logique froide et calculatrice, et tu refuses de laisser quiconque te tendre la main. Même maintenant, tu es ici pour “clarifier”, mais pas pour vraiment écouter.

Ses mots me frappent plus que je ne veux l’admettre. Elle a raison sur un point : je ne suis pas ici pour m’ouvrir. Je suis ici pour conclure. Mais je ne peux pas laisser cette discussion dévier.

— Okita, dis-je d’une voix plus ferme, tu sais mieux que quiconque que ce monde n’est pas fait pour les idéaux. La lumière que tu prônes, elle a peut-être inspiré certains, mais elle ne les sauvera pas. Elle ne sauvera personne.

Elle sourit tristement, secouant la tête.

— Peut-être. Mais au moins, elle leur donne une raison de se battre. Une raison d’espérer. Toi, tu as tout réduit à un calcul, à une lutte pour le pouvoir. Et peut-être que c’est pour ça que tu es encore là. Mais est-ce vraiment vivre, Wilfried ? Ou juste survivre ?

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Les vérités du passé et de l’avenir

Je reste silencieux. Ses mots résonnent, mais je ne peux pas me permettre de les laisser m’atteindre. Pas complètement. Pas tant que la White Room et Atsuomi existent. Ils sont la véritable menace, l’ennemi que je ne peux ignorer. Si je baisse ma garde, si je commence à croire en ces idéaux lumineux, ils auront gagné. Et je serai détruit.

— Tu ne comprends pas, Okita. Tant que la White Room et Atsuomi existent, la lumière est une faiblesse. La seule issue pour ceux qui suivent ta voie, c’est la mort. Je ne peux pas me permettre ça. Pas maintenant. Pas jamais.

Elle me fixe, choquée par la froideur de mes paroles. Mais au lieu de se détourner, elle soutient mon regard, déterminée.

— Peut-être que tu as raison. Peut-être que je ne comprends pas tout. Mais je refuse de croire que c’est la seule voie. Tu dis que la lumière est une faiblesse, mais je pense qu’elle peut être une force. Si on se bat ensemble, si on trouve un équilibre…

Je secoue la tête, coupant ses paroles.

— L’équilibre n’existe pas. Pas ici. Pas dans ce monde. Toi, tu peux croire en ça, et peut-être que ça t’aidera à avancer. Mais moi, je ne peux pas. Je ne veux pas.

Elle semble sur le point de répondre, mais elle se ravise. Un silence s’installe, lourd et chargé de tension.

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Une fin, ou un début ?

Finalement, elle se lève, son livre toujours à la main. Elle me regarde une dernière fois, son expression plus douce, mais toujours marquée par une certaine tristesse.

— Je ne te sauverai pas, Wilfried. Je l’ai compris. Mais j’espère qu’un jour, tu verras qu’il y a autre chose que ces ténèbres. Que tu peux être plus que ça.

Elle tourne les talons et s’éloigne, me laissant seul sous l’arbre. Je reste là un moment, réfléchissant à ses mots. Une partie de moi veut les rejeter, les ignorer. Mais une autre partie, infime mais présente, se demande si elle a raison.

Je prends une profonde inspiration et me relève. Il y a trop de choses en jeu pour que je me perde dans ces réflexions. Meitanjo a encore un long chemin à parcourir, et l’examen spécial approche. Si la classe D veut atteindre le sommet, il faudra que je reste concentré.

Mais alors que je m’éloigne, une pensée refuse de me quitter. Okita a peut-être perdu le duel, mais elle n’a pas perdu sa foi. Elle continue de croire en quelque chose que je ne peux pas comprendre, ou que je ne veux pas comprendre.

Je me demande : pourquoi cette idée m’obsède-t-elle autant ? Est-ce parce qu’elle représente ce que j’ai rejeté il y a longtemps ? Ou parce qu’elle ose croire qu’un autre chemin est possible, là où moi je vois des murs infranchissables ?

La vérité, que je refuse de m’avouer, est peut-être plus simple : malgré tout ce que je dis, malgré tout ce que je fais, une infime part de moi envie cette lumière qu’elle incarne. Mais dans ce monde, les envieux n’ont pas leur place. Seuls les calculateurs survivent.

