21 - Duel d'échecs - Une solide discussion
La chaleur de juin m’enveloppe alors que je marche tranquillement vers l’appartement. Mes pensées vagabondent, mêlant satisfaction et planification. Avec 70 000 000 de points privés, je n’ai pour l’instant dépensé que le strict nécessaire. Ce capital représente bien plus qu’une réserve : c’est une assurance pour ma survie dans cet environnement aussi compétitif que dangereux.
Je viens de quitter les membres de Meitanjo : Igor, Yinghua, Hirata, Chiaki, et la majorité silencieuse. Leur confiance me réchauffe un instant, avant que mon esprit ne s’égare à nouveau vers les menaces qui m’entourent.
C’est alors que je vois une silhouette familière : Arisu Sakayanagi, délicate et imposante à la fois, vacillant légèrement sur un chemin en pente. Mon réflexe est immédiat : je lui tends la main avant qu’elle ne tombe.
Elle me fixe de son regard perçant, un sourire au coin des lèvres.
— Merci, Okoda-san. Vous avez de bons réflexes.
— Une habitude, dis-je simplement, prêt à continuer mon chemin.
Mais elle n’en a pas fini.
— Puisque nous sommes ici, que diriez-vous d’un duel ? Un duel d’échecs, bien sûr.
Je lève un sourcil.
— Je ne sais pas jouer aux échecs.
Elle ricane doucement, une moquerie à peine voilée.
— Vraiment ? Vous voulez dire qu’un stratège tel que vous ne maîtrise pas les échecs ? Je n’y crois pas une seconde. Allons-y.
Elle ne me laisse pas refuser et m’entraîne vers une salle vide où un échiquier nous attend, chaque pièce en position.
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21 parties : 21 matchs nuls
Le silence règne, seulement brisé par le bruit des pièces déplacées. Partie après partie, nous jouons. 21 parties. À chaque fois, le résultat est le même : match nul.
Je sens son irritation croître. Arisu n’est pas le genre de personne à supporter une impasse prolongée. À la 21ᵉ partie, elle se penche en arrière et me dévisage longuement.
— Vous forcez le match nul, n’est-ce pas ?
Je me contente de sourire légèrement, laissant planer le doute.
— Pourquoi ? Vous jouez mieux que vous ne le laissez paraître.
Je pose la pièce que je tiens, un fou noir, et croise son regard.
— Je n’ai jamais menti, Sakayanagi-san. Je vous ai dit que je ne savais pas jouer aux échecs.
Elle fronce les sourcils, confuse.
— Et pourtant, vous me tenez tête !
Je hausse les épaules.
— Si vous me compariez à un champion du monde, mon niveau est de zéro sur cent. Ce n’est pas de l’humilité, c’est la vérité. Je ne joue pas pour gagner. Je joue pour survivre.
Elle me regarde, cherchant un double sens à mes paroles, mais je me lève, prêt à partir.
— À la prochaine, Sakayanagi-san.
Elle sourit légèrement, bien que son irritation ne soit pas totalement dissipée.
— Vous êtes intéressant, Okoda-san.
Alors que je m’éloigne, une silhouette familière surgit de l’ombre : Youka Tokito. Elle marche lentement, ses longs cheveux blancs reflétant la lumière des lampadaires. Son air curieux et presque enfantin pourrait tromper n’importe qui, mais pas moi.
Cette fille me met mal à l’aise. Ce n’est pas son apparence, ni même son attitude. C’est ce qu’elle représente. Son don.
— Que fais-tu ici, Tokito-san ? Où est Hishida ?
Elle me fixe avec une nonchalance presque inquiétante.
— Je voulais te voir, seule à seul.
Ses paroles me mettent en alerte. Je l’invite dans un endroit tranquille, mais public. Pas question de l’emmener chez moi. Je ne suis pas idiot, et encore moins imprudent.
Assis à une table isolée, je l’observe.
— Que veux-tu ?
Elle penche légèrement la tête, un sourire énigmatique aux lèvres.
— Tu sais, Wilfried, ce que tu as fait pour sortir de la White Room n’a rien de banal.
Mon cœur rate un battement, mais je ne montre rien.
— La White Room ? Tu parles comme si tu savais quelque chose.
— Je sais beaucoup de choses. Sur toi, sur ton passé, sur ton futur.
Mon regard se durcit.
— Et que veux-tu dire par « mon futur » ?
Elle hausse les épaules, jouant avec une mèche de ses cheveux.
— Tu es un survivant. Mais ton monde, cette bulle de survie que tu as construite, est fragile. Ceux qui te menacent ne reculeront devant rien. Tu le sais.
Je serre les poings sous la table, mais je garde un ton neutre.
