18 - Méprise
Le jour s’annonce mouvementé. Alors que je consulte mon solde de points sur mon téléphone, mes yeux s’arrêtent sur le chiffre : 50 000 000. Je cligne des yeux, incrédule. Non, ce n’est pas une erreur.
Bien sûr, je sais pourquoi. Ce n’est ni grâce à mes stratégies dans les méandres de cette académie ni à mes manœuvres dans l’ombre. Non, cette somme est due à mes efforts dans deux domaines : mes performances au club de football et le succès retentissant de mon site de lecture et d’écriture en ligne.
Ah, l’écriture. Peu le savent ici, mais j’étais déjà un auteur prolifique au collège. Des light novels, des poèmes… Rien de grandiose, mais suffisant pour m’attirer une petite base de fans. Alors, pourquoi ne pas capitaliser sur ce talent ?
Dans ce lycée, tout se monnaye en points. Mon site propose des histoires courtes, des récits immersifs, et même des séries à épisodes. Les élèves peuvent payer pour lire, et le tout à des prix accessibles. Mon objectif ? Fournir un contenu de qualité tout en maintenant un équilibre : assez bas pour ne pas exclure ceux qui ont peu de points, mais assez haut pour m’assurer une source de revenus constante.
Pour éviter tout problème, j’ai présenté mon projet au Bureau des Étudiants (BDE). Après examen, ils ont jugé mon contenu légal et acceptable. Manabu Horikita, le président, a même exprimé une certaine admiration pour l’initiative.
Mais Nagumo Miyabi, le vice-président… C’est une autre histoire.
Nagumo, c’est le genre de personne qui suscite une méfiance instinctive. Toujours souriant, mais avec un éclat dans les yeux qui laisse deviner des intentions cachées. Alors, quand j’ai reçu une invitation à dîner de sa part, j’ai immédiatement su que ce n’était pas anodin.
Le message était clair : "Rejoins-moi ce soir. J’ai quelques questions à te poser."
Le restaurant est l’un de ces lieux exclusifs de l’académie, réservé aux élèves avec des moyens conséquents. En entrant, je repère immédiatement la table où Nagumo est installé.
Ce qui m’interpelle, ce sont ses invités. Nazuna Asahina, l’une de ses alliées les plus fidèles, est là, assise à sa droite. Et à sa gauche… Shomegaku Okita.
Intéressant.
Je m’approche calmement et prends place à la table. Nagumo m’accueille avec un sourire trop large pour être sincère.
— Bienvenue, Okoda, dit-il d’un ton affable. Merci d’avoir accepté mon invitation.
Je réponds par un sourire poli.
— Ce serait malpoli de refuser une invitation aussi… intrigante.
Asahina me dévisage avec une curiosité mal dissimulée, tandis qu’Okita reste impassible, son regard analysant chacun de mes mouvements.
Nagumo commence par des banalités, évoquant mon site, mes performances au club de football, et même mes résultats académiques. Je réponds avec justesse, sans trop en dévoiler.
Mais très vite, il entre dans le vif du sujet.
— Ton site de lecture en ligne est impressionnant, admet-il. Tu as réussi à captiver une grande partie de l’académie. Mais dis-moi, Okoda, n’as-tu jamais envisagé d’élargir ton audience ?
Je hausse un sourcil.
— Vous voulez dire… hors du cadre du lycée ?
Nagumo hoche la tête.
— Exactement. Avec un contenu de cette qualité, tu pourrais atteindre un public beaucoup plus large. Imagine les bénéfices.
Je prends un moment pour réfléchir, même si la réponse est déjà claire dans mon esprit.
— C’est une idée intéressante, concédé-je. Mais je préfère rester concentré sur ma situation actuelle. Ici, tout est sous contrôle. Élargir le projet pourrait introduire des complications inutiles.
Nagumo sourit, mais je vois une lueur d’insatisfaction dans ses yeux.
— Tu as raison, dit-il. Mais parfois, prendre des risques est la clé du succès.
Alors que la conversation s’essouffle, Okita prend la parole, son ton mesuré mais direct.
— Okoda, dit-elle, ton projet est admirable. Mais il y a quelque chose que je me demande.
Je la fixe, attendant qu’elle continue.
— Pourquoi fais-tu tout cela ? Le site, les points, les stratégies… Quel est ton véritable objectif ?
Son regard est perçant, cherchant une faille dans ma façade.
Je souris légèrement.
— Mon objectif ? Survivre, comme toujours. Tout ce que je fais a un seul but : assurer ma place ici, tout en restant fidèle à mes principes.
Okita ne répond pas immédiatement, mais je vois dans ses yeux qu’elle n’est pas satisfaite de cette réponse.
