15 - Enfin

Le mois de décembre commence et la fin du Paper Shuffle a changé l’équilibre des forces à l’école. Les résultats sont tombés comme un choc violent, une onde de choc qui se propage à travers les rangs des élèves. La Classe A, jusqu’alors invincible, a chuté de manière spectaculaire, et la Classe B, menée par Horikita, a pris sa place. Nous avons fini premiers, et le plus ironique dans tout cela, c’est que je n’avais jamais réellement cherché cette position. La Classe A était plus un symbole, une récompense inutile pour des ambitions plus personnelles. Mais pourtant, nous y étions.

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Je regarde les résultats sur l'écran du téléphone, un sourire satisfait s’étend sur mes lèvres. C'est le meilleur cadeau de Noël qu’on puisse offrir à la classe. Nous avons franchi un cap que peu auraient cru possible. En huit mois, la classe D, la plus basse de toutes, est désormais la classe A. Et, pourtant, au fond de moi, je ressens une certaine… ironie.

Hirata, Chiaki, Yinghua, Igor, Sakura, Sudo, Kushida, Okita, et tous les autres membres de notre groupe, ont contribué à ce moment, sans vraiment le savoir. Meitanjo, ce nom que j’ai choisi pour nous, a été fondé pour survivre, et c’est exactement ce que nous avons fait. Nous avons utilisé chaque opportunité, chaque faiblesse, chaque erreur de l’adversaire pour nous élever. Tout était une question de timing et de stratégie. En fondant cette alliance, nous avons anticipé chaque coup.

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La sonnerie de l'école résonne, signalant la fin des cours, et je me dirige vers le couloir où Horikita, Chabashira-sensei, Kiyotaka, Tokito, et les autres attendent. Horikita, avec son regard d’acier, semble satisfaire de notre montée, mais je sais que pour elle, cela signifie beaucoup plus que juste une victoire. C’est une revanche contre ceux qui la considéraient comme trop distante, trop intouchable. Mais nous savons qu’elle est l’âme du changement dans cette classe. Elle a su transformer un groupe de déchets en une équipe cohérente et puissante.

— « Nous l’avons fait. », dit-elle simplement, sa voix marquée par la fierté, mais aussi par une certaine résignation. Elle savait que tout ceci n’était qu’une étape, qu’un échiquier où la victoire était éphémère, et où il fallait déjà penser à la suite.

Je hoche la tête, puis regarde Chabashira-sensei. Elle n’a pas quitté sa position d’observatrice tout au long du processus, mais je sais qu’elle est aussi satisfaite de notre progression. Après tout, cela n’arrive pas tous les jours de voir une classe aussi dévouée atteindre des sommets. Kiyotaka, avec son calme habituel, me lance un regard approbateur. Lui et moi avons joué le jeu de l'ombre, nous avons tiré les ficelles sans que personne ne se rende compte de l’ampleur de la manœuvre. Tokito, quant à lui, me donne une accolade rapide, toujours si spontané, toujours si direct.

Le sourire qui se dessine sur mon visage devient plus large alors que Hishida, un sourire malicieux aux lèvres, se tourne vers Okita.

— « Eh bien, Wilfried. Okita semble te dévorer des yeux. Tu vas pas t’envoler si facilement, hein ? »

Les éclats de rires résonnent autour de nous, mais je me sens parfaitement à ma place. Okita arrive à mes côtés, son regard pétillant de fierté, son sourire contagieux.

— « Tu as vu ? On l’a fait ! C’est vraiment fou, non ? », me dit-elle, son enthousiasme palpable. Elle me pousse doucement en riant, comme si la victoire était un jeu qu’elle venait de gagner.

Je lui réponds en souriant.

— « C’est juste le début, Okita. Juste le début. »

Elle me regarde, un éclat de défi dans les yeux, avant de me dire d’une voix plus basse, presque taquine.

— « Et tu crois que ça va durer ? La Classe A n’est qu’une étape, non ? »

Je réponds d’un simple haussement d’épaule, puis une pensée me traverse l’esprit. Tout ceci n’est que la première phase d’un plan plus vaste. Nous avons gagné, certes, mais le véritable défi réside dans la gestion du pouvoir que nous venons d’acquérir.

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Le mois de décembre débute et la transition est à la fois douce et brutale. Nous, la Classe B, désormais en Classe A, devons naviguer dans cette nouvelle position, avec la conscience que l’ennemi n’est jamais loin. Arisu, qui a chuté en Classe B, a l’air de vouloir chercher une revanche. Ryuen, quant à lui, se relève lentement après sa chute, mais je sais que la guerre psychologique avec lui ne fait que commencer. Il nous observe, attend le moment propice pour frapper.

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Je me tourne vers ma classe, et je vois les visages d’Hirata, Chiaki, Yinghua, Igor, Sakura, et les autres. Une conviction me saisit, quelque chose de fort, un instinct qui me dit que nous avons l’avantage. Oui, la classe A nous a été attribuée, mais c’est dans l’ombre, dans les coulisses, que tout se jouera. Ce pouvoir, cette place, il faut l’utiliser à bon escient. Et je sais exactement ce que je vais faire avec.