— Pourquoi me dis-tu tout ça ?
Elle penche la tête, me fixant avec une intensité dérangeante.
— Peut-être que je veux t’aider. Ou peut-être que je veux voir ce que tu feras.
Son sourire s’élargit, et je sens un frisson parcourir mon échine.
Youka Tokito. Une alliée potentielle, mais aussi une menace à ne jamais sous-estimer. Son don est plus dangereux que je ne l’imaginais.
Assis sur le canapé de cet endroit Tokito et Hishida face à moi, je m'efforce de rester détendu malgré la tension palpable dans l'air. Le poids de la conversation à venir m’écrase presque, mais je ne laisse rien transparaître. Tokito, avec son calme et son regard perçant, me fixe d’un air interrogateur, attendant ma réponse. Je pourrais presque sentir les rouages de son esprit tourner à toute allure, analysant chaque micro-expression, chaque hésitation.
Je croise mes bras et me redresse légèrement.
— Tokito, je te respecte. Toi et ton frère êtes des alliés précieux, et je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi. Mais... je refuse.
Elle arque un sourcil, surprise par ma réponse directe. Hishida reste silencieux, observant la scène comme un spectateur prudent.
— Pourquoi ? demande-t-elle simplement.
Je prends une profonde inspiration et décide de poser mes cartes sur la table.
— Il y a trois raisons principales à mon refus. Et je vais être honnête avec toi, parce que tu le mérites.
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Raison 1 : L'intégrité
— Premièrement, je n’aime pas me servir des capacités des autres. Surtout pas des tiennes. Ton don, Tokito, est exceptionnel, presque effrayant, et je sais que si Hishida n’était pas là pour t’ancrer, les conséquences pourraient être désastreuses. Je ne veux pas être celui qui vous sépare.
Je vois son regard vaciller légèrement. Une fraction de seconde seulement, mais je la perçois. Elle comprend l'implication.
— Vous êtes un duo inséparable, et je n'ai pas l'intention de briser ça pour mon propre intérêt.
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Raison 2 : La survie personnelle
— Deuxièmement, ma survie... C’est un combat que je veux mener seul, avec mes propres armes. Pas par arrogance, mais par équité. Si j’acceptais ton aide, ce serait une victoire à moitié méritée. Meitanjo est une exception parce que chacun dans ce groupe a choisi de me suivre, en toute connaissance de cause. Mais toi, Tokito ? Toi, tu as déjà assez de pouvoir pour écraser n'importe qui. Ce serait de la triche pure et simple.
Ses lèvres se plissent légèrement. Elle sait que je ne mens pas, mais elle n’aime pas entendre cette vérité.
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Raison 3 : La menace d'Okita
— Et enfin, la raison la plus importante : ta capacité. Elle pourrait me faire tomber à tout moment, tout comme celle d’Okita. Tant qu’Okita ne sera pas vaincue, je ne ferai absolument rien qui pourrait valider son illusion.
Je me lève, marchant lentement vers la fenêtre pour regarder la vue nocturne.
— Cette illusion qu’elle peut me sauver... Tokito, je ne veux rien faire qui lui donnerait raison.
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Un poids moral
Je me retourne pour croiser son regard, un sourire triste sur les lèvres.
— Tokito, tu sais qui je suis. Je ne me bats pas pour dominer, mais pour survivre. Et dans ce combat, j'ai réduit et écrasé des menaces à ma survie sans aucune pitié. La majorité de ceux qui se sont dressés contre moi ont fini par se briser : certains ont mis fin à leurs jours, d'autres mènent une vie misérable.
Ma voix se fait plus douce, presque murmurée.
— Mais je ne veux pas ça pour toi. Ni pour Hishida.
Je m’avance vers elle, posant doucement une main sur sa tête.
— Merci pour ton aide. Merci pour ton offre. Mais je ne tomberai pas sous ton charme, Tokito.
Je caresse tendrement ses cheveux, ressentant une chaleur étrange dans ce geste, avant de retirer ma main et de m’éloigner.
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Le départ
Je récupère ma veste et me dirige vers la porte. Tokito ne dit rien, mais je sens son regard suivre chacun de mes mouvements.
— Si tu veux toujours m’aider, fais-le à ta manière. Mais ne te mets pas en danger pour moi, d’accord ?
Je lui adresse un dernier sourire, puis quitte l’appartement, laissant derrière moi une ambiance lourde et silencieuse.
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Dans la rue, je respire profondément. La nuit est fraîche, calme, et pourtant mon esprit est en ébullition.
Ils me voient comme un survivant. Un combattant. Peut-être même un monstre. Mais tout ce que je veux, c’est vivre... Juste vivre.
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