Je secoue la tête, chassant cette idée de mon esprit. Je ne peux pas me permettre de flancher maintenant. La survie de Meitanjo, de la classe D et, par extension, la mienne, repose sur une ligne claire : avancer, toujours, sans jamais se retourner. Ceux qui regardent en arrière finissent dévorés.

Le vent souffle légèrement alors que je retourne à mes responsabilités. Dans quinze jours, les vacances d’août commenceront, mais le véritable test sera à la fin du mois, sur cette fameuse île. Un environnement inconnu, des règles encore floues, et une classe D qui, malgré ses progrès, est encore loin de la perfection. Tout repose sur notre capacité à rester unis et pragmatiques.

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Le pragmatisme au cœur de la stratégie

De retour à la salle commune de Meitanjo, je retrouve Chiaki, Igor, et Yinghua. Les trois m’attendent avec un mélange d’impatience et de curiosité. Ils savent que je suis allé voir Okita, même si aucun d’eux ne pose de questions directement.

— Des nouvelles ? demande Igor, rompant finalement le silence.

Je secoue la tête.

— Rien qui change nos plans, dis-je d’un ton neutre. Elle est… fidèle à elle-même. Mais cela ne nous concerne plus. Nous avons d’autres priorités.

Chiaki fronce légèrement les sourcils. Elle est toujours celle qui doute le plus, celle qui remet mes décisions en question sans jamais aller trop loin.

— Tu es sûr que c’est réglé ? demande-t-elle, son ton prudent. Les anciens d’Akirame… ils nous respectent maintenant, mais si Okita décide de revenir en force, cela pourrait poser problème.

Je croise les bras, réfléchissant un instant avant de répondre.

— Si elle revient, elle sera différente. Plus forte, peut-être. Mais ce ne sera pas pour demain. Pour l’instant, elle se concentre sur elle-même. Et honnêtement, c’est une bonne chose pour la classe.

Yinghua hoche la tête, appuyant mes paroles.

— Alors nous restons sur notre stratégie. Préparation pour l’île, consolidation de nos forces, et neutralité vis-à-vis des autres groupes. Si nous restons unis, ils ne pourront rien contre nous.

J’acquiesce, satisfait. Les priorités sont claires : exploiter nos forces tout en minimisant nos faiblesses. La classe D est enfin en train de se transformer en une unité cohérente, et Meitanjo reste son pilier. Mais au fond de moi, je ne peux m’empêcher de me demander : est-ce suffisant ? Et, surtout, est-ce la bonne voie ?

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Préparer l’avenir

Les jours qui suivent se déroulent dans une routine presque mécanique. Les cours, les discussions stratégiques, et les réunions de classe s’enchaînent. Chaque interaction est une opportunité d’évaluer les forces et faiblesses de chacun, d’anticiper les prochains défis. L’examen sur l’île approche rapidement, et je passe mes soirées à analyser le peu d’informations disponibles.

L’île sera un test de survie. Gestion des ressources, endurance, et surtout, stratégie. Les règles restent encore vagues, mais une chose est certaine : seules les classes capables de coopérer tout en écrasant les autres pourront en tirer profit. Une parfaite métaphore de cette académie.

Un soir, alors que je termine de rédiger mes plans, Chiaki reste en arrière. Elle me fixe, hésitante, avant de finalement parler.

— Wilfried… tu penses encore à elle, n’est-ce pas ?

Je lève les yeux vers elle, surpris par la question. Mais je ne réponds pas immédiatement.

— Je ne peux pas me permettre d’y penser, dis-je finalement. Ce qui est fait est fait. Elle a choisi sa voie, et j’ai choisi la mienne.

Elle s’avance légèrement, croisant les bras.

— Peut-être. Mais tu sais aussi bien que moi que ce duel n’a pas tout réglé. Pas pour elle, et pas pour toi non plus.

Je ne réponds pas, mais ses mots me hantent alors qu’elle quitte la pièce. Peut-être qu’elle a raison. Peut-être que cette histoire avec Okita n’est pas terminée. Mais pour l’instant, je n’ai pas le luxe d’y réfléchir davantage.

Le mois de juillet s’achève bientôt, et avec lui, une période de transition cruciale. L’île nous attend, et avec elle, un nouveau champ de bataille. Si la lumière d’Okita doit briller à nouveau, ce sera à elle de trouver son chemin. Moi, je reste dans l’ombre, là où je me sens en sécurité.

Pour l’instant.

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