Le reste du dîner se passe sans incident majeur. Nagumo continue de poser des questions, tentant de me déstabiliser, mais je reste sur mes gardes. Asahina, quant à elle, observe en silence, jouant son rôle de soutien fidèle.
Lorsque le dîner touche à sa fin, Nagumo me tend la main.
— Merci pour cette discussion, Okoda. J’espère que nous pourrons travailler ensemble un jour.
Je serre sa main, un sourire calculé sur les lèvres.
— Peut-être. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?
Je quitte le restaurant, sachant que ce n’est pas la dernière fois que je croise le chemin de Nagumo… ou d’Okita.
Après ce dîner, je marche lentement jusqu’à ma chambre, les mains dans les poches et le cerveau en ébullition. Nagumo Miyabi. Ce gars est tout sauf anodin. Son sourire, ses manières, ses questions... tout chez lui crie "manipulateur".
Je sors mon téléphone et organise immédiatement une réunion avec le groupe Meifuka, Hirata, et la majorité silencieuse. Nous devons parler.
Nous nous retrouvons dans une salle discrète, loin des oreilles indiscrètes. Igor, Yinghua, Hirata, et Chiaki sont là en premier, suivis rapidement par le reste de la majorité silencieuse.
Je commence sans détour.
— Bon, il y a un problème, dis-je en regardant chacun d’eux dans les yeux. Nagumo Miyabi essaie de m’avoir.
Igor plisse les yeux, visiblement méfiant.
— "T’avoir" ? Comment ça ?
Je prends une chaise, m’assois, et explique tout : l’invitation au dîner, la présence d’Okita et d’Asahina, et surtout les intentions voilées de Nagumo.
— Il veut m’attirer dans son jeu, expliquai-je. Il cherche à exploiter mon projet de site de lecture pour m’intégrer à son réseau ou, pire encore, pour me détruire si je ne joue pas selon ses règles.
Yinghua fronce les sourcils.
— Pourquoi toi en particulier ?
— Parce que je suis un élément qu’il ne contrôle pas, dis-je calmement. Il voit que je monte en puissance, que je ne dépends de personne, et il veut s’assurer que je ne devienne pas une menace pour lui.
Chiaki hoche la tête, l’air préoccupé.
— Et Okita ? Pourquoi était-elle là ?
Je réfléchis un instant avant de répondre.
— Elle n’a rien fait de particulier pendant le dîner, mais sa présence n’est pas un hasard. Elle a probablement été invitée pour m’observer.
Hirata, toujours réfléchi, prend la parole.
— Il faudra être prudent, dit-il. Nagumo est connu pour être un adversaire redoutable. Mais il est aussi le vice-président du BDE. Aller contre lui pourrait être dangereux.
— Je sais, dis-je. Mais il faut qu’on anticipe ses mouvements.
La majorité silencieuse murmure entre eux, visiblement inquiète. Mais l’un d’eux, un garçon du nom de Shoji, prend la parole.
— Si on travaille ensemble, on peut le contrer, dit-il. Meifuka a déjà prouvé qu’on est capable de surmonter les obstacles.
Je souris légèrement.
— Exactement. Et c’est pour ça que je vous ai réunis. Nagumo n’est qu’un obstacle de plus.
Je me tourne vers Igor.
— Tu vas continuer de surveiller Okita. Elle est la clé de tout ça. Si elle devient trop proche de Nagumo, on devra agir.
— Compris, dit Igor en hochant la tête.
Je me tourne ensuite vers Yinghua.
— Toi, tu vas t’assurer qu’il n’y ait pas de brèches dans nos rangs. Si quelqu’un semble se rapprocher de Nagumo, je veux le savoir.
— Pas de problème, répond-elle avec détermination.
Enfin, je m’adresse à Hirata et Chiaki.
— Vous deux, continuez à maintenir l’équilibre dans la classe. Si Nagumo essaie de nous déstabiliser par des tiers, vous devrez gérer ça.
Hirata acquiesce, tandis que Chiaki sourit légèrement.
— Et toi ? demande-t-elle. Tu vas faire quoi ?
Je réfléchis un instant avant de répondre.
— Je vais jouer selon ses règles, mais à ma manière. S’il veut me manipuler, il va découvrir que je ne suis pas un pion.
La réunion se termine sur une note de confiance, bien que la tension soit palpable. En sortant de la salle, je regarde mes alliés et me rappelle pourquoi nous avons formé Meifuka : survivre, ensemble.
Nagumo veut me détruire ? Très bien. Qu’il essaie. Mais je ne suis pas seul. Et ça, il va vite le comprendre.