Je me tiens devant la porte de son dortoir, le cœur calme mais les pensées tourbillonnant dans ma tête. Arisu… Depuis que notre confrontation a atteint son apogée, je sens que quelque chose en elle a changé. C’est plus qu’une question de victoire ou de défaite. Elle a perdu contre moi, et même si elle ne l’admettra jamais, je sais qu’au fond, elle le ressent. Elle voulait battre Kiyotaka, l’un des plus grands obstacles dans sa quête de pouvoir, et elle croyait que vaincre un adversaire comme moi était la clé pour y parvenir. Mais elle a atteint son plafond. Elle ne peut plus aller plus loin avec ses méthodes actuelles.

Je souffle doucement avant d’entrer, un sourire sincère accroché sur mes lèvres, une façade calme. Ce sourire n’est pas celui d’un adversaire qui savoure sa victoire, mais celui d’un humain qui veut vraiment que la personne devant lui trouve son chemin, même si cela la brise. Parce que je sais qu’elle est incroyable. Elle ne se doute même pas à quel point.

Je m’avance dans la pièce, la regardant. Arisu est assise sur son lit, son regard dur comme l’acier, ses mains crispées. Elle est en guerre avec elle-même. Quand je parle, je parle non pas comme celui qui a gagné, mais comme un observateur, quelqu’un qui a vu ce qui s'est passé à travers un prisme différent.

— « Arisu… », je commence calmement. Elle me fixe sans un mot, l’air suspicieux. Puis je continue.
— « Je ne suis pas venu ici pour te défier ou te rabaisser. Je suis venu parce que je vois quelque chose chez toi, quelque chose que tu ne vois pas toi-même. »

Elle me regarde, perplexe, avant de hausser les épaules, visiblement peu convaincue. Elle pense que je vais encore jouer avec elle. Je vois son regard dur, mais aussi l’incertitude qui s’y cache, dissimulée sous une façade de supériorité.

— « T’es vraiment pathétique, tu sais ? Tu te crois supérieur à tout le monde, mais tu n’as rien compris. », me lance-t-elle, le ton amer.

Je me tiens là, calme, patient, et je réponds d’un sourire calme, sans arrogance, sans rien qui pourrait ressembler à un jugement. Je sais ce qu’elle ressent.

— « Je ne te critique pas, Arisu. Tu es incroyablement forte, mais tu as atteint ton plafond. Je l’ai vu. »

Son regard se durcit encore. Elle se lève d’un coup, s’approchant de moi avec l’intention évidente de me rabaisser, mais je reste immobile, les yeux fixés sur elle.

— « Je t’interdis de dire ça. », dit-elle, sa voix tremblante de colère. Elle s’approche de moi si soudainement que je n’ai pas le temps de réagir, et dans un geste désespéré, elle me prend par le col de ma veste. Son visage est tout près du mien, ses yeux brillant de frustration et de douleur, mais aussi d’une détermination à détruire cette vision que je lui offre d’elle.
— « Tu ne sais rien de ce que j’ai vécu, tu ne sais rien de mes ambitions ! »

Je laisse ma main glisser doucement sur son poignet, mais je n’essaye pas de la repousser. Je la laisse se défouler, sans résister, sans faire d’effort pour la convaincre tout de suite. Je sais que ses mots viennent d’une douleur profonde, d’une rage qu’elle n’a jamais su partager. Mais maintenant, je veux qu’elle comprenne.

Je la prends dans mes bras doucement, presque tendrement. Au début, elle se tend, prête à se dégager, mais je la maintiens sans violence, juste suffisamment fermement pour lui faire comprendre que je ne vais pas la lâcher. Le choc de l’étreinte la fait se figer un instant, avant qu’elle ne se calme peu à peu.

— « Arisu… écoute-moi. Tu es plus forte que ça. Mais ton génie ne pourra pas progresser si tu restes dans cette prison que tu t’es construite. Tu t’es enfermée dans tes ambitions, tes méthodes, ta froideur. Mais la vérité, c’est que tu manques de ce qui te ferait avancer encore plus loin. »

Elle me pousse légèrement, essayant de se libérer, mais je la garde contre moi, la maintenant dans cette position où elle ne peut plus fuir. Elle m’en veut, mais je suis sincère. Je lui dis la vérité, même si elle ne veut pas l’entendre.

— « Tu dois quitter ce lycée, Arisu. Pas pour fuir, mais pour trouver ce qu’il te manque. La chaleur humaine. Ce qui te fera grandir en tant qu’humain. Tu vois, j’ai compris quelque chose. Sans ça, tu ne pourras jamais franchir cette barrière. »

Elle reste là, silencieuse, regardant mes yeux comme si elle essayait de lire entre les lignes, comme si elle voulait découvrir si je me moque d’elle ou si je suis sincère. Elle ne répond pas tout de suite, mais je sais qu’elle m’entend. Elle lutte avec l’idée même d’accepter ce que je viens de lui dire.

Je relâche doucement mon étreinte, mais je continue de la regarder droit dans les yeux.

— « Tu peux continuer à chercher à vaincre Kiyotaka, à essayer de tout contrôler, mais au fond, tu sais que ce ne sera jamais assez. Si tu veux réellement avancer, si tu veux être libre de toute cette pression, tu dois te libérer de cette cage mentale. »

Elle baisse la tête, les bras tombant le long de son corps. Je sais qu’elle ne va pas me répondre tout de suite. Mais elle sait que ce que je viens de dire est vrai, même si elle refuse de l’admettre. Elle est piégée dans ses propres attentes.

— « Tu penses que je devrais partir. », dit-elle enfin, une pointe de doute dans sa voix.
— « Oui. » Je réponds d’un ton serein. « Mais réfléchis bien avant de décider. »

Je la lâche enfin et me tourne pour partir. Avant que je ne franchisse la porte, je me tourne une dernière fois vers elle.

— « Si un jour tu veux réellement battre Kiyotaka, tu y arriveras peut-être un jour. Mais tu dois d’abord te libérer de tout ça. »

Je quitte la pièce sans un mot de plus, laissant Arisu seule avec ses pensées. Je sais qu’elle prendra du temps pour réfléchir, mais au moins, elle saura que je suis sincère. Elle a le potentiel d’aller bien plus loin, mais elle doit d’abord se libérer de sa propre cage.

Point de vue de Arisu

Je me tiens immobile dans ma chambre, le cœur encore battant sous l'effet de la rage. Il était là, devant moi, calme et inébranlable, avec ce sourire insupportable, ce regard perçant qui semblait voir à travers moi. Wilfried. Cet homme qui, malgré tout, a réussi à faire tomber ma classe, à ébranler mes plans. Je déteste ce sourire. Pas parce qu'il est suffisant, mais parce qu'il est… sincère. Et ça me rend folle.

Il a osé venir ici, dans mon espace, et me dire que j'avais atteint un plafond. Un plafond ? Moi ? Je suis Arisu Sakayanagi. Depuis toujours, je suis au sommet. Personne ne m’a jamais défiée à ce point sans subir les conséquences. Je l’ai pris par le col, prête à le faire taire. J’avais tant de choses à lui dire, tant de reproches à lui faire.

— « Tu ne sais rien de moi ! Rien de ce que j’ai vécu, rien de ce que je ressens ! »

Mais il n’a pas cillé. Il n’a pas reculé. Au lieu de ça, il m’a… pris dans ses bras. Je n’ai pas su comment réagir. Personne n’a jamais fait ça. Jamais.

Je voulais le repousser, mais quelque chose dans son étreinte m’a figée. Pas de moquerie. Pas de supériorité. Juste une sincérité désarmante.

— « Arisu… écoute-moi. »

Sa voix résonne encore dans ma tête. Chaque mot s’est gravé comme une lame acérée. Il ne me regardait pas comme une ennemie, mais comme une personne. Quelque chose que je n’ai jamais été pour personne dans ce lycée. Pour eux, je suis la présidente de la classe A, la stratège, l’intouchable. Jamais simplement Arisu.

— « Tu es forte, mais tu es enfermée dans ta propre cage. Ton génie ne progressera plus ici. »

Ces mots… Ils me hantent. Comment peut-il voir si clairement ce que moi-même je refuse d’admettre ? Il a raison. Et c’est ça le plus douloureux. Je le sais. Depuis cette défaite contre lui et la montée de la classe B, je sens que… je stagne.

Il a continué, me parlant de chaleur humaine, de cette idée que je devrais partir d’ici, non pas pour fuir, mais pour grandir ailleurs. Ailleurs. Je ne veux pas partir. Ce lycée est mon terrain de jeu, mon échiquier. C’est ici que je dois prouver ma valeur. Pourtant… il a planté une graine de doute en moi.

Quand il m’a finalement relâchée, j’ai senti un vide. Comme si son étreinte avait brièvement comblé un manque que je ne voulais pas reconnaître. Il m’a regardée une dernière fois avant de partir, et ses derniers mots résonnent encore.

— « Si un jour tu veux réellement battre Kiyotaka, tu y arriveras. Mais d’abord, libère-toi. »

Libérer… de quoi ? De mes ambitions ? De mes méthodes ? De moi-même ? Je reste debout, incapable de bouger, le regard fixé sur la porte qu’il vient de franchir. Il est parti.

Je serre les poings. Je ne peux pas accepter ça. Pas maintenant. Pas après tout ce que j’ai construit. Mais au fond de moi, une petite voix murmure qu’il a raison. Que je me suis enfermée dans cette logique de contrôle, de supériorité, et que peut-être… je suis arrivée à la fin de cette route.

— « Il se trompe. », je murmure, comme pour me convaincre.

Mais la vérité… c’est que je ne suis plus sûre de rien.

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