Je me promène seul dans les couloirs, mon esprit toujours préoccupé par les implications de ma rencontre avec Nagumo. Les alliances et les pièges se multiplient dans ce lycée. Alors que je tourne à un coin, une silhouette élégante m'intercepte.
Arisu Sakayanagi.
Avec son allure implacable et son regard perçant, elle ne manque jamais de faire une impression. Ce n'est pas une rencontre fortuite, je le devine immédiatement.
— Okoda Wilfried Pascal, dit-elle calmement, sa voix douce mais tranchante.
Je m’arrête, la fixant en silence. Elle s’appuie légèrement sur sa canne, une image de fragilité trompeuse, car je sais qu’elle est tout sauf faible.
— Cela faisait un moment que je voulais te parler, continue-t-elle. Après tout, nous avons plus en commun que tu ne le penses.
Je hausse un sourcil, légèrement intrigué.
— Ah oui ? Et qu’est-ce qui nous lie ?
Son sourire s'élargit, un mélange d'amusement et de défi.
— Le directeur. C’est lui qui t’a envoyé ici, n’est-ce pas ? Parce que tu as échappé à la White Room.
Mon regard reste impassible, mais intérieurement, je suis surpris. Peu de gens savent ce que cette "White Room" représente réellement, encore moins que j’y étais destiné.
— Tu es bien informée, je réponds calmement.
— Naturellement, réplique-t-elle. Mon père dirige cette école, après tout. Il connaît chaque détail sur toi, tout comme moi.
Elle avance de quelques pas, son regard scrutant chaque centimètre de mon visage.
— Et pourtant, te voilà ici, jouant au garçon ordinaire, dit-elle avec un soupçon de sarcasme. Je me demande combien de temps cela va durer.
Je reste silencieux, attendant qu’elle en vienne au fait.
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Un défi refusé
— Je vais être directe, poursuit-elle. J’ai un objectif clair : vaincre Kiyotaka Ayanokōji, le soi-disant génie factice.
Elle marque une pause, guettant ma réaction.
— Mais pour cela, je dois m’assurer que rien ne se mette en travers de ma route. Toi, par exemple.
Je la fixe, mon visage impassible.
— Je ne suis pas intéressé par tes guerres personnelles, dis-je. Je suis ici pour survivre. Rien de plus.
Elle rit doucement, un son cristallin mais chargé d’ironie.
— Tu dis ça, mais tu es loin d’être inactif. Ton petit groupe, Meifuka, commence à faire des vagues. Et puis il y a Shomegaku Okita.
Je serre légèrement les poings à l’entente de ce nom, mais je ne laisse rien paraître.
— Elle risque de devenir un problème, continue Arisu. Tu devrais la vaincre avant qu’elle ne te détruise.
Je la regarde, mon visage toujours inexpressif.
— Tu veux que je détruise Okita ? Pourquoi pas toi ?
Elle sourit légèrement, un éclat de malice dans les yeux.
— Parce que je n’ai pas le don que tu as. Elle te fait confiance, et c’est précisément là où tu peux frapper.
Son sourire s’élargit, mais il s’efface rapidement lorsqu’elle croise mon regard.
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Le regard vide
Je la fixe avec intensité, laissant ma façade habituelle disparaître un instant. Mon regard devient froid, presque vide, comme si j’étais déconnecté du moment.
— Tu me prends pour qui ? dis-je finalement, ma voix calme mais lourde de sens.
Elle cligne des yeux, légèrement décontenancée, mais son sourire revient.
— Intéressant, murmure-t-elle. Très intéressant.
Elle recule légèrement, comme si elle savourait cet échange.
— Tu refuses mon défi, alors ?
— Exactement, dis-je. Je me suis rangé, et je n’ai aucune intention de m’impliquer dans tes jeux.
Elle incline légèrement la tête, comme pour me jauger.
— Très bien, dit-elle finalement. Mais souviens-toi de ceci : il n’y a pas de place pour l’amitié ici. Pas pour des gens comme nous.
Elle tourne les talons et s’éloigne lentement, sa canne frappant le sol à un rythme régulier.
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Une dernière remarque
Alors qu’elle s’éloigne, elle se retourne une dernière fois.
— Mais j’aime bien ton regard, dit-elle avec un sourire énigmatique. Peut-être que tu n’es pas aussi rangé que tu veux le faire croire.
Je reste immobile, la regardant disparaître au loin. Une partie de moi sait qu’elle n’en a pas fini avec moi. Mais une autre partie, plus profonde, s'en moque.
Je veux survivre. Et si cela implique d’ignorer Sakayanagi, alors ainsi soit-il.
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